Situation que l’employeur ne pouvait raisonnablement prévoir - Exceptions - 802-1-IPG-091
Remarque : aux fins de la présente page Web, la mention « employé(s) » comprend également les personnes souvent appelées « stagiaires ». Elle exclut les « étudiants stagiaires » qui entreprennent des stages pour satisfaire aux exigences de leur programme d’études.
Date d'entrée en vigueur : 1er septembre 2019
Remarque : Conformément à la Loi d'interprétation, dans le texte qui suit, les mots désignant les personnes de sexe masculin comprennent aussi les personnes de sexe féminin.
Ligne directrice
1. Objet
La présente IPG vise à définir l'expression « situation que l'employeur ne pouvait raisonnablement prévoir » telle qu'elle appert dans les articles 169.1, 169.2, 173.01, 173.1 et 174.1 aux termes de la Section I de la Partie III du Code canadien du travail (Code). Cette IPG est la première étape du test, pour déterminer si l'exception s'applique, suivant :

Remarque : La présente IPG ne s'applique pas aux catégories d'employés qui ont obtenu une exemption et/ou une modification des dispositions spécifiques conformément au Règlement d’exemption et d’adaptation de certaines dispositions sur la durée du travail.
Situation que l'employeur ne pouvait raisonnablement prévoir – Version textuelle
L'image est un organigramme qui montre l'interrelation entre les quatre interprétations, politiques et directives sur les expressions « Imminente ou grave », « Pour la vie, santé et la sécurité de toute personne », « De dommages biens / pertes biens » et « D'atteinte grave au fonctionnement normal de l'établissement » qui doivent être appliqués en complémentarité.
2. Point
Les dispositions suivantes ont été ajoutées à la Partie III du Code canadien du travail :
- pauses - 169.1;
- périodes de repos - 169.2;
- préavis de l'horaire de travail – exceptions - 173.01;
- modifications à des quarts de travail - exceptions - 173.1; et
- droit limité de refuser d'effectuer des heures supplémentaires pour s'acquitter d'obligations familiales - 174.1.
Ces modifications sont en vigueur au 1er septembre 2019.
Il est nécessaire d'assurer une interprétation et une application uniformes, à l'échelle nationale, de l'expression « situation que l'employeur ne pouvait raisonnablement prévoir ». Dans ce but, les 2 questions suivantes seront adressées :
- que signifie l'expression « situation que l'employeur ne pouvait raisonnablement prévoir »?
- quels critères l'inspecteur doit considérer pour déterminer si la « situation était raisonnablement prévisible » ?
3. Références
Dans R. c. Syncrude, la Cour a conclu que, bien qu’il soit impossible de prévoir avec certitude des phénomènes météorologiques inhabituels et d’autres facteurs, il n’est pas difficile de prédire qu’il y aura des années où certaines circonstances convergeront pour créer de tels phénomènes. Tant que la convergence n’est pas une possibilité lointaine, elle est prévisible. R c. Syncrude Canada Ltd, [2010] A.J. No 730, par. 124. Le tribunal dans cette affaire a conclu que la météo n’était pas complètement sans précédent et qu’elle aurait pu être prévue. Syncrude, par. 125.
On doit s’attendre à des conditions météorologiques défavorables dans un climat rigoureux comme celui du Canada, et il faut tenir compte des conditions météorologiques extrêmes dans la conception, la construction, l’entretien et la réparation des installations. R c. MacMillan Bloedel Ltd, [2002] BCJ No 2083, par. 52.
Dans l'affaire R. c. MacMillan Bloedeal Ltd., qui portait sur la contamination de l'environnement, la Cour a noté que l'enquête sur la prévisibilité doit porter sur l'actus reus lui-même et non sur « la prévisibilité générale de la contamination de l'environnement ou la prévisibilité de la cause particulière ». Dans cette affaire, le fait que la fuite ait eu lieu en raison d'une cause imprévisible est déterminant en faveur de MacMillan. Même si l'entreprise savait que les tuyaux pouvaient couler, parce que la cause de la fuite était imprévue (et relativement imprévisible), elle a été jugée ne pas enfreindre la Loi sur les pêches.
R c. Syncrude Canada Ltd, [2010] AJ No 730
R c. MacMillan Bloedel Ltd, [2002] BCJ No 2083
4. Interprétation
« Raisonnablement prévoir » peut se définir comme estimer, selon la raison, le bon sens, la mesure et la réflexion, qu'un fait futur est très probable.
Toutefois, la clairvoyance n'est pas requise de la part de l'employeur lorsqu'il est question de prévoir les situations qui pourraient survenir.
Pour déterminer si une situation pouvait être « raisonnablement prévue », l'inspecteur doit se demander si une personne raisonnable, dans la même situation, aurait pu ou pas prévoir cette situation. Dans l'affirmative, cette personne aurait dû agir avec diligence, c'est-à-dire manifester un degré d'attention et de soin auquel on peut s'attendre de sa part, pour planifier les ressources appropriées et prévoir les moyens suffisants dans le but de minimiser l'incidence des conséquences négatives de cette situation. Malgré ces efforts, si la planification n'est pas suffisante pour faire face à cette situation, cette dernière pourrait alors, dépendamment des circonstances, être considérée comme imprévisible.
De plus, l'inspecteur, avant de conclure qu'une situation était raisonnablement prévisible et que l'employeur a bien pris ou aurait dû prendre les précautions qu'une personne dotée de raison aurait prises afin d'en minimiser les impacts, devrait évaluer chacune d'elle dans son ensemble. En effet, ce qui peut s'avérer raisonnablement prévisible pour une situation pourrait s'avérer être l'inverse pour une autre, étant donné le contexte global où la situation se produit. Une ampleur hors du commun des conséquences entraînées pourrait aussi être considérée, si cela s'avérait justifié.
Des facteurs tels la récurrence, le ratio d'employés affectés, la taille de l'entreprise, les antécédents, le secteur d'activité, l'endroit touché par la situation, la spécialisation du domaine et l'ampleur des conséquences sont tous des éléments qui peuvent être considérés par un inspecteur devant trancher sur cette question.
Exemples
- Un employeur en télécommunication peut s'attendre à ce que le nombre de pannes sur son réseau de communications cellulaires augmente pendant la période hivernale, à cause du froid et de la neige qui affectent directement le matériel de communication. Par conséquent, il peut anticiper ses besoins en personnel pour cette période et ainsi prévoir la main d'œuvre requise pour intervenir sur ces pannes et maintenir son réseau. À contrario, suite à une tempête de verglas, l'employeur ne pourrait pas prévoir l'effondrement de plusieurs de ses tours de communications cellulaires. Cette situation dépasserait l'entendement de ce qui était normalement prévu et ne pourrait être considérée comme raisonnablement prévisible. Dans ce cas, une personne raisonnable n'aurait pas pu prendre des mesures pour limiter l'incidence de cette situation.
- Une banque devant faire face à un volume élevé de demandes de prêts hypothécaires, au printemps, ne pourrait invoquer que la situation ne pouvait raisonnablement être prévue car celle-ci est récurrente à chaque année. Elle est donc facilement prévisible et l'employeur a la possibilité de planifier ses besoins de personnel à l'avance.
- Une unité de maintenance d'un employeur œuvrant dans le transport ferroviaire est en attente de budgets pour débuter certains travaux d'amélioration sur son réseau. Le vendredi matin, le gestionnaire de la maintenance est informé de l'octroi des budgets par la direction. Celui-ci, voulant débuter les travaux le plus rapidement possible, informe par écrit 2 équipes d'employés non-syndiqués qu'ils vont devoir effectuer des quarts de nuit et commencer les travaux le lendemain, soit le samedi soir. Cependant, ceux-ci exercent leur droit de refus car ce nouvel horaire ne leur a pas été donné 96 heures à l'avance, tel que prévu par le Code canadien du travail. L'employeur allègue alors qu'il s'agit d'une situation qu'il ne pouvait pas raisonnablement prévoir. Dans ce scénario, bien que le gestionnaire en cause ne pouvait prévoir à quel moment les budgets seraient octroyés, la décision a été prise par la direction de l'entreprise, donc par l'employeur. Comme il ne s'agit pas d 'une situation imprévisible pour l'employeur, les employés peuvent dans ce cas exercer leur droit de refus.
- Un employeur peut anticiper des absences individuelles pour raison de maladie au courant de l'année. À contrario, il ne pourrait prévoir une épidémie qui affecterait un nombre important d'employés en simultanée. Parmi ces 2 scénarios d'absence pour maladie, seule celle dans le deuxième contexte serait suffisante pour que l'inspecteur puisse conclure qu'elle ne pouvait être raisonnablement prévue.
- L'équipement clé d'un employeur tombe soudainement en panne, ce qui affecte significativement l'ensemble de ses activités. Toutefois, l'employeur, malgré des avertissements répétés, n'avait pas entretenu correctement cet équipement. Il allègue alors qu'il s'agit d'une situation qu'il ne pouvait raisonnablement prévoir. Toutefois, bien que l'employeur ne pouvait pas prédire exactement quand l'équipement tomberait en panne, il était prévisible qu'un entretien inadéquat mènerait à ce résultat.
- Les grèves et les « lock out » sont des évènements qui doivent être planifiés à l'avance. Par conséquent, ils ne constituent pas des situations qu'un employeur ne peut raisonnablement prévoir. Toutefois, une grève illégale, déclenchée à la dernière minute, sans aucun avertissement donné à l'employeur, répondrait à cette définition.
- Finalement, les situations de « force majeure » sont parmi celles qui sont les plus évidentes à citer en exemple. La nature même de ces événements fait en sorte qu'ils sont soit imprévisibles ou soit impossibles à anticiper en terme de dommages qu'ils peuvent causer. Aucun employeur ne pourrait prévoir l'ampleur des conséquences qui découleraient d'un tremblement de terre, d'un ouragan ou d 'une tornade. Ces évènements constitueraient nettement des situations imprévisibles.
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