Gérer les médias sociaux sans gâcher sa vie

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Nelly Leonidis

Par : Nelly Leonidis

Il y a encore quelques semaines, je faisais ce que la plupart d’entre nous avons fait pendant les deux dernières années : en faisant défiler Twitter en quête de n’importe quelle bonne nouvelle par un soir d’hiver neigeux, j’ai remarqué un gazouillis inquiétant. L’autrice exprimait la frustration et la tristesse qu’elle éprouvait à travailler à un contenu constamment attaqué par des groupes qui cherchaient à semer le désordre dans la capitale nationale. « Au moment de fermer ma session aujourd’hui, je suis épuisée », écrivait-elle. Je ressentais la même chose, profondément, parce qu’il n’y a pas longtemps, je gérais des campagnes et des comptes qui traitaient de sujets sérieux et parfois crève-cœur. Mon travail était hautement gratifiant et satisfaisant, mais quand les porteurs de haine se sont manifestés, ils n’y sont pas allés de main morte.

Il y a dix ans, au moment de la formation de la Communauté de pratique des médias sociaux (CPMS), les espaces des médias sociaux et de l’engagement en ligne étaient très différents. Notre enthousiasme nous venait de technologies et de tactiques qui rassemblaient des gens de toutes les couches de la société, animés des mêmes idées. Il valait la peine de passer du temps en ligne, car on y trouvait des pairs avec lesquels on établissait des liens, parce que les experts s’y exprimaient directement et qu’on pouvait y promouvoir des marques en usant d’une voix personnelle. Revenons au présent : la similitude des idées et l’expertise de créneau (que le titre d’expert ait été mérité ou pas) forment des bulles filtrantes qui perturbent nos collectivités et nos sociétés depuis la plus grande partie des six dernières années.

On trouve au cœur de nombre de ces interactions en ligne des praticiens des médias sociaux qui créent des stratégies, publient des contenus, surveillent les environnements publics et entrent en contact direct avec les utilisateurs sur des comptes officiels. Ce sont eux également qui ne peuvent se soustraire au barrage quotidien de vitriol, d’attaques directes et d’incivilité qui, parfois, en vient presque à la cyberintimidation.

Et bien que nous encouragions les gens à partager leurs hauts et leurs bas au travail, nous envisageons rarement le risque que courent les praticiens des médias sociaux du fait de leur exposition répétée au volume intense de négativité en ligne. Cela, de concert avec l’impossibilité de « fermer » les médias sociaux, car il faut respecter ses obligations professionnelles, crée les conditions parfaites de l’épuisement professionnel.

L’épuisement professionnel ne survient pas du jour au lendemain. Il faut des semaines et des mois de stress et d’anxiété qui s’accumulent en soi et commencent à éclipser tout sens du bien que nous éprouvions envers ce que nous faisons, lisons ou voyons en ligne. Cependant, comme l’épuisement professionnel s’installe graduellement, on peut recourir quotidiennement à des pratiques pour prendre soin de soi qui réduisent les effets du stress et de l’anxiété. Ces pratiques, qui ont leur origine au niveau individuel, pourraient donner lieu à des modifications des processus et des pratiques ministérielles, en venant un jour à influencer l’environnement dans lequel nous évoluons.

Les paragraphes qui suivent constituent un échantillon des façons dont nous disposons pour prendre soin de soi dans la gestion des comptes dans les médias sociaux ou n’importe quand dans notre carrière.

1. S’arrêter et « réinitialiser » son corps

Ce que nous lisons en ligne, ce que nous consommons et intériorisons ont sur nous un effet physiologique. C’est pourquoi il importe de prendre des pauses et de scruter notre façon d’être. Votre cœur bat-il trop vite? Votre respiration est-elle superficielle? Le fait de prendre consciemment un moment pour respirer et se relancer aide à ancrer le cerveau dans l’instant présent et permet de rappeler à sa mémoire que cet état est temporaire. Si vous avez de la difficulté à vous recentrer et à voir en vous-même, essayez une minute de respiration encadrée : inspirez pendant quatre secondes, retenez votre souffle pendant quatre secondes, expirez pendant quatre secondes et reposez-vous pendant quatre secondes. Si cela vous semble utile, tracez la forme d’un carré avec vos doigts. Cet exercice aide à calmer le système nerveux et réduit le stress dans le corps.

2. Éloigner son point d’observation de sa situation actuelle et prendre une perspective différente

Nous nous tournons fréquemment vers notre voisinage immédiat pour trouver du soutien lors de périodes difficiles. Prendre soin de soi consiste en partie à reconnaître les limites de ceux qui nous entourent, qui peuvent être surchargés de travail ou ne pas être en mesure d’apporter du soutien, et à chercher de l’aide à l’extérieur. Vous pouvez vous tourner vers des contacts présents dans votre réseau (comme vos pairs de la CPMS), des membres de votre entourage (comme des amis) ou des professionnels (comme des thérapeutes ou des mentors). En parlant de vos difficultés et en changeant votre perspective, vous pouvez voir les problèmes différemment. Au bas mot, cela peut vous aider à vous sentir vu et entendu comme personne. Ces réseaux vitaux gagnent encore en importance quand vous croyez n’avoir plus le temps de vous arrêter pour penser à ce qui vous submerge. Avoir un espace où examiner sans risque ses pensées, ses sentiments, ses inquiétudes et ses préoccupations est essentiel pour prendre soin de soi, même si on a tendance à négliger cet aspect.

3. Puiser dans son environnement immédiat

L’environnement est ce qu’il y a de plus important dans l’actualisation du soin de soi. Il peut, par exemple, présenter des signaux qui nous rappellent qu’il faut nous déconnecter et demander de l’aide quand nous nous sentons écrasés. Cela peut être aussi simple que l’inscription d’un rappel dans son calendrier, de boire de l’eau ou de se lever une fois par heure pour s’étirer. Ou encore, il peut s’agir de créer une routine de fin de journée qui signale au cerveau qu’il est temps de sortir graduellement de cette partie de la journée. Ma routine comprend la rédaction d’une liste des choses à faire le lendemain, le rangement de mon matériel et la sortie de mon espace de travail. Répétée au fil du temps, cette routine de déconnexion de l’espace de travail, qu’il s’agisse de télétravail ou d’un espace partagé, devient plus facile.

4. Donner l’exemple

Il appartient à chacun, quels que soient son expérience ou son titre, de donner l’exemple de la bonne conduite. Nul n’a besoin de permission pour se manifester auprès de ses collègues et de ses supérieurs au travail, ni pour instaurer des limites, comme le respect de ses heures de repos et de sa période quotidienne de dîner. Ces comportements signalent à ceux qui vous entourent qu’un environnement sain et équilibré peut exister à tout niveau et peut influer sur la culture interne au fil du temps. Abby Wambach, joueuse de soccer états-unienne à la retraite, entraîneuse et membre du National Soccer Hall of Fame, appelle cette façon de faire « diriger depuis les lignes de touche ». Il vaut la peine de garder à l’esprit que ces pratiques ne sont pas que pour vous : elles établissent un précédent pour quiconque vous succédera.

5. Modifier le jeu

Quand nous avons commencé à nous servir des médias sociaux en tant que canal de communication, nous avons créé des stratégies fondées sur la compréhension du fait que les utilisateurs souhaitaient un dialogue en ligne sain et respectueux avec les ministères. Nous vous avons conseillé de vous élever au-dessus de la malséance d’un petit groupe de « trolls ». Nous ne reconnaissons pas leur présence et ne leur répondons pas; nous observons plutôt des plans longuement réfléchis, logiques et fondés sur les données. Ce n’est plus un jeu. Au fil des dernières années, des inforobots, des algorithmes prédateurs et des campagnes de haine bien financées ont émergé de tous les coins d’Internet. Aucun réseau social n’a échappé à cette transformation en arme de mésinformation et de désinformation. Si nous voulons continuer de communiquer dans cet espace, nous devons adapter notre approche et nos conseils. La correction de mésinformation peut constituer une part active de notre stratégie et inclure des tactiques comme la révélation active des campagnes coordonnées de désinformation.

Des événements récents, survenus plus généralement au cours des deux dernières années, ont fait ressortir la fragilité de nos collectivités, de nos sociétés et de nos démocraties face à des campagnes incessantes de haine menées en ligne. C’est pourquoi la CPMS ajoute des ressources et des offres qui aideront ses membres à trouver un équilibre et à bâtir sa résilience tandis que les cinq grands de la technologie mettent à jour leurs modalités pour corriger la toxicité et les torts en ligne.


Le présent article repose sur un exposé et une séance Demandez-moi n’importe quoi donnés dans le cadre des journées d’apprentissage du Bureau de la collectivité des communications. Vous pouvez trouver l'enregistrement sur GCpédia ! (sur le réseau du gouvernement du Canada seulement).

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