L’exploitation de la main-d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement mondiales : rapport - Ce que nous avons entendu

Toronto, Vancouver, Ottawa – Mai à juillet 2019

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Préface

Au cours des dernières années, le problème de l’exploitation de la main-d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement mondiales a suscité une attention grandissante à l’échelle internationale et nationale, en particulier avec l’émergence de la pandémie de COVID‑19. Celle‑ci a exacerbé les inégalités sociales et le potentiel d’exploitation de la main‑d’œuvre parmi les populations les plus vulnérables. À l’échelle internationale, cet enjeu a été au cœur des discussions dans les forums internationaux et plusieurs lignes directrices et cadres internationaux ont été élaborés au fil des ans. En outre, de nombreux pays ont adopté ou annoncé des mesures pour lutter contre l’exploitation de la main-d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement, telles que des interdictions d’importation de marchandises produites à l’aide du travail forcé et différentes formes de législation visant les chaînes d’approvisionnement.

À l’échelle nationale, le gouvernement du Canada avait déjà en place des mesures et a proposé, depuis les consultations de 2019, une gamme d’initiatives pertinentes pour lutter contre l’exploitation de la main-d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. En voici des exemples :

  • l’adoption d’une interdiction en vertu du Tarif des douanes d’importer des marchandises produites en tout ou en partie par le travail forcé, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2020;
  • la participation du Canada en tant que partenaire de l’Alliance 8.7, un partenariat mondial visant à éradiquer le travail forcé, l’esclavage moderne, la traite des personnes et le travail des enfants;
  • l’adoption de la Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif (2014) et de la Loi sur l’exportation et l’importation de diamants bruts (2002) afin de mettre en œuvre des obligations de déclaration et de transparence dans le secteur extractif canadien et l’exportation, l’importation et le passage en transit de diamants bruts au Canada;
  • l’instauration de la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes 2019-2024, afin de renforcer la réponse du Canada à la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle ou de travail forcé, de protéger les personnes contre toutes les formes de traite de personnes et les préjudices associés au crime, et de renforcer l’engagement international du Canada à s’attaquer à ce problème à l’échelle mondiale;
  • le lancement d’une évaluation des risques liés à la traite des personnes, au travail forcé et au travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement du gouvernement (février 2021), ainsi qu’une version modernisée du Code de conduite pour les marchés publics pour préciser les attentes pour les fournisseurs en ce qui concerne les droits de la personne et du travail (août 2021), et de nouvelles clauses contractuelles sur le travail forcé et la traite des personnes pour les chaînes d’approvisionnement fédérales (novembre 2021);
  • la négociation de dispositions globales et exécutoires en matière de travail dans les accords de libre-échange, y compris la prestation d’une assistance technique aux pays partenaires;
  • la promotion d’une conduite responsable des entreprises et de l’accès à des recours par l’entremise du point de contact national pour une conduite responsable des entreprises auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques, et de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises; et
  • l’élaboration en cours d’une Stratégie sur la conduite responsable des entreprises (CRE) pour les entreprises canadiennes.

La lettre de mandat du ministre du Travail précise que celui‑ci doit piloter le dépôt d’un projet de loi visant à éliminer le travail forcé des chaînes d’approvisionnement des entreprises canadiennes et à veiller à ce que les entreprises canadiennes qui mènent des activités à l’étranger ne contribuent pas à des violations des droits de la personne. Le ministre de la Sécurité publique, la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement et la ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite entreprise et du Développement économique collaboreront à ces efforts.

Le présent rapport fournit un résumé des consultations menées en 2019 par le gouvernement du Canada sur les mesures possibles pour lutter contre l’exploitation de la main‑d’œuvre, y compris le travail des enfants et le travail forcé, dans les chaînes d’approvisionnement. Ces consultations ont eu lieu en personne au printemps 2019 et dans le cadre d’un sondage en ligne, avant le début de la pandémie de COVID-19. Les résultats de ces consultations éclaireront l’élaboration de la politique en réponse à l’engagement de la lettre de mandat du ministre.

Contexte

En février 2019, le gouvernement du Canada a répondu au rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international intitulé Appel à l’action : Éliminer toutes les formes de travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement. Dans sa réponse, le gouvernement s’est engagé à entreprendre des consultations auprès des Canadiens sur une éventuelle loi concernant les chaînes d’approvisionnement.

Une telle loi exigerait des entreprises qu’elles signalent les violations des droits de la personne ou du droit du travail à n’importe quelle étape de la production de leurs biens et services, ou qu’elles prennent des mesures pour empêcher ces violations. Les lois sur la chaîne d’approvisionnement peuvent réglementer les activités nationales d’une entreprise et toutes les activités qui se déroulent à l’étranger et peuvent s’appliquer aux filiales ou aux fournisseurs.

Entre mai et juillet 2019, le gouvernement du Canada a organisé des tables rondes en personne avec plus de 55 intervenants qui comprenaient :

  • des organismes de la société civile;
  • des organisations d’employeurs;
  • des organismes industriels;
  • des entreprises;
  • des cabinets d’avocats;
  • des universitaires.

Les discussions portaient principalement sur les sujets suivants :

  • le gouvernement du Canada devrait-il adopter une loi pour lutter contre l’exploitation de la main-d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement; et
  • quel devrait être le contenu de cette loi.

Nous avons également communiqué avec des organismes autochtones nationaux pour obtenir leurs points de vue sur cette question.

Avant les tables rondes, nous avons transmis aux participants un document de travail qui expliquait l’enjeu et posait les questions suivantes :

  • À l’heure actuelle, qu’est-ce qui empêche les entreprises et les autres intervenants de savoir si les chaînes d’approvisionnement sont exemptes d’exploitation de la main-d’œuvre?
  • Comment le Canada peut-il s’attaquer le mieux possible aux problèmes d’exploitation de la main‑d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement mondiales? Quel devrait être le rôle du gouvernement du Canada?
  • Si le gouvernement du Canada envisage d’adopter une loi concernant la chaîne d’approvisionnement, quels devraient être l’objectif et la portée de cette loi?

Le terme « exploitation de la main-d’œuvre » a été utilisé aux fins de cette consultation afin d’englober l’éventail des questions qui pourraient être abordées dans le cadre d’une législation future, notamment le travail des enfants. En effet, dans la pratique, il peut être difficile de déceler le travail des enfants et de le distinguer d’autres sévices et atteintes aux droits de la personne, y compris le travail forcé et la traite des personnes.

Nous avons également publié un sondage en ligne sur le site Web Consultations auprès des Canadiens du gouvernement du Canada. Nous avons reçu plus de 120 réponses au sondage, provenant des répondants suivants :

  • organismes de la société civile;
  • organisations d’employeurs organisations industrielles;
  • entreprises;
  • organisations internationales;
  • organisations syndicales;
  • organismes autochtones nationaux;
  • cabinets d’avocats;
  • universitaires; et
  • membres du public.

Il s’agit d’un résumé des commentaires que nous avons reçus des intervenants et du public, tant en personne qu’en ligne. Nous avons regroupé les commentaires en trois thèmes qui résument les questions abordées lors des tables rondes. Le gouvernement du Canada a également discuté des enseignements tirés et des pratiques exemplaires avec d’autres pays et a pris en considération les points de vue et l’expertise des organisations internationales.

Résumé des points de vue provenant des tables rondes

Tous les intervenants ont transmis un message sans équivoque lors des discussions en personne :

  • l’exploitation de la main-d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement mondiales est inacceptable; et
  • le gouvernement du Canada devrait prendre davantage de mesures pour y remédier.

En ligne, 93 % des répondants au sondage ont convenu que les mesures et initiatives actuelles du Canada ne vont pas assez loin pour prévenir et combattre l’exploitation de la main-d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement. Nous avons toutefois entendu des points de vue divergents sur la portée et la forme que devrait prendre la loi.

Par exemple, les organismes de la société civile et les organisations syndicales étaient fortement en faveur de l’adoption d’une loi générale sur le devoir de diligence qui :

  • couvrirait tous les droits de la personne, y compris les droits des travailleurs;
  • exigerait des entreprises qu’elles communiquent des renseignements sur leurs pratiques pour lutter contre les atteintes aux droits de la personne et l’exploitation de la main-d’œuvre; et
  • obligerait les entreprises à résoudre ces problèmes.

Par contre, les organisations de l’industrie et les entreprises ont suggéré au Canada de :

  • continuer à étudier et à apprendre des autres pays pour s’assurer que la loi s’attaque à la cause profonde de l’exploitation de la main-d’œuvre; et
  • comprendre comment mettre en œuvre efficacement les mesures relatives aux chaînes d’approvisionnement.

Dans l’ensemble, les participants ont convenu que le but de toute loi devrait être :

  • d’accroître la connaissance par les entreprises des risques d’exploitation de la main-d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement canadiennes; et
  • de susciter une course vers l’excellence entre les entreprises pour améliorer les normes et les pratiques au travail.

Les participants ont souligné que ces efforts comportaient des coûts à court terme. Cependant, ils pensaient qu’ils procuraient des avantages à long terme du point de vue de la viabilité des entreprises et des conditions de travail. Les consommateurs souhaitent de plus en plus que les entreprises se comportent d’une manière transparente et conforme à l’éthique.

Des représentants de la société civile, des organisations syndicales, des organisations d’investisseurs, des universitaires et des organisations internationales ont indiqué qu’ils étaient fortement en faveur d’une loi sur la diligence raisonnable obligatoire en matière de droits de la personne au Canada. Dans le sondage en ligne, 91 % des répondants de ces groupes convenaient que les entreprises devraient être tenues de faire preuve de diligence raisonnable.

Les organisations d’employeurs et de l’industrie et les entreprises ne se sont pas opposées à une loi sur les chaînes d’approvisionnement. En général, elles privilégiaient une approche progressive qui :

  • n’imposerait pas des obligations excessives aux entreprises; et
  • comprendrait des critères clairs, des directives et un soutien du gouvernement.

Dans le sondage en ligne, 71 % des représentants des entreprises et de l’industrie ont convenu que les entreprises devraient être tenues de faire preuve de diligence raisonnable.

Les participants convenaient généralement que la future loi sur les chaînes d’approvisionnement devrait être un élément d’une approche plus générale visant à lutter contre l’exploitation de la main-d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement. Ils convenaient également qu’elle devrait comprendre les éléments suivants :

  • une approche qui s’appuie sur les points forts et est harmonisée avec les lois efficaces d’autres pays;
  • un accent sur les secteurs privé et public, y compris les contrats d’approvisionnement du gouvernement du Canada;
  • un accent sur le partenariat et la collaboration entre tous les intervenants concernés;
  • une approche qui répond aux besoins particuliers de tous les sexes.

Question 1 – À l’heure actuelle, qu’est-ce qui empêche les entreprises et les autres intervenants de savoir si les chaînes d’approvisionnement sont exemptes d’exploitation de la main-d’œuvre?

Certaines chaînes d’approvisionnement sont longues et complexes et comportent des milliers de lieux de travail. Les entreprises ont souligné qu’il peut être difficile de vérifier si l’exploitation de la main-d’œuvre a lieu au-delà de leurs fournisseurs immédiats, ou au mieux au sein des entreprises qui alimentent ces fournisseurs. Dans les secteurs à risque élevé d’exploitation de la main-d’œuvre, la sous-traitance peut être courante. Cette situation signifie que les entreprises ne sont généralement pas en mesure de communiquer avec tous les fournisseurs et qu’elles n’ont pas non plus l’influence nécessaire pour changer les pratiques.

Nous avons entendu dire que certaines pratiques d’exploitation de la main-d’œuvre avaient lieu à l’échelle de l’industrie. Ainsi, l’action d’une entreprise isolée pourrait ne pas fonctionner et pourrait compromettre sa compétitivité à l’égard des autres entreprises. Nous avons également entendu dire que l’approche la plus utile consiste à s’efforcer d’apporter des améliorations plutôt que d’essayer de garantir qu’une chaîne d’approvisionnement est entièrement exempte d’exploitation de la main-d’œuvre.

De nombreux participants, tant en personne qu’en ligne, ont fait remarquer qu’il pourrait être utile aux entreprises de recevoir une aide pour :

  • comprendre leurs chaînes d’approvisionnement; et
  • répondre aux obligations de diligence raisonnable de manière significative.

La société civile, les organisations syndicales et les groupes d’investisseurs ont souligné que, pour les entreprises, la motivation nécessaire pour faire preuve de diligence raisonnable et rendre des comptes peut faire défaut.

Enfin, en raison du manque de renseignements sur l’exploitation de la main-d’œuvre et les efforts faits par les entreprises pour y remédier, il est difficile :

  • d’avoir une discussion éclairée; et
  • d’élaborer des options utiles en matière de politiques.

Les organisations d’investisseurs ont exprimé le besoin de renseignements fiables et comparables. Ce type de renseignements permettrait d’analyser les risques économiques, sociaux et de gouvernance des entreprises dans lesquelles ils investissent.

Nous avons entendu parler de l’importance d’améliorer la collecte et le partage des données pour cerner les risques d’exploitation de la main-d’œuvre. Nous avons également entendu parler de l’importance de faire participer les intervenants et de veiller à ce que les victimes soient protégées.

Question 2 – Comment le Canada peut-il s’attaquer le mieux possible aux problèmes d’exploitation de la main-d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement mondiales? Quel devrait être le rôle du gouvernement du Canada?

Dans le cadre international des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (PDNU), les États devraient « encourager et, le cas échéant, exiger des entreprises qu’elles communiquent sur la manière dont elles s’occupent de leurs incidences sur les droits de l’homme ». Cependant, des représentants de la société civile, des organisations syndicales et des groupes d’investisseurs estiment que :

  • les modèles volontaires ne vont pas assez loin; et
  • le Canada devrait exiger des entreprises qu’elles communiquent la manière dont elles s’occupent de leurs répercussions sur les droits de la personne.

Ces représentants ont souligné la justification morale et commerciale de l’adoption d’une norme plus rigoureuse concernant les chaînes d’approvisionnement responsables dans l’économie canadienne.

Les représentants des entreprises, de l’industrie et des organisations d’employeurs n’étaient pas en désaccord avec une loi sur les chaînes d’approvisionnement. Cependant, certains intervenants ont souligné que des recherches supplémentaires seraient nécessaires pour déterminer si elle est efficace. Certains ont indiqué qu’ils rendaient déjà des comptes en vertu de la législation d’autres pays. Ils ont souligné la nécessité de rationaliser ces procédures de reddition de comptes et les processus de conformité. Cela faciliterait la coordination entre les pays qui ont une loi sur les chaînes d’approvisionnement, afin de réduire le fardeau imposé aux entreprises.

Les intervenants ont recommandé les bonnes pratiques suivantes concernant les chaînes d’approvisionnement. Le gouvernement du Canada pourrait les inclure dans la loi ou dans le cadre de mesures non législatives plus générales visant à assurer une conduite responsable des entreprises :

  • un cadre clair qui décrit les demandes faites aux entreprises;
  • une directive aux entreprises sur la façon de s’acquitter de leurs obligations;
  • un dépôt central contenant des listes publiques d’entreprises assujetties à la loi;
  • un soutien aux petites et moyennes entreprises ou aux entreprises qui disposent de moins de ressources que les autres pour s’acquitter de leurs obligations; et
  • des données normalisées.

Certains participants, tant en personne qu’en ligne, ont également souligné qu’il serait important d’avoir des incitatifs ou des récompenses, comme des crédits d’impôt pour la reddition de comptes. Les entreprises ont souligné la nécessité :

  • d’effectuer des évaluations des risques pour accorder la priorité à la reddition de comptes dans leurs chaînes d’approvisionnement;
  • de rendre compte des mesures prises pour atténuer ces risques; et
  • de remédier aux atteintes constatées.

Par exemple, si les entreprises découvrent un cas d’exploitation de la main-d’œuvre, il est clair que leurs systèmes de détection des risques fonctionnent. Il serait alors important que le gouvernement appuie ces entreprises dans leurs efforts visant à résoudre ces problèmes.

Les participants ont discuté de quelques autres options législatives ainsi que des effets potentiels d’une approche consistant à « ne rien faire ». Différents participants ont souligné que s’il n’y avait pas de pénalités ou d’incitatifs pour les entreprises :

  • les questions d’exploitation de la main-d’œuvre pourraient être laissées aux tribunaux d’une manière qui serait coûteuse pour les entreprises;
  • cette situation ne laisserait aucune place aux décideurs politiques; et
  • le gouvernement serait quand même probablement obligé d’éduquer l’industrie et de fournir des boîtes à outils comme moyen de lutter contre l’exploitation de la main-d’œuvre dans le cadre des chaînes d’approvisionnement. Un représentant des investisseurs a indiqué qu’une approche consistant à « ne rien faire » laisserait les investisseurs tenus dans l’ignorance.

Question 3 – Si le gouvernement du Canada envisage d’adopter une loi sur les chaînes d’approvisionnement, quels devraient être l’objectif et la portée de cette loi?

Le rapport intitulé « Appel à l’action : Éliminer toutes les formes de travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement » a été déposé le 15 octobre 2018. Depuis, certains intervenants ont continué à demander au Canada d’adopter une loi qui obligerait les entreprises touchées à effectuer un examen de diligence raisonnable obligatoire en matière de droits de la personne. Ce type de loi obligerait les entreprises à prendre des mesures raisonnables pour éviter et corriger les atteintes aux droits de la personne à toutes les étapes de la production de leurs biens.

La société civile, les organisations syndicales, les organisations d’investisseurs et de nombreux défenseurs étrangers affirment maintenant que le modèle de la transparence de la reddition de comptes ou du signalement de problèmes particuliers tels que le travail forcé (par opposition à une approche générale sur les droits de la personne) est insuffisant. Ils signalent un faible niveau de conformité et le fait que les entreprises ne sont pas tenues responsables de leur non-conformité aux exigences de déclaration.

De nombreux intervenants qui sont en faveur d’une loi sur la diligence raisonnable obligatoire en matière de droits de la personne ont cité les modèles suivants à titre d’exemplesNote de bas de page 1 :

  • le modèle français; et
  • l’initiative Entreprises responsables en SuisseNote de bas de page 2 , lancée par une vaste coalition d’organismes de la société civile.

Les intervenants ont souligné que le Canada pourrait s’inspirer :

Certains intervenants en faveur de la diligence raisonnable ont également souligné qu’elle ne serait efficace que si elle était supervisée et appliquée au moyen de sanctions potentielles.

L’importance de lutter contre toutes les atteintes aux droits de la personne a également fait l’objet de discussions. Des représentants de la société civile et des entreprises ont mentionné d’autres facteurs qui sont liés au travail forcé ou au travail des enfants ou qui, dans certains cas, en sont la cause. Ces facteurs comprenaient les salaires, les prestations de maternité et les frais de recrutement. Ils ont expliqué que les efforts et les pratiques de diligence raisonnable se répercutent le long de la chaîne d’approvisionnement et permettent aux entreprises et aux partenaires de recueillir plus de renseignements et de données.

Un représentant de l’industrie canadienne a fait remarquer que ses membres seraient plus à l’aise avec des mesures de reddition de comptes axées sur la transparence qui s’apparenteraient aux lois britanniques et australiennes sur l’esclavage moderne. L’industrie, les groupes d’employeurs et les entreprises ont généralement demandé au gouvernement d’examiner les enjeux suivants :

  • renforcer les capacités des entreprises d’amélioration de leurs chaînes d’approvisionnement et d’utilisation des outils existants;
  • éviter d’alourdir le fardeau des entreprises;
  • reconnaître que si des exigences sont imposées aux entreprises de toute taille, la compétitivité de certains secteurs industriels pourrait être touchée;
  • laisser le temps à l’industrie de comprendre ses responsabilités en vertu de toute nouvelle loi ou réglementation en adoptant une approche progressive :
    • accorder notamment du temps pour être en mesure de déterminer les secteurs qui présentent les risques les plus élevés, de s’en occuper et d’atténuer ce risque;
    • éviter la duplication des procédures de reddition de comptes. Par exemple, si une entreprise rend des comptes au Royaume-Uni, cela pourrait suffire également au Canada.

Conclusion

Dans l’ensemble, les représentants de la société civile, les organisations syndicales, les représentants de l’industrie et des employeurs, les entreprises, les représentants des organisations internationales et les universitaires ont convenu qu’il reste du travail à faire pour lutter contre l’exploitation de la main-d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. La plupart des intervenants ont souligné la valeur de la diligence raisonnable et de la gestion des risques tout au long des chaînes d’approvisionnement. Quelques entreprises se sont déclarées plus à l’aise avec les rapports sur les mesures prises pour prévenir le risque d’atteinte aux droits de la personne. Cependant, ils ne se sont pas opposés à un modèle de diligence raisonnable qui obligerait les entreprises à prendre des mesures pour remédier à toute atteinte soupçonnée ou constatée dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Les discussions et les réponses au sondage comprenaient des conseils et des questions sur la meilleure façon d’appliquer la loi sur les chaînes d’approvisionnement au Canada. Les participants ont clairement signalé que la loi ne devrait pas être trop exigeante pour les entreprises. Par ailleurs, de nombreuses entreprises se tournent vers le gouvernement pour qu’il les guide et les soutiennent dans la résolution des problèmes de chaînes d’approvisionnement. Il y avait aussi un consensus sur le fait que le Canada devrait envisager l’adoption d’une loi sur la diligence raisonnable obligatoire. Les intervenants ont également généralement convenu que la loi devrait s’inspirer des lignes directrices de l’OCDE sur le devoir de diligence et être fondée sur l’expérience des pays européens. Cela pourrait vouloir dire avoir une large portée et une perspective axée sur les droits de la personne.

Certaines industries ont souligné qu’elles préféraient qu’il y ait un champ d’application plus ciblé (par exemple, le travail forcé). Cependant, il pourrait y avoir un soutien pour une approche plus large des droits de la personne si l’on envisage une approche graduelle qui accorde la priorité aux secteurs à risque élevé. Cela nécessiterait également un appui continu du gouvernement pour permettre aux entreprises de s’acquitter de leurs nouvelles obligations. Bien qu’une société multinationale ait mis en doute la valeur globale de la loi sur les chaînes d’approvisionnement, d’autres représentants de l’industrie et des entreprises n’ont pas exprimé une forte opposition à une telle loi.

Enfin, il existe de nombreuses difficultés à surmonter pour comprendre les chaînes d’approvisionnement. Bon nombre d’entreprises n’ont pas les outils ou la capacité pour surveiller et influencer leurs fournisseurs. Les participants ont souligné qu’à l’avenir, il sera important :

  • d’envisager des moyens d’améliorer la base de connaissances sur l’exploitation de la main‑d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement; et
  • d’accroître les connaissances sur les formes que peut prendre l’exploitation de la main‑d’œuvre.

Tables rondes

Des tables rondes ont eu lieu à Toronto (23 mai), à Vancouver (11 juin) et à Ottawa (18 juin). La table ronde d’Ottawa était animée par l’honorable Patty Hajdu, qui était alors ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail. L’honorable John McKay, coprésident du Groupe parlementaire multipartite de lutte contre l’esclavage moderne et la traite des personnes, a également participé.

Des représentants des organisations suivantes ont participé aux discussions des tables rondes sur l’exploitation de la main‑d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement mondiales :

  • Above Ground
  • Æquo/Bâtirente
  • Air Canada
  • Amazon
  • Amnistie internationale Canada
  • Aritzia
  • Assemblée des Premières Nations
  • Assent Compliance
  • Association canadienne des importateurs et exportateurs
  • Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs (ACPE)
  • Association de la gestion de la chaîne d’approvisionnement (AGCA)
  • Association des actionnaires pour la recherche et l’éducation
  • Association minière du Canada
  • Baker McKenzie LLP
  • Bank of Montreal Global Asset Management
  • Banque Royale du Canada – RBC Global Asset Management
  • Borden Ladner Gervais LLP
  • Canadian Center to End Human Trafficking
  • Canadian Network for Corporate Accountability
  • Chambre de commerce du Canada
  • Coca-Cola Company
  • Compagnie de la Baie d’Hudson
  • Congrès du travail du Canada
  • Conseil canadien des innovateurs
  • Conseil canadien du commerce de détail
  • Consumer Goods Forum
  • Corporation commerciale canadienne
  • COSTCO
  • Disney
  • Employeurs des transports et communications de régie fédérale
  • Engineers Without Borders Canada / Mining Shared Value
  • Fair Trade Canada
  • Fédération canadienne du vêtement
  • Femmes de la Nation métisse
  • Gouvernement du Canada
  • IMPACT
  • Loblaws
  • Mountain Equipment Coop
  • Norton Rose Fulbright Canada, LLP
  • Oxfam Canada
  • Société Canadian Tire
  • Syndicat des métallurgistes unis
  • Syndicat des métiers de la construction du Canada
  • The B Team
  • Tigre Géant
  • Ulula
  • UNICEF
  • United States Department of Labor
  • Université Saint Mary’s
  • UPS Canada
  • Vision mondiale Canada
  • Walmart
  • Women’s Business Enterprise Canada
  • York University’s Schulich School of Business – Centre of Excellence in Responsible Business

Sondage en ligne

Nous avons publié un sondage en ligne anonyme au printemps 2019 sur le site Web Consultations auprès des Canadiens. Ce sondage avait pour objectif d’aider le gouvernement du Canada à déterminer la meilleure façon de travailler avec les entreprises et d’autres partenaires pour lutter contre l’exploitation de la main‑d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.

Nous avons reçu des réponses au sondage des entités suivantes :

  • universitaires;
  • experts;
  • représentants d’entreprises;
  • représentants d’associations industrielles;
  • organismes autochtones nationaux;
  • organisations internationales;
  • organismes non gouvernementaux;
  • organisations de la société civile;
  • représentants de gouvernements provinciaux ou territoriaux;
  • représentants d’une administration municipale;
  • intervenants;
  • organisations d’investisseurs;
  • syndicats;
  • membres du public.

Voici certaines des questions du sondage

  1. Les mesures et initiatives actuelles au Canada vont-elles assez loin pour prévenir et combattre l’exploitation de la main‑d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement mondiales?
  2. Si des mesures supplémentaires étaient prises au Canada pour lutter contre l’exploitation de la main‑d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement, devraient-elles porter sur :
    • Le travail des enfants et le travail forcé (tels que définis par l’OIT)
    • La traite des personnes (telle que définie dans le Code criminel du Canada)
    • D’autres sévices ou atteintes aux droits de la personne
    • Quels autres sévices ou atteintes aux droits de la personne?
    • Les conditions de travail
    • Quelles conditions de travail?
    • L’empreinte environnementale des opérations des entreprises
    • Les façons dont les femmes et les filles sont touchées différemment par l’exploitation de la main-d’œuvre – y compris une approche différenciée selon le sexe
    • Tout ce qui précède
    • Autre
    • Sur quels autres enjeux les mesures supplémentaires devraient-elles porter?
  3. Le gouvernement du Canada devrait-il prendre d’autres mesures pour sensibiliser le milieu des affaires à l’exploitation de la main‑d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement et donner des conseils sur les moyens de cerner et de gérer les risques?
    • Veuillez préciser
  4. Une exigence relative à la « reddition de comptes à des fins de transparence » pourrait obliger les entités commerciales qui exercent leurs activités au Canada et les entités commerciales susceptibles d’appartenir à des Canadiens (ou enregistrées au Canada) qui exercent leurs activités à l’étranger à faire rapport annuellement sur les mesures qu’elles prennent pour évaluer le risque d’exploitation de la main-d’œuvre dans leurs activités et leurs chaînes d’approvisionnement.
    • Une « reddition de comptes à des fins de transparence » devrait-elle être exigée des entreprises et, dans l’affirmative, le gouvernement devrait-il leur donner des conseils à cet égard? Quels sont les avantages ou les inconvénients de cette option?
  5. Une exigence de « diligence raisonnable » pourrait obliger les entreprises qui exercent leurs activités au Canada, ainsi que les entreprises qui appartiennent à des Canadiens (ou qui sont enregistrées au Canada) et qui exercent leurs activités à l’étranger à faire rapport chaque année sur les mesures qu’elles prennent pour lutter contre l’exploitation de la main‑d’œuvre dans leurs activités et leurs chaînes d’approvisionnement.
    • Une « diligence raisonnable » devrait-elle être exigée des entreprises et, dans l’affirmative, le gouvernement devrait-il leur donner des conseils à cet égard? Quels sont les avantages ou les inconvénients de cette option?
  6. Quels critères pourrait-on utiliser pour déterminer la taille minimale des entreprises auxquelles s’appliqueraient les exigences législatives éventuelles?
    • Revenu annuel
    • Nombre d’employés
    • Autre. Veuillez préciser.
  7. Les obligations relatives à la reddition de comptes à des fins de transparence ou à la diligence raisonnable devraient-elles s’appliquer à la fois aux biens et aux services?
    • Veuillez préciser
  8. Les obligations relatives à la reddition de comptes à des fins de transparence ou à la diligence raisonnable devraient-elles s’appliquer à l’ensemble de la structure d’une entreprise, y compris à la totalité de sa chaîne d’approvisionnement?
    • Veuillez préciser
  9. Comment le gouvernement du Canada pourrait-il s’assurer que les entreprises se conforment aux exigences en matière de transparence ou de diligence raisonnable?
    • Veuillez préciser
  10. Quel serait le moyen le plus efficace de rendre compte publiquement des efforts déployés pour lutter contre l’exploitation de la main‑d’œuvre?
    • Veuillez préciser
  11. À quoi pourraient ressembler les « bonnes pratiques » des entreprises visant à lutter contre l’exploitation de la main‑d’œuvre potentielle dans leurs chaînes d’approvisionnement?
    • Veuillez préciser
  12. Quels renseignements devraient être fournis dans les documents de sensibilisation et les directives pour les entreprises?
    • Veuillez préciser
  13. Quels sont certains des facteurs qui ont une influence critique ou des problèmes dont le gouvernement du Canada devrait être au courant?
    • Veuillez préciser
  14. Y a-t-il d’autres options législatives ou non législatives qui devraient être envisagées?

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