Déterminer la relation d'emploi - IPG-069

Date d’entrée en vigueur : 3 avril 2006

Date de révision : 27 juin 2025

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Objet

L'objectif du présent Interprétations, politiques et guides (IPG) est d'assurer une application uniforme à l'échelle nationale des critères permettant de déterminer l'existence d'une relation d'emploi.

Pour qu'une personne puisse bénéficier des dispositions des parties II et III du Code canadien du travail (Code), il doit exister une relation d'emploi.

Un employeur est en contravention avec le Code s'il commet des erreurs de classification à l'égard d'une personne employée, c'est-à-dire en la traitant comme si ce n'était pas une personne employée. Une personne rémunérée pour un travail par un employeur est présumée être une personne employée, sauf preuve du contraire.

Pour être en conformité avec le Code, les employeurs doivent s'assurer de prendre des mesures correctives afin d'éviter une erreur de classification. Ils peuvent faire l'objet de mesures d'application par le Programme du travail, pouvant aller jusqu'à une sanction administrative pécuniaire (SAP) ou une poursuite.

Le présent IPG aidera à établir l'existence de la relation d'emploi lorsque des enquêtes sont effectuées en vertu des parties II et III du Code.

Présomption du statut d'emploi

Le 20 juin 2024, des modifications au Code sont entrées en vigueur afin de mieux protéger les personnes en lieu de travail. L'une des principales modifications apportées au Code est la présomption que les travailleurs et travailleuses sont des personnes employées, à moins que l'employeur ne puisse prouver le contraire. Ces modifications ont été apportées afin de protéger les personnes qui sont classifiées à tort comme des personnes qui travaillent à leur propre compte, une pratique connue sous le nom de « erreur de classification ». Lorsque des personnes sont classifiées à tort, elles peuvent se voir privées de droits et de protections importants auxquels elles devraient avoir droit en vertu des parties I, II et III du Code.

Conformément aux dispositions modifiées des articles 167.01, 167.1 et 167.2 du Code, une personne qui reçoit une rémunération d'un employeur pour un travail effectué est présumée être une personne employée, sauf preuve contraire. Les personnes qui reçoivent une rémunération sont des personnes employées par défaut et ont droit aux protections prévues par le Code.

Si un employeur estime qu'il n'y a pas de relation d'emploi, il lui incombe de le prouver.

Il incombe à l'employeur de fournir des preuves (telles que des faits, des documents ou des explications) au Programme du travail afin de démontrer qu'une personne n'est pas une personne employée. Le Programme du travail examinera les preuves fournies par l'employeur et décidera si elles sont suffisamment convaincantes pour prouver qu'il n'y a pas de relation d'emploi.

Examen de la relation d'emploi

Remarque : Un examen de la relation d'emploi ne sera effectué que si l'employeur conteste la présomption en fournissant des preuves jugées suffisantes pour satisfaire à la charge de la preuve.

La relation d'emploi peut être complexe, et il n'existe pas de formule simple permettant de trouver rapidement une solution. Lorsqu'on recueille des renseignements auprès des deux parties relativement au type de relation, on doit se souvenir que les nombreux « critères » ne sont pas réellement des critères proprement dits. Ceux-ci sont plutôt des conditions décrites dans la jurisprudence. On peut leur accorder plus ou moins d'importance, selon le cas, pour déterminer si une personne est :

Dans l'affaire Sagaz, la Cour suprême du Canada a souligné certaines conditions permettant de déterminer s'il existe une relation d'emploi. Dans sa décision, la Cour suprême du Canada indique qu'il faut examiner la relation globale qui existe entre les parties :

« Nous doutons fortement qu'il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d'identifier les contrats de louage de services […] La meilleure chose à faire est d'étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s'appliquent pas dans tous les cas et n'ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n'est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée. ».

Un contrat de travail par rapport à un contrat d'entreprise

Pour déterminer s'il existe une relation d'emploi, il convient d'examiner ce qui définit l'emploi.

Les principes généraux de droit ont établi des règles ou des principes que doivent respecter les parties régies par un contrat de travail ou un contrat d'entreprise. Le contrat de travail peut être défini comme un contrat en vertu duquel une personne employée :

Dans le cadre d'un contrat de travail, la personne :

Les modalités du contrat de travail peuvent être consignées par écrit ou fournies verbalement, mais elles sont exécutoires dans les deux cas. Lorsqu'une personne est embauchée, elle conclut un contrat de travail, créant ainsi une relation d'emploi.

Dans d'autres circonstances, les parties peuvent avoir conclu un contrat d'entreprise. Ce type de contrat peut être défini comme un contrat en vertu duquel une personne travaillant à son propre compte s'engage envers le client, à :

Les caractéristiques d'un contrat d'entreprise sont les suivantes :

Pour déterminer l'existence d'une relation d'emploi, la nature du contrat qui lie les deux parties doit être examinée.

L'importance du statut d'emploi

Il existe un besoin d'aborder l'émergence des travailleurs et travailleuses autonomes « à leur propre compte », tels que :

Cette émergence est devenue plus courante dans le lieu de travail. Divers facteurs expliquent cette émergence, notamment :

En raison de ces motifs économiques et sociaux, il est maintenant difficile de faire la distinction entre personnes travaillant à leur propre compte et les personnes employées.

Il existe un besoin de déterminer si les personnes rémunérées sont considérées comme des personnes employées. Les personnes employées sous réglementation fédérale ont droit à de nombreuses protections en vertu de diverses lois sur les normes du travail et sur la santé et la sécurité. Les personnes qui travaillent à leur propre compte ne sont pas des personnes employées et, par conséquent, ne bénéficient pas de toutes ces protections. La nature de la relation sera examinée pour déterminer s'il existe une relation d'emploi. Le cas échéant, les parties II et III du Code s'appliqueront aux personnes employées.

Étant donné que chaque loi a des objectifs spécifiques, il est possible qu'une personne soit considérée comme un employé ou une employée en vertu d'une loi, mais pas d'une autre. La Cour suprême du Canada a clarifié que les tribunaux doivent prendre en considération les objectifs stratégiques particuliers de la loi. Cette considération est présente lorsqu'il s'agit de déterminer s'il existe une relation d'emploi. (Pointe-Claire (City) v. Quebec (Labour Court), [1997] 1 S.C.R. 1015). Le processus d'enquête du Programme du travail doit, par conséquent, tenir compte des objectifs stratégiques du Code. Ces derniers visent à assurer des normes du travail minimales. Ils visent aussi à prévenir les accidents et les blessures qui pourraient survenir en cours d'emploi au sein d'une entreprise de compétence fédérale.

Les critères de common law servant à déterminer la nature de la relation d'emploi

Habituellement, la définition des termes « employé » et « employeur » qui figure dans des lois n'est pas utile pour déterminer s’il y a une relation d'emploi existante entre les deux parties. Il se peut que ces dernières ne s'entendent pas quant à savoir si une personne est considérée comme étant un personne employée en vertu d'une certaine loi. Dans ces cas, les tribunaux ont recours aux critères de common law et de droit civil pour déterminer le statut d'emploi.

Pour trancher la question concernant la relation d'emploi, il convient de lire et d’analyser les affaires citées dans le présent document. Ceci est fait en vue de :

Les « critères » suivants suggèrent des éléments de preuve qui seront pondérés, parfois différemment, selon la situation. Cela pourra aider à déterminer si une personne rémunérée :

Se référer aux Références ci-dessous pour une liste de toutes les affaires citées.

Critère de contrôle

Il s'agissait de la première tentative pour clarifier la relation d'emploi entre une personne rémunérée et un payeur. Ce critère a été établi dans l'affaire La Reine c. Walker (1858). Le critère de contrôle évaluait simplement l'existence ou l'absence de contrôle qu'un payeur exerçait ou n'exerçait pas sur la personne.

« […] Un mandant a le droit d'indiquer au mandataire ce qu'il doit faire, mais le commettant a non seulement ce droit, mais aussi celui de dire comment la chose doit être faite. »

La Reine c. Walker, (1858) 27 L.J.M.C. 207

Ce critère était considéré comme trop simpliste, surtout depuis quelques années. En effet, certaines personnes hautement qualifiées et professionnelles possédaient des compétences si élevées que leur employeur était incapable de les diriger.

Critère à quatre volets

Ce critère a été établi en 1947, dans la décision que le Conseil privé a rendue dans l'affaire Montréal c. Montreal Locomotive Works Ltd. et al. En effet, le tribunal a mentionné ceci dans son jugement :

« […] Il a été jugé plus convenable dans certains cas d'appliquer un critère qui comprendrait les quatre éléments suivants :

  • le contrôle;
  • la propriété des instruments de travail;
  • la possibilité de profit;
  • le risque de perte.

Le contrôle en lui-même n'est pas toujours concluant. »

Montréal c. Montreal Locomotive Works Ltd. et al, [1947] 1 D.L.R. 161

Lord Wright a poursuivi en indiquant que la question cruciale qu'il faut se poser est « à qui appartient l'entreprise? » Cette question doit être posée du point de vue du travailleur ou de la travailleuse.

Critère de l'intégration

Ce critère a été établi dans l'affaire Stevenson Jordon and Harrison, Ltd. c. MacDonald and Evans, (1952). Il sert à déterminer de quelle manière le service fourni par le travailleur ou la travailleuse est effectué. Le service peut être effectué en tant que partie intégrante de l'entreprise, ou pour le compte de l'entreprise sans y être intégré. On retrouve la meilleure explication de ce « critère » dans un extrait tiré de la décision :

« […] Une particularité semble se répéter dans la jurisprudence : en vertu d'un contrat de louage de services, une personne est employée en tant que partie d'une entreprise et son travail fait partie intégrante de l'entreprise, alors qu'en vertu d'un contrat d'entreprise, son travail, bien qu'il soit fait pour l'entreprise, n'y est pas intégré mais seulement accessoire. »

Stevenson Jordan and Harrison, Ltd. c. MacDonald and Evans, [1952] 1 T.L.R. 101

Effectuer une détermination aux fins du Code canadien du travail

Il faut examiner la question à savoir s'il existe une relation d'emploi. Afin d'aider, il pourrait être utile d'envisager un continuum. À l'une des extrémités du continuum, on retrouverait un travailleur ou une travailleuse qui serait clairement une personne employée. Par exemple, une personne pourrait être classifiée en tant que personne employée si elle est :

À l'autre extrémité du continuum se retrouverait une personne qui travaille à son propre compte. Ce serait une personne qui possède sa propre entreprise et qui effectue des travaux pour le compte de diverses entreprises. Il pourrait s'agir d'une personne qui :

La section « Confirmer une relation d'emploi » identifie les facteurs clés qui distinguent la personne employée d'une personne travaillant à son propre compte.

Or, le problème est moins simple lorsqu'il s'agit de classifier les personnes rémunérées qui se situent au milieu du continuum. En effet, les personnes rémunérées se situant au milieu du continuum possèdent des caractéristiques propres aux personnes employées et aux personnes qui travaillent à leur propre compte.

Bien qu'il soit utile de visualiser un continuum entre ce qui est clairement une relation d'emploi et ce qui est clairement une relation d'affaires, il est important de noter qu'en vertu du Code, les personnes rémunérées pour un travail effectué sont présumées être des personnes employées. Par défaut, toutes ces personnes rémunérées commencent à l'extrémité « personne employée » du continuum.

C'est à l'employeur qu'incombe la charge de la preuve et qu'il doit produire des preuves convaincantes pour faire passer la personne rémunérée à l'extrémité « personne à son propre compte » du continuum.

Évaluer les renseignements et prendre une décision

Lorsque vient le temps d'analyser les faits recueillis sur la relation entre le payeur et une personne rémunérée, la formule établie par la Cour suprême du Canada sera suivie. (Le « processus d’évaluation » ci-dessous est utile).

La Cour déclare d'abord que le niveau de contrôle sera toujours un facteur, mais que la question essentielle est de savoir :

« si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. »

671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983

Il faut examiner tous les aspects de la relation et tenir compte des facteurs suivants. Il faut considérer qu'il ne s'agit pas d'une liste complète et qu'il n'existe aucune méthode d'application établie. L'importance relative de chacun de ces facteurs dépendra des circonstances ainsi que des faits précis du cas en question :

Confirmer la relation d'emploi

Les listes suivantes donnent un aperçu des points qui permettent d'établir une relation d'emploi. Bien qu'il ne s'agît pas d'une liste exhaustive, les éléments peuvent être pris en compte pour prendre une décision.

Une personne peut être classifiée comme une personne employée si les caractéristiques suivantes sont présentes :

Une personne rémunérée peut être classifiée comme une personne qui travaille à son propre compte si les caractéristiques suivantes sont présentes :

Processus d'évaluation

La tâche consiste maintenant à organiser et à évaluer l'information recueillie. L'analyse déplacera la personne rémunérée d'un côté ou de l'autre du continuum. Elle précisera aussi s'il y a une relation d'emploi ou si la personne rémunérée est à son propre compte.

La première étape consiste à organiser les résultats des questionnaires et tout autre document recueilli. Il faut analyser les réponses du payeur et de la personne rémunérée à chacune des questions. Ensuite, il faut déterminer, à partir des faits recueillis, si la personne rémunérée se situe du côté « personne employée » ou « personne à son propre compte » du continuum.

Ces facteurs peuvent inclure notamment :

Application des faits

Pour situer la personne rémunérée d'un côté ou de l'autre du continuum, il faut examiner la totalité de la relation. Ensuite, il faut répondre à la question de base soulevée par la Cour suprême du Canada :

« […] si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte ».

Il faut déterminer si une personne rémunérée travaille à son propre compte.

Pour ce faire, il faut se rappeler que la Cour suprême du Canada déclare que :

« le degré de contrôle que le payeur a sur les activités du travailleur constitue un facteur significatif mais d'autres facteurs doivent être considérés, par exemple si le travailleur fournit son propre équipement, si le travailleur embauche ses propres aides, le degré de risque qu'il court, le degré de responsabilité sur le plan de l'investissement et de la gestion que le travailleur doit assumer et enfin, la possibilité de profit que présente l'exécution de ses travaux ».

Il convient de rappeler que les facteurs susmentionnés ne constituent pas une liste exhaustive. Il faut aussi rappeler qu'il n'y a pas de formule établie à leur application. L'importance relative de chaque facteur dépend des faits et des circonstances de chaque cas.

En examinant l'information, il ne faut pas oublier que la réponse à la question « à qui appartient l'entreprise? » ne peut être formulée par la seule addition des divers éléments de réponse. De ce fait, cela ne permettra pas de situer la personne rémunérée dans l'une ou l'autre des catégories. C'est l'ensemble de la relation qu'il faut examiner.

Voici une brève définition des termes utilisés pour établir si une relation de travail se rapproche de la situation d'emploi :

Contrôle

La Cour suprême du Canada indique que pour déterminer si une personne exploite une entreprise à son propre compte, le degré de contrôle d'un employeur sur les activités de la personne rémunérée est toujours un facteur à considérer. Une relation d'emploi nécessite un certain degré de supervision ou de surveillance de la personne qui effectue le travail. Le droit d'exercer ce contrôle est important, que le contrôle soit effectivement exercé ou non.

Possession des outils

Si une personne rémunérée fournit ses propres outils, c'est peut-être l'indice qu'une personne exploite une entreprise à son propre compte. Il est également important d'examiner le montant de l'investissement de la personne rémunérée pour ces outils.

Possibilité de profit ou risque de perte

Si la personne rémunérée a investi dans une entreprise, c'est un indice important qu'une personne exploite une entreprise à son propre compte. S'il n'existe pas de risque de perte, on peut penser qu'il s'agit d'une relation d'emploi. Si une personne rémunérée peut subir des pertes financières étant donné sa situation, on peut généralement considérer qu'elle travaille à son propre compte.

Intégration

Il est important de se rappeler que cet élément doit être examiné du point de vue de la personne rémunérée et non de celui du payeur. Un contrat de travail (personne employée) est un contrat dans lequel le travail fait partie intégrante des activités du payeur. Ceci s'oppose à un contrat de services (personne qui travaille à son compte) où le travail effectué, bien qu'il soit fait pour l'entreprise, est secondaire par rapport aux activités principales du payeur. La personne rémunérée se comporte-t-elle comme une personne « d'affaires » qui travaille à son propre compte?

Pondération des faits

La pondération des faits est la partie la plus importante de l'analyse. L'examen des faits nous amène à situer certaines personnes rémunérées dans une relation d'emploi et d'autres dans une relation d'affaires.

Au terme de cet examen, il faut déterminer la véritable essence de la relation de travail des parties. Il faut donc examiner les faits liés :

L'examen des faits devrait permettre de décider du poids à attribuer à chacun. En d'autres termes, le contrôle peut faire pencher la balance vers la relation d'emploi. Par contre, la possession des outils pourrait devenir un élément ayant un poids plus grand, selon la façon dont l'ensemble de la relation est structuré. Par conséquent, en raison du poids plus important attribué à cet élément, la personne rémunérée figurera à la case des personnes travaillant à leur propre compte dans le continuum.

Détermination

Dans chaque cas, soit il y a une relation d'emploi ou il n'y en a pas - ceci est une question de fait. Chaque cas est unique et exige un examen approfondi des faits. Il faut également se rappeler que lors de l'examen et de la pondération des preuves, l'ensemble de la relation de travail doit être évalué. Un facteur à lui seul n'est jamais déterminant et il existe une liste non exhaustive de facteurs à prendre en compte.

Conclusion

Sur la base de la présomption du statut d'emploi, toutes les personnes rémunérées pour un travail effectué bénéficient automatiquement des protections prévues aux parties II et III du Code. L'employeur peut tenter de prouver qu'il n'y a pas de relation d'emploi, mais il doit fournir des preuves suffisamment solides pour appuyer sa demande. Chaque cas étant particulier, il faut examiner soigneusement tous les faits pertinents avant de décider qu'il n'y a pas de relation d'emploi.

Une fois la décision prise quant au statut d'emploi, les parties seront avisées par écrit de la décision.

Références

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