Commission d’enquête sur les relations de travail dans les ports de la côte Ouest : Rapport final
Titre officiel : Rapport et recommandations de la Commission d’enquête sur les relations de travail, présenté à l’honorable Steven MacKinnon, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, conformément à l’article 108 du Code canadien du travail en ce qui concerne les conflits de travail avec les débardeurs dans les ports de la côte Ouest du Canada
Soumis par : Vincent L. Ready, président; Amanda Rogers, membre de la Commission, le 8 mai 2025
Sur cette page
- Note au lecteur
- Lettre au ministre
- Liste des abréviations
- Résumé exécutif
- 1. Introduction
- 2. L'importance des ports canadiens et en particulier des ports de la côte Ouest
- 3. Les parties et la structure des négociations collectives dans les ports de la côte Ouest
- 3.1. International Longshore and Warehouse Union Canada (ILWU Canada) et la section locale 514 de l'ILWU
- 3.2. La British Columbia Maritime Employers Association (BCMEA)
- 3.3. Bureaux d'embauchage et répartition dans le cadre de l'Accord sur les débardeurs et de l'Accord sur les contremaîtres
- 3.4. Le cadre juridique des négociations
- 4. Cadre juridique de la négociation collective dans le secteur du débardage au canada
- 5. Structures internationales de négociation collective dans le secteur du débardage
- 6. Historique des conflits de travail dans les ports de la côte Ouest
- 6.1. Négociations de 2010 pour la convention collective des débardeurs
- 6.2. Grève et lock-out des débardeurs dans les ports de la côte Ouest en 2018
- 6.3. Grève des débardeurs dans les ports de la côte Ouest en 2023
- 6.4. Lock-out dans l'ensemble du secteur de 2024 de la section locale 514 de l'ILWU (contremaîtres) dans les ports de la côte Ouest
- 7. Études réalisées précédemment sur la négociation dans le secteur du débardage de la côte Ouest
- 8. Résumé des positions des parties
- 9. Analyse générale des questions et recommandations
- 9.1. Recommandation 1 : Le droit de grève/lock-out doit être préservé dans le secteur du débardage au Canada
- 9.2. Recommandation 2 : Il faut promulguer une loi pour créer un nouveau processus impliquant un médiateur spécial afin d'améliorer le processus de libre négociation collective
- 9.3. Recommandation 3 : Une accréditation syndicale à l'échelle de la C.-B. (excluant Westshore Terminals et Trigon Pacific Terminals) est l'unité de négociation la plus appropriée pour les débardeurs
- 9.4. Recommandation 4 : Un cadre approprié pour les négociations collectives doit être mis en place
- 9.5. Recommandation 5 : Les parties à l'accréditation régionale devraient former un regroupement de syndicats composé des sections locales de débardage de l'ILWU Canada avec des membres travaillant pour la BCMEA et de la section locale 514
- 9.6. Recommandation 6 : Le gouvernement adopte des modifications législatives ou une nouvelle loi nécessaire à l'accréditation régionale
- 9.7. Recommandation 7 : Aucune modification de la gouvernance interne ou des processus décisionnels des parties
- 9.8. Autres recommandations formulées par les parties
- 10. Conclusion et résumé des recommandations
- Annexe A - Recommandations
- Annexe B - Intervenants consultées
- Annexe C - Résumé des négociations collectives
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Commission d’enquête sur les relations de travail dans les ports de la côte Ouest : Rapport final [PDF - 1,54 Ko]
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Note au lecteur
L’information contenue dans le présent rapport ne reflète pas nécessairement la position ou les opinions de la ministre du Travail ou du gouvernement du Canada.
Lettre au ministre
Le 8 mai 2025
L'honorable Steven MacKinnon
Ministre de l'Emploi, du Développement de la main-d'œuvre et du Travail du Canada
Monsieur le Ministre,
Objet : Commission d'enquête sur les relations de travail, conformément à l'article 108 du Code canadien du travail en ce qui concerne les conflits de travail avec les débardeurs dans les ports de la côte Ouest
Vous trouverez ci-joint le rapport définitif, accompagné des recommandations, que notre commission d'enquête a dressées au sujet des enjeux sous-jacents aux conflits de travail avec les débardeurs sur la côte Ouest du Canada.
Nous espérons que notre rapport répond au mandat qui nous a été confié et vous remercions de nous avoir donné l'occasion de réaliser ce travail intéressant et important. N'hésitez pas à nous contacter si vous avez besoin de notre aide à l'avenir.
Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, nos salutations distinguées.
Vincent L. Ready
Président
Amanda Rogers
Membre
Liste des abréviations
- AEHI
- Association des employeurs Halifax Incorporée
- AEM
- Association des employeurs maritimes
- AID
- Association internationale des débardeurs
- AMFA
- Aircraft Mechanics Fraternal Association
- BCMEA
- British Columbia Maritime Employers Association
- C.-B.
- Colombie-Britannique
- CCRI
- Conseil canadien des relations industrielles
- CCRT
- Conseil canadien des relations du travail
- CLI
- Commission de la lutte contre l’inflation
- CN Rail
- Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
- CPKC
- Canadian Pacific Kansas City
- DRJ
- Devoir de représentation juste
- É.-U.
- États-Unis
- ETCOF
- Employeurs des transports et communications de régie fédérale
- EVP
- Équivalent vingt pieds
- ILWU
- International Longshore and Warehouse Union
- SCFP
- Syndicat canadien de la fonction publique
- SFMC
- Service fédéral de médiation et de conciliation
Résumé exécutif
Les ports du Canada jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement de l'économie canadienne et de connexion entre les agriculteurs, les industries de ressources naturelles, les fabricants, les consommateurs et les travailleurs canadiens et les marchés mondiaux. Les ports de la côte Ouest, en particulier, sont essentiels à la structure économique du Canada, car ils traitent un volume important du commerce total de marchandises du pays, dont une moyenne de 800 millions de dollars de marchandises par jour et 25 % de l'ensemble des marchandises échangées chaque année.
En juillet 2023, un conflit de travail entre l'International Longshore and Warehouse Union (ILWU) Canada et la British Columbia Maritime Employers Association (BCMEA) dans les ports de la côte Ouest interrompt les importations et les exportations canadiennes. Compte tenu de l'impact significatif sur les entreprises canadiennes et la population, le ministre du Travail s'est engagé à mettre en place une Commission d'enquête industrielle (Commission) en vertu de l'article 108 du Code canadien du travail afin d'étudier les causes d'instabilité du travail dans les ports de la côte Ouest et de recommander des changements structurels pour faciliter le processus de libre négociation collective entre les parties.
Il est irréfutable que l'histoire des conflits de travail dans les ports de la côte Ouest – y compris le plus récent lock-out de la section locale 514 de l'ILWU par la BCMEA à l'automne 2024 alors que les travaux de la Commission étaient en cours – a exacerbé les inquiétudes quant à la réputation du Canada en tant que partenaire commercial fiable, en plus de causer un préjudice économique aux travailleurs canadiens, aux communautés et à la chaîne d'approvisionnement dans son ensemble. Compte tenu de l'interdépendance de la chaîne d'approvisionnement du Canada, une perturbation, même de courte durée, peut avoir un effet d'entraînement dramatique sur les industries à travers le pays, notamment sur les chemins de fer, le camionnage et bien d'autres. Une fois qu'une cargaison est détournée vers un autre port, il y a un risque que les activités ne reprennent pas rapidement, voire pas du tout, dans les ports de la côte Ouest une fois que les opérations normales reprennent du service. Le besoin de fiabilité dans les ports du Canada n'a fait que s'intensifier avec les récents tarifs douaniers sur les produits canadiens introduits et menacés par le président américain Donald Trump, qui devraient changer radicalement la nature de l'importation et de l'exportation au Canada.
Les ports de la côte Ouest sont confrontés à des défis bien ancrés et à une dynamique en constante évolution nécessitant une attention ainsi que des actions réfléchies pour garantir que les droits des membres des syndicats à négocier les conditions d'emploi soient autant pris en compte que les droits des employeurs à gérer leurs entreprises, tout en considérant l'intérêt national pour la stabilité portuaire. Comme l'explique en détail le présent rapport, les questions auxquelles sont confrontées les parties sont complexes et vont au-delà des différends conventionnels sur les salaires et les avantages sociaux pour inclure des questions litigieuses tel que la sécurité future de l'emploi face à l'automatisation croissante et l'évolution constante du rôle des débardeurs résultant des progrès technologiques considérables dans le secteur.
La recherche de rentabilité et de pratiques de travail plus efficaces dans les ports a conduit les employeurs de débardeurs à poursuivre ce que les syndicats considèrent comme des demandes de négociation impopulaires menant les parties à s'affronter sur des enjeux complexes et polarisants. Cependant, la concurrence multidimensionnelle s'étend à l'ensemble de la chaîne logistique, impliquant divers acteurs, y compris les compagnies maritimes, les opérateurs de terminaux et les services de transport terrestre. Cela signifie que les opérateurs externes ont une portée significative sur la façon dont les ports structurent leurs opérations et exercent une pression supplémentaire sur l'efficacité des opérations de manutention des cargaisons.
Le mandat de la Commission repose sur la reconnaissance du fait que des mesures doivent être prises pour réduire la probabilité qu'un conflit de travail interrompe les activités portuaires, compte tenu de l'impact important d'une telle perturbation. Il est urgent de s'adapter à l'évolution du marché mondial, qui représente une menace très réelle pour les moyens de subsistance des débardeurs, si les ports de la côte Ouest ne sont pas compétitifs et fiables. Il n'existe pas de solution miracle pour trouver un juste équilibre entre les intérêts des travailleurs et le besoin de stabilité et d'efficacité dans les ports. Cependant, pour tenir compte des intérêts de toutes les parties, ces derniers doivent coopérer et faire preuve de souplesse, en reconnaissant leurs responsabilités.
Reconnaissant que le droit de grève est un droit fondamental en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés qui ne peut et ne doit pas être enlevé pour les travailleurs non essentiels, les recommandations suivantes sont proposées pour promouvoir de meilleures relations de travail plus stables dans les ports de la côte Ouest :
- Recommandation 1 : Que le droit de grève/lock-out soit préservé pour l'industrie du débardage au Canada.
- Recommandation 2 : Que le Code canadien du travail soit modifié pour inclure des dispositions spéciales concernant les médiateurs, comme indiqué dans ce rapport.
- Recommandation 3 : Une accréditation géographique pour que la Colombie-Britannique (excluant Westshore Terminals et Trigon Pacific Terminals) soit l'unité de négociation la plus appropriée pour les travailleurs de l'industrie du débardage.
- Recommandation 4 : Un cadre approprié pour la négociation collective conformément à l'accréditation élargie recommandée dans ce rapport doit être établi.
- Recommandation 5 : Les parties avec l'accréditation géographique devraient être un conseil syndical composé des sections locales de débardage d'ILWU Canada dont les membres travaillent pour les membres de la BCMEA et de la section locale 514.
- Recommandation 6 : Le gouvernement doit adopter les modifications législatives ou une nouvelle législation nécessaire à l'accréditation géographique.
- Recommandation 7 : Aucune modification de la gouvernance interne ou des processus décisionnels des parties n'est recommandée.
Les conclusions et les recommandations présentées dans ce rapport offrent une feuille de route pour atteindre une stabilité et une prospérité durables dans les ports de la côte Ouest tout en soulignant l'importance de moderniser les pratiques de négociation collective afin de favoriser une plus grande collaboration entre les syndicats et la direction.
Le succès de ces recommandations dépend de la volonté des intervenants d'accepter le changement et de travailler ensemble à la réalisation d'un objectif commun. Cela nécessite un dialogue ouvert, un respect mutuel et un engagement à trouver des solutions qui profitent à toutes les personnes concernées ainsi qu'à l'intérêt national. Toutes les parties - syndicats, patronat, gouvernement et la population au sens plus large - sont invitées à saisir cette occasion de construire un avenir plus fort, plus compétitif et plus durable pour les ports de la côte Ouest et pour le Canada dans son entièreté.
1. Introduction
Le 22 avril 2024, l'honorable Seamus O'Regan, ministre du Travail et des Aînés, a nommé le soussigné à la Commission d'enquête sur les relations de travail (ci-après la « Commission »), conformément à l'article 108 du Code canadien du travail (ci-après le « Code »).
Un an plus tôt, en août 2023, un conflit de travail de 13 jours dans les ports de la Colombie‑Britannique (C.-B.) avait paralysé les importations et les exportations canadiennes. Compte tenu des répercussions importantes sur les entreprises et la population canadiennes, le ministre s'est engagé à lancer un processus en vertu de l'article 108 du Code afin d'enquêter sur la cause de l'instabilité continue de la main-d'œuvre dans les ports de la C.-B. et de recommander des changements structurels pour faciliter le processus de libre négociation collective.
À cette fin, en octobre 2023, le gouvernement fédéral a engagé les experts indépendants en relations de travail, Anthony Giles et Kevin Banks, pour cerner les questions clés auxquelles il fallait répondre et proposer un mandat pour un examen plus complet de la question de l'instabilité. Giles et Banks ont conclu que les ports de la C.-B. représentent une étude de cas unique qui nécessite un examen plus approfondi, recommandant que la Commission se voie confier un mandat élargi afin qu'elle se penche sur la question touchant la main-d'œuvre dans les ports de la C.-BFootnote 1. Ainsi, la présente Commission d'enquête sur les conflits de travail avec les débardeurs dans les ports de la côte Ouest du Canada a été nommée afin qu'elle examine la situation et qu'elle formule des recommandations qui contribueront à assurer une plus grande stabilité des relations de travail dans le secteur portuaire tout en préservant l'intégrité du processus de négociation collective.
La Commission souhaite reconnaître la contribution de Giles et Banks à la présente enquête. Leur rapport de 2024 a permis de résumer les enquêtes précédentes, d'examiner la littérature universitaire et de fournir des descriptions détaillées des modèles de négociation collective existants dans le secteur du débardage. Ce rapport s'appuie sur les fondements établis par Giles et Banks, mais se concentre sur l'élaboration de recommandations conformément au mandat de la CommissionFootnote 2.
Dans un communiqué de presse annonçant la mise sur pied de la Commission, le gouvernement fédéral a indiqué que l'objectif est d'assurer la stabilité et a précisé ce qui suit :
« Le Canada est un partenaire d’échanges commerciaux fiable à l’échelle internationale. C’est une bonne chose pour tous les travailleurs et les employeurs au pays. Cependant, notre crédibilité repose sur la stabilité de nos chaînes d’approvisionnement et nous devons tout faire pour la préserverFootnote 3. »
L'instabilité dans les ports de la C.-B. a été démontrée pendant les travaux de la Commission lorsque les contremaîtres débardeurs représentés par la section locale 154 de l'International Longshore and Warehouse Union (ILWU) ont été mis en lock-out par la British Columbia Maritime Employers Association (BCMEA) à l'échelle de l'industrie. Selon la Commission, le récent lock-out en C.-B. met encore plus en évidence la nécessité de modifier la structure et le cadre de la négociation collective dans les ports.
1.1. Mandat
Le mandat de la Commission est d'examiner, avec la participation active des parties, la structure et les processus de négociation collective entre la BCMEA et la section canadienne de l'ILWU, y compris :
- l'application unique de l'accréditation régionale sur la côte Ouest;
- sa couverture des employeurs et des employés;
- la question de savoir si une structure de négociation à plusieurs niveaux répartissant les questions entre la table centrale et les autres tables serait appropriée;
- la question de savoir si des réformes à la gouvernance interne et à des structures décisionnelles des parties pourraient contribuer à réduire la probabilité d'arrêts de travail;
- s'il pourrait y avoir des procédures volontaires de résolution des conflits dans le cadre de la négociation collective, spéciale ou permanente, telle que la médiation et l'arbitrage, qui pourraient aider les parties à résoudre les problèmes récurrents qui surviennent entre elles;
et recommander dans un rapport final au ministre du Travail les changements pertinents, le cas échéant, et comment ils pourraient être mis en œuvre, y compris par l'application ou la modification des dispositions du Code canadien du travail concernant les structures, les droits, les responsabilités et les obligations des parties à la négociation collective. Le rapport final sera soumis au ministre au plus tard au début du mois de mai 2025.
1.2. Processus de la Commission d'enquête sur les relations de travail
Les 18, 24 et 27 juin 2024, la Commission a envoyé des lettres aux parties et aux intervenants impliqués ou affectés par les négociations visant les débardeurs, les invitant à soumettre leurs observations.
Nous avons reçu 24 réponses de diverses organisations, dont, surtout, la BCMEA, l'ILWU Canada et la section locale 514 de l'ILWU - les parties aux négociations avec les débardeurs dans les ports de la côte Ouest du Canada. Nous remercions tous ceux qui ont pris le temps de réfléchir au mandat de la Commission et de nous faire part de leurs commentaires pertinents sur ces sujets importants.
Après avoir reçu les premières observations, la Commission a tenu des réunions avec les parties et d'autres intervenants et personnes ayant une connaissance directe des négociations dans les ports de la côte Ouest, notamment les ministères du Travail et des Transports de la C.-B. et Transports Canada. La Commission a également demandé et reçu des observations supplémentaires des partiesFootnote 4.
La Commission remercie les parties de leur pleine participation et de leur engagement dans le processus qu'elle a entamé. Nous les avons rencontrées séparément à plusieurs reprises afin de mieux comprendre les questions complexes et difficiles auxquelles elles se heurtent dans le cadre des négociations. Nous avons également rencontré les parties ensemble lorsque la Commission s'est rendue dans la région des ports du Lower Mainland en C.-B., en compagnie de représentants syndicaux et patronaux et de leurs conseillers juridiques, où nous avons pu en apprendre davantage sur l'important travail effectué dans le secteur portuaire. La Commission s'est également rendue dans les ports de Halifax pour s'entretenir avec les parties concernées par les opérations de débardage et pour en savoir plus sur les opérations portuaires en général.
Au cours de ces visites, nous avons acquis une connaissance approfondie des opérations de débardage et une compréhension beaucoup plus large des activités portuaires et des défis connexes. Nous avons été impressionnés par le dévouement et l'éthique de travail de toutes les personnes que nous avons observées et rencontrées et nous sommes reconnaissants envers toutes celles qui nous ont accueillis lors de ces visites sur place et qui ont pris le temps de nous aider à comprendre le travail effectué dans les ports. Nous tenons à remercier tout particulièrement, sans ordre particulier, les personnes suivantes qui ont si généreusement donné de leur temps et mis en commun leurs points de vue, notamment lors des visites sur le terrain : Ronald Pink, KC, avocat du Halifax ILA Council; Kevin Piper, président du ILA Council; Brian G. Johnston, K.C., avocat de la Halifax Employers Association; Richard Moore, président et directeur général de la Halifax Employers Association; Rob Aston ILWU Canada, Bob Dhaliwal, secrétaire-trésorier, ILWU Canada; Craig Bavis et Rebecca Kantwerg, avocats de l'ILWU et d'Agnieszka Kalinowska; Sébastien Anderson, avocat de la section locale 514 de l'ILWU; Mike Leonard, président et directeur général de la BCMEA; Jack Vogt, vice-président des relations de travail de la BCMEA; Tom Roper, K. C. et Sabrina Anis, avocate de la BCMEA.
Nous avons également rencontré des représentants des débardeurs à Montréal et à San Francisco. Nous tenons à remercier Patrick Murphy, vice-président de l'ILA, Dominik Prud'homme, secrétaire-trésorier du Syndicat des Débardeurs (section locale 375 du SCFP), Terry Wilson, président et agent d'affaires de l'ILA 273, Chris Gosse, président de l'ILA 1953; Martin Lapierre, président SCFP 375; Wanda Robinson, ILA Local 1341; Elizabeth Raincourt-Bond, présidente ILA Local 1657; Donald Beerworth, agent d'affaires, ILA Local 1657; Albert Batten, vice-président ILA; Michel Murray, représentant SCFP section locale 375. Nous tenons également à remercier Robert « Bobby » Olvera Jr, président de l'ILWU International, et Lindsay R. Nicholas, avocate générale et administratrice exécutive de l'ILWU International.
La Commission a également rencontré des représentants de l'association Employeurs des transports et communications de régie fédérale (ETCOF), composée d'entreprises de régie fédérale dans les secteurs des transports et des communications. Nous tenons à exprimer nos sincères remerciements et notre gratitude à ces organisations – faisant partie notamment de ETCOF, Michael Abbott, d'Air Canada; Derrick Hynes, de ETCOF; Ken Johnston, de Purolator; Stephanie McGuire, de CN Rail; Amanda Sarginson, de Nav Canada; Reno Vaillancourt, de Bell; et Nathan Cato, de CPKC Rail.
La volonté de ces participants de faire part de leurs expériences et de leurs points de vue a grandement facilité notre travail, et ce processus d'engagement complet nous a fourni des informations essentielles et une compréhension globale de l'état actuel de l'industrie maritime et des défis auxquels se heurte cette dernière. Une fois de plus, nous remercions tous ceux qui ont apporté leur contribution, y compris les fonctionnaires des différents ministères et départements qui nous ont aidé dans notre travail.
En plus des renseignements recueillis et soumis au cours du processus de consultation, la Commission a mené ses propres recherches sur la structure des négociations collectives dans les ports du monde entier et sur les ports ayant la plus grande stabilité de la main-d'œuvre. Dans le cadre de ce processus, la Commission s'est penchée sur le processus d'accréditation des débardeurs et les négociations collectives dans d'autres ports, au Canada et à l'étranger, et a examiné les structures de négociation à plusieurs niveaux dans d'autres secteurs, ainsi que les éléments des modèles de résolution des conflits au Canada et à l'étranger, afin de formuler ses recommandations.
2. L'importance des ports canadiens et en particulier des ports de la côte Ouest
Les ports du Canada jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement de base de l'économie canadienne et dans l'établissement d'un lien entre les agriculteurs, les industries des ressources naturelles, les fabricants, les consommateurs et les travailleurs canadiens avec les marchés mondiaux pour toutes sortes de biens échangés. Leur importance économique pour le pays s'est accrue au fil du temps, les Canadiens étant devenus de plus en plus dépendants des importations pour répondre à la demande intérieure d'une large gamme de biens de consommation, d'intrants intermédiaires pour les entreprises, de produits de haute technologie et de nombreux autres articles. En outre, le commerce bilatéral du Canada avec les marchés étrangers, où le transport maritime domine les flux de marchandises, a augmenté, parallèlement à la croissance rapide de la Chine, de la Corée du Sud, de l'Inde et d'autres économies de l'Asie-Pacifique, ainsi qu'à l'expansion et à l'intégration économique accrue de l'Union européenneFootnote 5.
Le système portuaire national du Canada, élément clé de l’économie nationale des transports et des points d’entrée, génère plus de 50 milliards de dollars de production par anFootnote 6. Ce chiffre comprend l’impact direct des opérations portuaires ainsi que les impacts économiques indirects et induits connexes. Plus de 70 000 Canadiens sont employés dans les ports du Canada, avec une rémunération annuelle moyenne supérieure à 70 000 dollarsFootnote 7. Si l’on ajoute les effets indirects et induits des opérations portuaires tout au long de la chaîne d’approvisionnement et sur le marché du travail canadien dans son ensemble, le nombre total d’emplois soutenus par les ports du pays s’élève à environ 213 000Footnote 8. Il convient de noter que pour chaque million de tonnes de marchandises manutentionnées dans les ports canadiens, plus de 300 emplois sont créés et soutenus dans l’« horizon terrestre », c’est-à-dire au-delà des installations portuaires elles mêmesFootnote 9.
Il ne fait aucun doute que les ports de la C.-B., en particulier les ports de Vancouver et de Prince Rupert, sont essentiels à l'infrastructure économique du Canada, puisqu'ils traitent un volume important du commerce total des marchandises du pays. Selon une étude d'impact économique de 2021 commandée par la BCMEA, les ports de la C.-B. facilitent en moyenne 800 millions de dollars de transactions quotidiennes, contribuant à environ 290 milliards de dollars d'échanges commerciaux annuelsFootnote 10.
Les ports de la côte Ouest du Canada traitent en moyenne 800 millions de dollars de marchandises par jour, soit 25 % du total des marchandises échangées annuellement par le pays. Le port de Vancouver est le plus grand port du Canada. Il est à peu près de la même taille que les cinq autres plus grands ports canadiens réunis et constitue la porte d'entrée du Canada vers plus de 170 économies commerciales mondiales, traitant environ 305 milliards de dollars de marchandises, ce qui représente 115 300 emplois, 7 milliards de dollars de salaires et 11,9 milliards de dollars de PIB dans l'ensemble du CanadaFootnote 11.
Transports Canada décrit le port de Vancouver comme le plus grand port au pays en termes de tonnage global de marchandises, mais aussi pour des types de marchandises clés tels que les conteneurs, les céréales, le charbon et la potasse. Comptant 29 terminaux, trois voies ferrées de catégorie 1 et de nombreuses installations d'entreposage hors quai et de transbordement, le complexe portuaire traite l'une des gammes de marchandises les plus diversifiées d'Amérique du Nord et constitue la plus importante porte d'entrée du commerce extérieur du Canada, avec plus de :
- 3,1 millions d'équivalents vingt pieds (EVP);
- 150 millions de tonnes de marchandises, représentant environ 240 milliards de dollars; et
- 2 600 escales de navires étrangers par anFootnote 12.
Transports Canada estime qu'un dollar sur trois des échanges de marchandises du Canada en dehors de l'Amérique du Nord est traité dans le port de Vancouver et que 115 300 emplois sont soutenus par les activités maritimes et portuaires de ce port, générant environ 7 milliards de dollars de salaires et 11,9 milliards de dollars en retombées économiques annuelles dans tout le CanadaFootnote 13.
Selon Transports Canada, le port de Prince Rupert est le troisième plus grand port du Canada en termes de valeur des marchandises échangées, en 2023 :
- 0,7 million d'EVP;
- 23,5 millions de tonnes de marchandises, ce qui représente environ 60 milliards de dollars d'échanges commerciaux; et
- autogénérant une activité économique annuelle de plus de 1,4 milliard de dollars.
Selon Transports Canada, les activités maritimes et portuaires de Prince Rupert soutiennent 3 700 emplois directsFootnote 14. Le port est également une liaison directe avec les marchés intérieurs de l'Amérique du Nord, ses terminaux étant desservis par la Compagnie de chemins de fer nationaux du Canada (CN Rail). Il constitue une escale populaire pour les grands navires de croisière naviguant le long de la côte occidentale, accueillant environ 81 300 croisiéristes en 2023.
Les ports de la C.-B. sont essentiels aux échanges commerciaux du Canada avec les marchés internationaux et facilitent l'exportation et l'importation de divers biens. Les ports génèrent un nombre important d'emplois, à la fois directement et indirectement. Cela inclut l'emploi pour les débardeurs, les entreprises de logistique, les compagnies maritimes, les systèmes ferroviaires, les fabricants et l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. Par ailleurs, environ 66 % des marchandises arrivant au port de Vancouver sont acheminées par rail vers leur destination au Canada ou dans le Midwest américainFootnote 15. Plus généralement, les ports encouragent les investissements dans les infrastructures, telles que les réseaux routiers et ferroviaires, qui profitent non seulement aux ports, mais aussi aux communautés et aux entreprises environnantes, et soutiennent le tourisme grâce à l'exploitation des navires de croisière. L'impact économique et stratégique des ports de la C.-B. est donc considérable.
Si le Canada, et plus particulièrement la C.-B., ne peut pas traiter de manière fiable et cohérente les marchandises importées et exportées par les ports, il est à craindre que les expéditeurs ne prennent des dispositions permanentes avec les ports de Tacoma, Seattle, Oakland, San Francisco ou Los Angeles. Lors de la grève des débardeurs de 2023, plus de 17 porte-conteneurs ont finalement été détournés vers d'autres portsFootnote 16. Il suffit de dire que la perte de cette activité de manière plus permanente nuirait gravement aux travailleurs canadiens, aux communautés et à l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement.
Bien que les parties ne s'entendent pas sur l'impact pécuniaire précis des récents conflits de travail, il ne fait aucun doute que ces conflits ont provoqué une perturbation importante des échanges commerciaux. Le Greater Vancouver Board of Trade estime à 10,7 milliards de dollars les pertes commerciales causées par la grève de 2023Footnote 17. Le ministre a indiqué qu'il s'agit d'« une perturbation économique dont aucun conflit ne devrait être responsableFootnote 18 ».
L'importance de l'incidence économique des ports de la C.-B. sur la province et le pays est largement reconnue des deux côtés du clivage entre les travailleurs et les entreprises, tout comme le fait que les ports de la C.-B. sont des plaques tournantes essentielles pour le commerce et le transport. Selon la Commission, la nécessité de la fiabilité sur le marché international n'a été que renforcée par les récentes annonces de Donald Trump concernant son intention d'imposer des droits de douane importants sur les marchandises canadiennes exportées vers les É.-U., et la nécessité qui en résulte pour les exportateurs canadiens d'explorer d'autres partenaires commerciaux.
3. Les parties et la structure des négociations collectives dans les ports de la côte Ouest
Les ports étant réglementés par le gouvernement fédéral, les dispositions du Code s'appliquent aux négociations collectives entre les parties.
Il convient de rappeler que la structure actuelle des négociations collectives pour les ports de la côte Ouest découle principalement de deux relations volontaires centrales entre la BCMEA et la section canadienne de l'ILWU.
La BCMEA est une organisation qui représente la grande majorité des entreprises de débardage et des exploitants de terminaux qui effectuent des travaux de débardage en C.-B. Fondée en 1966, la BCMEA fonctionne comme une société en vertu de la Societies Act et mène des négociations collectives en son nom et au nom de ses membres.
L'ILWU, par l'entremise de diverses sections locales, représente les travailleurs du secteur portuaire. Comme nous le verrons plus en détail, l'ILWU opère à la fois au niveau national et local au Canada.
Il existe deux accords principaux entre la BCMEA et l'ILWU applicables à l'industrie du débardage dans les ports de la côte Ouest :
[a] Accord sur les débardeurs (également appelé Accord sectoriel). La BCMEA et la section canadienne de l’International Longshore and Warehouse Union (ILWU Canada) sont signataires d’une convention collective relative aux conditions d’emploi des débardeurs (l’Accord sur les débardeurs), ainsi que d’accords parallèles spécifiques qui ont été fusionnés dans le « Black Book », qui est intégré par renvoi à la convention collective et en fait partie.
[b] Accord sur la section locale 514 (également appelé Accord sur les contremaîtres). La BCMEA et la section locale 514 des contremaîtres de navire et de quai de l’International Longshore and Warehouse Union (la section locale 514) sont signataires d’une convention collective relative aux conditions d’emploi des contremaîtres (l’Accord sur la section locale 514).
L’ILWU Canada est la section canadienne de l’ILWU internationale. L’ILWU est composée de diverses sections locales partout au Canada, principalement (mais pas exclusivement) dans le secteur du débardage. L’ILWU Canada est composée de plusieurs « sections locales de débardeurs » en C.-B. L’Accord sur les débardeurs s’applique aux débardeurs membres des sections locales suivantes :
- [a] la section locale 500, représentant les travailleurs de la région de Vancouver;
- [b] la section locale 502, représentant les travailleurs de la région du fleuve Fraser dans la région métropolitaine de Vancouver (c’est-à-dire New Westminster/Surrey/Delta);
- [c] la section locale 505, représentant les travailleurs de Prince Rupert;
- [d] la section locale 508, représentant les travailleurs de l’île de Vancouver;
- [e] la section locale 519, représentant les travailleurs de Stewart.
La section locale 514 représente les contremaîtres de débardeurs dans tous les ports de la côte Ouest.
L’Accord sur la section locale 514 comporte deux accords supplémentaires qui concernent les planificateurs et répartiteurs de navires chez certains employeurs membres. Plus précisément :
- l’Accord sur les débardeurs le plus récent est en vigueur du 1er avril 2023 au 31 mars 2027;
- l’Accord sur la section locale 514 le plus récent est en vigueur du 1er avril 2018 au 31 mars 2023. Les négociations en vue du renouvellement de l’Accord sur la section locale 514 ont abouti à un lock-out de l’ensemble du secteur portuaire à l’été 2024 et ont été soumises à l’arbitrage des différends.
- [a] La section locale 514 représente les répartiteurs et les planificateurs de navires de DP World (Canada) Inc., conformément aux modalités énoncées à l’annexe 2 de l’Accord sur la section locale 514 (Annexe sur les répartiteurs/ planificateurs de DP World).
- [b] La section locale 514 représente les répartiteurs de GCT Canada Limited Partnership, selon les modalités prévues à l’annexe 2 de l’Accord sur la section locale 514 (Annexe sur les répartiteurs de GCT).
Outre les deux principales conventions collectives (l’Accord sur les débardeurs et l’Accord sur la section locale 514), certaines sections locales de l’ILWU Canada sont également des agents négociateurs accrédités de certains employés faisant partie des membres de la BCMEA du secteur portuaire. Plus précisément :
- [a] la section locale 502 est l’agent négociateur accrédité des planificateurs de navires, de trains et de chantiers de GCT Canada Limited Partnership en vertu d’une convention collective distincte entre GCT Canada Limited Partnership et la section locale 502 (Accord sur les planificateurs de GCT);
- [b] la section locale 517 est l’agent négociateur accrédité du personnel de bureau employé par Squamish Terminals Ltd. en vertu d’une convention collective distincte conclue entre Squamish Terminals Ltd. et la section locale 517 (Accord sur le personnel de bureau employé par Squamish Terminals Ltd.);
- [c] la section locale 517 est l’agent négociateur accrédité du personnel de bureau, d’entretien, des installations et des opérations de DP World Fraser Surrey Docks en vertu d’une convention collective distincte entre DP World (Canada) Inc. et la section locale 517 (Accord sur le personnel de bureau employé par DP World Fraser Surrey Docks);
- [d] la section locale 500 est l’agent négociateur accrédité des techniciens en soutien des TI au terminal Centerm de DP World (Canada) Inc. en vertu d’une convention collective distincte entre DP World (Canada) Inc. et la section locale 500 (Accord sur les techniciens en soutien des TI au terminal Centerm);
- [e] la section locale 505 est l’agent négociateur accrédité des techniciens en soutien des TI de DP World Prince Rupert Inc. en vertu d’une convention collective distincte entre DP World Prince Rupert Inc. et la section locale 505 (Accord sur les techniciens en soutien des TI de Prince Rupert).
3.1. International Longshore and Warehouse Union Canada (ILWU Canada) et la section locale 514 de l'ILWU
Du côté syndical, l'ILWU Canada est signataire de l'Accord sur les débardeurs, et le président de l'ILWU Canada mène les négociations au nom de ses douze sections locales autonomes et de ses trois affiliés qui représentent un large éventail de travailleurs du secteur portuaire, notamment des opérateurs d'équipement, des ouvriers et des gens de métier qui chargent et déchargent les navires et entretiennent l'équipement et les terminauxFootnote 19.
Ces sections locales sont les suivantes :
- la section locale 500, Vancouver;
- la section locale 502, fleuve Fraser;
- la section locale 505, Prince Rupert;
- la section locale 508, île de Vancouver;
- la section locale 519, Stewart.
Comme expliqué précédemment, certaines sections locales de débardeurs détiennent des accréditations historiques dans certaines opérations de débardage en C.-B. Par ailleurs, les sections locales de débardeurs sont volontairement reconnues comme étant l'agent négociateur des employés qu'elles représentent.
Les circonscriptions des sections locales de débardeurs ont été fournies à la Commission par l'ILWU Canada dans le tableau suivant :
| Sections locales | Bureau syndical (compétence) | Membres | Occasionnels | Total |
|---|---|---|---|---|
| 500 | Vancouver (inlet Burrard, Squamish) | 1 179 (38,5 %) | 1 885 (61,5 %) | 3 064 (41,9 %) |
| 502 | Surrey (New Westminster, Delta, fleuve Fraser) | 1 195 (38,7 %) | 1 890 (61,3 %) | 3 085 (42,2 %) |
| 505 | Prince Rupert | 323 (35,6 %) | 585 (64,4 %) | 908 (12,4 %) |
| 508 | Chemainus (île de Vancouver) | 90 (43,7 %) | 116 (56,3 %) | 206 (2,8 %) |
| 519 | Stewart | 24 (55,8 %) | 19 (44,2 %) | 43 (0,6 %) |
| Totaux de l'industrie | 2 811 | 4 495 | 7 306 | |
La Commission note qu'un tableau similaire a été fourni par la BCMEA avec des chiffres légèrement différents.
En tant qu'agent négociateur volontairement reconnu de ces sections locales de débardeurs, l'ILWU Canada n'est pas un syndicat ni un agent négociateur accrédité des débardeurs, pas plus qu'il n'est un conseil de syndicats locaux, accrédité ou non, en vertu du Code. Comme indiqué plus loin dans le présent rapport, l'ILWU Canada ne répondrait pas aux exigences de ces définitions telles qu'elles figurent actuellement dans le Code.
Une sixième section locale de l'ILWU, la section locale 514, qui ne fait pas partie de l'ILWU Canada, représente les contremaîtres et est partie à une convention collective sectorielle distincte avec la BCMEAFootnote 20. Contrairement aux unités de négociation représentées par l'ILWU Canada, la section locale 514 est accréditée selon une approche fondée sur l'entreprise. En 1973, la section locale 514 a demandé au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) et obtenu auprès de ce dernier 17 accréditations individuelles d'entreprise.
Actuellement, la section locale 514 est accréditée en tant qu'agent de négociation exclusif pour représenter les contremaîtres employés par 16 employeurs différents. Selon les observations soumises par la section locale 514, celle-ci compte actuellement environ 695 membres répartis en unités de négociation comptant entre 3 (Pinnacle Renewable Energy Inc.) à 214 membres (GCT Canada Limited Partnership). La section locale 514 note qu'il y a six unités de négociation qui comptent moins de dix membres.
Malgré l'existence d'accréditations selon une approche fondée sur l'entreprise, la section locale 514 négocie avec la BCMEA à l'échelle de l'industrie, et une seule convention collective couvre tous les membres de la section locale 514 en C.-B. Par le passé, la section locale 514 a émis un avis de négociation pour chacune des unités de négociation pour laquelle elle est l'agente de négociation accréditée, bien que la négociation collective entre la section locale 514 de l'ILWU et la BCMEA ait lieu volontairement à l'échelle de l'industrie depuis un certain nombre de décennies. Malgré la nature de longue date de cet arrangement, la section locale 514 a indiqué qu'elle avait l'intention de poursuivre les négociations selon une approche fondée sur l'entreprise lors du prochain cycle, comme il est énoncé plus loin dans le présent rapport.
3.1.a. Structure interne de l'ILWU pour les négociations collectives
Comme le prévoit la constitution de l'ILWU Canada, les sections locales des débardeurs forment un « comité de gestion des contrats des débardeurs » avant chaque cycle de négociation des débardeurs.
Les comités de gestion des contrats ont le pouvoir de déterminer leurs propres règles de gouvernance, mais dans la pratique, chaque section locale de débardeurs a droit à deux délégués au sein du comité, et le président de chaque section locale de débardeurs occupe automatiquement un poste de délégué. Les sections locales comptant plus de 100 membres ont droit à un délégué supplémentaire pour chaque tranche de 50 membres supplémentaires.
Le comité de gestion des contrats dirige les négociations des débardeurs et détermine la stratégie, les objectifs et les tactiques, y compris les questions liées au calendrier de grève et aux activités connexes.
La pratique du syndicat, bien qu'elle ne soit pas détaillée dans la constitution d'ILWU Canada, est que le comité de gestion des contrats établit le comité de négociation des débardeurs, qui est composé des présidents de chacune des sections locales de débardeurs et du président d'ILWU Canada, qui a voix au chapitre, mais pas de droit de vote. Selon les observations soumises par l'ILWU Canada, son premier vice-président fait souvent partie du comité de négociation, car il est généralement responsable de l'application de la convention collective qui en découle. En outre, ces dernières années, le comité de gestion des contrats a ajouté des membres supplémentaires issus des sections locales de débardeurs afin qu'ils siègent au comité de négociation.
Dans la pratique, le comité syndical de négociation ne peut parvenir à un accord de principe qu'après que la majorité des cinq présidents des sections locales de débardeurs a voté en faveur de l'ensemble des mesures, mais il ne peut pas recommander l'accord aux membres du syndicat sans avoir obtenu au préalable l'approbation du comité de gestion des contrats.
Comme l'a énoncé l'ILWU Canada dans ses observations, dans la pratique, le soutien des deux tiers des membres du comité de gestion des contrats est nécessaire avant que l'accord de principe puisse être examiné par les membres du syndicat. Un vote à la majorité simple de l'ensemble des membres des sections locales de débardeurs ayant le droit de vote est nécessaire pour ratifier l'accord.
3.2. La British Columbia Maritime Employers Association (BCMEA)
Les membres de la BCMEA comprennent à la fois des entreprises de manutention qui emploient directement des débardeurs et des entreprises de transport maritime qui ne le font pas. Comme indiqué précédemment, la BCMEA représente toutes les entreprises de débardage et les exploitants de terminaux engagés dans des travaux de débardage en C.-B., à l'exception de Westshore Terminals Ltd. et de Trigon Pacific Terminals Ltd. (anciennement Ridley Terminals Inc.).
Actuellement, la BCMEA représente environ 62 armateurs et autres types d'employeurs maritimes et du secteur du débardage exploitant leur entreprise en C.-B. Environ 16 des employeurs membres emploient directement des débardeurs. Il s'agit d'un sous-groupe d'employeurs qui est souvent appelé « employeurs directs ».
Les seules entreprises employant des débardeurs que la BCMEA ne représente pas en C.-B. sont Westshore Terminals Ltd - terminal charbonnier de Roberts Bank -, et Trigon Pacific Terminals Ltd (anciennement Ridley Terminals Inc.) - terminal charbonnier de Prince Rupert -, qui ont tous deux des conventions collectives distinctes avec les sections locales 502, 514 et 523 de l'ILWU. Par ailleurs, les membres de la section locale 502 de l'ILWU à Westshore Terminals Ltd. ont été en grève pendant environ trois semaines entre septembre et octobre 2022. Les relations entre la section locale 523 et Trigon Pacific Terminals Ltd. (et son prédécesseur) ont été stables au fil des ans.
Dans ses observations, la BCMEA décrit comme suit les différentes catégories de membres :
- [a] Membres transporteurs : propriétaires, exploitants, affréteurs ou agents de navires de haute mer ou pour le compte de ceux-ci exerçant des activités dans le secteur maritime de la porte d’entrée du Pacifique en C.-B. Ces membres sont essentiellement des navires étrangers qui font escale dans les ports de la C.-B.
- [b] Membres employeurs directs : propriétaires ou exploitants de quais ou d’installations de chargement ou de déchargement à terre ou de terminaux dans la porte d’entrée du Pacifique en C.-B. Il s’agit notamment des débardeurs, des exploitants de quais généraux et des exploitants de terminaux de vrac.
- [c] Autres : entreprises exerçant leurs activités dans le secteur maritime, mais qui ne sont pas des membres transporteurs ou des membres employeurs directs.
La BCMEA représente les employeurs directs dans les négociations avec l’ILWU Canada et la section locale 514 de l’ILWU et joue un rôle direct dans l’exécution de la fonction des relations de travail, y compris le règlement des griefs. Pour remplir ce vaste mandat, la BCMEA fonctionne sous la direction d’un conseil d’administration.
La composition du conseil d’administration de la BCMEA est définie comme suit à l’article 7.3 de son règlement administratif :
Le conseil d’administration sera composé d’un minimum de sept et d’un maximum de neuf administrateurs, comme suit :
- (a) au moins quatre et au plus cinq administrateurs élus par et parmi les membres employeurs directs conformément au présent règlement;
- (b) au moins trois et au plus quatre administrateurs élus par et parmi les membres transporteurs conformément au présent règlement.
La composition du conseil d’administration est soumise en permanence aux règles suivantes :
- (c) le nombre d’administrateurs élus par les membres employeurs directs doit être supérieur à celui des administrateurs élus par les membres transporteurs;
- (d) il doit y avoir au moins un administrateur élu par les membres employeurs directs et au moins un administrateur élu par les membres transporteurs pour chacune des sous-catégories marchandises diverses, vrac et conteneurs;
- (e) pas plus d’un administrateur d’un groupe d’organisations connexes ne peut siéger au conseil d’administration.
En vertu de l'article 3.7 du règlement administratif de la BCMEA, chaque membre est tenu de se comporter d'une manière conforme aux dispositions de toute convention collective ou de tout accord opérationnel conclu par la BCMEA en son nom et ne doit prendre aucune mesure qui contrevient aux dispositions de ces accords, selon le pouvoir discrétionnaire raisonnable du conseil d'administration.
Chaque membre est lié par les décisions du conseil d'administration relatives à l'application d'une convention collective ou d'un accord opérationnel, ou à la négociation d'un tel accord ou d'une telle convention, y compris, notamment, la décision de décréter un lock-out pour une partie ou la totalité des membres, et doit adhérer à toutes les décisions et s'y conformer pleinement.
Comme indiqué à l'article 3.7, les obligations des membres sont exécutoires par voie d'injonction et le non-respect de ces dernières constitue un motif justifiant la prise de mesures disciplinaires. En vertu de son règlement administratif, le conseil d'administration de la BCMEA a le pouvoir d'expulser, de suspendre, de réprimander, de sanctionner ou de pénaliser un membre, ainsi que de refuser la répartition de la main-d'œuvre ou d'autres services, ou de prendre d'autres mesures disciplinaires à l'encontre d'un membre qui n'a pas respecté ces obligations.
3.2.a. Structure de négociation interne de la BCMEA
Le comité de négociation de la BCMEA a évolué au fil du temps. Actuellement, le comité est composé de huit membres, dont trois exploitants de terminaux représentant les secteurs du vrac, des marchandises diverses et des conteneurs, ainsi que des dirigeants de la BCMEA et du personnel chargé des relations de travail. Les exploitants de terminaux sont sélectionnés en fonction de leur expérience opérationnelle et de leur expertise en matière de négociation, l'équipe de direction et le groupe des relations du travail procédant à la sélection finale des propositions.
Selon la BCMEA, cette dernière utilise un processus consultatif exhaustif pour élaborer ses propositions de négociation et le mandat connexe. Ce processus commence généralement bien avant les négociations officielles. Par exemple, pour les négociations avec les débardeurs qui ont débuté en novembre 2022, le BCMEA a commencé ses travaux préparatoires en mars 2021. Le processus comprend plusieurs étapes clés :
- Mobilisation initiale des « cinq grandsFootnote 21 » employeurs pour favoriser la discussion et recueillir des commentaires.
- Séance de réflexion stratégique avec le conseil d'administration pour élaborer des thèmes et des mandats d'après les commentaires recueillis auprès des employeurs.
- Réunions approfondies avec tous les employeurs directs, à la fois individuellement et collectivement, afin de peaufiner les propositions.
- Consultation de divers comités, notamment le comité des exploitants et le comité des transporteurs.
- Mise au point de la trousse de négociation par le comité de négociation.
- Présentation de la trousse au comité des exploitants directs pour recommandation.
- Approbation par le conseil d'administration des propositions de négociation et du mandat.
Tout au long du processus de négociation, le comité de négociation de la BCMEA rend régulièrement compte au conseil d'administration, la fréquence des communications augmentant au fur et à mesure que les négociations s'intensifient.
La BCMEA dispose de procédures spécifiques pour les votes de lock-out et de ratification, qui ont été améliorées au fil du temps. Les principaux aspects de ces processus sont les suivants :
- L'approbation du conseil d'administration est requise pour les lock-out défensifs et offensifs.
- Une majorité de 75 % du conseil d'administration est requise pour les décisions clés, y compris l'approbation des conventions collectives et des lock-out. Ce seuil a été établi en 2018 afin de garantir un niveau de consensus plus élevé pour les décisions ayant des conséquences importantes.
- Pour les lock-out offensifs, deux votes distincts sont nécessaires : l'un par le conseil d'administration et l'autre par tous les employeurs directs, comme le prévoit le Code.
- Seuls les employeurs directs participent au vote visant à déterminer si la BCMEA imposera un lock-out offensif.
3.3. Bureaux d'embauchage et répartition dans le cadre de l'Accord sur les débardeurs et de l'Accord sur les contremaîtres
L'Accord sur les débardeurs prévoit globalement un modèle où des bureaux d'embauchage répartissent les travailleurs entre les entreprises membres qui emploient ces derniers. Ce modèle n'est pas propre aux ports de la côte Ouest. Le secteur du débardage en Amérique du Nord a généralement recours à ce type de modèle.
Dans le cadre de l'Accord sur les débardeurs, la répartition est effectuée à certains endroits par la section locale concernée et à d'autres par la BCMEA. Bien qu'il existe d'autres formes de travail en vertu de l'Accord sur les débardeurs (p. ex. la main-d'œuvre régulière chez certains employeurs), l'accord sectoriel repose généralement sur cette structure traditionnelle.
L'Accord sur les débardeurs décrit de façon globale les trois catégories de travailleurs comme suit :
- membres : les débardeurs qui ont été acceptés comme membres d'une section locale de débardeurs par un vote des membres de la section locale, qui paient des cotisations syndicales, qui ont le droit de vote et qui bénéficient des régimes de soins médicaux, dentaires et de retraite de l'industrie.
- occasionnels couverts par un régime de santé et de bien-être : débardeurs qui effectuent 1 200 heures de travail par an, ce qui leur permet de bénéficier des régimes de soins médicaux, dentaires et de retraite de l'industrie. Les occasionnels couverts par un régime de santé et de bien-être paient des frais de répartition à une section locale de débardeurs, ce qui est grandement inférieur aux cotisations syndicales. Ils versent des cotisations au régime de santé et de bien-être dans les mêmes proportions que les membres du syndicat.
- occasionnels : personnes qui sont affectées à un emploi de temps à autre et qui paient des frais à une section locale de débardeurs chaque fois qu'elles font l'objet d'une répartition. Ceux qui travaillent un minimum de 600 heures au cours des 12 derniers mois peuvent bénéficier des régimes de soins médicaux, dentaires et de retraite de l'industrie s'ils versent les cotisations requises.
Au moyen d'un système de « tableaux » dans chaque centre de répartition, les membres du syndicat sont les premiers à bénéficier d'occasions de travail, suivis par les occasionnels, en fonction de facteurs tels que leur ancienneté et leur niveau de compétences (c'est-à-dire l'équipement/le poste pour lequel ils sont formés).
Par ailleurs, les occasionnels et les occasionnels couverts par un régime de santé et de bien-être ne sont membres d'aucune section locale de débardeurs. Bien qu'ils soient couverts par l'Accord sur les débardeurs, ils n'ont pas le droit d'assister aux réunions syndicales ni de participer aux votes de grève ou de ratification.
En vertu de l'Accord sur la section locale 514, les membres de la section locale 514 sont généralement employés directement par la BCMEA et font partie de leur main-d'œuvre permanente, bien qu'il existe un bassin de contremaîtres déplacés et un système d'embauche prioritaire entre les entreprises.
3.4. Le cadre juridique des négociations
3.4.a. Accréditation régionale en vertu du Code
La nécessité d'une structure de négociation collective différente pour le secteur du débardage est reconnue depuis longtemps en vertu du Code.
Alors que les négociations selon une approche fondée sur l'entreprise sont la base par défaut du processus de négociation collective pour toutes les autres industries sous réglementation fédérale, l'article 34 (anciennement article 132) du Code prévoit une exception pour l'industrie du débardage en reconnaissance des caractéristiques uniques de cette industrieFootnote 22.
Les dispositions de l'article 34 du Code ont été initialement ajoutées en 1973 en réponse à l'instabilité des relations de travail dans les ports du Saint-Laurent dans les années 1960. Selon les commentaires du gouvernement de l'époque, cet article visait à prévenir les conflits futurs, en encourant des négociations collectives sectorielles stables dans des zones géographiquement limitées où les employeurs sont multiples. Jusqu'à présent, les dispositions prévues à cet article n'ont été utilisées que dans le secteur du débardage.
L'article 34 est unique en ce sens qu'il confère au CCRI le pouvoir de regrouper, aux fins de la négociation collective, des entreprises ou des activités fédérales indépendantes et non liées sous une seule accréditation.
34(1) Le Conseil peut décider que les employés de plusieurs employeurs véritablement actifs dans le secteur en cause, dans la région en question, constituent une unité habile à négocier collectivement et, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, accréditer un syndicat à titre d’agent négociateur de l’unité, dans le cas des employés qui travaillent :
- a) dans le secteur du débardage ou
- b) dans les secteurs d’activité et régions désignés par règlement du gouverneur en conseil sur sa recommandation.
Le seul critère qui doit être rempli – cité précisément dans la législation – pour qu’une telle unité de négociation soit considérée comme étant appropriée est énoncé à l’article 34(2) du Code :
Recommandation du Conseil
34(2) Avant de faire la recommandation prévue à l’alinéa (1)b), le Conseil doit s’assurer, par une enquête, que les employeurs véritablement actifs dans le secteur en cause, dans la région en question, recrutent leurs employés au sein du même groupe et que ceux-ci sont engagés, à un moment ou à un autre, par ces employeurs ou certains d’entre eux.
3. 4. b. L'interprétation et l'application de l'article 34 du Code par le CCRI au fil des ans
Il est juste de dire qu'avant 1987, le CCRI a interprété l'article 34 de manière à alterner entre des approches libérales et restrictives. Cela a toutefois changé avec l'affaire Association des employeurs maritimes et Terminaux Portuaires du QuébecFootnote 23, dans laquelle le CCRI a concilié ses interprétations contradictoires et a adopté une approche plus large de l'octroi des accréditations régionales, guidée par la prise en compte de la probabilité d'une amélioration de la paix industrielle et de l'instauration de relations de travail plus productives :
Malgré la pénurie d’indications évoquée plus haut, il ne faut pas hésiter à appliquer cette disposition dans les circonstances où elles peuvent raisonnablement contribuer à instaurer, maintenir ou améliorer la paix industrielle dans l’industrie du débardage dans une région géographique donnée.
Enfin, ce panel ne partage pas la réticence de certains face à l’exercice du pouvoir conféré à l’article 132. Certains ont jugé qu’il fallait des raisons « pressantes » pour déclencher l’exercice de la discrétion du Conseil. Nous ne partageons pas cette interprétation ou le sens que certains ont pu y voir. Nous croyons que l’article 132 supporte une interprétation libérale. Il faut certes des raisons, des raisons valables pour s’en prévaloir, mais nous croyons que c’est dans la situation de cette industrie dans un cas donné qu’elles se retrouveront.
L’objet de l’article 132 est d’assurer la paix industrielle et d’éviter les tiraillements que la multiplicité d’employeurs peut entraîner. Nous dirions que la vraisemblance d’une meilleure stabilité et de négociations collectives plus productives à moyen et à long terme devrait guider l’exercice de cette discrétion. Nous croyons qu’il vaut mieux prévenir la guerre que de se limiter à devoir essayer de l’arrêter. Cela dit, si des cargaisons ou des opérations particulières nécessitent des aménagements propres, ce sera aux parties de les régler dans le cadre de leurs négociations. Les deux côtés savent bien que le réalisme sera toujours leur meilleur conseiller. Le fait de déranger certaines habitudes, même solidement ancrées, ne devrait pas empêcher l’application de l’article 132 lorsqu’il paraît que de le faire sera garant d’un avenir plus serein (pages 204-205; et 78).
À la suite de cette décision, le CCRI a accordé des accréditations régionales de manière plus libérale, notamment pour le port de Hamilton en 1991 (voir Association des employeurs maritimes et coll. (1991), 84 di 161 (CCRI no 857) et pour le port de St. John's en 2001, même si, dans ce dernier cas, les tensions liées aux relations de travail n'ont pas motivé la décisionFootnote 24.
Le CCRI aborde les questions d'accréditation régionale d'un point de vue pratique, comme il l'a expliqué dans l'affaire Administration portuaire de Toronto (2016) :
La jurisprudence du Conseil se rapportant à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 34 du Code a évolué au fil du temps. Même si le Conseil a initialement adopté une approche restrictive pour établir s’il était approprié d’accorder une accréditation par région géographique, la jurisprudence a évolué parallèlement au contexte des relations du travail dans les ports. Le Conseil adopte maintenant une approche plus libérale et pragmatique, et il évalue, au cas par cas, si le recours à son pouvoir discrétionnaire sert un objectif lié aux relations du travail en favorisant les relations patronales-syndicales. Cependant, il doit agir avec prudence, de manière à concilier les intérêts de toutes les parties susceptibles d’être touchées par une accréditation par région géographique tout en préservant les droits de négociation collectiveFootnote 25.
3.4.c. Les obligations de l'employeur dans le cadre d'une accréditation régionale, y compris son devoir de représentation juste
En vertu de l'article 34 du Code, un « représentant patronal » dans le cadre d'une accréditation régionale est assimilé à un employeur. À ce titre, il doit exécuter, au nom de tous les employeurs des employés de l'unité de négociation, toutes les obligations imposées à l'employeur en vertu de la partie I, y compris celles imposées par l'article 50 du Code :
50. Une fois l’avis de négociation collective donné aux termes de la présente partie, les règles suivantes s’appliquent :
a) sans retard et, en tout état de cause, dans les vingt jours qui suivent ou dans le délai éventuellement convenu par les parties, l’agent négociateur et l’employeur doivent :
- (i) se rencontrer et entamer des négociations collectives de bonne foi ou charger leurs représentants autorisés de le faire en leur nom;
- (ii) faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective. […]
Alors que les syndicats sont depuis longtemps soumis à un devoir de représentation juste vis‑à‑vis de leurs membres, l'article 34(6) du Code impose un devoir de représentation juste aux représentants des employeurs désignés dans le cadre d'accréditations régionales comme suit : « Dans l'exécution de ces obligations, il est interdit au représentant patronal ainsi qu'aux personnes qui agissent en son nom d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l'égard des employeurs qu'il représente. »
En vertu de l'article 34(7), le CCRI est habilité à entendre et à statuer sur les plaintes selon lesquelles un employeur a violé cette obligation.
Dans l'affaire Parrish & Heimbecker, LimitedFootnote 26 le CCRI a examiné la portée de cette obligation dans le contexte d'une plainte pour pratique déloyale de travail déposée par l'entreprise Parrish & Heimbecker, Limited (P&H) en vertu du paragraphe 97(1) du Code, dans laquelle cette dernière alléguait que l'Association des employeurs maritimes (AEM) avait enfreint l'article 34(6) du Code lorsqu'il a réglé un grief déposé contre lui par la section locale 1654 de l'Association internationale des débardeurs (AID), qui est l'agent négociateur accrédité de tous les employés des employeurs du secteur du débardage dans le port de Hamilton, en vertu d'une ordonnance d'accréditation rendue par le CCRI.
Pour déterminer que l'AEM n'avait pas manqué à son devoir de représentation juste, le CCRI a examiné en détail la jurisprudence relative à l'obligation de l'employeur en vertu de l'article 34(6) du Code et à la portée de cette obligation, comme suit :
[…] Le Conseil s’est récemment prononcé sur cette question dans l’affaire Terminaux Portuaires du Québec inc., 2015 CCRI 765 (Terminaux Portuaires du Québec inc. 765), en affirmant ce qui suit :
- [70] Le devoir de représentation d’une association patronale est une question qui n’a pas souvent été étudiée par le Conseil. Il existe peu de décisions portant sur des plaintes déposées en vertu du paragraphe 34(6) du Code à l’encontre d’un représentant patronal. Cependant, et par analogie, les principes qui prévalent dans le cadre de plaintes déposées en vertu de l’article 37 du Code doivent s’appliquer en l’espèce en faisant bien sûr les ajustements nécessaires. C’est du moins ce qu’a décidé la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Terminaux portuaires du Québec inc. c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 C.F. 459; (1994) 175 N.R. 372; (1994) 29 Admin. L.R. (2d) 189; et (1994) 95 CLLC 210-010 (C.A.F., dossier n° A 1584 92).
- [71] Dans cette affaire, TPQ, soit le plaignant dans le présent dossier, contestait la désignation de l’AEM comme « représentant patronal ». L’un des arguments soulevés par TPQ était le manque d’intérêts communs entre les employeurs visés. La Cour d’appel fédérale a rejeté la demande de TPQ et a expliqué les pouvoirs du représentant patronal et ses obligations de la manière suivante :
- Si les employeurs ne peuvent s'entendre, le Conseil, selon le paragraphe 34(4) du Code, a le devoir légal de choisir le « représentant patronal ». Celui-ci est alors « assimilé à un employeur », ce qui signifie qu'il est réputé être l'employeur (« shall be deemed to be an employer »). Il est alors investi, en vertu de sa désignation (« by virtue of having been appointed under this section »), des pouvoirs nécessaires afin d'exécuter, au nom des employeurs des employés de l'unité de négociation, toutes les obligations imposées à l'employeur par la partie I du Code dont celle de conclure « en leur nom », c'est-à-dire à leur place et pour leur compte, une convention collective. ... Si le législateur n'avait pas eu l'intention d'instaurer un régime statutaire spécial, pourquoi aurait-il, dans son paragraphe 34(6) [mod., idem], imposé au « représentant patronal » un devoir de représentation équitable à l'égard de ceux qu'il engage par sa négociation, alors que le Code civil contient ses propres sanctions à l'égard d'un mandataire qui outrepasse les cadres de son mandat? Pourquoi aurait-il ainsi codifié le Code civil dans le Code canadien du travail? On ne peut qu'être frappé du parallèle qui existe entre le paragraphe 34(6) qui a trait à la partie patronale et l'article 37 qui a trait à la partie syndicale. En l'occurrence, il était tout à fait raisonnable pour le Conseil de conclure que le représentant patronal, réputé employeur, était investi du pouvoir analogue à celui de l'agent négociateur, soit celui de négocier la convention collective.
- (pages 473–474; c’est nous qui soulignons)
- [72] Dans Terminaux portuaires du Québec inc., 2008 CCRI 410, une autre décision du Conseil impliquant TPQ et l’AEM, soit les mêmes parties que dans la présente instance, le Conseil a résumé certains principes qui s’appliquent en matière du devoir de représentation juste d’un représentant patronal. Dans cette affaire, le Conseil a conclu que l’AEM n’avait pas contrevenu au paragraphe 34(6) du Code lorsqu’elle a conclu des ententes particulières pour un de ses membres. Le Conseil a rejeté la plainte parce qu’elle avait été déposée à l’extérieur des délais prévus. Néanmoins, il a dit ceci en se prononçant sur le bien-fondé de la plainte :
- [39] Cela étant dit, tout comme le syndicat ne doit pas manquer à son devoir de représentation juste envers les employés qu’il représente, le représentant patronal ne doit pas agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employeurs qu’il représente.
- [40] Le représentant patronal a le pouvoir de négocier au nom des employeurs qu'il représente et a le droit de décider quelles revendications présenter et quelles stratégies de négociation employer pour promouvoir les intérêts des employeurs. Tout comme un syndicat qui représente ses employés, le représentant patronal n'est pas obligé de tenir compte des désirs de membres particuliers et le fait de ne pas tenir compte des revendications particulières de tous les membres, par exemple en acceptant des conditions jouant au détriment de certains employeurs, ne constitue pas en soi une contravention à l'article 34(6) du Code du moment que ses décisions soient prises rationnellement et du moment que le représentant patronal reconnaisse et tienne compte des intérêts rivaux de tous les employeurs qu'il représente (voir Bugay, 1999 CCRI 45; et Soulière, 2002 CCRI 205 en ce qui concerne le devoir de représentation juste du syndicat).Footnote 27
Le Conseil a conclu ce qui suit :
63 Le DRJ d'un représentant patronal est également similaire à celui d'un syndicat dans le contexte du traitement des griefs. Les principes généraux du DRJ à cet égard ont été énoncés par la Cour suprême du Canada (CSC) dans l'affaire Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autre [1984] 1 R.C.S. 509 (Guilde de la marine marchande du Canada) :
- De la jurisprudence et de la doctrine consultées se dégagent les principes suivants, en ce qui touche le devoir de représentation d’un syndicat relativement à un grief :
- Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.
- Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.
- Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et de ses conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.
- La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.
- La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.
(page 527)
3.4.d. Accréditations régionales dans d'autres instances canadiennes
Bien qu'il existe une mosaïque de structures de relations de travail et d'accréditations portuaires différentes, avec différents syndicats, différentes structures d'unités de négociation et un mélange d'accords régionaux et spécifiques aux ports à travers le Canada, il est juste de dire que les ports de la côte Ouest sont uniques en ce sens qu'ils ne sont pas accrédités sur une base géographique.
La plupart des grands ports de l'Est du Canada et des Grands Lacs ont des accréditations régionales. Voici les accréditations régionales dans différents ports canadiensFootnote 28 :
Halifax, Nouvelle-Écosse (depuis 2004). Le conseil de l'AID est accrédité pour une unité d'employés de l'Association des employeurs Halifax Incorporée (AEHI) comprenant trois accréditations régionales :
« tous les employés travaillant comme débardeur, contremaître et grand contremaître dans le secteur du débardage au port d'Halifax, incluant ceux qui s'occupent de chargement par hayon élévateur, dans la mesure où ce travail n'empiète pas sur la compétence d'un autre syndicat »;
[…]
« tous les employés travaillant comme vérificateurs dans le secteur du débardage au port d'Halifax, y compris les vérificateurs en chef »;
[…]
« tous les employés affectés à la réparation de l'équipement et à l'entretien dans le secteur du débardage dans la région géographique du port d'Halifax ».
[…]
L’AEHI dispose d’une convention collective cadre avec des addenda pour les contremaîtres, les vérificateurs, etc. et toutes les différences précises entre les sections locales.
Montréal, Québec (depuis 1991). Le Syndicat des débardeurs, section locale 375 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), est accrédité comme agent négociateur d’une unité de négociation comprenant :
« tous les employés de tous les employeurs travaillant au chargement et déchargement des navires, et autres travaux connexes, dans le territoire du Port de Montréal tel que ce territoire est présentement décrit à l’Annexe II de la Loi sur la Société canadienne des ports, L.R. 1985, c. 9, à l’exclusion des autres employés déjà représentés par un agent négociateur ».
La section locale 1657 de l’AID est accréditée en tant qu’agent négociateur d’une unité de négociation comprenant :
« tous les employés de tous les employeurs travaillant à la vérification ou à la réparation des cargaisons océaniques dans le territoire du Port de Montréal tel que ce territoire est présentement décrit à l’Annexe II de la Loi sur la Société canadienne des ports, L.R.C. 1985, c. C-9, à l’exclusion des autres employés déjà représentés par un agent négociateur ».
Trois-Rivières/Bécancour, Québec (depuis 1992). Le Syndicat des débardeurs de Trois Rivières, section locale 1375 du SCFP, est accrédité comme agent négociateur d’une unité de négociation comprenant :
« tous les salariés affectés au chargement et au déchargement des navires et à d’autres tâches connexes pour tous les employeurs de l’industrie du débardage dans la région géographique comprenant les ports de Trois-Rivières et de Bécancour ».
Rimouski, Québec (depuis 2022). La section locale 2020 de l’AID est accréditée en tant qu’agent négociateur d’une unité de négociation comprenant :
« tous les employés de tous les employeurs affectés au chargement et déchargement de navires et aux opérations connexes dans le territoire du Port de Rimouski ».
Saint John, Nouveau-Brunswick (depuis 2013). Le General Longshore Workers, Checkers, and Shipliners of the Port of Saint John, N.B., section locale 273 de l’AID, est accrédité en tant qu’agent négociateur d’une unité de négociation comprenant :
« tous les employés travaillant comme débardeurs, réparateurs-mécaniciens des agrès, charpentiers-doubleurs, y compris ceux qui font des travaux de charpenterie relatifs aux activités portuaires, vérificateurs de navire à vapeur, vérificateurs en chef et vérificateur à l’arrimage, réparateurs de cargaison, peseurs et échantillonneurs, tonneliers et hommes de plancher, ainsi que les commis aux manifestes et le personnel de bureau travaillant sur les quais, y compris les contremaîtres et les grands contremaîtres associés à ces groupes, dans le port de Saint John (N. B.), soit la région adjacente aux eaux maritimes navigables s’étendant de Point Lepreau (N. B.), au sud, jusqu’à Cape Spencer (N. B.), à l’est, traversant la ville de Saint John et allant jusqu’à la rivière Saint-Jean aux limites de la ville de Saint John (N. B.) ».
Bayside, Nouveau-Brunswick (depuis 2005). Le syndicat Débardeurs et affiliés de Sainte‑Croix est accrédité en tant qu’agent négociateur d’une unité de négociation comprenant :
« tous les employés du secteur de débardage dans le port de Bayside, Charlotte County (N.-B.), à l’exclusion des vérificateurs, du personnel d’exécution, des mécaniciens, des employés d’entrepôt, et à l’exclusion des activités comportant la pêche ou l’aquaculture locale ».
St. John’s, Terre-Neuve-et-Labrador (depuis 2001). La section locale 1953 de l’AID est accréditée en tant qu’agent négociateur d’une unité de négociation comprenant :
« une unité des employés de tous les employeurs exploitant une entreprise de débardage (à savoir le chargement et l’arrimage de la marchandise sur les navires et le déchargement de la marchandise à terre, ou le déplacement de la marchandise sur les quais et dans les entrepôts, y compris les employés affectés à la réparation des conteneurs de marchandises et les opérateurs de l’équipement mécanique, ou les employés affectés à l’entretien et à la réparation de l’équipement mécanique utilisé aux fins de ces opérations) dans le port de St. John’s (soit la zone comprenant l’aire d’arrimage des navires commerciaux du port et la cale extérieure ou les installations d’entreposage attenantes sans entrecroiser une rue publique de la Ville de St. John’s, sauf dans le secteur ouest du port où seront englobés les biens immobiliers extérieurs à usage commercial situés à l’ouest de la partie sud de la passerelle qui servent aux activités de débardage, dont une liste partielle est jointe aux présentes à l’Annexe «A»), à l’exclusion des employés occupant des postes de gardien de nuit, contremaître ambulant, contremaître ambulant des débardeurs, contremaître, contremaître de quai, contremaître adjoint du quai, surveillant d’entrepôt, surveillant stagiaire d’entrepôt, et préposé principal de quai. »
Par souci d’exactitude, nous soulignons que l’accréditation géographique décrite ci-dessus n’englobe pas le déchargement du pétrole en vrac et les activités connexes, le chargement ou le déchargement des véhicules sur les transporteurs d’automobiles, les travaux de fabrication ou de réparation aux installations de NewDock, le transfert de « boue » par pompage directement dans un navire ou le transfert de liquides de forage en vrac d’un pétrolier à des conteneurs à terre, le chargement ou le déchargement des approvisionnements destinés à un navire ou de bouées ou d’autres aides à la navigation par les employés de la garde côtière, l’amarrage et l’appareillage de navires, sauf dans la mesure nécessaire au chargement ou au déchargement des navires, et les opérations ou activités relevant de la compétence provinciale.)
Hamilton, Ontario (depuis 1993). La section locale 1654 de l’AID est accréditée en tant qu’agent négociateur d’une unité de négociation comprenant :
« tous les employés des employeurs dans le secteur de débardage dans le port de Hamilton travaillant comme débardeurs, à l’exclusion des employés de St. Lawrence Warehousing Limited, exploité sous la raison sociale Seaway Terminals, qui sont représentés par l’Union internationale des opérateurs de machines lourdes, section locale 793, et qui sont représentés par les sections locales 938 et 879 des Teamsters pour ce qui est des activités liées aux cargaisons en vrac ».
La section locale 1879 de l’AID est accréditée en tant qu’agent négociateur d’une unité de négociation comprenant :
« tous les employés des employeurs engagés à la vérification de marchandises dans le secteur de débardage dans le Port de Hamilton ».
Port Weller, Ontario (depuis 2019). La section locale 1654 de l’AID est accréditée en tant qu’agent négociateur d’une unité de négociation comprenant :
« tous les employés de Terminal Maritime Port Weller Inc., y compris les employés occasionnels travaillant comme débardeurs, contremaîtres et grands contremaîtres dans le secteur du débardage ».
4. Cadre juridique de la négociation collective dans le secteur du débardage au canada
4.1. Code canadien du travail (le « Code »)
En plus de connaître les principales parties concernées, il est également important de comprendre le cadre législatif qui sous‑tend la négociation collective dans les ports de la C.-B., qui est régi par les dispositions du Code.
Le Code fournit un cadre juridique complet pour les relations de travail dans les industries sous réglementation fédérale, qui comprennent, sans s'y limiter, les chemins de fer interprovinciaux, les compagnies aériennes et Postes Canada, et prévoit des mécanismes de règlement des différends, réglemente les arrêts de travail et accorde des pouvoirs au ministre et à d'autres organismes leur permettant de résoudre les enjeux liés aux relations de travail.
Bien qu'il ne soit pas nécessaire de résumer toutes les dispositions du Code, nous présentons ci‑dessous les dispositions les plus pertinentes examinées par cette Commission dans le cadre de la rédaction de notre rapport.
4.2. Négociation et conciliation selon le Code
La section IV du Code énonce les dispositions applicables au processus de négociation collective pour tous les employeurs et syndicats sous réglementation fédérale.
Conformément à l'alinéa 50a), les parties sont tenues, dans les vingt jours suivant la remise de l'avis de négociation collective (sauf accord contraire des parties), de faire ce qui suit :
- (i) se rencontrer et entamer des négociations collectives de bonne foi ou charger leurs représentants autorisés de le faire en leur nom;
- (ii) faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective.
Conformément à l'alinéa 50b), l'employeur ne peut modifier ni les taux des salaires, ni les autres conditions d'emploi, ni les droits ou avantages des employés de l'unité de négociation ou de l'agent négociateur, jusqu'à ce qu'une grève légale ou un lock‑out légal ait commencé, à moins que l'agent négociateur ne consente à la modification.
La section V définit les procédures de conciliation prévues par le Code. Conformément à l'article 71, l'une ou l'autre des parties peut faire parvenir un avis de différend au ministre du Travail indiquant que les parties n'ont pas réussi à conclure une convention collective.
La conciliation est une étape cruciale du processus de règlement des différends prévu par le Code et offre aux parties la possibilité de résoudre leurs différends de manière structurée avec l'aide d'un tiers neutre avant de recourir à des mesures plus drastiques telles que les grèves ou les lock‑out. Au cours de l'exercice 2016‑2017, 97 % des différends ont été réglés sans qu'il y ait d'arrêt de travail, grâce à la médiation et à la conciliationFootnote 29.
Comme nous l'ont fait remarquer certains participants au processus de la Commission, la seule condition préalable à l'envoi d'un avis de différend à la conciliation est que « les parties ont négocié collectivement, mais n'ont pu parvenir à un accord » ou que la négociation collective n'ait pas commencé dans le délai imparti.
En vertu de l'article 72 du Code, le ministre, à la réception d'un avis de différend, dispose des options suivantes :
Options du ministre
72(1) Dans les quinze jours suivant la réception de l’avis qui lui a été donné aux termes de l’article 71, le ministre prend l’une ou l’autre des mesures suivantes :
- a) nomination d’un conciliateur;
- b) nomination d’un commissaire-conciliateur;
- c) constitution d’une commission de conciliation en application de l’article 82;
- d) notification aux parties, par écrit, de son intention de ne procéder à aucune des mesures visées aux alinéas a), b) et c).
Les pouvoirs et obligations des conciliateurs, des commissaires-conciliateurs et des commissions sont différents en vertu du Code.
Les conciliateurs, le mécanisme le plus fréquemment déclenché par le ministre, ne disposent notamment pas des pouvoirs conférés aux commissaires-conciliateurs ou aux commissions par l'article 16 du Code. Cela signifie que les conciliateurs n'ont pas le pouvoir de convoquer des témoins et de les contraindre à comparaître, à déposer et à produire des documents, d'ordonner la production de documents, de faire prêter serment, d'examiner certains documents, et de procéder à l'examen de tout ouvrage, outillage, appareil ou objet s'y trouvant ou travail s'y effectuant et d'interroger toute personne sur toute question dont il est saisi.
En outre, bien que les conciliateurs, les commissaires-conciliateurs et les commissions soient tenus de rendre un rapport dans les 14 jours suivant leur nomination ou leur création, le contenu de ces rapports diffère, le premier étant uniquement tenu de faire rapport au ministre « des résultats de son intervention », et les deux derniers étant chargés de produire des rapports comprenant leurs « conclusions et recommandations ».
Conformément au paragraphe 75(1), sauf si les parties y consentent, le ministre ne peut pas prolonger le délai de production d'un rapport d'un conciliateur, d'un commissaire-conciliateur ou d'une commission au‑delà de 60 jours.
4.3. Mécanismes supplémentaires pour la promotion de la paix industrielle dans le Code
4.3.a. Article 107 et récents défis constitutionnels à son utilisation
Outre le processus de conciliation, le Code accorde au ministre du Travail le pouvoir de promouvoir la paix industrielle et d'enquêter sur les questions relatives aux relations de travail.
L'article 107, qui a récemment fait l'objet d'une attention particulière, est libellé comme suit :
Le ministre peut prendre les mesures qu’il estime de nature à favoriser la bonne entente dans le monde du travail et à susciter des conditions favorables au règlement des désaccords ou différends qui y surgissent; à ces fins, il peut déférer au Conseil toute question ou lui ordonner de prendre les mesures qu’il juge nécessaires.
Introduite dans le Code en 1984, l'article 107 n'a attiré l'attention que récemment, après la création de cette Commission.
Le 27 juin 2024, les mécaniciens de WestJet, représentés par la Aircraft Mechanics Fraternal Association (AFMA), avaient acquis le droit de grève légale lorsque le ministre du Travail a annoncé qu'une grève chez WestJet avait été évitée par sa décision, en vertu de l'article 107 du Code, de demander au CCRI d'aider les parties à parvenir à un règlement des modalités en suspens de leur première convention collective en imposant une procédure d'arbitrage exécutoire afin de résoudre les modalités non réglées de la convention collective.
Une question a alors été soulevée au CCRI, à savoir si le renvoi du ministre faisait obstacle à l'avis de grève du syndicat ou à sa capacité d'exercer son droit de grève.
WestJet a estimé qu'il n'était pas logique qu'un tel renvoi ne mette pas fin à la capacité des parties de participer à un mouvement de grève ou de lock‑out. Le syndicat n'était pas d'accord et a affirmé que le renvoi était muet quant à son effet sur l'avis de grève et que, par conséquent, il devait être interprété, conformément à la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), comme protégeant plutôt que suspendant le droit de grève. Le CCRI a conclu que le renvoi du ministre en vertu de l'article 107 n'avait pas pour effet d'annuler l'avis de grève du syndicat ou de suspendre son droit de grève. Pour parvenir à cette conclusion, le CCRI s'est appuyé sur le libellé explicite du renvoi, le contexte législatif plus large et les valeurs de la Charte.
Après que la décision a été rendue, la grève a été déclenchée le 28 juin 2024. Malgré un règlement relativement rapide au bout de 29 heures, le conflit de travail a entraîné l'annulation de 1 050 vols, touchant plus de 100 000 voyageurs.
En octobre 2024, le ministre du Travail a fait un autre renvoi en vertu de l'article 107, cette fois en réponse à un lock-out impliquant les deux plus grandes compagnies de chemin de fer du Canada, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN Rail) et la Canadian Pacific Kansas City (CPKC). Dans ce cas, le texte du renvoi du ministre enjoignait très clairement au CCRI d'ordonner aux parties de reprendre les opérations et d'imposer un arbitrage de différends. Le Conseil s'est conformé à la décision du ministre, tout en faisant remarquer que l'utilisation de l'article 107 de la manière prescrite par le ministre du Travail en octobre 2024 était sans précédent. Dans sa décision, le CCRI a conclu qu'il « ne disposait pas du pouvoir de réviser les instructions du ministre ni d'évaluer leur validité » et que toute contestation de l'ordonnance du ministre devrait être entendue par la Cour fédérale. Le CCRI a donc ordonné la fin du lock-out et a renvoyé le conflit de travail à l'arbitrage. La Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, le syndicat représentant les cheminots en lock‑out, a par la suite entrepris une contestation fondée sur la Charte devant la Cour fédérale relativement au renvoi du ministre en vertu de l'article 107 et à la décision du CCRI. Cette procédure de contestation est en cours.
En novembre 2024, le ministre a de nouveau invoqué l'article 107 du Code pour ordonner à la commission des relations de travail d'imposer un arbitrage de différends dans l'affaire du lock‑out par la BCMEA des membres de l'ILWU, section locale 514. La révision de la directive et de l'ordonnance subséquente du CCRI est également en cours.
4.3.b. Article 108
Le ministre a également le pouvoir de nommer une commission d'enquête industrielle pour enquêter sur les différends, comme cela a été fait dans le cas de la présente Commission.
4.3.c. La négociation collective en application de la Constitution canadienne
Outre le cadre établi dans le Code, il est important de comprendre et de contextualiser les conflits de travail dans le secteur du débardage sur la côte Ouest, où la négociation collective et le droit de grève sont considérés comme des droits protégés par la Constitution.
La jurisprudence de la Cour suprême du Canada concernant le droit de grève et de négociation collective a considérablement évolué depuis l'entrée en vigueur de la Charte en 1982.
Au départ, la Cour suprême ne reconnaissait pas le droit de grève comme étant protégé par la Constitution. Selon l'arrêt de principe, Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alberta) (1987), la liberté d'association garantie par l'alinéa 2 d) de la Charte ne comprenait pas le droit de grève. La Cour a statué que ce droit était prévu par la loi et non par la Constitution. La Cour est parvenue à une conclusion similaire dans une affaire ultérieure, Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) c. Territoires du Nord‑Ouest (Commissaire), 1990, dans laquelle elle a jugé que les restrictions imposées par le gouvernement à la négociation collective ne violaient pas l'alinéa 2 d) de la Charte.
Cependant, dans l'arrêt Dunmore c. Ontario (Procureur général) (2001), la Cour a réexaminé sa jurisprudence antérieure et a commencé à élargir la portée de la liberté d'association garantie par l'alinéa 2 d). Dans l'arrêt Dunmore, la Cour a conclu que les dispositions de la Charte relatives à la liberté d'association protègent effectivement certaines activités qui, par leur nature inhérente, sont collectives. Cette décision a marqué un changement vers la reconnaissance du fait que la garantie de la liberté d'association inscrite dans la Charte pourrait inclure la protection de l'action collective essentielle à la capacité des travailleurs de réaliser des objectifs communs.
Dans l'arrêt Health Services and Support - Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie‑Britannique (2007), la Cour a explicitement reconnu que l'alinéa 2 d) de la Charte protège le droit à la négociation collective. Dans sa décision, la Cour a reconnu que le droit de participer à des négociations collectives est un élément essentiel de la liberté d'association protégée par l'alinéa 2 d) de la Charte :
Nous concluons que la protection de la négociation collective garantie par l’al. 2 d) de la Charte est compatible avec les valeurs reconnues par la Charte et avec l’ensemble de ses objectifs, et qu’elle confirme ces valeurs. Reconnaître que le droit des travailleurs de négocier collectivement est inhérent à leur liberté d’association réaffirme les valeurs de dignité, d’autonomie de la personne, d’égalité et de démocratie, intrinsèques à la Charte. (paragraphe 86)
L'arrêt B.C. Health Services limite effectivement le pouvoir des gouvernements d'interférer unilatéralement dans l'activité de négociation collective ou d'imposer des modalités aux travailleurs sans négociation.
S'appuyant sur son raisonnement dans l'arrêt B.C. Health Services, la Cour a statué dans l'affaire Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan (2015) que le droit de grève est une composante essentielle du droit à la négociation collective et qu'il est donc protégé par l'alinéa 2 d) de la Charte :
Le droit de grève est essentiel à la réalisation de ces valeurs et de ces objectifs par voie de négociation collective, car il permet aux travailleurs de cesser le travail de manière concertée en cas d’impasse de cette négociation collective. En recourant à la grève, les travailleurs s’unissent pour participer directement au processus de détermination de leurs salaires, de leurs conditions de travail et des règles qui régiront leur vie professionnelle (Fudge et Tucker, p. 334). Ainsi, le recours possible à la grève fait en sorte que les travailleurs peuvent, par leur action concertée, refuser de travailler aux conditions imposées par l’employeur. Cette action concertée directe lors d’une impasse se veut une affirmation de la dignité et de l’autonomie personnelle des salariés pendant leur vie professionnelle. (paragraphe 54)
L'arrêt Saskatchewan Federation of Labour a marqué un tournant majeur dans le droit constitutionnel canadien, affirmant que les travailleurs ont un droit de grève garanti par la Constitution dans le cadre de leur liberté d'association. Ainsi, il restreint considérablement la capacité des gouvernements d'imposer des mesures qui limitent le droit de grève sans fournir de justification adéquate et des mécanismes de rechange conformes aux critères énoncés à l'article premier de la Charte.
Bien que l'alinéa 2d) ne garantisse pas l'accès à un modèle de grève législatif particulier, la Cour suprême a clairement indiqué que les travailleurs devraient avoir accès à un mécanisme efficace pour dénouer les impasses des négociations.
4.3.d. Services essentiels et droit constitutionnel de grève ou de lock-out
Le droit de grève ou de lock-out n'est pas absolu. Le paragraphe 87.4(1) du Code exige que les employés syndiqués continuent de travailler pendant un conflit de travail dans la mesure nécessaire pour prévenir des risques imminents et graves pour le public :
Maintien de certaines activités
87.4 (1) Au cours d’une grève ou d’un lock-out non interdit par la présente partie, l’employeur, le syndicat et les employés de l’unité de négociation sont tenus de maintenir certaines activités – prestation de services, fonctionnement d’installations ou production d’articles – dans la mesure nécessaire pour prévenir des risques imminents et graves pour la sécurité ou la santé du public.
Cela signifie que les parties à une convention collective qui couvre ces types de services doivent d'abord déterminer le niveau de services qui doit être maintenu pendant un conflit de travail pour éviter des risques imminents et graves. En pratique, cela signifie déterminer le niveau de services qui doit être maintenu pour éviter des risques imminents et graves, en partant du principe que les services seront réduits, mais pas entièrement suspendus.
Dans le secteur de la santé, notamment, qui relève de la compétence des provinces, mais qui fournit néanmoins un exemple illustratif du processus de désignation, la détermination des services essentiels exige que les parties fixent les niveaux de dotation les plus bas possibles, en conciliant le droit des parties d'exercer le droit de grève ou de lock-out avec la nécessité de prévenir un préjudice imminent aux patients. Cela peut se traduire par l'annulation de chirurgies et d'interventions non urgentes et une réduction du nombre d'employés disponibles pour fournir des soins de santé. Bien que cela soit sans aucun doute peu pratique, le principe d'une grève contrôlée est qu'elle permet d'établir l'équilibre nécessaire entre la préservation du droit constitutionnel des parties de faire la grève ou à décréter un lock-out et le droit du public, qui dépend de ces services, de ne pas être exposé à une menace de danger injustifiée.
Dans des cas tels que les services de police et d'incendie, où il est reconnu depuis longtemps que les services ne peuvent être réduits en toute sécurité à un niveau qui permettrait une grève ou un lock-out efficace, le droit de grève ou de lock-out a été remplacé par le droit d'accès à un mécanisme d'arbitrage exécutoire pour sortir de l'impasse dans la négociation collective. En vertu de la Fire and Police Services Collective Bargaining Act de la C.-B. par exemple, l'une ou l'autre des parties à une convention collective des services de police ou d'incendie dans la province peut demander au ministre de prescrire que le différend soit réglé par arbitrage si elles ont négocié collectivement et n'ont pas réussi à conclure une convention collectiveFootnote 30.
4.3.d.i. Le débardage n'est pas un service essentiel selon le Code
Le CCRI a systématiquement rejeté les demandes visant à désigner le travail portuaire comme un service essentiel. Plus récemment, en mars 2024, dans une décision sommaire, le CCRI a rejeté une demande de l'AEM visant à ce que les débardeurs du port de Montréal soient considérés comme essentiels afin d'empêcher une grève.
Citant une décision de 2020, le CCRI a jugé que l'AEM n'avait pas démontré « un risque imminent et grave pour la sécurité ou la santé du public » en cas de conflit de travailFootnote 31.
Le CCRI a également reconnu l'intention et l'objet du régime de maintien des services prévu par le Code, qui reflètent précisément l'importance de la protection du droit de grève. Dans Nav Canada, 2002 CCRI 168, le CCRI a déclaré ce qui suit à cet égard :
[227] … Toute restriction apportée au droit de grève, même si c’est pour des motifs de santé ou de sécurité, doit tout de même respecter l’importance que ce droit revêt au regard du Code. La liberté de négocier collectivement est gravement compromise si les employés ne peuvent pas exercer leur droit de grève pour faire contrepoids à la puissance économique de l’employeur.…
[228] Le Conseil estime en conséquence que toute restriction imposée au droit de grève doit être cantonnée dans les limites de ce qui est strictement nécessaire pour protéger en toute prudence la santé ou la sécurité du public. Donc, si le Conseil est persuadé que le risque ou le danger n’est ni « imminent » ni « grave », ou si le fonctionnement des installations, production d’articles ou prestation de services peuvent être réduits, ou ne sont pas raisonnablement nécessaires à la sécurité ou la santé du public, ou pour prévenir un risque imminent et grave, le Conseil devrait décider que le maintien de tels services ne doit pas être exigé.
Bien que les organisations patronales aient fréquemment soulevé des préoccupations hypothétiques concernant les pénuries liées aux grèves dans les ports et leur possibilité d'exposer le public à un danger imminent et grave, le CCRI n'a pas trouvé les preuves de ces allégations convaincantes en ce qui concerne la désignation des services essentiels – du moins au début d'un conflit.
Bien que le débardage ne soit pas considéré comme un service essentiel aux termes du Code, il convient de noter que le paragraphe 87.7(1) du Code exige que les services aux navires céréaliers soient maintenus pendant une grève ou un lock-out des débardeurs comme suit :
Services aux navires céréaliers
87.7 (1) Pendant une grève ou un lock-out non interdits par la présente partie, l’employeur du secteur du débardage ou d’un autre secteur d’activités visé à l’alinéa a) de la définition de l’entreprise fédérale à l’article 2, ses employés et leur agent négociateur sont tenus de maintenir leurs activités liées à l’amarrage et à l’appareillage des navires céréaliers aux installations terminales ou de transbordement agréées, ainsi qu’à leur chargement, et à leur entrée dans un port et leur sortie d’un port.
Le paragraphe 87.7(1) a été ajouté au Code en 1998 dans le cadre du projet de loi C-19 afin d'assurer le transport du grain pendant les conflits de travail dans le secteur du débardage, le grain étant considéré comme un produit essentielFootnote 32. L'introduction du paragraphe 87.7(1) s'inscrivait dans un processus plus large de consultation et de compromis dans les relations de travail canadiennes qui a débuté à la fin de 1994 et a abouti à l'adoption du projet de loi C-19 en 1998.
En adoptant cette disposition, le gouvernement avait pour objectif déclaré de trouver un équilibre entre le droit des travailleurs à mener des actions collectives et la nécessité de protéger certains intérêts économiques, en particulier dans l'industrie céréalière, et d'éviter que les céréales ne deviennent une monnaie d'échange. Le ministre du Travail de l'époque avait déclaré que ces dispositions empêcheraient les deux parties de se servir des céréales comme « atout dans la manche » dans le processus de négociationFootnote 33.
5. Structures internationales de négociation collective dans le secteur du débardage
Dans leur rapport de 2024, Giles et Banks ont souligné la nécessité de se pencher sur les ports situés en dehors du Canada, étant donné que les tendances litigieuses dans l'industrie ne sont pas propres au Canada. La Commission s'est attelée à cette tâche et a examiné les mécanismes de règlement des différends utilisés par d'autres ports dans le cadre de ses travaux. Cependant, un premier examen des structures portuaires, des cadres juridiques et des mécanismes de règlement des différends a rapidement révélé que, si une analyse comparative complète des ports internationaux confirmait que les ports canadiens sont confrontés à des pressions et à des développements semblables, un examen des ports situés en dehors du Canada ne nous aiderait guère à satisfaire aux exigences du mandat de la Commission.
En effet, les comparaisons internationales révèlent que les structures de négociation dans les ports sont peu uniformes ou cohérentes à travers le monde.
Certains pays, comme la Finlande, ont des structures de négociation nationales, tandis que d'autres, comme le Portugal et les États‑Unis, ont des structures de négociation régionales ou propres à chaque port. D'autres pays, comme l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne, ont un système mixte, avec des ententes propres à chaque port complétant des cadres plus larges de relations de travail.
En Australie, aux Pays-Bas et en Irlande, les négociations se tiennent au niveau de l'entreprise dans les ports.
De plus, dans certains cas, il existe d'importantes exceptions à ce qui précède, avec des exclusions pour certains ports.
La composition des unités de négociation varie également d'un pays à l'autre, les contremaîtres, le personnel administratif et les débardeurs étant soit regroupés dans une même unité, soit divisés en unités distinctes.
La Commission est d'avis que le modèle Wagner pour les relations de travail du Canada, la répartition fédérale des pouvoirs telle qu'elle s'applique au domaine du droit du travail et la Charte fournissent un cadre juridique unique pour formuler nos recommandations. Ainsi, plutôt que de se tourner vers l'extérieur, la Commission s'est plutôt tournée vers l'intérieur pour trouver une solution typiquement canadienne.
6. Historique des conflits de travail dans les ports de la côte Ouest
Pour bien comprendre le conflit de travail de 2023 qui a conduit à la nomination de cette Commission, il est important de comprendre le contexte et l'historique des négociations entre les parties au fil des ans.
Bien que les parties aient réussi à négocier des ententes par le passé sans intervention gouvernementale, la dure réalité est que les mesures législatives spéciales liées au retour au travail et l'arbitrage exécutoire ont souvent été utilisés comme instruments pour résoudre les conflits de travail dans les ports de la C.-B. – une pratique qui a manifestement influencé la conduite des employeurs et des syndicats tout au long des négociations.
Cette dépendance à l'égard de l'intervention du gouvernement a créé un environnement où le filet de sécurité que constitue l'arbitrage exécutoire éclipse le processus de négociation collective. Depuis 1972, il y a eu 13 conflits de travail dans le cadre des négociations entre la BCMEA et l'ILWU Canada et la section locale 514, dont neuf ont donné lieu à une intervention du gouvernement, notamment la grève de 2023 qui a donné lieu à la présente Commission et le lock-out des membres de la section locale 514 en 2024, qui a eu lieu après la nomination de la CommissionFootnote 34.
6.1. Négociations de 2010 pour la convention collective des débardeurs
L'ILWU Canada considère la ronde de négociations de 2010 comme un tournant important, car la BCMEA a alors présenté un certain nombre de propositions opérationnelles que le syndicat a perçu comme des concessions. Les changements proposés comprenaient le raccourcissement des heures d'appel pour les équipes, l'établissement de la moyenne des jours de travail régulier de la main‑d'œuvre sur trois mois, l'obligation pour les demandeurs d'emplois réguliers de se soumettre à des entrevues avec l'employeur, l'autorisation de prolonger les quarts de travail de huit à douze heures, l'élimination des restrictions d'emploi et la possibilité de transferts illimités d'employés vers des emplois qualifiés et non qualifiés et entre les métiers et le travail de production.
Lors de cette série de négociations, la ministre du Travail, Lisa Raitt, a nommé les médiateurs Ted Hughes et John Rooney pour aider les parties avant l'expiration de la convention collective des débardeurs et sans qu'aucune des parties ne dépose d'avis de différend. Le mandat des médiateurs visait à aider les parties à parvenir à une entente, mais il comprenait l'obligation d'aider les parties à élaborer et adopter un protocole de règlement des différends selon lequel tous les différends en suspens seraient soumis à une personne ou à un organisme aux fins de décision finale et exécutoire.
L'ILWU Canada allègue que la BCMEA a fait activement pression sur le gouvernement fédéral afin qu'il impose un arbitrage de différends dans le but d'obtenir une série de changements qu'elle savait impossibles à obtenir au moyen de la négociation collective traditionnelle. Cette allégation est étayée par le Registre fédéral des lobbyistes, qui montre que la BCMEA a fait appel à plusieurs lobbyistes en 2009 et en 2010 pour engager des discussions en vue de mettre en place un autre modèle de règlement des conflits du travail sur la côte Ouest.
S'ensuivit une ronde de négociations très tendues, qui se soldèrent par deux refus illégaux de travailler de la part de membres de la section locale 500 de l'ILWU en avril et mai 2010Footnote 35.
Dans le rapport Hughes‑Rooney, on a relevé quatre facteurs qui nuisaient à l'efficacité des négociations : la méfiance entre les parties; les demandes de changements importants de la BCMEA; l'insistance de la BCMEA sur l'arbitrage de différends pour sortir de l'impasse; et le manque de représentation appropriée des employeurs directs.
En réponse à ce dernier problème relevé dans le rapport Hughes-Rooney, la BCMEA a adopté une nouvelle structure de comité de négociation lors de la ronde de 2010. Avant cette ronde, le comité de négociation était composé de six membres (quatre membres représentant les exploitants de terminaux et deux membres représentant les transporteurs maritimes). La structure du comité de 2010 (et actuelle) associe des membres de la direction de la gestion des opérations et des professionnels des relations de travail.
Après que les médiateurs ont soumis leur rapport au ministre du Travail, un autre médiateur, Bill Lewis, a été nommé en vertu de l'article 105 du Code pour aider les parties à parvenir à une entente ou à négocier les paramètres d'un processus d'arbitrage.
Le 2 novembre 2010, l'ILWU Canada et la section locale 514 ont déposé simultanément des avis de différend, mais uniquement en relation avec un membre de la BCMEA, TSI Terminal Systems Inc.
Après avoir reçu le rapport des médiateurs, le ministre a demandé au CCRI de déterminer si l'une ou l'autre des parties avait négocié de mauvaise foi, en violation de l'alinéa 50a) du Code. Le CCRI a rejeté l'idée selon laquelle les parties étaient tenues de s'entendre sur une procédure d'arbitrage exécutoire, rejetant l'argument de la BCMEA selon lequel le refus du syndicat d'accepter une procédure d'arbitrage exécutoire comme modèle pour résoudre l'impasse constituait une négociation de mauvaise foi :
[49] En ce moment, il n’existe aucune loi applicable à ce secteur qui oblige les parties à soumettre leurs différends à une procédure d’arbitrage exécutoire, dans l’éventualité où elles sont incapables de parvenir à une solution négociée. Le Conseil est d’avis que les parties pouvaient choisir d’aller de l’avant avec le processus de libres négociations collectives pour conclure une convention collective comme le prévoit le Code, et aucune des parties n’avait l’obligation d’entamer des négociations pour un processus visant à éliminer le droit de grève ou de lock-out, à moins que les deux parties ne consentent à un tel résultat par des négociations. Le Conseil n’est pas disposé à conclure qu’un manque d’effort à parvenir à une entente quant à une procédure d’arbitrage exécutoire constitue un manquement à l’obligation de négocier de bonne foiFootnote 36.
En février 2011, l'ILWU Canada et la section locale 514 ont tenu des votes de grève et les grèves ont été autorisées. Les parties ont ensuite conclu une convention collective d'une durée de huit ans qui a permis d'éviter les changements majeurs demandés par la BCMEA avant le début d'un conflit de travail actif.
6.2. Grève et lock-out des débardeurs dans les ports de la côte Ouest en 2018
Lors de la ronde de négociations suivante en 2018, la BCMEA a également demandé des modifications importantes à la convention collective. En plus de demander la possibilité que tous les employés puissent voir leurs quarts de travail prolongés et l'élimination des lignes de démarcation, la BCMEA a tenté d'obtenir la possibilité de transférer des employés réguliers entre employeurs et d'avoir des employés dépourvus de qualification dans les effectifs réguliers. La BCMEA a également donné un avis de cessation des pratiques concernant l'établissement des horaires, les heures de travail et l'indemnité de présence, et a proposé l'élimination de l'entente sur l'allocation de retraite qui, selon le syndicat, retarderait les plans de retraite de ses membres et limiterait donc les possibilités d'emploi pour les jeunes employés.
Le climat de négociation s'est encore détérioré lorsque la BCMEA a tenté de mettre en œuvre unilatéralement une politique en matière de drogues et d'alcool en avril 2018, ce qui a conduit le syndicat à déposer une plainte de pratique déloyale de travail alléguant une violation de l'article 50 du Code. Les parties ont résolu la question en médiation avec l'aide du CCRI. Cependant, le syndicat s'est plaint que peu après la mise en œuvre de la nouvelle politique en matière de drogues et d'alcool, certains employeurs directs ont commencé à effectuer des tests de dépistage après incident de manière agressive, à titre de représailles. Cette situation a conduit la BCMEA à déposer une plainte pour grève illégale auprès du CCRI au début de l'année 2019, alléguant que la section locale 502 avait entrepris un ralentissement des activités à GCT Deltaport en réponse à la politique en matière de drogues et d'alcool. Les parties ont entamé une audience, mais la plainte a été retirée à la suite de discussions sur le règlement du litige initiées par le président du CCRI.
Après plusieurs mois de négociation, la BCMEA et l'ILWU Canada ont déposé conjointement un avis de différend en janvier 2019. Le 12 février 2019, un conciliateur a été nommé pour régler le différend.
Le syndicat a émis un avis de grève limitée en mai 2019, identifiant GCT Deltaport et GCT Vanterm comme lieux de la grève. La grève, qui a débuté le 27 mai 2019, a pris la forme d'une grève des heures supplémentaires. En réponse, la BCMEA a répondu par un avis de lock‑out dans l'ensemble du secteur entrant en vigueur le 30 mai 2019. L'ILWU Canada et les sections locales 500, 503, 505, 508 et 519 ont immédiatement soumis une demande au CCRI en vue de faire déclarer que l'avis de lock-out n'avait pas été donné suffisamment à l'avance. Le CCRI a toutefois rejeté la demande et la BCMEA a mis en œuvre le lock-out.
Moins d'un jour plus tard, les parties ont conclu une entente sur le renouvellement de la convention collective des débardeurs. La BCMEA n'a pas obtenu les changements qu'elle avait initialement demandés. Le syndicat a toutefois réussi à obtenir l'accord de la BCMEA sur le libellé concernant un nouveau comité technologique dans le Black Book. Le libellé exige un avis de 120 jours pour tout changement technologique et impose au comité d'élaborer un plan d'atténuation visant à examiner et à minimiser, dans la mesure du possible, l'impact du changement technologique, y compris l'automatisation et la semi‑automatisation, sur les membres de la main‑d'œuvre dans toute section locale.
6.3. Grève des débardeurs dans les ports de la côte Ouest en 2023
Le climat de négociation ne s'est pas amélioré lors de la dernière ronde de négociations.
Le 30 novembre 2022, la BCMEA a présenté un avis de négociation collective à l'ILWU Canada pour une convention collective expirant le 31 mars 2023. Les négociations ont commencé le 16 février 2023.
Moins d'un mois plus tard, le 20 mars 2023, l'ILWU Canada a déposé un avis de différend en vue d'entamer une procédure de conciliation. Selon les observations présentées par la BCMEA à la Commission, au moment du dépôt de l'avis, les parties ne s'étaient rencontrées que pendant deux heures et quinze minutes au cours des cinq séances, et le syndicat n'avait pas posé une seule question sur les propositions de la BCMEA.
Le 29 mars 2023, le ministre du Travail, Seamus O'Regan, a nommé deux conciliateurs du Service fédéral de médiation et de conciliation (SFMC) pour aider les parties à conclure une nouvelle convention collective. Les 12 et 13 avril 2023, la BCMEA et l'ILWU Canada ont rencontré séparément les conciliateurs, et les parties se sont ensuite rencontrées à cinq reprises du 1er au 25 mai 2023 en vue de négocier une conciliation.
Le 26 mai 2023, la période de conciliation a été prolongée jusqu'au 30 mai 2023, et le 30 mai 2023, les parties se sont rencontrées pour négocier la conciliation.
Le 1er juin 2023, le ministre du Travail a nommé Kathy Peters et Peter Simpson du SFMC comme médiateurs au titre de l'article 105 du Code, afin d'aider les parties à parvenir à une nouvelle entente. Du 6 au 9 juin 2023, les parties se sont rencontrées à quatre reprises et ont échangé des propositions de règlement.
Le 5 juin 2023, l'ILWU Canada a autorisé un vote de grève, qui s'est tenu les 9 et 10 juin 2023. Le syndicat a indiqué que 99,24 % des personnes qui ont voté ont appuyé la grève.
Le 13 juin 2023, les parties ont échangé des propositions de règlement et se sont à nouveau réunies pour une conciliation le 16 juin. Le 21 juin 2023, à l'expiration du délai de réflexion obligatoire de 21 jours, les parties ont acquis le droit légal de faire grève ou de décréter un lock‑out. Le 24 juin 2023, l'ILWU Canada a présenté une offre de règlement global. Le 28 juin 2023, le syndicat a transmis à la BCMEA un avis de grève de 72 heures. Le même jour, Barney Dobbin a été nommé médiateur conformément à l'article 105 du Code.
Les 29 et 30 juin et le 1er juillet 2023, les parties ont échangé d'autres propositions de règlement. La grève a toutefois commencé le 1er juillet 2023 à 8 h et les parties ont continué à négocier.
Le 11 juillet 2023, le ministre du Travail a écrit à Peter Simpson, directeur du SFMC, pour lui demander de formuler des recommandations écrites en vue d'un règlement conformément au paragraphe 105(2) du Code. Le 12 juillet 2023, le ministre a envoyé les recommandations de Peter Simpson aux parties. Le comité de négociation de la BCMEA a indiqué qu'il recommanderait la ratification des modalités de règlement proposées. Le lendemain, le président de l'ILWU Canada, Rob Ashton, a indiqué que son équipe de négociation recommanderait au caucus des contrats du syndicat de soumettre les modalités de l'entente de principe au vote des membres.
La grève a été temporairement suspendue, les comités de négociation respectifs étant parvenus à une entente provisoire de quatre ans le 13 juillet 2023. La BCMEA a ratifié l'entente le même jour. Cependant, le 18 juillet 2023, le caucus des contrats d'ILWU Canada a rejeté l'entente de principe et a demandé que la grève reprenne plus tard cette journée-là.
Le 19 juillet 2023, le CCRI a décidé que la grève était illégale parce que le syndicat n'avait pas donné un avis de grève de 72 heuresFootnote 37. En réponse, l'ILWU Canada a émis un nouvel avis de grève de 72 heures, mais l'a retiré plus tard dans la journée. Le 19 juillet également, le premier ministre a convoqué le Groupe d'intervention en cas d'incident du Cabinet pour discuter des grèves dans les ports de la C.-B.
Le 21 juillet 2023, le caucus des contrats d'ILWU Canada a recommandé une offre légèrement révisée de la BCMEA aux membres du syndicat et les membres de l'ILWU ont eu la possibilité de voter sur l'entente de principe les 27 et 28 juillet 2023. Le 28 juillet 2023, cependant, le syndicat a annoncé que les membres de l'ILWU avaient rejeté l'entente de principe.
En réponse, le 29 juillet 2023, le ministre du Travail a informé les parties qu'il invoquait ses pouvoirs en vertu de l'article 107 du Code. Le ministre a ordonné au CCRI de déterminer si le rejet rendait impossible la conclusion d'une entente négociée et, le cas échéant, d'imposer une nouvelle convention collective aux parties ou d'imposer un arbitrage exécutoire final pour résoudre les modalités en suspens de la convention collective. Le ministre a également souligné dans sa déclaration aux médias que le gouvernement fédéral était « prêt à toutes les options et éventualités », laissant la porte ouverte à une loi de retour au travail.
Le 30 juillet 2023, la BCMEA et l'ILWU Canada ont participé au processus de médiation du CCRI et, plus tard dans la journée, ont annoncé conjointement qu'ils avaient conclu une nouvelle entente de principe avec le concours du CCRI. Les parties ont en outre indiqué qu'elles recommandaient la ratification aux employeurs membres et aux membres du syndicat respectivement.
La BCMEA a ratifié la nouvelle entente le 31 juillet 2023. Les membres de l'ILWU Canada ont ratifié l'entente le 4 août 2023, avec 74,7 % des voix.
La majeure partie de cette négociation a eu lieu après le dépôt de l'avis de différend et, en fait, après qu'un conflit de travail ait déjà commencé.
Bien que la BCMEA ait invoqué les procédures internes de l'ILWU Canada comme facteur – à n'en pas douter, le caucus des contrats a ralenti le vote qui devait être soumis directement aux membres de l'ILWU Canada –, l'entente de principe a néanmoins été rejetée par les membres du syndicat lors du vote.
6.3.a. Principaux enjeux des négociations de 2023
Le véritable obstacle aux négociations, outre les relations difficiles entre les parties et la certitude d'une intervention gouvernementale probable, est la complexité des questions auxquelles les parties sont confrontées.
Sur le plan syndical, l'un des thèmes centraux était la demande d'une augmentation des salaires pour suivre le rythme de l'inflation et de la hausse du coût de la vie. L'ILWU Canada faisait également pression pour obtenir des améliorations en matière de sécurité de l'emploi, notamment en ce qui concerne l'automatisation croissante dans les ports. L'organisme a exprimé ses préoccupations quant à la perte potentielle d'emplois et a demandé l'assurance que la technologie ne remplacerait pas les travailleurs humains sans mesures adéquates ou possibilités de reconversion.
Si les questions indemnitaires ont certainement été un facteur dans la ronde de négociations de 2023, les questions liées à la pression de la BCMEA en faveur de la restructuration et de la flexibilité de la main‑d'œuvre et le désir du syndicat de protéger la sécurité de l'emploi et le contrôle partagé des ports ont manifestement été les plus difficiles. Plus précisément, le syndicat réclamait la sécurité de l'emploi, une approche plus collaborative de la formation et une réduction de la sous-traitance des travaux de maintenance. En revanche, les propositions faites par la BCMEA dans le cadre des négociations visaient à consolider le pouvoir d'embauche, à éliminer les coordonnateurs de la répartition syndicaux, à autoriser des politiques flexibles de rappel et de transfert d'emploi, à prolonger les quarts de travail à la discrétion de l'employeur, à modifier les exigences en matière d'horaires et à resserrer les seuils de la politique en matière de drogues.
6.4. Lock-out dans l'ensemble du secteur de 2024 de la section locale 514 de l'ILWU (contremaîtres) dans les ports de la côte Ouest
Comme mentionné précédemment dans ce rapport, après la nomination de cette Commission, un lock-out touchant l'ensemble du secteur a été décrété par la BCMEA le 4 novembre 2024. Ce lock-out a duré plusieurs jours avant que le gouvernement n'intervienne. La BCMEA affirme avoir pris la décision de déclencher ce lock-out défensif après que la section locale 514 de l'ILWU ait notifié son intention de lancer des moyens de pression ciblés chez DP World (Canada) Inc. (DP World).
Cette série de négociations a donné lieu à de nombreux litiges. Le 16 février 2024, la section locale 514 a déposé une plainte alléguant que la BCMEA et DP World avaient manqué à leur obligation de négocier de bonne foi en refusant de négocier une entente sur la dotation en personnel, et alléguant que DP World violait la disposition du Code relative au gel des conditions d'emploi durant les négociations en mettant en œuvre unilatéralement des opérations ferroviaires automatisées à son terminal de Centerm.
Le 10 mai 2024, la BCMEA a déposé une plainte pour négociation de mauvaise foi et une demande de déclaration de grève illégale contre la section locale 514, alléguant que le syndicat avait tenu un vote de grève auprès des employés d'un seul employeur malgré le fait que les parties négociaient déjà pour l'ensemble du secteur en vue de renouveler la convention collective sectorielle. La BCMEA a allégué qu'une grève fondée sur ce vote était contraire aux dispositions du Code et illégale, et que le syndicat avait également manqué à son obligation de négocier de bonne foi en présentant deux nouvelles propositions de négociation, dont une entente sur la dotation en personnel pour les opérations automatisées au terminal de Centerm et une nouvelle proposition relative à la répartition pour le terminal de Nanaimo. La BCMEA a soutenu qu'avec ces propositions tardives, le syndicat s'éloignait des objectifs des négociations et négociait de mauvaise foi.
Des journées d'audience ont eu lieu les 2, 3 et 5 juillet 2024, au cours desquelles l'employeur a présenté ses éléments de preuve. Des dates ont été fixées pour la suite de l'audience du 6 au 9 août 2024.
Immédiatement après l'ajournement de l'audience le 5 juillet 2024, le syndicat a donné un avis de grève de 72 heures à DP World. Dans cet avis, le syndicat annonçait que les mesures de grève comprendraient l'interdiction de faire des heures supplémentaires, le refus de travailler à l'élaboration du manuel et à la formation concernant le projet d'expansion du terminal Centerm et le refus d'utiliser le tableau électronique pour le suivi de la répartition au terminal Centerm.
Le même soir, la BCMEA a déposé une demande de redressement provisoire, dans laquelle elle demandait au CCRI de statuer de façon sommaire sur la demande de déclaration de grève illégale et sur la proposition concernant la répartition à Nanaimo, ce qu'il a fait.
Après une conférence de gestion de l'instance avec les parties, le CCRI a rendu une décision sommaire sur la demande de déclaration de grève illégale et sur la proposition concernant la répartition à Nanaimo (motifs écrits fournis dans British Columbia Maritime Employers Association, 2024 CCRI 5389 LD). Comme indiqué dans ces motifs, le CCRI a conclu qu'avec la proposition concernant la répartition à Nanaimo, la section locale 514 s'éloignait des objectifs des négociations et manquait à son obligation de négocier de bonne foi. En conséquence, le CCRI a ordonné au syndicat de retirer cette proposition, mais a estimé qu'il n'était pas de mauvaise foi de sa part de continuer à présenter des propositions relatives à la rémunération pour les activités ferroviaires continues.
Le CCRI a également conclu que le syndicat n'avait pas négocié de bonne foi et n'avait pas fait tout effort raisonnable pour conclure une convention collective, en violation de l'alinéa 50a) du Code, en tenant un vote de grève auprès de ses membres chez DP World. Par conséquent, le CCRI a déclaré invalide l'avis de grève du syndicatFootnote 38. Le fondement de cette décision était que, jusqu'à ce qu'il obtienne le droit de grève, le syndicat avait participé pleinement à la négociation d'une convention collective englobant l'ensemble du secteur avec la BCMEA, en présentant des propositions détaillées et en répondant à celles de la BCMEA. Le CCRI a conclu ce qui suit :
56 Dans ces circonstances, le Conseil estime qu’en tenant un vote de grève auprès des employés de DP World Canada seulement, le syndicat a manqué à son obligation de négocier de bonne foi et de faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective. En agissant de la sorte, le syndicat a tenté d’isoler un employeur, au moment même où les parties obtenaient leur droit de grève ou de lock-out, et a perturbé le processus de négociation collective qui était en cours. En d’autres termes, le syndicat ne peut pas courir deux lièvres à la fois et choisir celui qui correspond le mieux à ses intérêts en fin de course, juste au moment où il atteint la ligne d’arrivée.
Le CCRI a clairement indiqué que sa décision était fondée sur le fait que la section locale 514 avait participé à des négociations collectives relativement à l’ensemble du secteur tout au long du processus de négociation. En limitant son raisonnement à la conduite du syndicat tout au long des négociations, le CCRI a reconnu que la section locale 514 dispose d’accréditations d’entreprise et aurait le droit d’insister sur cette structure de négociation si elle en faisait la demande au début de la prochaine ronde de négociations :
57 Cela dit, le Conseil doit aussi tenir compte des ordonnances d’accréditation distinctes selon lesquelles la section locale 514 est l’agent négociateur d’unités de négociation d’employés de la plupart des employeurs membres de la BCMEA. Il connaît aussi très bien la nature volontaire de la négociation sectorielle. Comme il l’a affirmé dans l’affaire BCMEA 566 :
- [28]… Le Conseil reconnaît aussi que ce protocole avait été accepté pour les présentes rondes de négociation. Cependant, il est aussi vrai que la BCMEA est seulement une organisation volontaire et qu’elle n’a pas été désignée comme employeur au sens de l’article 33 du Code. C’est aussi un fait qu’il existe des accréditations distinctes ou des reconnaissances volontaires distinctes pour chacun des employeurs individuels. Par conséquent, les négociations sectorielles constituent un processus volontaire, plutôt qu’un processus auxquels les parties sont contraintes en application de la loi, et une partie ne peut contraindre l’autre à adopter ce processus. Dans le passé, le Conseil a déclaré que, lorsque les négociations conjointes ne sont que volontaires, elles sont, la plupart du temps, non exécutoires…
58 La présente décision n’a pas pour effet de modifier ou de redéfinir les unités de négociation accréditées existantes. Le Conseil s’est plutôt concentré sur la conduite du syndicat pendant les négociations et sur son engagement à négocier pour l’ensemble du secteur, comme il l’avait démontré lors des rondes de négociation précédentes. Si le syndicat souhaite faire valoir ses droits de négociation pour chaque unité individuellement, il doit adopter une approche conforme à cette intention et ne pas attendre la fin du processus de négociation pour le faire. Ce n’est pas ce qui s’est passé durant la ronde de négociation en cours. Le Conseil n’est pas disposé à fermer les yeux sur la conduite du syndicat dans les circonstances.
La section locale 514 de l'ILWU a demandé un contrôle judiciaire, et une décision est toujours en attente au moment de la rédaction du présent rapport.
Entre-temps, le syndicat a tenu un vote de grève englobant l'ensemble du secteur en septembre 2024, avec 96 % des voix en faveur. Le 31 octobre 2024, le syndicat a donné un avis de grève de 72 heures pour l'ensemble du secteur et la BCMEA a répondu en délivrant un avis de lock-out. Le lock-out a commencé le 4 novembre 2024.
Les parties se sont rencontrées en présence du SFMC, mais étant donné l'absence de progrès, le 9 novembre 2024, le SFMC a mis fin à la médiation. Le 12 novembre 2024, le ministre du Travail, Steven MacKinnon, a annoncé qu'il utiliserait les pouvoirs que lui confère l'article 107 du Code pour enjoindre au CCRI d'ordonner aux parties dans les ports de la côte Ouest du Canada de reprendre leurs activités et leurs fonctions, et pour imposer un arbitrage exécutoire aux parties afin de parvenir à un règlement. Par ailleurs, le Syndicat des débardeurs (SCFP, section locale 375), qui représente près de 1 200 débardeurs à Montréal, avait déclenché une grève de 72 heures du 30 septembre au 2 octobre 2024, qui avait touché les deux terminaux de l'entreprise Termont du port de Montréal, et avait entamé une grève illimitée dans ces terminaux à partir du 31 octobre 2024. Leur différend a également pris fin à la suite d'un renvoi en vertu de l'article 107, tout comme le conflit dans le port de Québec, où les débardeurs étaient en lock-out depuis plus de deux ansFootnote 39.
Le 13 novembre 2024, le CCRI a rendu une ordonnance enjoignant à la BCMEA et à tous ses membres de reprendre leurs opérations le 14 novembre 2024 et de poursuivre leurs opérations et leurs fonctions jusqu'à ce que le CCRI rende une décision finale sur le renvoi du ministre en vertu de l'article 107. Cette décision n'a pas encore été rendue à la date du présent rapport.
Dans ses observations à la Commission, la section locale 514 de l'ILWU a clairement indiqué qu'en l'absence d'un protocole d'entente mutuellement acceptable, le syndicat n'a pas l'intention de négocier pour l'ensemble du secteur avec les employeurs maritimes, même si la BCMEA demande au Conseil d'être reconnue comme l'organisation patronale.
7. Études réalisées précédemment sur la négociation dans le secteur du débardage de la côte Ouest
En plus d'examiner l'historique des négociations et des litiges entre les parties au cours des dernières rondes de négociations, la Commission a examiné les rapports précédents rédigés sur les relations de travail dans le secteur du débardage.
Les relations de travail dans les ports de la C.-B. ont fait l'objet de nombreuses études. Cependant, il est juste de dire que très peu a été fait pour résoudre les problèmes soulevés dans les différents rapports qui ont été déposés au fil des ans. Cela ne reflète pas, de l'avis de la Commission, la qualité des conclusions et des recommandations formulées. Bien qu'un examen des recommandations découlant de la Commission Jamieson-Greyell (1995), du Groupe de travail Sims (1996), du rapport Hughes-Rooney (2010), du Groupe de travail national sur la chaîne d'approvisionnement (2022) et du rapport Giles et Banks (2024) révèle des opinions divergentes sur la voie à suivre, tous ces rapports ont également des points communs importants.
7.1. Commission Jamieson-Greyell (1995)
À ce jour, la Commission Jamieson-Greyell est l'étude la plus complète en matière de débardage sur la côte Ouest et elle est très pertinente pour la présente enquête. Cette commission a été créée en vertu des articles 106 et 108 du Code le 10 mai 1995, à la suite de l'introduction d'une loi de retour au travail visant à mettre fin aux conflits du travail dans les ports en 1994 et en 1995.
Comme il a été mentionné dans le rapport, « [l]a Ministre s'inquiétait en effet de la fréquence des arrêts de travail sur la côte et des perturbations du transport d'exportations essentielles qui en découlaientFootnote 40. » Autrement dit, les problèmes qui ont donné lieu à la création de la Commission Jamieson-Greyell sont très semblables à ceux qui ont incité le ministre à créer la présente commission, dont le mandat est presque identique.
Il convient de noter que Jamieson et Greyell ont recommandé, entre autres, de faire ce qui suit :
- consolider les droits de négociation des débardeurs grâce à une accréditation régionale à l'échelle de la province et à l'accréditation d'une organisation patronale et d'un conseil de syndicats;
- demander au Conseil canadien des relations du travail (CCRT; prédécesseur du CCRI) d'établir si les contremaîtres doivent être inclus dans l'unité de négociation ou intégrés à d'autres sections locales de l'ILWU;
- demander que la BCMEA et l'ILWU Canada revoient leurs structures internes afin de s'assurer qu'ils peuvent représenter efficacement leurs membres à la table des négociations;
- maintenir le droit de grève et de lock-out au moyen de dispositions précises permettant au ministre du Travail d'intervenir et de nommer un médiateur/arbitre dans des circonstances exceptionnelles pour résoudre les différends dans les cas où le conflit constitue une menace immédiate et importante pour l'économie ou l'intérêt national.
Malgré la qualité des recherches et la rigueur du rapport Jamieson et Greyell, peu de ses recommandations concernant le débardage ont été mises en œuvre par la suite, notamment celle concernant la délivrance d'une accréditation régionale à l'échelle de la province pour les débardeurs et que la question concernant si les contremaîtres devraient faire partie de cette unité devrait être davantage examinée.
Certaines recommandations ont ensuite été suivies, notamment celle de séparer la négociation collective pour la manutention du grain de celle du débardage et de regrouper la négociation pour les manutentionnaires de grains. Le 5 mai 1977, le syndicat Grain Workers Union, section locale 333, a été accrédité en tant qu'agent négociateur pour tous les employés opérationnels des cinq entreprises appartenant à l'Association au port de Vancouver, qui a été désignée comme « employeur » aux fins du Code conformément à l'article 131 (maintenant l'article 33). La recommandation de la Commission Jamieson-Greyell d'instaurer un avis de grève ou de lock-out de 72 heures a également été intégrée au Code par la suite, entre autres.
7.2. Groupe de travail Sims (1996)
Peu après la présentation du rapport de la Commission Jamieson-Greyell, le Groupe de travail Sims a procédé à une révision plus générale du Code. Il convient de noter que le groupe de travail a contesté la recommandation de la Commission Jamieson-Greyell en faveur d'une accréditation obligatoire des organisations d'employeurs, préconisant plutôt une approche plus volontaire et plus souple de la négociation multipartiteFootnote 41.
Le Groupe de travail Sims était également d'avis que l'accréditation régionale ne devrait s'appliquer qu'aux employeurs qui utilisent un bassin commun de main-d'œuvre et a recommandé que les employeurs qui maintiennent leur propre main-d'œuvre puissent continuer à négocier de manière indépendante. Enfin, le Groupe de travail a recommandé que le ministre du Travail ait le pouvoir de nommer un comité spécial de l'intérêt public chargé de déterminer si une mesure d'intervention législative dans un conflit de travail servirait l'intérêt public.
7.3. Rapport Hughes-Rooney (2010)
Comme indiqué précédemment dans le rapport, Hughes et Rooney ont été nommés médiateurs en 2010 pour faciliter les négociations entre la BCMEA et l'ILWU Canada et la section locale 514 en vue du renouvellement de l'Accord sur les débardeurs et de l'Accord 514 (accord concernant les contremaîtres).
Le rapport Hughes-Rooney recommandait des modalités de règlement des différends relatifs aux conventions collectives, et suggérait la nomination d'une commission d'enquête industrielle chargée d'examiner la pertinence de la BCMEA en tant que représentant exclusif des employeurs dans les négociations et de traiter des propositions importantes de modifications de la convention collective, notammentFootnote 42.
7.4. Groupe de travail national sur la chaîne d'approvisionnement (2022)
Le rapport final du Groupe de travail national sur la chaîne d'approvisionnement recommandait que le ministre du Travail convoque un conseil d'experts de toute urgence en vue d'élaborer un nouveau paradigme de relations de travail collaboratif qui permettrait de réduire le potentiel de lock-out et de grèves qui mettent à risque le fonctionnement de la chaîne d'approvisionnement nationale des transports, sans toutefois recommander de mécanisme précisFootnote 43.
7.5. Rapport Giles et Banks (2024)
Comme indiqué au début de ce rapport, Giles et Banks ont entrepris un examen des structures de négociation à la suite du conflit de 2023 entre l'ILWU Canada et la BCMEA. Dans leur rapport, ils ont recommandé une étude comparative des relations de travail dans le secteur du débardage dans les ports canadiens et internationaux, en mettant l'accent sur les structures et les processus de négociation collective, notamment en ce qui concerne les changements technologiques et les systèmes de déploiement de la main-d'œuvreFootnote 44.
Giles et Banks ont également recommandé d'examiner si une intervention précoce d'un médiateur ou d'un conciliateur nommé par le ministre du Travail pourrait permettre aux parties de parvenir plus facilement à des ententes négociées. Le rapport recommandait également de tenir compte d'un exercice d'établissement des faits à la demande du ministre concernant les efforts des parties pour parvenir à une entente servant l'intérêt public.
Tous ces rapports traitent, directement ou indirectement, des questions de structure de négociation, de médiation et de règlement des différends. Il est clair que les questions relatives à la pertinence des structures des unités de négociation, les préoccupations persistantes quant à la légitimité de la BCMEA en tant qu'agent négociateur et les plaintes concernant les mécanismes de règlement des différends actuels sont des problèmes de longue date qui ont été étudiés pendant des décennies sans que des solutions rapides et efficaces ne soient mises en œuvre. Ce sont précisément les mêmes problèmes auxquels est confrontée la présente Commission. Ainsi, ces rapports précédents, notamment le rapport Jamieson et Greyell, qui ont été rédigés dans le cadre de mandats très similaires à celui de la présente Commission, constituent une base solide pour étayer nos recommandations.
8. Résumé des positions des parties
Après avoir résumé les principaux rapports d'experts sur la négociation collective dans le secteur du débardage dans les ports de la C.-B., nous allons maintenant résumer les observations reçues par la Commission dans le cadre de la présente CEI.
Comme il a été mentionné précédemment, la Commission a reçu de nombreuses observations d'intervenants et de parties intéressées exposant leurs points de vue sur les questions énoncées dans le mandat. À toutes fins utiles, ce mandat consiste à étudier : l'application unique de l'accréditation régionale sur la côte Ouest; leur couverture des employeurs et des employés; la nécessité de mettre en place une structure de négociation à niveaux multiples qui répartirait les enjeux entre la table centrale et les autres tables; la mise en place de réformes aux structures de gouvernance interne et de prise de décisions des parties comme moyen d'aider à réduire la probabilité des arrêts de travail; et la possibilité de mettre en place des processus volontaires de résolution de conflit par la négociation collective ponctuels ou permanents, comme la médiation‑arbitrage, pouvant aider les parties à résoudre des enjeux récurrents entre elles.
Il va sans dire que les organisations patronales ont généralement mis l'accent sur l'importance d'améliorer la stabilité de la main‑d'œuvre dans les ports de la C.-B. et de veiller à ce que les chaînes d'approvisionnement soient fiables et résilientes. Leurs recommandations à la Commission comprenaient la modification ou l'amélioration des mécanismes de médiation et d'arbitrage afin de faciliter le règlement rapide des différends et d'encourager la négociation de bonne foi, la délivrance d'une forme d'accréditation régionale pour les ports de la C.-B., la modification du Code pour exempter les opérations de croisière afin d'assurer la continuité des services, la création de comités permanents patronaux-syndicaux sur des questions précises afin de favoriser un dialogue continu et de répondre aux préoccupations de manière proactive, et la modification du Code pour remplacer le droit de grève/lock-out par un arbitrage exécutoire et la désignation de services essentiels ou d'autres modes de règlement extrajudiciaire des différends afin de minimiser les interruptions de travail.
Par ailleurs, les observations que la Commission a reçues des syndicats étaient largement favorables au maintien du statu quo et mettaient généralement l'accent sur la nécessité de préserver les droits des travailleurs et d'améliorer les relations de travail dans les ports de la C.-B. Les syndicats se sont opposés à toute modification du Code qui restreindrait le droit de grève et ont insisté sur la protection du droit de négociation collective et de grève en tant que droits fondamentaux protégés par la Charte, soulignant que les meilleures ententes sont conclues à la table des négociations sans l'ingérence de tiers. Les syndicats étaient unanimement d'avis que le travail des débardeurs ne devait pas être désigné comme un service essentiel.
Certains syndicats ont formulé des commentaires et des recommandations réfléchis sur les conditions de travail des débardeurs ou sur d'autres questions qui ne sont pas comprises dans le mandat de la Commission et qui, par conséquent, ne sont généralement pas incluses dans le rapport.
Par souci de concision, nous n'avons pas résumé individuellement toutes les observations reçues par la Commission, mais nous avons résumé les positions de chacune des parties à la négociation collective dans le secteur du débardage pour chacune des modalités du mandat de la Commission.
8.1. ILWU Canada
Les positions de l'ILWU Canada se résument comme suit :
8.1.a. Accréditation régionale
L'ILWU Canada s'oppose à une accréditation régionale, arguant que sa délivrance n'améliorerait pas le processus de négociation pour les débardeurs. Il soutient que le système actuel, qui, selon lui, permet la négociation de contrats avec des employeurs individuels, offre plus de flexibilité et répond mieux aux intérêts des travailleurs.
L'ILWU Canada estime qu'il est essentiel que les employeurs reconnaissent et acceptent le contrôle important qu'elle a établi sur le front de mer grâce à des pratiques de longue date et à l'utilisation de bureaux d'embauchage. En outre, l'ILWU Canada s'oppose à l'inclusion de tous les employés sous une seule accréditation régionale, soutenant que des ententes distinctes pour divers groupes – comme les contremaîtres – sont plus efficaces. Cette structure, à son avis, respecte les besoins uniques des différentes unités de négociation, renforçant leur autonomie dans les négociations.
Selon l'ILWU Canada, une accréditation unique augmente le risque de conflits sectoriels et n'aurait pas empêché la grève de 2023. Il note que cette configuration a été rejetée dans le rapport Sims (1996) et souligne que la négociation multipatronale sur la côte Ouest est volontaire, conformément au Code et à la jurisprudence.
8.1.b. Négociation à niveaux multiples
Selon l'ILWU Canada, les tables à plusieurs niveaux permettent de meilleures négociations. L'ILWU Canada fait valoir que l'absence d'implication directe de l'employeur à la table des négociations est un obstacle majeur à des négociations efficaces et contribue à l'instabilité.
Une solution potentielle à ce problème avancée par l'ILWU Canada est l'utilisation de plusieurs tables de négociation avec des employeurs individuels. Selon l'organisme, une telle approche pourrait maintenir la stabilité tout en favorisant des négociations plus ciblées et plus efficaces. L'ILWU Canada suggère qu'au choix de l'une ou l'autre des parties, une table de négociation locale puisse être établie entre une section locale particulière et un employeur direct, éliminant la nécessité pour l'ILWU Canada ou la BCMEA d'être impliqués. Selon l'ILWU Canada, ce modèle de négociation directe permettrait de résoudre plus efficacement les problèmes localisés et de réduire le risque de perturbations plus importantes.
8.1.c. Structures de gouvernance interne et de prise de décision
Pour défendre sa gouvernance interne, l'ILWU Canada met en avant ses processus démocratiques, qui impliquent une participation importante des membres, et affirme que son caucus des contrats veille à ce que les propositions des membres locaux soient priorisées et entendues et à ce que le processus de négociation soit plus efficace.
L'ILWU Canada critique la structure de gouvernance de la BCMEA, affirmant qu'elle ne représente pas adéquatement les employeurs directement impliqués dans le débardage, ce qui, selon elle, limite toute possibilité de négociation fructueuse.
8.1.d. Mécanismes de règlement des différends
L'ILWU Canada s'oppose fermement à tout modèle de règlement des différends qui élimine le droit de grève, un droit fondamental des travailleurs protégé par la Charte. Il estime que l'arbitrage obligatoire mine l'intégrité de la négociation collective en limitant le pouvoir de négociation des travailleurs. Au lieu de cela, l'ILWU Canada propose plusieurs modifications au Code, notamment de renforcer les pouvoirs des conciliateurs, d'interdire l'utilisation des éléments de preuve recueillis lors de la conciliation dans le cadre de l'arbitrage et d'établir une procédure d'arbitrage accélérée prévue par la loi. Ces changements sont jugés essentiels pour améliorer l'efficacité des négociations tout en préservant les droits des travailleurs garantis par la Charte.
L'ILWU Canada fait également d'autres suggestions, par exemple que la Commission recommande que chaque site de travail ou employeur soit tenu de donner un avis de grève ou de lock-out, qu'un vote de grève ou de lock-out soit nécessaire pour étendre l'arrêt de travail à l'ensemble du secteur, que l'obligation de ne déposer un préavis de grève qu'une seule fois au cours d'un conflit du travail soit clarifiée et que les syndicats soient autorisés à demander des votes sur les propositions finales.
Les recommandations d'ILWU Canada englobent ses objectifs plus larges, qui consistent à maintenir les droits collectifs des débardeurs, à plaider contre l'imposition de l'arbitrage de différends et à garantir que les voix de ses membres soient entendues pendant les processus de négociation. De plus, le syndicat insiste sur la nécessité de disposer de mesures précises pour évaluer les conséquences des arrêts de travail et demande instamment l'établissement de comités de négociation efficaces auxquels participeraient des cadres supérieurs représentant les employeurs directs ayant un intérêt réel à résoudre les conflits en cours.
Dans l'ensemble, l'ILWU Canada s'oppose fermement aux changements qui compromettraient les droits à la négociation collective et les pratiques établies qui, selon le syndicat, ont servi efficacement ses membres au fil des ans.
8.2. Section locale 514 de l'ILWU
Les positions de la section locale 514 de l'ILWU se résument comme suit :
8.2.a. Accréditation régionale
La section locale 514 de l'ILWU s'oppose à l'accréditation régionale et demande instamment à la Commission de conclure qu'elle a le droit de négocier collectivement avec chacun des employeurs directs pour lesquels elle est accréditée et qu'elle n'est pas tenue de négocier pour l'ensemble du secteur.
Selon la section locale 514, ses membres ont une communauté d'intérêts différente et distincte de celle des autres débardeurs représentés par l'ILWU Canada et devraient rester séparés et distincts.
8.2.b. Négociation à niveaux multiples
La section locale 514 de l'ILWU rejette la négociation à niveaux multiples et soutient qu'elle devrait pouvoir négocier directement avec les employeurs.
8.2.c. Structures de gouvernance interne et de prise de décision
En ce qui concerne les structures de gouvernance interne et de prise de décision, la section locale 514 de l'ILWU recommande que la Commission examine de manière critique le rôle néfaste et perturbateur de la BCMEA en tant qu'association patronale volontaire en raison de l'absence de participation directe à la table des négociations collectives des cadres supérieurs représentant les employeurs directs qui ont connaissance du fonctionnement quotidien des ports.
8.2.d. Mécanismes de règlement des différends
Selon la section locale 514 de l'ILWU, la Commission devrait fortement décourager l'intervention du gouvernement et/ou l'imposition d'un processus d'arbitrage de différends exécutoire et contraignant pour restreindre un droit de grève par ailleurs légal et constitutionnel dans le secteur de la manutention portuaire. Elle demande à la Commission de mettre l'accent sur l'effet paralysant et narcotique néfaste de l'intervention du gouvernement et de l'imposition d'un arbitrage de différends exécutoire sur la libre négociation collective, ainsi que sur les relations de travail entre les parties.
La section locale 514 de l'ILWU suggère que la Commission recommande de ne pas désigner le secteur de la manutention portuaire comme un service essentiel. Elle note qu'aucune des précédentes CEI n'a recommandé que le secteur de la manutention portuaire soit désigné comme un service essentiel et soutient qu'une telle recommandation serait radicale.
La section locale 514 indique plutôt que la Commission devrait recommander d'accroître les pouvoirs des conciliateurs afin d'inclure ce qui suit :
- obliger les personnes à assister aux réunions de conciliation;
- exiger d'une partie qu'elle fournisse des renseignements à l'autre partie;
- exiger d'une partie qu'elle réponde utilement à la proposition de l'autre partie;
- produire un rapport à l'issue de la conciliation contenant des recommandations semblables à celles d'un commissaire ou du Conseil.
8.2.e. Autres recommandations
Outre les recommandations qui cadrent avec le mandat de la Commission, la section locale 514 de l'ILWU a également formulé les recommandations supplémentaires suivantes :
- La Commission devrait recommander que le Code soit modifié pour refléter le fait qu'une fois que le syndicat a donné un avis de grève, celui‑ci reste en vigueur pendant toute la durée du conflit du travail.
- La Commission devrait recommander que le Code soit modifié pour exiger que chaque employeur du secteur maritime participe à un vote de lock-out avant qu'un lock-out ne soit imposé à l'ensemble du secteur.
- La Commission devrait recommander que le Code soit modifié pour accorder aux syndicats le droit d'exiger des employeurs qu'ils organisent un vote sur les propositions finales d'un syndicat. De même, le Code devrait être modifié pour exiger des employeurs qu'ils organisent des votes de ratification.
- La Commission devrait recommander que le Code soit modifié pour inclure une procédure accélérée de règlement des griefs par voie d'arbitrage afin de permettre un règlement rapide des différends concernant l'administration, l'interprétation ou la violation présumée de la convention collective.
8.3. BCMEA
Les positions de la BCMEA se résument comme suit :
8.3.a. Accréditation régionale
La BCMEA plaide fermement en faveur de la mise en œuvre d'une accréditation régionale unique qui englobe tous les débardeurs, contremaîtres et employés actuellement soumis aux conventions collectives conclues entre l'ILWU et les entreprises membres de la BCMEA.
Selon la BCMEA, les arguments en faveur d'une accréditation régionale étendue pour les ports de la côte Ouest sont clairs. La BCMEA souligne que de nombreux grands ports canadiens ont déjà adopté l'accréditation régionale, qui, selon elle, s'est avérée efficace pour maintenir la paix sociale grâce à un bassin fiable de main-d'œuvre qualifiée. La BCMEA demande expressément cette accréditation pour toutes les opérations de débardage tout en excluant les employeurs historiquement exclus, tels que Westshore Terminals et Trigon Pacific Terminals, en soulignant que ce cadre minimiserait le risque de conflits du travail grâce à une fragmentation réduite des unités de négociation.
La BCMEA exhorte la Commission à recommander au ministre du Travail de s'adresser au CCRI pour déterminer s'il convient d'établir une accréditation régionale pour les ports de la côte Ouest au titre de l'article 34 du Code.
8.3.b. Couverture des employeurs et des employés
Afin de renforcer la stabilité, la BCMEA propose que l'accréditation régionale englobe toutes les relations existantes avec l'ILWU Canada tout en créant une structure unifiée pour la négociation collective.
La BCMEA fait valoir que l'exclusion de Westshore Terminals et de Trigon Pacific Terminals reflète l'historique des négociations que ces terminaux ont eues avec l'ILWU Canada indépendamment de la BCMEA. Bien que la BCMEA reconnaisse qu'elle recrute ses travailleurs en passant par le bureau d'embauchage de la section locale, elle note qu'elle dispose généralement d'un effectif permanent. En outre, elle souligne n'avoir jamais été impliquée dans l'affectation de ces employés depuis le bureau d'embauchage. Selon la BCMEA, toute interruption de travail dans ces terminaux n'affecterait pas les entreprises membres de la BCMEA ou leurs employés dans les ports de la côte Ouest et vice versa et, par conséquent, il n'est pas nécessaire, du point de vue des relations de travail, d'inclure ces employeurs. La BCMEA affirme que les nouveaux participants aux opérations portuaires seraient inclus dans l'accréditation régionale afin d'éviter toute instabilité future.
8.3.c. Négociation à niveaux multiples
La BCMEA soutient que les parties devraient négocier une convention collective unique avec des addendas adaptés aux différentes catégories d'employés, afin de garantir que les questions propres aux différents groupes de travailleurs puissent être traitées tout en préservant une approche de négociation cohérente.
La BCMEA suggère une structure de négociation à niveaux multiples semblable à celle utilisée au port d'Halifax. Cette structure consisterait en une table principale pour les ententes générales ainsi que des tables parallèles pour négocier des addendas spéciaux pour diverses catégories d'employés – comme les contremaîtres – permettant des négociations détaillées adaptées à des rôles précis, sans perdre la cohésion globale d'une entente principale.
8.3.d. Structures de gouvernance interne et de prise de décision
En ce qui concerne la gouvernance interne, la BCMEA soutient que ses structures décisionnelles actuelles sont légitimes et efficaces et devraient être reconnues comme telles. La BCMEA propose que la constitution de l'ILWU soit révisée afin de permettre à l'ILWU Canada d'agir en tant qu'agent négociateur exclusif du syndicat, favorisant ainsi l'efficacité de la négociation collective et du règlement des différends.
8.3.e. Mécanismes de règlement des différends
Enfin, la BCMEA demande l'adoption de dispositions législatives habilitant le ministre du Travail à soumettre les différends à un processus indépendant de médiation-arbitrage lorsqu'il estime que cela est dans l'intérêt national. Selon la BCMEA, cette mesure permettrait de mieux protéger l'intérêt public lors de conflits de travail et d'éviter les perturbations susceptibles de nuire à l'économie. La BCMEA fait valoir que ces dispositions législatives devraient garantir la médiation et l'arbitrage exécutoire lorsque les voies de négociation traditionnelles aboutissent à une impasse.
S'inspirant des recommandations de la Commission Jamieson-Greyell, la BCMEA soutient que les dispositions législatives suivantes devraient être adoptées soit dans le cadre d'une loi distincte, soit dans une section spéciale du Code :
- Accorder au ministre du Travail le pouvoir discrétionnaire de soumettre le différend à la médiation et à l'arbitrage exécutoire lorsqu'il estime que cela est dans l'intérêt national;
- Interdire les grèves ou les lock-out en cas de tel renvoi;
- Prévoir la sélection d'un médiateur-arbitre unique par les parties ou, à défaut d'accord, la nomination d'un arbitre par le président du CCRI;
- Prévoir des délais pour la sélection ou la nomination d'un arbitre et pour la prise d'une décision;
- Exiger de l'arbitre qu'il s'engage dans une médiation et, à défaut d'accord, qu'il rende une décision exécutoire pour résoudre toutes les questions en litige restantes;
- Étendre les protections accordées aux arbitres et aux commissaires‑conciliateurs en vertu du Code;
- Prévoir que chaque partie paie ses propres honoraires, frais et dépens, ainsi qu'une part égale des honoraires et frais du médiateur-arbitre.
9. Analyse générale des questions et recommandations
D'après l'étude des négociations avec les débardeurs des ports de la côte Ouest menée par la Commission, nous sommes d'avis que le système est défectueux, mais pas irréparable. Nous pensons qu'il y a des problèmes bien enracinés et une dynamique en constante évolution dans les ports de la C.-B. nécessitant une attention soutenue. Cette situation exige aussi de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les droits des membres des syndicats à négocier les modalités de leurs conditions d'emploi sont bien équilibrés avec les droits des employeurs et l'intérêt national quant à la stabilité dans les ports.
Au cœur du problème, il y a un manque de confiance entre les parties, ce qui complique les négociations et crée un environnement où les soupçons l'emportent sur la collaboration. Même si les parties entretiennent des relations de négociation depuis longtemps, celles-ci sont loin d'être saines et marquées par des conflits permanents, des priorités divergentes et une attitude fortement protectionniste de la part du syndicat et de ses membres, qui considèrent ces négociations comme une tentative d'érosion de leurs droits durement acquis.
Cependant, le fait que l'industrie dans son ensemble ait subi d'importantes transformations au cours des dernières décennies contribue fortement à attiser les tensions. Les problèmes auxquels sont confrontées les parties sont complexes. Il ne s'agit pas seulement de conflits habituels sur les salaires et les avantages sociaux. Les questions litigieuses portent également sur la sécurité d'emploi et l'automatisation.
Ces problèmes ne touchent pas uniquement les ports de la C.-B. On observe des tensions similaires dans d'autres ports canadiens et dans le secteur du débardage partout dans le monde. La réalité est la suivante : les ports sont des maillons essentiels de la chaîne logistique maritime et le bon fonctionnement des chaînes d'approvisionnement dépend de la fluidité du transport des marchandises entre les navires et les moyens de transport terrestre, et vice versa. La concurrence ne se limite plus aux ports en tant que tels. Elle s'étend à l'ensemble de la chaîne logistique et implique divers acteurs, notamment les compagnies de transport maritime, les exploitants de terminaux et les services de transport terrestre. Cette concurrence multidimensionnelle a une incidence sur la manière dont les ports structurent leurs activités, en plus d'accroître les exigences en matière d'efficacité des opérations de manutention des marchandises.
Avec l'augmentation de la taille des navires et le groupage de chargements dans l'expédition, les opérations portuaires sont soumises à une forte pression, ce qui pousse les employeurs à exiger un rendement et une souplesse plus élevés de la part des débardeurs pour répondre aux demandes du marché. L'automatisation et les innovations technologiques transforment également le secteur du débardage. Si ces changements peuvent sans aucun doute améliorer l'efficacité, ils risquent également d'entraîner des pertes d'emplois et de faire évoluer les compétences requises dans le secteur. En outre, les syndicats de débardeurs ont souligné que les travailleurs portuaires ne devraient pas être considérés comme de simples variables de production, mais plutôt comme des partenaires actifs qui jouent un rôle clé dans les opérations portuaires. Selon eux, les travailleurs doivent être considérés comme faisant partie intégrante de la chaîne d'approvisionnement, car ils contribuent non seulement à la productivité, mais ils influencent aussi la prise de décisions concernant les opérations. De ce fait, il est nécessaire d'adopter des pratiques de travail inclusives qui tiennent compte des droits des travailleurs et de leur bien-être.
La recherche de la rentabilité et de méthodes de travail plus efficaces dans les ports a conduit les employeurs du secteur du débardage à formuler des demandes que les syndicats jugent impopulaires et qui amènent les parties à croiser le fer sur des questions difficiles et polarisantes. La méfiance entre les parties et la concurrence sur le rôle et la portée des droits de représentation de l'ILWU expliquent en partie la forte résistance d'ILWU Canada et de la section locale 514 à la modernisation et leur méfiance à l'égard du changement. Comme l'ont noté Jamieson et Greyell dans leur rapport, « [c]ette attitude d'hostilité creuse évidemment le fossé antagoniste entre les parties et laisse peu de place à des sentiments raisonnables chez les employés, lorsqu'il s'agit de régler des litiges touchant les conditions d'emploiFootnote 45 ».
Dans un contexte où la part de marché de nombreuses catégories d'exportation du Canada est en baisseFootnote 46 et où les parties doivent négocier des questions difficiles, la Commission est d'avis qu'il faut prendre des mesures pour réduire le risque qu'un conflit de travail entraîne l'arrêt des activités portuaires, puisqu'une telle interruption peut engendrer de graves répercussions sur la chaîne d'approvisionnement, interconnectée, et sur le public.
La simple menace d'une interruption amène les expéditeurs à détourner leurs cargaisons ailleurs, ce qui, dans le cas des ports de la côte Ouest, se traduit généralement par un détournement vers des ports aux É.-U. La British Columbia Maritime Employers Association (BCMEA) rapporte que pendant l'instabilité des relations de travail de l'été 2023, il y a eu 20 changements de port, 12 détournements et 48 départs annulés, et ce, uniquement pour les porte-conteneurs. Avant la grève et pendant celle-ci, les terminaux maritimes américains ont conclu des contrats à long terme avec des expéditeurs de conteneurs souhaitant envoyer leurs cargaisons ailleurs que dans les ports de la côte Ouest du CanadaFootnote 47. Le simple fait qu'une interruption de travail soit possible nuit immédiatement à la réputation et à l'économie. Il se peut qu'une fois déroutés, les cargos ne reviennent plus dans ce port à court terme, voire pas du tout, une fois que le port a repris son activité normale.
Il y a près de 30 ans, la Commission Jamieson-Greyell a fait l'observation suivante dans son rapport :
À maintes reprises, les producteurs primaires et les autorités portuaires ont indiqué à la Commission que la réputation de fiabilité du Canada auprès de ses partenaires commerciaux avait passablement souffert des arrêts de travail ou des menaces d’arrêt de travail touchant le réseau de communication entre producteurs et clients. Dans une économie mondiale caractérisée par la forte concurrence et le souci de la rentabilité, il faut absolument offrir des services fiables et économiques et livrer les marchandises à temps. La Commission a été informée de nombreux cas isolés au cours desquels des producteurs canadiens voyageant dans le cadre de missions commerciales à l’étranger ont été abordés par les représentants d’intérêts commerciaux étrangers qui se plaignaient de la fiabilité de nos systèmes de livraison. Ces préoccupations étaient bien comprises – et même largement partagées – par les représentants des travailleurs et des employeurs avec qui la Commission a discutéFootnote 48.
Ces propos semblent encore plus d'actualité de nos jours. Plusieurs études ont montré que l'infrastructure économique du Canada est à la traîne par rapport à ses principaux concurrents internationaux sur le plan de la qualité et de la fiabilitéFootnote 49. Une étude de la Banque mondiale réalisée en 2018 classait le Canada au 21e rang mondial pour la qualité de ses infrastructures commerciales et de transport, loin derrière l'Allemagne (1er) et les É.-U. (7e)Footnote 50. Après avoir examiné les résultats de divers sondages internationaux sur la compétitivité des pays, Deloitte Canada a noté que « [l]a perception de la qualité des infrastructures canadiennes […] est légèrement inférieure à la moyenne de ses homologues et a diminué au cours des dernières annéesFootnote 51 ». En se basant sur la revue de la littérature, la Commission admet qu'il y a une perception particulièrement négative de la qualité des infrastructures de transport du Canada et que le pays risque de se retrouver encore plus bas dans le classement des infrastructures dans l'avenir. Un rapport de la Banque mondiale et de S&P Global Market Intelligence a classé le port de Vancouver près de la dernière position au chapitre du rendement et de l'efficacité opérationnelle en 2021, soit le 368e port sur 370 dans le monde et le 27e sur 29 en Amérique du NordFootnote 52.
Il n'y a pas de solution magique pour trouver le juste équilibre entre les intérêts des travailleurs et la nécessité de stabilité et d'efficacité dans les ports. Des modifications à la structure du processus de négociation collective ne suffiront pas à elles seules à faire face à l'évolution du secteur et aux pressions qui s'exercent sur lui, ni à remédier au manque de confiance dans les négociations avec les débardeurs de la côte Ouest. En réalité, il est urgent de s'adapter à l'évolution du marché mondial qui fait peser une réelle menace sur le gagne-pain des débardeurs et des contremaîtres si les ports de la côte Ouest ne sont pas compétitifs. Le syndicat et ses membres doivent prendre conscience de cette réalité, et les parties doivent coopérer et faire preuve de souplesse pour améliorer l'efficacité dans les ports. La résolution de ces questions épineuses n'est pas une tâche facile. Toutefois, la Commission estime que certains changements amélioreront et stabiliseront les relations de travail dans les ports de la C.-B., tout en reconnaissant que le droit de grève est un droit fondamental inscrit dans la Charte qui ne peut et ne doit pas être retiré aux travailleurs non essentiels.
9.1. Recommandation 1 : Le droit de grève/lock-out doit être préservé dans le secteur du débardage au Canada
Comme point de départ, et conformément à notre mandat, la Commission est fermement convaincue que la libre négociation collective est le processus le plus juste et le plus efficace pour conclure des conventions collectives. À cet égard, nous notons que notre mandat prévoyait de formuler des recommandations visant à « réduire la probabilité » d'arrêts de travail. En l'absence d'une orientation claire du Parlement quant à son intention d'éliminer le droit de grève ou de lock-out pour l'industrie du débardage, la Commission s'engage à respecter les principes de libre négociation collective énoncés dans le préambule du Code. Pour reprendre les termes utilisés par Jameson et Greyell dans leur rapport, « [l]a Commission souhaite trouver des solutions pour atténuer les problèmes et les graves répercussions économiques des arrêts de travail dans les ports de la côte Ouest par des solutions structurelles et systémiques, de préférence au statu quo, mais sans interférence majeure avec des libertés et traditions profondément enracinéesFootnote 53 ».
Un certain nombre de mémoires présentés à la Commission traitaient de l'importance et de l'effet des conflits de travail dans l'industrie du débardage et pressaient la Commission de trouver un moyen d'éviter la perturbation des chaînes d'approvisionnement en retirant aux parties le droit de recourir à la grève ou au lock-out, et en intégrant à la structure de négociation du débardage un mécanisme d'arbitrage obligatoire des différends ou d'arbitrage des propositions finales. D'autres mémoires insistaient pour que la Commission préserve le modèle de la grève/du lock-out, en faisant valoir que les solutions de rechange ne peuvent pas remplacer efficacement le processus de libre négociation collective.
La Commission observe que tous ces mécanismes de règlement des différends ont été examinés dans des études antérieures et ont été rejetés au profit de la liberté de négociation collective. Cela implique nécessairement la possibilité de recourir à la grève ou au lock-out de manière à créer la pression économique nécessaire pour conclure une convention collective.
La Commission est fermement convaincue que le modèle des services essentiels ne saurait fonctionner dans le secteur du débardage sans gravement compromettre les droits de négociation collective. Il est impossible de segmenter ou de réduire les activités de débardage de la même manière que le travail est réparti dans d'autres secteurs qui fournissent des services essentiels, afin de permettre une réduction structurée des services et un réel droit de grève. Autrement dit, un navire ne peut pas être déchargé partiellement, de même qu'il est impossible de ne retirer que certaines marchandises, ou de décharger un navire avec une équipe réduite. Soit le débardage dans son intégralité est un service essentiel, au même titre que la police et les pompiers, pour lequel le droit de grève ou de lock-out est totalement exclu, soit il n'est pas essentiel, car le travail des équipes de chargement et de déchargement n'est pas essentiel selon le préjudice qu'il est uniquement d'ordre financier. S'il ne fait aucun doute qu'une perturbation des services portuaires entraîne de lourdes conséquences financières, rien ne permet d'affirmer qu'une telle perturbation constitue un risque immédiat pour la santé ou la sécurité du public.
Il ne fait aucun doute que les tensions entre les parties se sont intensifiées et que les opinions se sont polarisées sur la façon de rétablir la stabilité et la prévisibilité des relations de travail dans les ports de la C.-B. La Commission estime toutefois que le fait de limiter ou de supprimer le droit de grève ne permettra sans doute pas de stabiliser les relations de travail dans les ports de la C.-B. De plus, priver les parties de leur droit légal de grève ou de lock-out ferait plus de mal que de bien, car cela pourrait entraîner des arrêts de travail illégaux et imprévisibles.
De plus, comme l'ont souligné plusieurs syndicats dans leurs mémoires, les droits de grève et de négociation collective sont protégés par la garantie de liberté d'association prévue dans la Charte et ne doivent pas être enfreints sans raison valable. Bien qu'il soit largement prouvé que les grèves et les lock-out portuaires peuvent entraîner des conséquences économiques néfastes, ceux-ci ne mettent pas en danger la vie et l'intégrité physique des personnes. Il s'agit d'une distinction importante, notamment en ce qui concerne l'article 1 de la Charte. S'il est dans l'intérêt de tous d'éviter les conflits du travail, la solution n'est pas de les interdire complètement, mais bien d'ajouter des mécanismes supplémentaires pour faciliter la libre négociation collective, comme nous le recommandons ci-dessous.
La Commission reconnaît que les arrêts de travail passés et récents dans les ports de la côte Ouest ont nui à la réputation du Canada en tant que partenaire commercial fiable et ont causé un préjudice économique important à des tiers innocents ainsi qu'à l'économie canadienne dans son ensemble. Toutefois, le fait que certains conflits de travail puissent indéniablement causer plus de dommages économiques que d'autres ne devrait pas être un critère pour déterminer si le droit légal de grève devrait être retiré à certains groupes de travailleurs. Par ailleurs, alors que les organisations patronales n'ont évoqué dans leurs mémoires que les conséquences économiques négatives des grèves, les syndicats et les universitaires, eux, en ont souligné les effets bénéfiques, en insistant sur le rôle important qu'elles jouent pour corriger les déséquilibres de pouvoir dans les relations de travail.
La libre négociation collective ne peut fonctionner que si les parties veulent qu'elle fonctionne. La Commission reconnaît que le processus de négociation collective est intrinsèquement dynamique et que ses résultats dépendent des parties qui négocient. Bien que la négociation collective soit, par nature, un processus axé sur la confrontation, nous estimons qu'elle comporte des obligations et des responsabilités considérables pour chaque partie, qui doit se comporter de manière responsable afin de parvenir à un accord mutuellement acceptable. Une négociation collective réussie exige un travail constant et une prise de décision rationnelle. En bref, la Commission estime que les deux parties doivent faire davantage d'efforts pour parvenir à une convention collective acceptable et pour résoudre les problèmes complexes et inévitables auxquels elles sont confrontées, comme indiqué précédemment dans le présent rapport.
Cela étant dit, il ne fait aucun doute que les employeurs et les syndicats sont moins susceptibles de négocier sérieusement dans le but de conclure un accord s'ils savent que le gouvernement interviendra pour limiter le droit de grève. Une telle dynamique crée davantage de tensions entre les parties, et non l'inverse, comme en témoignent les conflits de travail de longue date et la fréquence des interventions gouvernementales pour mettre fin aux conflits de travail dans les ports de la C.-B.
Si les parties ne respectent pas leurs obligations en matière de négociation collective, la Commission estime qu'une importante intervention est nécessaire, en particulier dans le secteur du débardage, sur lequel repose une grande partie de l'économie canadienne et de l'intérêt national. On ne peut pas laisser un conflit s'envenimer sans négociation sérieuse jusqu'à ce que l'une ou l'autre des parties décide de donner un préavis de lock-out ou de grève, ce qui entraîne généralement une intervention du gouvernement suivie du recours à une tierce partie. Nous pensons plutôt que, si une intervention est inévitable, il vaut mieux intervenir rapidement plutôt qu'à la dernière minute. Fait plus important encore, une intervention éclairée est préférable à une intervention non éclairée fondée sur des informations filtrées par des voies informelles.
Le recours à une intervention gouvernementale spéciale pour mettre fin aux conflits de travail a un effet néfaste sur la négociation collective. La Commission est convaincue que la perspective d'une intervention gouvernementale influence la façon dont la BCMEA et l'ILWU Canada et la section locale 514 abordent les négociations, qui hésitent à présenter leurs meilleures offres, sachant que le conflit sera réglé par arbitrage. De plus, personne n'est « maître » de l'issue des négociations, ce qui crée des problèmes supplémentaires lors des cycles suivants. Cela crée un système dans lequel les parties ne sont pas suffisamment motivées pour parvenir à un accord par elles-mêmes, ce qui exacerbe les tensions existantes. En partant du principe que les parties doivent être encouragées à parvenir à leurs propres accords dans la mesure du possible, la Commission recommande que de nouvelles dispositions soient adoptées pour instaurer un nouveau processus de médiation spéciale.
9.2. Recommandation 2 : Il faut promulguer une loi pour créer un nouveau processus impliquant un médiateur spécial afin d'améliorer le processus de libre négociation collective
La Commission ne prend pas position sur le litige en cours concernant le récent recours du gouvernement à l'article 107, mais force est de constater que ce qui rend le système actuel insoutenable, c'est entre autres le fait que le gouvernement est contraint d'intervenir en ayant à sa disposition des informations imparfaites. Il n'existe pas d'approches transparentes, pleinement éclairées ou normalisées des interventions en cas de conflit de travail, ce qui conduit les syndicats à contester ces interventions en faisant valoir que des mesures moins invasives auraient dû être essayées avant que leur droit de grève garanti par la Charte ne leur soit restreint.
La Commission est convaincue que l'ajout de dispositions relatives à un médiateur spécial établi au niveau fédéral (s'inspirant de l'article 76 du Labour Relations Code de la C.-B.) contribuerait à résoudre ce problème en permettant au gouvernement de suivre ce qui se passe à la table des négociations par l'intermédiaire d'un tiers neutre. Ce tiers serait chargé de produire un rapport détaillé sur ce qui s'est passé et sur ce qui devrait se passer pour résoudre les conflits potentiels. Cela signifie que le gouvernement pourrait s'appuyer sur l'avis du médiateur spécial concernant les négociations et les chances que les parties parviennent à un accord. L'avantage supplémentaire de cette approche est que, même si le rapport n'est pas accepté par les parties, les recommandations d'un médiateur spécial peuvent tout de même faire avancer les négociations en servant de base à la poursuite des négociations (c'est-à-dire qu'une partie peut dire qu'elle se satisfait de certains aspects des recommandations, mais pas d'autres, ce qui permet de réduire les questions en litige et de poursuivre les négociations et la médiation sur les questions en suspens soulevées dans le rapport du médiateur spécial).
Nous avons envisagé un système propre aux débardeurs pour répondre à notre mandat. Toutefois, la Commission est d'avis que des dispositions prévoyant un médiateur spécial constitueront un moyen utile dans d'autres conflits qui touchent l'intérêt national, comme le Canada en a connu plusieurs récemment, plutôt que de recourir à une intervention spéciale. Tout en reconnaissant que notre mandat se limite aux ports de la côte Ouest, nous estimons que l'ajout recommandé au processus de règlement des différends en vertu du Code devrait être mis à la disposition de tous les secteurs sous réglementation fédérale pour faciliter la libre négociation collective. Selon nous, cela fournirait un outil supplémentaire pour faire en sorte que, dans l'éventualité où le gouvernement décide d'intervenir dans un différend pour éviter de nuire gravement à l'intérêt national, il le fasse en connaissance de cause et en s'appuyant sur un expert en relations de travail choisi par les parties (à moins qu'elles ne parviennent pas à s'entendre, auquel cas un expert peut être nommé) qui a été directement impliqué dans les négociations.
D'après l'expérience de la Commission en ce qui concerne ce type de dispositions, le simple fait de savoir que le médiateur spécial s'est vu attribuer le pouvoir de publier un rapport sur le comportement des parties à la table des négociations améliore leur comportement lors des négociations et augmente les chances qu'un accord puisse être conclu sans autre intervention.
9.2.a. Dispositions relatives au médiateur spécial
Lorsque nous avons rencontré les sections locales de l'ILWU, ces dernières ont soulevé le besoin d'accroître les pouvoirs des conciliateurs, qui pourraient, notamment, obliger la participation et la production de documents. La Commission note que ces pouvoirs sont actuellement conférés aux commissaires-conciliateurs et aux commissions de conciliation, mais que ces deux mesures sont peu utilisées dans la pratique. Cela s'explique en partie par le fait que le Code prévoit une disposition limitant le recours à une seule mesure au cours d'un même conflit. Il a été rapporté que, parce qu'elles sont composées de trois personnes, les commissions de conciliation ralentissaient le processus de négociation et exigeaient d'importantes ressources. Dans la plupart des conflits qui font l'objet d'une conciliation, c'est un conciliateur qui est nommé, mais ce poste ne dispose pas des pouvoirs dévolus aux commissions de conciliation.
Sans suggérer de modifier le processus de conciliation prévu par le Code, la Commission estime qu'un tiers neutre chargé d'aider les parties à régler leur différend devrait disposer de pouvoirs plus étendus que ceux des conciliateurs prévus par le Code. La Commission recommande plus précisément qu'une aide supplémentaire à la négociation soit fournie à l'issue du processus de conciliation, à savoir l'intégration d'un médiateur aux négociations des parties, afin de garantir la tenue de négociations constructives et de favoriser le règlement des différends.
Cette recommandation s'inspire de dispositions existant dans d'autres administrations canadiennes. À titre de référence, environ 6 % seulement des travailleurs canadiens sont assujettis à la réglementation fédérale (ce qui inclut les employés des banques, des aéroports, des radiodiffuseurs, des pêcheries et des entreprises de transport internationales ou interprovinciales). En dehors de ces secteurs, la plupart des employés au Canada travaillent pour des entreprises réglementées par les provinces et sont donc soumis aux lois de la province dans laquelle ils travaillent. Il est donc logique, comme indiqué précédemment, de s'inspirer des mécanismes utilisés par d'autres provinces et territoires canadiens pour mettre en place des initiatives efficaces et respectueuses de la Constitution qui peuvent aider les parties à parvenir à un accord.
La C.-B., par exemple, prévoit des dispositions relatives à un médiateur spécial depuis 1992, date à laquelle elles ont été ajoutées en tant que mécanisme supplémentaire pouvant être utilisé après l'échec de la médiation régulière pour résoudre un différend lié aux négociations collectives entre les parties. À titre de référence, l'article 76 du Code de la C.-B. va comme suit :
[Traduction]
Médiateur spécial
76 (1) Le ministre peut nommer un médiateur spécial et lui confier un mandat précis pour qu’il aide les parties à s’entendre sur les modalités d’une convention collective ou sur le renouvellement ou la révision d’une convention collective.
(2) Le ministre peut mettre fin à la nomination d’un médiateur spécial.
(3) Le médiateur spécial doit tenir le ministre informé de l’évolution de la médiation.
(4) Le médiateur spécial, dans l’exercice des fonctions qui lui sont attribuées en vertu du présent Code, bénéficie des pouvoirs et de la protection prévus aux articles 145.1 à 145.4.
Les pouvoirs conférés aux médiateurs spéciaux en vertu du Code de la C.-B. sont les suivants :
Pouvoir d’obliger des personnes à répondre à des questions et d’ordonner la divulgation d’information
145.1 (1) Afin de s’acquitter des fonctions qui lui sont conférées par le présent Code, un médiateur spécial nommé en vertu de l’article 76, une commission d’enquête sur les relations de travail désignée en vertu de l’article 79 ou un fonctionnaire spécial peut rendre une ordonnance enjoignant à une personne de respecter l’une ou l’autre des exigences suivantes, ou les deux :
- (a) comparaître, en personne ou à l’aide de moyens électroniques, devant le médiateur spécial, la commission d’enquête sur les relations de travail ou le fonctionnaire spécial, selon le cas, pour répondre à des questions sous serment ou par affirmation solennelle, ou de toute autre manière;
- (b) produire pour le médiateur spécial, la commission d’enquête ou le fonctionnaire spécial, selon le cas, un dossier ou un objet qu’elle a en sa possession ou sous son contrôle.
(2) Le médiateur spécial, la commission d’enquête sur les relations de travail ou le fonctionnaire spécial, peut demander à la Cour suprême de rendre une ordonnance pour :
- (a) enjoindre à une personne de se conformer à une ordonnance prise en vertu du paragraphe (1);
- (b) ordonner à tout superviseur ou directeur d’une personne de faire en sorte qu’elle se conforme à une ordonnance rendue en vertu du paragraphe (1).
Maintien de l’ordre lors des audiences
145.2 (1) Lors d’une audience orale, un médiateur spécial nommé en vertu de l’article 76, une commission d’enquête sur les relations de travail nommée en vertu de l’article 79 ou un fonctionnaire spécial peut rendre des ordonnances ou donner des directives pour assurer le maintien de l’ordre à l’audience et, si une personne désobéit ou ne se conforme pas à une ordonnance ou à une directive, le médiateur spécial, la commission d’enquête sur les relations de travail ou le fonctionnaire spécial qui a rendu l’ordonnance ou donné la directive peut solliciter l’aide de tout agent de la paix pour faire appliquer l’ordonnance ou la directive.
(2) Un agent de la paix appelé à intervenir en vertu du paragraphe (1) peut prendre toute mesure nécessaire pour faire respecter l’ordre ou la directive et peut employer la force raisonnablement nécessaire à cette fin.
(3) Sans limiter la portée du paragraphe (1), le médiateur spécial, la commission d’enquête sur les relations de travail ou le fonctionnaire spécial peut, par ordonnance :
- (a) imposer des restrictions à la participation ou à la présence continue d’une personne à une audience;
- (b) exclure une personne de toute participation ou présence ultérieure à une audience jusqu’à ce que le médiateur spécial, la commission d’enquête sur les relations de travail ou le fonctionnaire spécial, selon le cas, en décide autrement.
Procédure d’outrage au tribunal pour une personne non coopérative
145.3 (1) Le défaut, ou le refus d’une personne visée par une ordonnance rendue en vertu de l’article 145.1 de se conformer à l’une des obligations suivantes rend la personne, à la demande présentée à la Cour suprême par le médiateur spécial, la commission d’enquête sur les relations de travail ou le fonctionnaire spécial visé à cet article, passible d’outrage au tribunal comme si elle avait refusé de respecter une ordonnance ou un jugement de la Cour suprême :
- (a) comparaître devant le médiateur spécial, la commission d’enquête sur les relations de travail ou le fonctionnaire spécial;
- (b) prêter serment ou faire une affirmation solennelle;
- (c) répondre aux questions;
- (d) produire des documents ou des objets en sa possession ou sous son contrôle.
(2) Le défaut ou le refus d’une personne visée par une ordonnance ou une directive rendue en vertu de l’article 145.2 de s’y conformer rend la personne, à la demande présentée à la Cour suprême par le médiateur spécial, la commission d’enquête sur les relations de travail ou le fonctionnaire spécial visés à cet article, passible d’outrage au tribunal comme si elle avait refusé de respecter une ordonnance ou un jugement de la Cour suprême.
(3) Les paragraphes (1) et (2) ne limitent pas les comportements pour lesquels la Cour suprême peut déclarer un outrage au tribunal.
Protection de l’immunité
145.4 (1) Sous réserve du paragraphe (2), aucune poursuite en dommages-intérêts ne peut être intentée ou maintenue contre le médiateur spécial, la commission d’enquête sur les relations de travail, un membre de la commission d’enquête sur les relations de travail ou le fonctionnaire spécial visé à l’article 145.1, ou contre une personne agissant en leur nom ou sous leur direction, en raison d’un acte posé ou omis :
- (a) dans l’exercice ou l’intention d’exercer une fonction en vertu du présent Code,
- (b) dans l’exercice ou l’intention d’exercice de tout pouvoir en vertu du présent Code.
(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à une personne visée dans ce paragraphe si elle a commis un acte ou fait une omission de mauvaise foi.
La Saskatchewan a prévu des dispositions similaires à l’article 6-33 de la Saskatchewan Employment Act, qui permettent au ministre du Travail de nommer un agent des relations de travail ou un médiateur spécial ou encore de créer une commission de conciliation :
[Traduction] Avis d'impasse nécessitant une médiation ou une conciliation avant la grève ou le lock-out
6‑33(1) Si, de l'avis d'un employeur ou d'un syndicat, les négociations collectives visant à conclure une convention collective ont atteint un point où il est impossible de parvenir à une entente, l'employeur ou le syndicat signifie un avis écrit au ministre et à l'autre partie signalant qu'une impasse a été atteinte.
[…]
(4) Après avoir reçu l'avis écrit prévu au paragraphe (1), le ministre nomme dès que possible un agent des relations de travail ou un médiateur spécial, ou met sur pied une commission de conciliation, pour régler le différend par la médiation ou la conciliation.
(5) Sous réserve du paragraphe (6), l'agent des relations de travail, le médiateur spécial ou la commission de conciliation remet un rapport, une recommandation ou une décision au ministre et aux parties dans les 60 jours suivant la date de sa nomination.
(6) Les parties peuvent convenir de prolonger l'échéance fixée en vertu du paragraphe (5) pour la remise d'un rapport, d'une recommandation ou d'une décision.
(7) Aucune grève ne doit être entamée et aucun lock-out ne doit être déclaré :
- (a) à moins qu'un agent des relations de travail ou un médiateur spécial ne soit nommé ou qu'une commission de conciliation ne soit mise sur pied conformément au paragraphe (4);
- (b) à moins que :
- (i) l'agent des relations de travail, le médiateur spécial ou la commission de conciliation n'ait informé le ministre et les parties qu'il n'a pas l'intention de recommander des conditions de règlement;
- (ii) l'agent des relations de travail, le médiateur spécial ou la commission de conciliation a informé le ministre que les parties n'ont pas accepté les conditions de règlement recommandées à la date fixée par l'agent des relations de travail, le médiateur spécial ou la commission de conciliation;
- (c) à moins que l'agent des relations de travail, le médiateur spécial ou la commission de conciliation n'ait informé le ministre et les parties dans un rapport que le différend n'a pas été réglé;
- (d) jusqu'à ce que :
- (i) dans le cas où les parties n'ont indiqué aucun service essentiel ou qu'il existe une entente sur les services essentiels en vigueur entre les parties, l'expiration d'un délai de 14 jours après la date à laquelle l'agent des relations de travail, le médiateur spécial ou la commission de conciliation a informé le ministre conformément à l'alinéa c);
- (ii) dans le cas où les parties n'ont indiqué aucun service essentiel et qu'il n'y a pas d'entente sur les services essentiels en vigueur entre les parties, l'expiration d'un délai de sept jours après la date à laquelle l'agent des relations de travail, le médiateur spécial ou la commission de conciliation a informé le ministre conformément à l'alinéa c).
(8) Lorsque l'agent des relations du travail, le médiateur spécial ou la commission de conciliation estime que le différend ne pourra vraisemblablement pas être réglé avant la grève ou le lock-out, il ou elle discute avec le syndicat et l'employeur de la nécessité d'établir un protocole de fermeture permettant de préserver l'usine, l'équipement et les produits périssables.
Nous reconnaissons que, par le passé, le gouvernement fédéral a eu recours à des médiateurs spéciaux de façon ponctuelle. Cependant, nous croyons que le fait d'inclure cette pratique dans le Code, en définissant les pouvoirs du médiateur spécial dans la loi, améliorera la transparence et la prévisibilité du processus de médiation.
À cet égard, nous notons que le Groupe de travail Sims (1996) a suggéré que le ministre du Travail ait la possibilité de nommer un groupe d'experts sur l'intérêt public pour traiter de manière ponctuelle les différends ayant de graves conséquences publiques. La justification de cette recommandation était la suivante :
Dans le cas de certains différends, la constitution d’un comité spécial de l’intérêt public permettra de donner au ministre des avis éclairés et d’atteindre un objectif légitime et important, soit celui de maintenir l’équilibre entre l’intérêt public et l’objet du Code qui est d’encourager la négociation collective. Cela devrait aussi réduire les obstacles injustifiés à une libre négociation collectiveFootnote 54.
Tout en étant d'accord avec ce raisonnement, nous estimons qu'un médiateur spécial choisi par les parties et intégré à leurs négociations serait bien mieux placé pour intervenir de manière réfléchie dans les conflits du travail et constituerait une méthode plus efficace et plus rentable d'intervention dans les différends qui touchent l'intérêt national. L'ajout de dispositions relatives à un médiateur spécial permettra aux parties de bénéficier de l'aide d'un tiers investi du pouvoir de les aider à parvenir à une entente. Cet ajout permettra également au ministre d'avoir accès à des conseils d'experts et à un aperçu des négociations afin de pouvoir agir en conséquence, mais aussi de réduire la perception d'une ingérence gouvernementale inutile dans les relations de travail. Même rejetées, les recommandations d'un médiateur spécial permettent souvent de circonscrire les questions litigieuses et peuvent être utilisées pour inciter les parties à trouver une solution en vue de renouveler la convention collective.
La Commission fait remarquer que cela n'est pas sans rappeler les changements recommandés par la Commission Jamieson-Greyell pour améliorer le processus de conciliation, notamment en donnant au président délégué le droit de nommer un conciliateur en tout temps durant des négociations collectives, et en exigeant du conciliateur qu'il soumette un rapport décrivant les questions sur lesquelles les parties se sont entendues et celles sur lesquelles elles continuent d'achopper. Les autres renseignements que le conciliateur aura jugés pertinents seront aussi fournis, y compris ses recommandations relatives au processus à suivre pour arriver à une convention collective. Ils ont également recommandé une disposition selon laquelle le conciliateur ne serait pas nécessairement un employé du CCRI, sans aller jusqu'à suggérer que le conciliateur soit choisi par les parties. Nous notons qu'en plus d'un processus de conciliation amélioré, Jamieson et Greyell ont recommandé une disposition supplémentaire autorisant le président délégué à nommer un enquêteur chargé de formuler des recommandations non contraignantes aux partiesFootnote 55.
Si la Commission estime que l'adoption de ces recommandations serait préférable aux dispositions actuelles du Code, nous pensons qu'un processus de médiation spéciale se déroulant après la conciliation est préférable pour les raisons précédemment invoquées. Cela permet d'inscrire le différend dans un processus de résolution des litiges et de laisser s'écouler le temps nécessaire pour que les points litigieux se précisent.
En outre, nous notons que des médiateurs spéciaux peuvent être nommés en vertu d'un mandat général qui précise qu'ils doivent appliquer les principes de l'arbitrage d'intérêt en formulant leurs recommandations. À titre de référence, ces principes incluent : la reproduction de ce que les parties auraient obtenu si elles avaient conclu une entente par elles-mêmes; l'exigence d'être équitable et raisonnable – en ce sens que la décision doit s'inscrire dans une « gamme raisonnable de comparaisons » – même si une partie aurait pu imposer des dispositions encore plus extrêmes; l'idée que les changements doivent être graduels et non innovateurs; ainsi que l'importance considérable aux tendances historiques des règlements négociés entre les parties.
Lier les recommandations du médiateur spécial à des principes bien établis en matière d'arbitrage de différends est logique, car cela fournit au médiateur spécial et aux parties un fondement rationnel et acceptable pour analyser le conflit, tout en permettant aux parties de poursuivre leurs négociations pour parvenir à une entente.
En résumé, la Commission est d'avis que les meilleures ententes sont conclues lorsque les parties elles-mêmes font le difficile travail de négociation, de sorte que nous estimons que cette mesure supplémentaire augmentera les chances que cela se produise et qu'elle réduira la nécessité d'une intervention supplémentaire si elle est appliquée en parallèle avec nos autres recommandations.
Nous recommandons la démarche suivante en ce qui concerne une telle disposition :
9.2.b. Déclenchement du processus entourant le médiateur spécial
Si après la conciliation prévue à l'article 72 du Code les parties ne parviennent toujours pas à régler leur différend, l'une ou l'autre des parties peut demander au ministre de nommer un médiateur spécial, ou le ministre peut lui-même nommer un médiateur spécial si le différend est susceptible de nuire à l'intérêt national du Canada.
En formulant cette recommandation, la Commission s'est demandé s'il ne serait pas préférable que le médiateur spécial intervienne plus tôt dans le processus de négociation, et s'est même demandé si la phase de conciliation devait être carrément supprimée. Nous avons toutefois conclu qu'il valait mieux maintenir la conciliation sous sa forme actuelle et que la médiation spéciale devait constituer la prochaine étape du processus, avant d'en arriver à une intervention plus intrusive dans les négociations.
Même lorsqu'elle échoue, la conciliation joue un rôle utile en mettant les parties à l'épreuve et en aidant à recentrer les différends. Autrement dit, même si la conciliation ne permet pas de conclure une convention collective, elle n'en reste pas moins une entreprise louable. De l'avis de la Commission, le fait d'impliquer un médiateur spécial très tôt dans le processus ne rend pas les parties plus susceptibles de parvenir à une entente. Le facteur temps occupe une place importante dans la négociation collective, et les médiateurs ne peuvent pas le contrôler, peu importe le moment où ils interviennent dans les négociations.
9.2.c. Choix du médiateur spécial
Les parties doivent être en mesure de choisir d'un commun accord le médiateur spécial à désigner. Si elles n'y arrivent pas, le ministre du Travail peut procéder à sa nomination de façon indépendante. Dans un tel cas, le ministre cherchera à obtenir l'accord des parties sur le choix d'un médiateur spécial et, si aucun accord ne peut être obtenu dans un délai raisonnable, il nommera lui-même le médiateur spécial.
9.2.d. Pouvoirs du médiateur spécial
Le médiateur spécial aura les pouvoirs qui sont accordés aux commissaires-conciliateurs et aux commissions de conciliation en vertu de l'article 84 du Code, notamment le pouvoir de fixer sa propre procédure.
Lorsque le médiateur spécial aura déterminé que les parties ne peuvent parvenir à la conclusion d'une convention collective, il fournira :
Un rapport complet qui expose les questions en litige, les positions respectives des parties et qui :
- (i) expose son point de vue sur les conditions de règlement juste et raisonnable de chaque question;
- (ii) recommande des mécanismes pour définir les conditions de la convention collective.
9.2.e. Dispositions financières
Les coûts associés au médiateur spécial seront divisés à parts égales entre les parties concernées de manière à favoriser un processus collaboratif et mutuellement avantageux.
9.2.f. Interdiction de grève ou de lock-out
Pendant la période d'activité du médiateur spécial et pendant les dix jours suivant la publication de son rapport, il sera interdit aux deux parties de donner un avis de grève ou de lock-out.
9.2.g. Immunité accordée
En plus des dispositions relatives au médiateur spécial, il convient d'inclure une autre disposition prévoyant qu'aucune procédure judiciaire en dommages-intérêts ne peut être engagée ou maintenue contre le médiateur spécial, ou une personne agissant au nom du médiateur spécial ou sous sa direction, en raison de tout acte posé ou omis :
- (a) dans l’exécution effective ou voulue de toute obligation en vertu du Code;
- (b) dans l’exercice effectif ou voulu de tout pouvoir en vertu du Code.
À moins que le médiateur spécial ait posé l’acte ou omis de le poser de mauvaise foi.
9.3. Recommandation 3 : Une accréditation syndicale à l'échelle de la C.-B. (excluant Westshore Terminals et Trigon Pacific Terminals) est l'unité de négociation la plus appropriée pour les débardeurs
Sur le terrain, les négociations dans les ports de la C.-B. sont depuis longtemps structurées sur une base sectorielle.
La participation volontaire de longue date de l'ILWU aux négociations sectorielles suggère que la structure de négociation ne constitue pas le problème. ILWU Canada et la section locale 514 s'opposent plutôt à la composition de l'équipe de négociation de la BCMEA et estiment qu'un retour à la négociation à l'échelle de l'entreprise résoudra le problème. La Commission ne partage pas ce point de vue.
La Commission comprend le désir d'ILWU Canada et de la section locale 514 de préserver sa capacité à choisir, selon le cas, entre une négociation à l'échelle sectorielle et une négociation à l'échelle de l'entreprise. Cependant, l'incertitude créée par la structure de négociation principalement volontaire des parties n'est pas compatible avec le besoin de fiabilité de la chaîne d'approvisionnement nationale du Canada ni avec la structure des autres ports au Canada ou dans le monde.
Il convient de le rappeler : en C.-B., bien que l'ILWU Canada négocie avec la BCMEA à l'échelle sectorielle pour les débardeurs, il s'agit d'une négociation informelle.
Pour ce qui est de recommander une seule unité de négociation pour le travail de débardage sur la côte Ouest, par opposition à de plus petites accréditations régionales, la Commission souscrit aux constats de la Commission Jamieson-Greyell et les adopte :
[…] la régionalisation des ports de la côte Ouest aurait vraisemblablement pour effet d’accroître plutôt que de réduire la fragmentation des unités de négociation. L’actuelle structure de négociation reposant sur de plus larges assises, ce qui débouche sur une seule convention pour la côte Ouest en matière de débardage, est largement préférable à l’existence de quatre accords régionaux. Il existe à l’heure actuelle une seule série de négociations visant toute la côte plutôt que les quatre cycles de négociation collective qui sont proposés. Une structure fragmentée se traduisant par l’existence de quatre séries de négociation collective entraînerait nécessairement une aggravation de l’instabilité industrielle et irait évidemment à l’encontre des intérêts des fournisseurs ou des clients qui, pour des raisons géographiques, n’ont d’autre choix que de faire appel aux services d’un port donné. (p. 171-172)
La Commission reconnaît que les différents ports de la côte Ouest ne peuvent pas vraiment se substituer les uns aux autres en cas de conflit de travail. Par exemple, le port de Prince Rupert est isolé et dispose d'infrastructures limitées. Il ne saurait donc servir de solution de rechange pour les cargaisons importantes, telles que le charbon ou les grains. Les ports de l'île de Vancouver sont soumis à des contraintes similaires. Quant au port de Vancouver, s'il peut éventuellement servir de solution de rechange pour d'autres ports, aucun autre port ne peut le remplacer.
Le fait que les parties négocient depuis des décennies à l'échelle sectorielle ou régionale est pertinent pour cette recommandation. À ce sujet, la Commission note que dans l'affaire W.S. Anderson Co. Ltd. et al. (1984), la CCRI a tiré plusieurs conclusions pertinentes pour la présente affaire, notamment que divers ports de la rivière Miramichi faisaient à juste titre l'objet d'une accréditation régionale unique, en partie en raison de la structure de négociation qui existait depuis longtemps et que les parties utilisaient volontairement. En concluant que l'accréditation régionale convenait dans cette affaire, la CCRI a constaté que les sections locales actuelles « sont principalement des subdivisions géographiques du syndicat », qu'« elles ne sont pas des unités de négociation distinctes » et que l'existence d'un système commun de bureau d'embauchage n'est pas une condition préalable à l'accréditation en vertu de l'article 34 actuel du CodeFootnote 56.
Le même genre de commentaires peut être formulé au sujet de l'ILWU Canada sur la côte Ouest. Selon une base structurée volontairement, l'ILWU Canada fonctionne déjà, dans la pratique, comme un regroupement de syndicats, menant des négociations avec la BCMEA au nom de ses sections locales membres. S'il est vrai que chaque section locale de l'ILWU assure sa propre direction et dispose de ses propres membres, l'octroi d'une accréditation régionale n'interférera pas avec ces modalités. Au contraire, la Commission estime que l'accréditation d'un regroupement de syndicats pour représenter les sections locales de l'ILWU dans les négociations avec la BCMEA apportera stabilité et assurance aux futures négociations, d'autant plus que cette forme d'accréditation est pleinement conforme à l'esprit de la loi qui a conduit à l'adoption de l'article 34 du Code et à la jurisprudence moderne de la CCRI en matière d'accréditations régionales dans le secteur du débardage.
Bien que l'ILWU Canada et la section locale 514 aient clairement indiqué dans leurs mémoires respectifs qu'ils s'opposaient aux accréditations régionales, nous notons que ce point de vue n'est pas partagé par tous les syndicats. Par exemple, la section locale 2614 du SCFP, qui représente les débardeurs du port de Québec, s'est prononcée en faveur des accréditations régionales en général dans son mémoire à la Commission :
[Traduction]
Ce type d’accréditation ne devrait pas être fragmenté et, dans l’avenir, des accréditations encore plus larges devraient même être mises en place, de sorte que, par exemple, les débardeurs des villes de Québec jusqu’à Sept-Îles puissent se regrouper pour négocier collectivement en raison de leur petite taille. En effet, un seul employeur donne essentiellement tout le travail dans cette région. Cela permettrait également d’éviter que le travail de l’un ne devienne celui de l’autre en cas de conflit de travail. (page 4)
De plus, dans les affaires de l'Administration portuaire de Toronto (2016), c'est le syndicat, et non l'employeur, qui a fait pression pour obtenir une accréditation régionaleFootnote 57. Il en va de même à Halifax et ailleurs. En fait, comme le souligne la section locale 514 de l'ILWU, elle a déjà présenté une demande d'accréditation régionale vers 1974, mais la BCMEA s'y est opposée. La section locale 514 de l'ILWU a par la suite retiré cette demande et obtenu l'accréditation par entreprise. Cela signifie donc que la pertinence d'une accréditation régionale à titre d'unité de négociation n'a pas été examinée à l'époqueFootnote 58.
De même, comme l'a noté la Commission Jamieson-Greyell :
[…] l’ILWU Canada et la BCMEA ont déposé une demande conjointe d’accréditation par région géographique en 1983 dans l’espoir de faire accréditer une unité de négociation de portée provinciale. Un certain nombre d’entreprises non syndiquées qui auraient pu être absorbées d’office par cette unité de négociation s’y sont opposées, tout comme certains marchands de bois et de pâte à papier régis par la législation provinciale, qui chargent leurs propres produits à bord des navires. Après deux semaines d’audition devant le CCRT, la demande a été retirée (dossier CCRT no 530-967). (p. 36)Footnote 59.
La Commission est d'avis qu'une accréditation régionale incluant tous les ports de la C.-B. (à l'exception de Trigon Pacific Terminals et Westshore Terminals) constitue l'unité de négociation appropriée. Selon les explications qu'elle a déjà fournies, la Commission estime que cette accréditation devrait s'appliquer à tous les débardeurs, y compris ceux qui sont représentés par la section locale 514 de l'ILWU, parce qu'une telle structure réduirait considérablement le risque de conflit de travail dans les ports de la C.-B. et qu'elle est logique pour la négociation collective dans ce secteur aussi unique qu'important.
L'exclusion de Trigon Pacific Terminals et de Westshore Terminals s'explique par les négociations que ces terminaux ont menées avec l'ILWU indépendamment de la BCMEA. La Commission reconnaît que leur prise en compte dans l'accréditation régionale n'a pas d'incidence sur les relations de travail, dans la mesure où un conflit de travail dans l'un de ces terminaux n'affecterait pas les entreprises membres de la BCMEA, et vice versa.
Une telle forme d'accréditation apporte non seulement un effet de stabilité dans l'immédiat, mais aussi pour l'avenir, puisque l'accréditation régionale en C.-B. donne aux nouveaux venus dans le secteur du débardage la possibilité d'être couverts par l'accréditation régionale et par la convention collective. La CCRI expliquait ainsi la raison d'être de ces « dispositions exceptionnelles » :
34 Le Code prévoit le regroupement des employeurs aux fins des négociations dans le secteur du débardage dans un port donné dans le but de réduire au minimum le risque d'instabilité dans ce domaine. Le monopole créé par l'existence d'une structure de négociation unique a pour effet d'assujettir à l'accréditation qui existe tous les nouveaux employeurs qui mènent des activités de débardage dans ce port et de les joindre à titre de partie à la convention collective en vigueur, que leurs noms figurent ou non au certificat. Ces dispositions exceptionnelles ont été ajoutées au Code en réaction au passé difficile du secteur du débardage dans les ports longeant la Voie maritime du Saint-Laurent et aux conclusions et recommandations de plusieurs commissions d'enquête. Ce passé difficile est exposé notamment dans l'affaire Association des employeurs maritimes (1981), 45 di 314 (CCRT no 346) [c'est nous qui soulignons]Footnote 60.
Le raisonnement a également été expliqué dans l'affaire International Longshoremen's Association, section locale 1739 :
« … Permettre à un nouvel employeur effectuant des activités de débardage de s’installer dans le port et de recruter du personnel de l’extérieur sans qu’il ne soit obligé d’abord de recruter sa main-d’œuvre parmi ces professionnels que l’on met à pied, faute d’ouvrage, de ne pas contribuer à l’effort collectif des autres employeurs ayant à garantir la sécurité d’emploi, permettre l’apparition d’une nouvelle unité de négociation qui pourrait être comprise dans la première, seraient à tout point de vue, retourner au moyen âge de l’histoire des relations de travail dans les ports du Saint-Laurent. Ce serait faire fi de l’intention du législateur et des constatations et des recommandations des commissions auxquelles nous avons référées [sic] précédemment […] »Footnote 61.
En créant la Commission, le ministre du Travail avait pour objectif de trouver des moyens d'améliorer la structure et les processus de négociation collective dans les ports de la côte Ouest, et ainsi de renforcer la stabilité de la main-d'œuvre.
Selon la Commission, la meilleure façon d'atteindre ces objectifs serait d'établir une accréditation régionale qui préserve l'exclusion historique de Westshore Terminals et de Trigon Pacific Terminals, tout en assurant la stabilité future des ports de la C.-B. par l'intégration de nouveaux joueurs dans la structure de négociation.
9.3.a. Sous-recommandation : L'accréditation régionale pour le débardage devrait inclure les contremaîtres et les autres travailleurs du débardage représentés qui travaillent pour les membres de la BCMEA
Lors du dernier cycle de négociations, la section locale 514 de l'ILWU a indiqué qu'elle souhaitait se retirer de la structure de négociation sectorielle et négocier avec les employeurs certifiés sur une base individuelle. Cela représenterait une rupture importante avec la structure de négociation utilisée par les parties depuis des décennies, mais une rupture admissible sans intervention, étant donné que la section locale 514 de l'ILWU détient des certifications d'entreprise et a le droit de négocier conformément à ces certifications, à moins qu'elles ne soient annulées ou modifiées.
Ce fait a été reconnu par le CCRI dans le contexte du récent lock-out à l'échelle de l'industrie des membres de la section locale 514 de l'ILWU, au cours duquel le CCRI a conclu que le vote de grève du syndicat parmi ses membres travaillant sur le site d'un employeur était illégal au motif que les parties s'étaient volontairement engagées dans des négociations à l'échelle de l'industrie depuis le début de ce cycle de négociations. Sur ce point, le CCRI a statué :
54 Le syndicat a modifié le cours des négociations à un moment crucial où les parties faisaient un ultime effort pour s'entendre en échangeant des propositions détaillées. Le syndicat a tenu un vote de grève en isolant un employeur, au moment où les parties obtenaient le droit de grève et de lock-out. De l'avis du Conseil, cela a eu pour effet de modifier considérablement la structure des négociations de la manière décrite dans Interior Forest Labour Relations Association. La BCMEA a raison de craindre de ne pas pouvoir faire des propositions qui tiennent compte du groupe qui sera finalement appelé à ratifier une convention si la composition de ce groupe est modifiée de manière substantielle à ce stade avancé des négociations. La tentative du syndicat de revenir aux unités de négociation accréditées existantes et le moment qu'il a choisi pour le faire ont anéanti la perspective d'une négociation productive à un stade déterminant.
55 De l'aveu de tous, les parties à des négociations collectives élaborent des stratégies qui leur permettront le mieux d'atteindre leurs objectifs et d'obtenir le plus d'avantages possible pour leurs membres respectifs. Le Code fournit un cadre et établit des règles pour orienter le processus de négociation. Quand les parties sont bien engagées dans ce processus, les règles du jeu doivent rester stables et propices à la conclusion d'une convention. Il n'est pas contesté en l'espèce que les négociations portaient sur l'ensemble du secteur et que les votes de grève et les scrutins de ratification ont toujours eu lieu auprès de tous les membres du syndicat chez tous les employeurs membres de la BCMEA. Le syndicat s'est engagé dans le même processus de négociation sectorielle dans le cadre de la présente ronde de négociation collective. Il n'a pas donné d'avis de négociation individuels. Il n'a pas envoyé d'avis de différend individuels. Il s'est présenté à la table de négociation sectorielle avec la BCMEA et a convenu de points qui concernaient le secteur et découlaient des modalités de la convention collective expirée. Jusqu'à ce qu'il obtienne le droit de grève, le syndicat a participé pleinement à la négociation d'une convention collective englobant l'ensemble du secteur avec la BCMEA, en présentant des propositions détaillées et en répondant à celles de la BCMEA.
56 Dans ces circonstances, le Conseil estime qu'en tenant un vote de grève auprès des employés de DP World Canada seulement, le syndicat a manqué à son obligation de négocier de bonne foi et de faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective. En agissant de la sorte, le syndicat a tenté d'isoler un employeur, au moment même où les parties obtenaient leur droit de grève ou de lock-out, et a perturbé le processus de négociation collective qui était en cours. En d'autres termes, le syndicat ne peut pas courir deux lièvres à la fois et choisir celui qui correspond le mieux à ses intérêts en fin de course, juste au moment où il atteint la ligne d'arrivée.
57 Cela dit, le Conseil doit aussi tenir compte des ordonnances d'accréditation distinctes selon lesquelles la section locale 514 est l'agent négociateur d'unités de négociation d'employés de la plupart des employeurs membres de la BCMEA. Il connaît aussi très bien la nature volontaire de la négociation sectorielle. Comme il l'a affirmé dans l'affaire BCMEA 566 :
- [28]… Le Conseil reconnaît aussi que ce protocole avait été accepté pour les présentes rondes de négociation. Cependant, il est aussi vrai que la BCMEA est seulement une organisation volontaire et qu'elle n'a pas été désignée comme employeur au sens de l'article 33 du Code. C'est aussi un fait qu'il existe des accréditations distinctes ou des reconnaissances volontaires distinctes pour chacun des employeurs individuels. Par conséquent, les négociations sectorielles constituent un processus volontaire, plutôt qu'un processus auxquels les parties sont contraintes en application de la loi, et une partie ne peut contraindre l'autre à adopter ce processus. Dans le passé, le Conseil a déclaré que, lorsque les négociations conjointes ne sont que volontaires, elles sont, la plupart du temps, non exécutoires […]
58 La présente décision n'a pas pour effet de modifier ou de redéfinir les unités de négociation accréditées existantes. Le Conseil s'est plutôt concentré sur la conduite du syndicat pendant les négociations et sur son engagement à négocier pour l'ensemble du secteur, comme il l'avait démontré lors des rondes de négociation précédentes. Si le syndicat souhaite faire valoir ses droits de négociation pour chaque unité individuellement, il doit adopter une approche conforme à cette intention et ne pas attendre la fin du processus de négociation pour le faire. Ce n'est pas ce qui s'est passé durant la ronde de négociation en cours. Le Conseil n'est pas disposé à fermer les yeux sur la conduite du syndicat dans les circonstancesFootnote 62.
Nous pensons qu'il existe une raison impérieuse pour que le CCRI délivre une accréditation régionale à l'échelle de la Colombie-Britannique qui englobe la section locale 514 de l'ILWU et d'autres travailleurs actuellement représentés par l'ILWU Canada dans les terminaux représentés par la BCMEA, notamment les planificateurs de navires, les répartiteurs, le personnel d'entretien, les installations, le personnel d'exploitation, le personnel de bureau et les techniciens en informatique sur le terrain. De l'avis de la Commission, une telle configuration est conforme au Code et à la jurisprudence moderne du CCRI concernant l'article 34 du Code. En d'autres termes, le modèle actuel de négociation collective avec différentes unités de négociation contribue à la fréquence des interruptions de travail. De l'avis de la Commission, un cadre plus inclusif avec une structure de négociation à plusieurs niveaux, comme discuté plus loin dans ce rapport, apportera la stabilité nécessaire aux ports de la C.-B. et garantira que les travailleurs du secteur riverain puissent continuer à être représentés par la section locale de leur choix.
La Commission reconnaît l'affirmation de la section locale 514 de l'ILWU selon laquelle les grèves et les lock-out à l'échelle de l'industrie constituent une menace plus grave pour la circulation continue des marchandises dans les ports de la C.-B. et ont donc un effet négatif important sur l'économie canadienne ainsi que sur la réputation nationale et internationale du Canada dans le domaine du commerce. Toutefois, en cas de conflit de travail dans un grand port comme celui de Vancouver, aucun autre port de la côte Ouest du Canada ne serait en mesure d'assurer la capacité requise. En effet, cela signifie que des accréditations distinctes dans les régions plus petites de la C.-B. ne minimiseraient pas l'impact d'une perturbation dans une région donnée, mais maximiseraient la probabilité que des perturbations plus fréquentes se produisent. Une telle approche serait totalement incompatible avec le mandat de la Commission, qui est d'améliorer la stabilité de la main-d'œuvre dans les ports de la C.-B.
La Commission est guidée par les conclusions de l'affaire Terminaux Portuaires du Québec (TPQ) (Re), dans laquelle elle a statué :
L’objet de l’article 132 est d’assurer la paix industrielle et d’éviter les tiraillements que la multiplicité d’employeurs peut entraîner. Nous dirions que la vraisemblance d’une meilleure stabilité et de négociations collectives plus productives à moyen et à long terme devrait guider l’exercice de cette discrétion. Nous croyons qu’il vaut mieux prévenir la guerre que de se limiter à devoir essayer de l’arrêter. Cela dit, si des cargaisons ou des opérations particulières nécessitent des aménagements propres, ce sera aux parties de les régler dans le cadre de leurs négociations. Les deux côtés savent bien que le réalisme sera toujours leur meilleur conseiller. Le fait de déranger certaines habitudes, même solidement ancrées, ne devrait pas empêcher l’application de l’article 132 lorsqu’il paraît que de le faire sera garant d’un avenir plus sereinFootnote 63.
En vertu du cadre plus moderne décrit dans la décision du CCRI dans l'affaire Administration portuaire de Toronto (2016), la question ultime pour déterminer si une accréditation régionale devrait être accordée est de savoir si celle-ci a un objectif en matière de relations du travailFootnote 64. Si la Commission reconnaît qu'un bassin commun de main-d'œuvre (ou une main-d'œuvre commune) est un élément à prendre en considération en vertu du Code, elle souligne que le CCRI a clairement indiqué que ce facteur doit être examiné dans le contexte de la question plus générale de la stabilité industrielle. Dans le cas présent, il s'agit d'un ou de plusieurs groupes de travailleurs assujettis aux mêmes conditions d'emploi dans le cadre d'une convention collective unique, l'Accord sur les débardeurs.
Il en va de même pour l'Accord sur la section locale 514. En vertu de l'Accord sur la section locale 514, les membres de la section locale 514 de l'ILWU sont généralement employés directement par les membres de la BCMEA et font partie de leur main-d'œuvre permanente, bien qu'il existe une réserve pour les contremaîtres déplacés et une priorité d'embauche entre les entreprises. Les employeurs recrutent donc dans un bassin commun. Le fait que les contremaîtres soient des « employés réguliers » (c'est-à-dire qu'ils ne passent pas par un bureau de placement) n'est pas, de l'avis de la Commission, un obstacle à l'accréditation régionale.
Pour en arriver à cette conclusion, la Commission fait remarquer que l'Accord sur les débardeurs et l'Accord sur la section locale 514 s'appliquent à l'ensemble de l'industrie et prévoient un mécanisme par lequel l'embauche se fait à partir d'un groupe d'employés. Par exemple, l'article 9.2 de l'Accord sur les débardeurs stipule, en partie :
2. Les parties s’engagent conjointement à
- a) déterminer de temps à autre si chaque zone dispose d’une main-d’œuvre suffisante et compétente et le nombre approprié d’employés à enregistrer et à envoyer à l’intérieur des zones et entre celles-ci ;
L’article 22 de l’Accord sur les débardeurs, relatif au transport et au temps de déplacement, prévoit expressément que les travailleurs couverts par l’Accord se déplacent du port « d’attache » pour travailler dans d’autres ports. Nous notons également que divers documents du Black Book envisagent l’interconnexion du travail dans le cadre de l’Accord sur les débardeurs, par exemple :
- a) BB#36, BB#37, BB#39, BB#40 – envisage que les travailleurs se déplacent en divers endroits pour répondre à une demande.
- b) BB#41, #78 – envisage le transport de Vancouver à la région de Squamish Woodfibre, et envisage les possibilités pour les employés occasionnels de Squamish de travailler à Vancouver lorsqu’il n’y a pas de possibilités d’emploi dans la région.
- c) BB#86 – envisage les déplacements entre Chemainus, Port Alberni, Cowichan Bay et Victoria, les sections locales 503, 504 et 508 ayant été fusionnées en une seule section locale.
- d) BB#87 – envisage que les comités locaux se rendent dans d’autres lieux pour recueillir des informations dans le cadre de leur mandat.
L’interconnexion de la main-d’œuvre entre les ports est également envisagée dans la manière dont l’Accord sur les débardeurs est mis en œuvre :
- a) Chaque section locale dispose d’un tableau des visiteurs auquel les membres d’autres sections locales peuvent s’inscrire et à partir duquel ils peuvent être envoyés. Les membres visiteurs sont envoyés avant les membres occasionnels.
- b) Les statuts des sections locales prévoient des « cartes de mutation temporaire » (travelling cards) entre les sections locales. Cette pratique de mutation temporaire (wolfing) est un avantage considérable en matière de mobilité des travailleurs en vertu de l’Accord sur les débardeurs. [traduction]
En vertu de l'Accord sur la section locale 514, les contremaîtres peuvent également se déplacer d'un endroit à l'autre chez un même employeur (par exemple, GCT est un employeur unique qui est desservi par différentes sections locales dans différentes opérations). Les contremaîtres peuvent également être affectés en tant que contremaîtres de groupe de service (article 22) ainsi qu'en tant que contremaîtres de bassin.
À notre avis, ce qui précède montre clairement que les débardeurs et les contremaîtres des ports de la côte Ouest constituent effectivement un bassin unique de main-d'œuvre en raison de leurs droits à la mobilité qui sont prévus par les conventions collectives et mis en œuvre par le biais du processus complexe de répartition qui a évolué dans le cadre de ces conventions collectives. De plus, la Commission a entendu des anecdotes sur la mobilité réelle des débardeurs travaillant à l'extérieur de leur port d'attache en vertu de l'Accord sur les débardeurs et de l'Accord sur la section locale 514, et a appris qu'il ne s'agit pas d'une rare exception à la norme. Elle se produit régulièrement, en particulier dans les zones ou les périodes dans lesquelles le travail est réduit.
Quoi qu'il en soit, la raison la plus pressante d'une accréditation régionale globale est qu'elle favorisera la stabilité industrielle beaucoup plus efficacement que des unités de négociation distinctes. Selon l'avis de la Commission, une telle approche est conforme aux critères traditionnels de détermination des unités de négociation appropriées, tel que résumé par le CCRI dans l'affaire Banque Nationale du Canada :
- la communauté d'intérêts par des similarités de salaires ou de compensations, d'heures de travail, d'avantages sociaux, de surveillance, de qualifications, de fonctions; la communauté d'intérêts par la fréquence des contacts avec d'autres employés faisant le même travail, par l'intégration avec les fonctions d'autres employés, par l'interchangeabilité des employés, par la proximité géographique
- l'étendue de l'organisation syndicale
- le désir des employés
- l'historique des négociations
- la structure de l'employeur
- la viabilité de l'unité.
Bien qu'elles ne soient pas universelles, comme indiqué précédemment, les accréditations régionales sont la norme dans d'autres ports canadiens. À Halifax, par exemple, cet arrangement a apparemment bien servi les parties. Il n'y a pas eu d'arrêt de travail depuis les années 1970. ILWU Canada, à la page 3 de ses observations supplémentaires à la Commission, a noté que « le modèle d'accréditation régionale de Halifax offre un exemple plus utile de la manière dont un processus de négociation collaboratif et efficace peut être mis en place ». [traduction]
Lors de notre visite aux parties à Halifax, nous avons appris que c'est le syndicat qui a été à l'origine de la consolidation des petites unités de négociation en un regroupement de syndicats et que cette structure a bien fonctionné pour les petites sections locales qui auparavant, dans la pratique, se contentaient d'imiter les résultats des négociations obtenus par la plus grande section locale de l'ILA. Nous avons entendu parler du processus de fusion des conventions collectives, dans le cadre duquel les parties déterminent les termes communs et maintiennent les différences de libellé dans des articles distincts. S'il ne fait aucun doute qu'une partie du succès de ce modèle doit être attribuée à la relation entre les parties, la Commission a entendu qu'au sein du Conseil de l'ILA, les membres constitutifs écoutent et se soucient des problèmes de chaque section locale, et qu'il n'y a pas d'accord sur le schéma directeur tant que tous ces problèmes locaux n'ont pas été résolus.
Bien que la Commission ait conclu que la délivrance d'une accréditation régionale pour tous les débardeurs est judicieuse, cela ne signifie pas que les accréditations régionales sont une panacée. Comme l'ILWU Canada l'a fait remarquer à juste titre dans ses observations supplémentaires, ces accréditations n'ont pas « éliminé » les conflits de travail à Montréal. Toutefois, le droit de grève et de lock-out étant préservé, l'objectif de la Commission n'est pas d'« éliminer » la possibilité de conflits de travail. Nous reconnaissons qu'ils continuent à remplir une fonction importante et que les droits des travailleurs à une négociation collective significative ne doivent pas être enfreints à la légère. La Commission est plutôt chargée d'élaborer des recommandations visant à réduire la probabilité d'arrêts de travail. À cette fin, nous avons de bonnes raisons de croire qu'une accréditation régionale réduirait effectivement cette probabilité.
Sur ce point, nous nous référons à l'analyse de la Commission Jamieson-Greyell, qui a observé :
Malgré les motifs communs qu'ont la WFEA et la section locale 514 pour maintenir le statu quo, il existe ici une possibilité évidente d'inclure les unités de négociation des contremaîtres dans la même unité de négociation que les débardeurs ou, à tout le moins, de regrouper leurs mécanismes de négociations et celui des débardeursFootnote 65. [Non souligné dans l'original]
Reconnaissant la forte opposition de la section locale 514 de l’ILWU à la fusion de son unité de négociation avec d’autres sections locales de débardeurs et son argument selon lequel cela donnerait lieu à un conflit d’intérêts, a néanmoins jugé :
En dépit de ce qui précède et sans aucunement méconnaître ni mésestimer la lutte longue et ardue que les contremaîtres ont dû mener au fil des ans pour accéder à la négociation collective et maintenir leur identité distincte, la Commission est convaincue que la stabilité industrielle est la considération primordiale en l'occurrence. Dans beaucoup d'autres industries, les employés de supervision sont normalement compris dans la même unité de négociation que les employés dont ils sont les superviseurs et ils arrivent à faire valoir leurs préoccupations à la table de négociation.
Dans le cas qui nous occupe, le problème peut se réduire en termes simples : une petite unité de négociation de 450 personnes que le CCRT a reconnu comme employés, au sens où l’entend le Code, devrait-elle disposer en propre du droit de grève? La réponse à cette question étant du CCRT, la Commission ne peut que recommander que des démarches soient faites en ce sens auprès de cet organismeFootnote 66. [Non souligné dans l’original]
Jamieson et Greyell ont ensuite recommandé au ministre du Travail, entre autres, d’ordonner à ce qui était alors le CCRT d’entamer un examen des certifications délivrées à l’ILWU en vue de déterminer si une seule unité de négociation est une unité de négociation appropriée pour les négociations collectives à l’échelle de la côte et si un regroupement de syndicats composé de toutes les sections locales de l’ILWU est un agent de négociation approprié pour les négociations à l’échelle de la côte. Jamieson et Greyell ont recommandé, entre autres, que conformément à l’article 107 du Code, le ministre ordonne au CCRT d’entamer un examen des accréditations émises à la section locale 514 de l’ILWU dans le but de déterminer si :
- (a) Il convient de consolider les unités de négociation;
- (b) Il convient de créer un regroupement de syndicats qui inclurait la section locale 514 de l’ILWU et d’autres unités de négociation de l’ILWU.
Aucune information présentée à la Commission ne remet en cause les conclusions, l'analyse ou les recommandations de Jamieson et Greyell concernant les accréditations régionales. En fait, les arguments en faveur d'une accréditation régionale n'ont fait que se renforcer à la suite de litiges plus récents. Bien qu'ILWU Canada et la section locale 514 aient indiqué qu'ils préféraient conserver la possibilité de s'engager dans des négociations collectives à l'échelle d'une entreprise ou du secteur, l'incertitude qui résulte de cette flexibilité perçue contribue à l'instabilité et à l'imprévisibilité des cycles de négociations ultérieurs. Selon la Commission, l'affirmation d'ILWU Canada et de la section locale 514 dans leurs présentations respectives, selon laquelle ils prévoient rompre avec la tradition et s'engager dans des négociations à l'échelle d'une entreprise à l'avenir dans certaines circonstances (tout en préservant l'option de revenir à des négociations à l'échelle du secteur), augmente le risque d'arrêts de travail séquentiels. La Commission est d'avis que la consolidation des unités de négociation réduirait les risques de conflits de travail et contribuerait à une plus grande stabilité de la main-d'œuvre.
Bien que nous reconnaissions que les conditions de travail des débardeurs et des contremaîtres sont différentes, nous ne pensons pas que cela nécessite le maintien de négociations distinctes. Le Parlement a inclus l'article 34 dans le Code pour le débardage afin de souligner que le contexte unique de ce secteur rend la négociation à l'échelle d'une entreprise difficilement réalisable, et qu'il est conforme à l'objectif de cette disposition d'inclure tous les travailleurs du débardage dans la zone géographique travaillant pour les mêmes employeurs dans une seule unité.
De l'avis de la Commission, dans le domaine des relations de travail, rien ne justifie aujourd'hui une accréditation distincte pour les contremaîtres de débardeurs, ou pour d'autres postes de débardeurs en Colombie-Britannique actuellement couverts par d'autres conventions collectives, en particulier compte tenu des récentes séries de négociations. En effet, nous pensons qu'il est très peu probable que les contremaîtres seraient accrédités séparément de l'unité de négociation des débardeurs aujourd'hui si le CCRI était saisi d'une demande d'accréditation ou de consolidation.
Le rôle des contremaîtres aujourd'hui est le même que celui décrit dans Canadian Stevedoring Co. (1974). Dans cette affaire, le CCRI a résumé comme suit les éléments de preuve concernant le rôle et les responsabilités des contremaîtres :
Bon nombre des attributs de l'autorité qui se retrouvent au moins en partie et dans une certaine mesure chez les contremaîtres et les superviseurs d'autres industries sont ici pratiquement inexistants puisqu'ils leur sont retirés deux fois, ayant été délégués à cette puissante association d'employeurs.
Dans les attributions clés et les plus importantes de la direction, c'est-à-dire le licenciement ou la promotion et la rétrogradation des employés, fonctions qui peuvent avoir le plus grand impact sur la vie économique des employés, nous constatons que les contremaîtres ou les superviseurs n'ont pas grand-chose à dire : en fait, le licenciement, la promotion ou la rétrogradation des employés sont en grande partie gérés par la B.C.M.E.A. Et même là, certains aspects de l'exercice de ces fonctions sont prédéfinis et prédéterminés dans diverses sections de la convention collective conclue par le syndicat représentant les débardeurs et la B.C.M.E.A.
Il est certain que le pouvoir de prendre la décision initiale ou la décision finale ne relève pas de la direction qui fait l'objet de l'étude. En ce qui concerne l'embauche, nous constatons une fois de plus que les contremaîtres ou les superviseurs ne jouent aucun rôle important dans cette fonction. L'étude des preuves démontre que cette fonction est assumée par le B.C.M.E.A. et, là encore, elle est en partie prédéterminée par la convention collective.
Quant à l'exercice d'un jugement indépendant tel que le Conseil l'a défini ci-dessus, il est minime dans le cas des contremaîtres ou des superviseurs. Dans l'application de leurs compétences, qui consistent à charger ou décharger efficacement et rapidement les marchandises, et à accomplir d'autres tâches accessoires, ils ont manifestement bénéficié d'une grande initiative. En passant, le fait que ces hommes utilisent leur compétence avec autant d'initiative est une mesure du succès de cette industrie sur la côte Ouest. Mais cela n'a rien à voir avec l'indépendance de jugement qui préoccupe le Conseil, c'est-à-dire l'indépendance de jugement dans le licenciement, la promotion, la rétrogradation, l'affectation du travail, la budgétisation de l'argent, l'embauche de nouveaux employés et la participation au processus décisionnel.
En ce qui concerne le processus de détermination et de prise de décision quant aux priorités de travail, l'attribution de travail aux personnes (et non la division ou l'allocation de travail prédéterminé), nous constatons à nouveau qu'il est résiduel dans la plupart des cas. Les preuves sont généralement remplies d'exemples de la façon dont les priorités pour les tâches à accomplir sont transmises de manière prédéterminée par les niveaux supérieurs de la direction à ces contremaîtres ou superviseurs. Nous constatons également dans une section de la convention collective citée ci-dessus que l'attribution des tâches aux débardeurs est largement prédéterminée à la table des négociations entre le syndicat des débardeurs et la B.C.M.E.A.
Si nous nous tournons vers la fonction d'achat, ou de dépense, ou de commande de nouveaux équipements, le pouvoir laissé à ces hommes est relativement minime. Nous avons affaire à des entreprises qui ont des investissements en capital relativement élevés dans les outils et l'équipement ainsi que dans les installations matérielles. Il est assez facile de discerner que le seul domaine où un jugement indépendant est laissé aux contremaîtres ou aux superviseurs est celui des situations d'urgence où la réquisition de matériaux existants ou des dépenses d'argent pour des réparations urgentes sont nécessaires afin de maintenir le flux efficace et constant des opérations. En termes de dollars, même cette autorité relative n'est pas significative par rapport à la valeur globale des actifs dans les opérations.
Quant à l'élaboration des politiques ou à la participation à celles-ci, elle est pratiquement inexistante dans les circonstances. Ces hommes ont été invités de manière sporadique à assister à des réunions de direction, mais pas dans la plupart des cas ni au cours des dernières années. Mais même dans les cas où de telles réunions ont eu lieu, la nature de ces séances était beaucoup plus informative que d'être l'acte de partager la responsabilité globale d'étudier, d'identifier, de sélectionner et d'appliquer de nouvelles politiques ou de modifier celles qui existent déjà. Tout au plus, dans ce domaine, ces contremaîtres ou superviseurs servent d'intermédiaires entre la haute direction et les débardeurs.
Une autre activité que ce conseil a pris le temps d'examiner de très près est le rôle des contremaîtres et des superviseurs dans la discipline des employés.
Il a été prouvé de manière irréfutable qu'ils sont autorisés à « licencier » librement des employés. La Commission a défini plus haut ce que l'on entend par ce processus. Il s'agit de la suspension d'un employé pour le reste d'un quart de travail. Cependant, une analyse approfondie du processus ainsi que des différents articles de la convention collective traitant de cette question démontre qu'ici encore, ils n'ont qu'un niveau d'autorité relativement insignifiant. Afin de maximiser l'utilisation efficace de leur expertise, c'est-à-dire l'efficacité du chargement ou du déchargement rapide des marchandises des navires, les défendeurs ont jugé nécessaire de laisser à ces hommes l'arme du renvoi rapide du travail pour le reste d'un quart de travail.
À partir de là, les preuves et la convention collective prouvent que :
- les contremaîtres ne représentent pas l'employeur à aucun niveau de la procédure de règlement des griefs;
- une fois qu'ils ont pris cette mesure de « licenciement », ils ne participent plus aux suites de cette mesure disciplinaire. Cela devient une question qui ne concerne même pas le défendeur et le syndicat, mais une question qui doit être traitée entre le B.C.M.E.A. et le syndicat;
- en fait, en ce qui concerne les sanctions et la discipline, la convention collective prédétermine une grande partie des règles applicables. Par exemple, des sanctions automatiques sont prévues dans la convention collective à l'article 4.10. La B.C.M.E.A. a autorité dans d'autres cas. En outre, les éléments de preuve ont révélé que, bien que les contremaîtres ou les superviseurs puissent faire des recommandations de sanctions supplémentaires, ils ne sont pas impliqués dans l'étude éventuelle et la décision finale de ces recommandations. Leurs recommandations sont parfois appliquées, complètement ignorées, modifiées ou renforcées par la direction ou par la B.C.M.E.A. après consultation avec le syndicat;
- en ce qui concerne les différentes étapes de la procédure de règlement des griefs ou du mécanisme d'arbitrage, on constate que la participation directe de ces hommes est nulle, sauf dans les rares cas où l'un d'entre eux est appelé à témoigner dans le cadre de procédures d'arbitrage. Rien n'indique qu'ils font partie de l'équipe qui défend directement les intérêts de l'employeur devant le tribunal d'arbitrage. Quant au critère de participation ou d'influence sur les négociations des conventions collectives, ces hommes n'ont aucune influence. Ces hommes sont-ils délégués pour représenter la direction dans divers comités mixtes avec le syndicat ou d'autres organisations en matière de relations de travail ou de sécurité ? La convention collective, à l'article 3, établit le comité des relations de travail du port, le comité mixte des relations de travail de l'industrie, un comité mixte de sécurité, le comité de l'île de Vancouver et d'autres comités si nécessaire. Pourtant, il est évident qu'aucun de ces hommes n'est désigné pour représenter la direction dans aucun de ces comités.
La lecture de l'ensemble de la convention collective signée au nom de ce défendeur par la B.C.M.E.A. et le syndicat des débardeurs établit dans l'esprit du lecteur la conviction qu'il existe ici une relation entre l'employeur et l'employé qui est rigoureusement régie, contrôlée et déterminée par des négociations entre deux collectivités canadiennes : le syndicat des employés et l'association des employeurs. Il ne reste pas beaucoup de pouvoir discrétionnaire ou d'autorité aux contremaîtres ou aux superviseurs. Tout bien considéré, le Conseil est arrivé à la conclusion que les emplois occupés par ces contremaîtres ou superviseurs n'impliquent pas, dans une mesure significative, l'exercice de fonctions de gestion, bien que le degré ou l'étendue de cette implication varie d'une entreprise à l'autreFootnote 67.[traduction]
Rien n'a changé au cours des 50 années qui se sont écoulées depuis que cette affaire a été jugée. Le travail des contremaîtres est en grande partie de la « direction de travail » et ne soulève pas, de l'avis de la Commission, un niveau de conflit d'intérêts qui justifierait une accréditation séparée.
Les décisions récentes du CCRI concernant l'opportunité de créer une unité de négociation distincte pour les superviseurs ne soutiennent pas non plus l'accréditation distincte des contremaîtres. Dans Sperry Rail Canada ltée (2022), par exemple, le CCRI a statué :
Le Conseil conclut que les chefs d'atelier et les chargés de projet ont un rôle important à jouer dans les entrevues et que leurs recommandations ont un poids important dans les décisions d'embauche de l'employeur. Toutefois, la preuve montre également que la décision réelle d'embaucher un candidat ne leur appartient pas. En fait, la preuve démontre qu'ils n'exercent pas un pouvoir décisionnel indépendant dans l'embauche d'employés puisque leurs recommandations sont associées à des commentaires des Ressources humaines et nécessitent l'approbation du directeur de la production, du vice-président ou des Ressources humaines. Comme il est susmentionné, le pouvoir de recommander n'équivaut pas au pouvoir de décider. En l'espèce, la preuve montre que les superviseurs n'ont pas le pouvoir de décider de l'embauche des employés. Bien que leurs recommandations puissent réellement empêcher les candidats d'avancer dans le processus d'embauche, des approbations sont requises au-dessus du niveau des superviseurs pour qu'un candidat soit effectivement embauché. Par conséquent, le Conseil ne peut pas conclure que le rôle qu'exercent les superviseurs dans le processus d'embauche démontre qu'ils exercent des fonctions de direction et doivent donc être exclus de l'unité de négociationFootnote 68. [Non souligné dans l'original]
Dans Sperry Rail Canada (2022), le CCRI a statué que les chefs opérateurs (CO) étaient des employés en vertu du Code, comme c'est le cas des contremaîtres en l'espèce, mais que leur niveau de « gestion » ou de supervision ne justifiait pas leur inclusion dans une unité de négociation distincte. Pour en arriver à cette conclusion, le CCRI s'est référé à des critères susceptibles d'influencer sa décision quant à l'exclusion ou à l'inclusion des fonctions de supervision dans une unité de négociation avec les employés qu'ils supervisent, en s'appuyant sur Pelmorex Communications Inc., division de MéteoMédia (2003)Footnote 69, et a déterminé qu'il était approprié d'inclure les CO dans l'unité de négociation des employés existante.
[86] La conclusion à tirer de l'analyse qui précède est qu'il n'y a pas de formule simple pour déterminer la composition des unités habiles à négocier collectivement et les postes qui peuvent y être inclus ou en être exclus. Dans certains cas, les superviseurs sont exclus de l'unité englobant les employés supervisés, pour raisons de conflits d'intérêts, alors que dans d'autres ils sont inclus. La décision doit dépendre entièrement des faits qui ressortent à l'égard de chaque affaire devant le Conseil. Cependant, l'existence de certains faits pourrait amener le Conseil à aller dans une direction ou dans l'autre, selon les circonstances.
[87] On pourrait extraire des décisions précitées certains critères qui peuvent influencer le Conseil, soit :
- La taille de l'unité de négociation. La viabilité d'une unité de négociation (ses chances de survie) augmente en fonction du nombre d'employés qu'elle comprend. Donc, le Conseil sera plus porté à juger habile à négocier une unité distincte de superviseurs si celle-ci comprend un nombre élevé de superviseurs. Une unité qui comprend 100 employés aura plus de chances de survie par le rapport de forces, qu'une unité qui ne comprend qu'une dizaine d'employés.
- Le nombre de subalternes. Un superviseur dont relève un nombre élevé de subalternes sera davantage perçu comme un vrai superviseur, alors que celui qui n'a que peu de personnes à sa charge sera plutôt perçu comme chef d'équipe et sera donc inclus dans la même unité que ses subalternes.
- La nature des fonctions de supervision. Une personne dont les fonctions de supervision forment la majeure partie ou l'essence de ses responsabilités sera vue différemment d'une personne dont les responsabilités de supervision envers ses subalternes se limitent plus ou moins à leur formation et orientation, à la simple coordination de leur travail ou à des conseils, de l'orientation ou de l'aide. Cette distinction pourrait être définie comme la supervision du personnel contrairement à la supervision du travail, ou encore, la supervision administrative contrairement à la supervision professionnelle ou technique.
- La capacité de décider. La différence entre un chef d'équipe et un « vrai » superviseur est comparable à celle qui existe entre un superviseur et un gestionnaire. Une personne qui agit comme simple porte-parole entre ses subalternes et son superviseur hiérarchique et qui doit collaborer étroitement avec ce dernier avec peu de marge de manœuvre pour décider d'elle-même de certaines situations qui s'imposent, par exemple, accorder des congés, autoriser les heures supplémentaires, évaluer les rendements de façon autonome, autoriser des dépenses selon un budget prédéterminé, autoriser des augmentations salariales à l'intérieur d'une échelle de salaire prédéterminée, etc. ne pourrait être considérée autrement que comme chef d'équipe.
- La nature du travail. Une personne dont les fonctions incluent en partie le même travail que ses subalternes et qui travaille en équipe avec eux sera davantage perçue comme chef d'équipe. Si les subalternes sont syndiqués, le Conseil aura tendance à inclure un chef d'équipe qui accomplit le travail de l'unité de négociation dans cette même unité plutôt que dans une unité distincte de superviseurs, même si ce travail ne représente qu'une partie de ses fonctions.
[88] Il est à noter qu'aucun des critères susmentionnés n'est déterminant en lui-même. Si les circonstances d'un cas particulier sont telles que les critères s'appliquent en majeure partie, de sorte que la conclusion raisonnable est qu'un groupe de personnes est composé principalement de chefs d'équipe et non de « réels » superviseurs, le Conseil aura tendance à les inclure dans l'unité globale avec leurs subalternes plutôt que de désigner une unité distincteFootnote 70. [Non souligné dans l'original].
Lorsque le CCRI a appliqué les critères susmentionnés aux faits, il a déterminé que les CO devaient être inclus dans l'unité de négociation des employés. Bien que les CO soient responsables de l'approbation des heures de travail et des heures supplémentaires de leurs membres d'équipage et de l'établissement de rapports sur leur rendement, « rien n'indique que ce sont eux qui, dans les faits, prennent les décisions d'imposer des mesures disciplinaires aux employés ou de les congédierFootnote 71 ». Le CCRI a également souligné qu'en dépit du fait que les CO travaillent de manière indépendante et que le CCRI reconnaît les responsabilités des CO en matière de travail quotidien, « le Conseil ne peut conclure que les responsabilités des CO les placent en conflit direct avec les membres de l'unité de négociation au point qu'ils doivent en être exclus ».
Pour en revenir au présent examen, la Commission conclut que les contremaîtres de débardage ne jouent pas un rôle qui fait que leur inclusion dans une accréditation avec d'autres travailleurs de débardage constitue un conflit d'intérêts. La Commission observe qu'il existe un certain nombre d'accréditations régionales dans l'industrie du débardage au Canada qui incluent des contremaîtres ou des chefs de marche dans la même unité de négociation que d'autres employés de débardageFootnote 72.
Nous recommandons donc une accréditation régionale qui :
- maintient l'exclusion historique des terminaux qui n'ont jamais participé au régime existant (c'est-à-dire Westshore Terminals et Trigon Pacific Terminals);
- se limite au travail et aux postes qui sont actuellement couverts par les conventions collectives en vigueur, et ne doit pas être utilisée comme un outil pour subsumer des groupes de travailleurs qui ne sont pas soumis à l'accréditation ou à la reconnaissance volontaire;
- se développera si de nouveaux groupes d'employés de débardage sont syndiqués à la suite d'une accréditation régionale ou s'il y a de nouveaux entrants dans l'industrie du débardage dans les ports de la côte Ouest.
La Commission estime qu'une accréditation présentant ces caractéristiques aurait pour effet de renforcer les structures instables et d'offrir une certaine sécurité aux futurs entrants dans le secteur.
9.4. Recommandation 4 : Un cadre approprié pour les négociations collectives doit être mis en place
Dans ses observations supplémentaires, l'ILWU Canada a exprimé des préoccupations légitimes quant à la répercussion de l'accréditation régionale sur sa capacité à négocier de manière significative des questions spécifiques au lieu de travail. La Commission est d'avis qu'une structure de négociation à plusieurs niveaux peut répondre de manière adéquate à cette préoccupation et continuer à fournir au syndicat un processus significatif de négociation collective qui apporte de nouvelles sources d'influence géographique officielles.
Il ne fait aucun doute qu'il y aura une période de transition après l'accréditation d'une unité de négociation unique pour le débardage en C.-B. Toutefois, la Commission estime qu'avec le temps et une structure de négociation appropriée, les contremaîtres et les débardeurs peuvent effectivement coexister dans la même unité de négociation et continuer à avoir accès à un processus significatif de négociation collective. En d'autres termes, selon nous, les intérêts des membres de la section locale 514 de l'ILWU ne sont pas si distincts qu'ils ne puissent pas être défendus efficacement dans le cadre d'une accréditation régionale incluant également les débardeurs. Les communautés d'intérêts ne doivent pas être interprétées de manière aussi restrictive. La Commission note que les syndicats sont depuis longtemps confrontés à la question de l'équilibre entre les intérêts des minorités et ceux de la majorité dans les unités de négociation et qu'il ne s'agit pas d'un problème nouveau ni insurmontable à notre avis.
De l'avis de la Commission, les défis découlant de la consolidation des unités de négociation existantes pour les débardeurs et les contremaîtres ne sont pas impossibles à surmonter et peuvent être traités de manière adéquate par la création d'une structure de négociation à plusieurs niveaux. Selon ce modèle, les négociations se dérouleraient d'abord entre la BCMEA et chaque section locale de l'ILWU afin de résoudre les problèmes « locaux » (table de négociation locale). Dans le cas de la section locale 514 de l'ILWU, la table de négociation locale serait avec la BCMEA et son groupe de membres. Le type de questions qui pourraient être traitées aux tables de négociation locales concernerait des procédures ou des politiques spécifiques au lieu de travail (ou, dans le cas des contremaîtres, à la classification), du type de celles actuellement couvertes par le Black Book et d'autres accords informels.
À la suite des tables de négociation locales, une table principale pour discuter des questions concernant l'ensemble du secteur devrait être convoquée de la façon suivante (table sectorielle). C'est à cette table principale que seront négociées les questions majeures et communes. Nous recommandons que toute question en suspens non résolue par la table locale dans les 45 jours suivant la notification de l'avis de négociation (ou dans un délai convenu entre les parties) soit retirée par la partie qui l'avance ou renvoyée à la table sectorielle pour être résolue.
En ce qui concerne le processus de détermination de la table à laquelle chaque question doit être traitée, la Commission recommande que, dans les 15 à 20 jours suivant la notification de négociation par l'une ou l'autre partie, les parties se réunissent pour déterminer quelles propositions sont de nature locale et quelles propositions doivent être traitées par la table sectorielle. Si les parties ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la table à laquelle une proposition de négociation doit être présentée, l'affaire peut être soumise au CCRI ou, avec l'accord des parties, à un arbitre sectoriel désigné dans la convention collective, en vue d'une décision accélérée.
La Commission est d'avis que les tables secondaires fourniront des moyens supplémentaires pour résoudre les conflits avant qu'ils ne s'aggravent, favorisant ainsi un environnement de relations de travail plus coopératif. Lors de sa visite dans les ports d'Halifax, la Commission a été informée du succès de la procédure de négociation dans ces ports, où les parties utilisent un système de négociation à plusieurs niveaux comprenant une table principale et des tables secondaires pour négocier le libellé propre aux différentes catégories de travailleurs. Les parties nous ont indiqué que cette structure permettait des négociations détaillées sur des questions spécifiques à la classification, sans perdre l'uniformité globale d'un accord principal. En effet, depuis que les sections locales de l'ILA ont demandé à être désignées comme regroupement syndical en vertu du Code, les conventions collectives autrefois distinctes ont été fusionnées en une seule qui contient à la fois des termes communs et un libellé distinct pour chaque groupe d'employés. Les parties nous ont dit que les questions qui n'affectent pas l'ensemble du groupe sont discutées aux petites tables, mais qu'elles sont portées à la table principale si elles sont suffisamment importantes et si aucun accord n'a été trouvé lors des discussions précédentes.
Des récits semblables ont été racontés lors de notre visite à l'ILWU International à San Francisco, où nous avons appris qu'il n'y a pas d'accord sur les grandes questions tant que les questions locales ne sont pas d'abord résolues. Nous avons entendu parler de l'engagement des parties de la côte Ouest des É.-U. en matière de négociation, en apprenant que les parties s'engagent dans des journées et des semaines de négociation consécutives sur une période prolongée afin de maintenir l'élan à la table de négociation.
En recommandant une accréditation régionale globale dans les ports de la C.-B., la Commission reconnaît qu'il s'agit de divers lieux de travail avec des problèmes uniques qui doivent être abordés. Mais les parties travaillent déjà dans le cadre de cette structure, bien que les membres d'ILWU Canada et la section locale 514 d'ILWU négocient séparément à l'échelle de l'industrie. Nous ne voyons aucun obstacle à ce que tous les groupes de travailleurs soient équitablement représentés dans cette structure et notons qu'en dehors de l'industrie du débardage, il existe de nombreux exemples réussis de ce type de structure de négociation, notamment dans les secteurs de l'éducation, de la construction, de l'industrie cinématographique et pour les fonctionnaires.
9.5. Recommandation 5 : Les parties à l'accréditation régionale devraient former un regroupement de syndicats composé des sections locales de débardage de l'ILWU Canada avec des membres travaillant pour la BCMEA et de la section locale 514
De l'avis de la Commission, une accréditation régionale devrait désigner la BCMEA comme employeur et un regroupement de syndicats composé des sections locales 500, 502, 505, 508 et 519 de l'ILWU ainsi que de la section locale 514 comme syndicat.
La Commission a examiné la question à savoir si l'ILWU Canada devait être accrédité en tant qu'agent de négociation pour le regroupement des syndicats de l'ILWU, étant donné qu'il agit actuellement en tant que négociateur en chef pour les sections locales de débardage et qu'il est le signataire de l'Accord sur les débardeurs. L'accréditation d'ILWU Canada est certainement une option possible, à condition que les modifications législatives recommandées soient mises en œuvre.
L'autre option consiste à accréditer un regroupement de syndicats de l'ILWU, comme nous l'avons suggéré, composé des sections locales 500, 502, 505, 508 et 519 de l'ILWU ainsi que de la section locale 514. Grâce aux modifications législatives détaillées dans la section suivante, le regroupement pourrait alors choisir ILWU Canada pour agir en tant que son représentant dans les négociations et pourrait même, s'il le souhaite, demander de modifier l'accréditation pour confirmer qu'ILWU Canada est le regroupement des syndicats.
La Commission appuie cette deuxième option en reconnaissance du fait que la section locale 514 de l'ILWU n'est pas membre de l'ILWU Canada et que l'ILWU Canada n'a aucun droit de représentation à l'égard de la section locale 514, qu'il s'agisse d'un droit volontaire ou non.
Du côté des employeurs, une accréditation régionale désignerait la BCMEA comme représentante des employeurs directs de tous les débardeurs de la C.-B., à l'exception de Westshore Terminals et de Trigon Pacific Terminals qui, comme on l'a vu, ont toujours négocié séparément de la BCMEA, n'ont jamais été représentés et ne sont pas actuellement représentés par elle. Le fait de nommer la BCMEA sur une accréditation régionale a pour effet qu'elle devient une représentante désignée de l'employeur avec toutes les responsabilités et obligations imposées aux employeurs en vertu du Code.
Cela inclut, bien sûr, le devoir de représentation équitable en vertu du paragraphe 34(6), qui interdit à la BCMEA d'exercer ses fonctions de représentation et ses responsabilités pour tout employeur qu'elle représente d'une manière « arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi ». En d'autres termes, l'accréditation de la BCMEA en tant que représentant des employeurs directs fait entrer les activités de représentation de la BCMEA dans le champ de compétence du CCRI.
La désignation de la BCMEA comme représentant des employeurs directs lui donnera une plus grande légitimité vis-à-vis de l'ILWU et s'accompagnera d'un mécanisme d'examen si les membres ont des problèmes avec le fonctionnement interne de la BCMEA, et le CCRI sera investi de la compétence pour s'assurer que la BCMEA fonctionne conformément à son obligation de bonne foi.
9.6. Recommandation 6 : Le gouvernement adopte des modifications législatives ou une nouvelle loi nécessaire à l'accréditation régionale
L'émission d'une accréditation régionale aussi large, recommandée par cette Commission, nécessite soit des modifications législatives au Code, soit la création d'une nouvelle loi distincte pour la négociation collective du débardage sur la côte Ouest, comme nous le verrons plus loin.
Actuellement, l'article 34 du Code permet au CCRI d'accréditer un « syndicat » en tant qu'agent de négociation pour une unité régionale. Le terme « syndicat » est défini au sens large dans l'article 3 du Code :
Syndicat Association — y compris toute subdivision ou section locale de celle-ci regroupant des employés en vue notamment de la réglementation des relations entre employeurs et employés.
Le paragraphe 32(1) permet au CCRI d'accréditer un regroupement de syndicats « formé par plusieurs syndicats ». Dans ces circonstances, le regroupement peut « solliciter l'accréditation à titre d'agent négociateur d'une unité ».
Aucune disposition du Code ne permet l'accréditation involontaire d'un regroupement de syndicats. Étant donné qu'ILWU Canada et la section locale 514 s'opposent à la création d'une telle unité de négociation, il est juste de dire qu'il est peu probable qu'ils déposent ensemble une demande d'accréditation. Pour que le CCRI émette une accréditation régionale sous la forme recommandée par la Commission, il faudra donc qu'il le fasse en l'absence d'une demande des syndicats et, en fait, en dépit de leur objection catégorique.
Comme l'explique la Commission Jamieson-Greyell :
… En effet, aux termes de l'article 32, les regroupements de syndicats sont strictement volontaires. La Commission signale également que le regroupement de syndicats n'est pas défini dans le Code et qu'il n'est pas compris dans la définition de « syndicat ». À l'heure actuelle, le seul moyen par lequel un regroupement de syndicats peut être reconnu comme syndicat et devenir un agent négociateur sous le régime du Code est celui du mode volontaire prévu à l'article 32. Par conséquent, pour opérer l'intégration de toutes les conventions collectives du ILWU touchant les opérations portuaires sur la côte Ouest dans un seul régime de négociation, par le truchement d'un regroupement de syndicats, il sera nécessaire de modifier le Code en conséquence. Le CCRT devra également être investi du pouvoir d'imposer le regroupement de syndicats dans les cas où il le juge indiqué. Il ne s'agit pas, bien sûr, d'une idée inédite, puisque d'autres lois créent un tel pouvoir, par exemple, le Labour Relations Code, paragraphe 41(1), de la C.-B.Footnote 73.
De l’autre côté, la définition actuelle d’un employeur selon le Code est :
- Quiconque a) emploie un ou plusieurs employés;
- b) dans le cas d'un entrepreneur dépendant, a avec celui-ci des liens tels, selon le Conseil, que les modalités de l'entente aux termes de laquelle celui-ci lui fournit ses services pourrait faire l'objet d'une négociation collective.
En vertu du paragraphe 33(1), le CCRI peut désigner une organisation patronale comme suit :
Désignation d’une organisation patronale comme employeur
- 33 (1) Dans les cas où l’unité qui fait l’objet de la demande d’accréditation groupe des employés de plusieurs employeurs formant une organisation patronale, le Conseil peut attribuer la qualité d’employeur à celle-ci s’il est convaincu qu’elle a été investie par chacun des employeurs membres des pouvoirs nécessaires à l’exécution des obligations imposées à l’employeur par la présente partie.
Ainsi, la désignation d'un regroupement de syndicats et d'une organisation patronale est subordonnée à une demande d'accréditation de la part d'un ou de plusieurs syndicats.
Bien que la Commission soit d'avis que le ministre a le pouvoir de renvoyer au CCRI la question de l'unité de négociation appropriée pour le débardage en C.-B., et que le CCRI a la compétence pour répondre à cette question, nous ne croyons pas que le CCRI ait actuellement la compétence pour accréditer l'unité de négociation globale recommandée par la Commission sans modifications législatives.
En effet, le texte actuel ne permet pas l'accréditation d'un regroupement de syndicats ni la désignation d'une organisation patronale, sans demande d'accréditation. Il est clair, au vu du texte législatif et de la jurisprudence du CCRI, que les droits prévus à l'article 34 du Code ne peuvent résulter d'une reconnaissance volontaire. Sur ce dernier point, nous notons que le CCRI a déterminé que l'existence d'une convention collective commune n'est pas suffisante pour concrétiser l'existence d'une unité de négociation unique pour les débardeurs sous la forme d'une accréditation du CCRIFootnote 74.
L'absence de compétence du CCRI pour délivrer une accréditation régionale sans demande d'unité de négociation a été renforcée dans l'affaire Syndicat international des débardeurs et magasiniers, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Prince Rupert Grain Ltd (1996)Footnote 75. Dans cette affaire, le CCRI a rejeté la demande d'accréditation de la section locale 514 de l'ILWU en tant qu'agent négociateur d'une unité de contremaîtres employés par Prince Rupert Grain Ltd. Il l'a fait au motif que l'unité appropriée était constituée de tous les contremaîtres employés par tous les membres de la B.C. Terminal Elevator Operators' Association – l'organisation qui chapeaute les employeurs du secteur céréalier, tout comme la BCMEA pour les entreprises de débardage. Le CCRI a donc refusé d'accorder l'accréditation à l'échelle de l'entreprise, ne laissant au syndicat que l'option de déposer une nouvelle demande d'accréditation englobant tous les contremaîtres travaillant pour des employeurs représentés par la BCMEA, ou de ne pas déposer de demande d'accréditation du toutFootnote 76. En l'absence de compétence pour délivrer une accréditation pour l'unité de contremaîtres volontairement reconnue, la Commission a simplement exprimé son point de vue selon lequel une accréditation de contremaîtres à l'échelle provinciale serait l'unité appropriée.
9.6.a. Modifications au Code
Selon nous, des modifications au Code constituent l'option privilégiée pour garantir l'existence d'une voie législative vers une accréditation régionale. Nécessairement, ces changements incluraient :
- la modification de la définition de « syndicat » à l'article 3 pour y inclure un regroupement de syndicats;
- la modification de la définition d'« agent négociateur » à l'article 3 pour inclure un regroupement de syndicats ou un représentant choisi par un syndicat ou un regroupement de syndicats;
- la modification de la définition du terme « employeur » à l'article 3 afin d'y inclure une organisation patronale et un « représentant des employeurs » désigné en vertu des paragraphes 34(3) ou 34(4);
- la modification de l'article 33 afin de permettre l'accréditation des organisations patronales et l'ajout de membres à ces organisations patronales accréditées avec le consentement des employeurs concernés, sans qu'il soit nécessaire que le syndicat demande l'accréditation ou qu'il donne son consentement;
- l'ajout d'une disposition au Code pour autoriser le ministre, à la demande d'un ou de plusieurs employeurs ou sur instruction du ministre ou à la demande du CCRI, à examiner si, dans l'intérêt de l'assurance et du maintien de la paix industrielle et de la promotion de conditions favorables pour le règlement des différends, une organisation patronale accréditée et/ou un regroupement de syndicats seraient appropriés pour la négociation collective et habiliter le CCRI à délivrer une telle accréditation en l'absence d'une demande;
- la modification du Code pour inclure une compétence explicite permettant au CCRI d'aider les parties dans l'élaboration d'une structure de négociation pour une accréditation régionale au cas où les parties ne parviendraient pas à s'entendre sur une telle structure.
Ces dispositions pourraient être incluses dans le Code en tant que dispositions distinctes applicables uniquement au débardage ou à d'autres industries désignées, comme c'est le cas pour l'article 34.
L'avantage d'une telle approche est qu'elle élimine la nécessité de créer un texte législatif autonome traitant spécifiquement des questions de débardage ou, plus généralement, des questions relatives à la chaîne d'approvisionnement nationale, ce qui peut entraîner des dispositions incohérentes entre les lois du travail si des articles traitants entre autres de l'arbitrage et de l'obligation de négocier de bonne foi, etc., sont repris du Code et inscrits dans la nouvelle législation. La modification du Code permet une couverture uniforme des dispositions et garantit que tous les mécanismes de résolution des conflits disponibles en vertu du Code restent disponibles pour les débardeurs ainsi que pour les autres travailleurs des industries qui sont vitales pour l'économie de la nation.
Bien que la modification du Code n'offre pas la possibilité d'inscrire dans la loi la structure de négociation à plusieurs niveaux, ni d'aborder d'autres questions spécifiques au débardage ou de créer des mécanismes différents pour la résolution des conflits dans le débardage, nous pensons qu'avec les modifications recommandées ci-dessus, les dispositions du Code seraient suffisantes. Le CCRI peut aider le nouveau regroupement de syndicats de l'ILWU et la BCMEA à mettre en place leur nouveau cadre de négociation et peut résoudre les litiges résultants de cet exercice.
9.6.b. Législation spécifique au débardage
L'autre option, comme nous l'avons mentionné, consiste à créer un nouveau texte législatif pour traiter de la négociation collective dans le secteur du débardage au Canada, et plus particulièrement de la structure des unités de négociation en C.-B. Il pourrait s'agir d'un texte législatif autonome ou d'une partie d'un vaste programme législatif visant à assurer une plus grande stabilité à la chaîne d'approvisionnement en général, en reconnaissant que les conflits de travail dans certaines industries réglementées par le gouvernement fédéral ont davantage de répercussions sur l'intérêt national que d'autres.
La législation pourrait s'inspirer de la Loi de 2014 sur la négociation collective dans les conseils scolaires de l'Ontario, qui a été adoptée pour résoudre les problèmes posés par les changements intervenus dans le financement et la gestion de l'éducation. Avant l'introduction de cette loi, les négociations avec les conseils scolaires se faisaient conseil par conseil. Toutefois, la consolidation des conseils scolaires et la centralisation du financement ont incité le gouvernement provincial à concevoir un instrument législatif pour regrouper les sections locales en éducation et établir un système de négociation à deux niveaux pour les questions centrales et locales.
Nous notons également que ce type d'unités et de structures de négociation prévues par la loi a été utilisé dans d'autres secteurs, notamment les soins de santé et la construction.
Les principales caractéristiques d'une nouvelle législation pourraient être :
- la désignation de la BCMEA, en tant que représentant de l'employeur, et d'un regroupement de syndicats en tant que parties à une accréditation régionale unique pour les débardeurs en C.-B., à l'exception de ceux qui travaillent pour Trigon Pacific Terminals ou Westshore Terminals.
- le cadre pour les négociations, y compris la négociation par étapes recommandée dans ce rapport.
De l'avis de la Commission, si une nouvelle loi est adoptée, nous recommandons qu'au lieu de recréer des obligations telles que le devoir de représentation et de l'obligation de négocier de bonne foi comme cela a été fait dans le cas de la Loi de 2014 sur la négociation collective dans les conseils scolaires, que la loi précise simplement que toutes les dispositions du Code s'appliquent, à moins qu'une disposition ne soit spécifiquement exemptée en vertu de la loi.
9.7. Recommandation 7 : Aucune modification de la gouvernance interne ou des processus décisionnels des parties
Dans ses observations à la Commission, la BCMEA a exprimé clairement ses frustrations quant aux processus structurels et décisionnels perçus au sein d'ILWU Canada. De même, ILWU Canada a formulé de vives critiques à l'égard de la structure de la BCMEA et de ses processus décisionnels internes. Toutefois, la Commission n'est pas disposée à recommander au gouvernement de s'immiscer dans le fonctionnement interne des syndicats ou des organisations patronales. Les syndicats sont des organisations démocratiques autonomes qui devraient disposer d'une grande latitude pour mettre en place leurs propres mécanismes de contrôle démocratique, sous réserve du Code. Le caractère tranché des débats au sein des syndicats peut parfois irriter les employeurs et les gouvernements, mais cela ne constitue pas une justification raisonnable pour s'immiscer dans les processus et les structures internes démocratiques, même s'ils sont perçus comme imparfaits. L'inverse est également vrai.
Pour cette raison, nous sommes également réticents à recommander des changements dans la structure de la BCMEA sur la base des nombreuses plaintes formulées par l'ILWU Canada quant à sa prétendue incapacité à traiter les questions relatives aux débardeurs. Nous sommes d'avis que la structure de la BCMEA est adéquate pour assumer ses responsabilités en vertu du Code et, comme indiqué précédemment, que sa désignation en tant que représentant des employeurs en vertu du Code constitue une assurance encore plus grande qu'elle continuera de représenter ses membres de manière équitable et démocratique.
Comme indiqué précédemment, avec la création d'une accréditation régionale sous la forme recommandée, les dispositions du Code exigent que chaque partie exerce ses fonctions de représentation de manière équitable. Si l'une d'entre elles représente ses membres de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi, ces derniers peuvent introduire une demande auprès du CCRI pour contester la représentation de la BCMEA.
La Commission est d'avis qu'une plus grande ingérence ne ferait qu'aggraver les tensions entre les parties et conduirait inévitablement à la reproduction de ces structures sous une forme légèrement modifiée. La Commission estime plutôt que les relations de négociation entre les parties pourraient être remodelées pour les rendre conformes au Code et améliorer l'efficience et l'efficacité du processus de négociation collective. Nous avons donc structuré nos recommandations de façon à traiter de la relation de négociation entre les parties plutôt que du fonctionnement interne de chacune d'entre elles.
9.7.a. Règlement des différends découlant de griefs relatifs à la convention collective
Bien que cela ne fasse pas partie de notre mandat, ILWU Canada et la section locale 514 ont souligné le nombre de griefs en suspens et ont expliqué que cela causait une frustration considérable parmi les membres.
Les parties ont prévu dans leur convention collective des procédures de résolution complète et définitive des griefs. À cet égard, la Commission note l'existence de la procédure accélérée d'« arbitre en relation de travail » dans la convention collective, qui permet de résoudre les différends sur place dans un délai de douze ou vingt-quatre heures. Les parties disposent également d'un certain nombre d'arbitres sectoriels compétents nommés dans leur convention collective pour statuer sur les appels de l'arbitre en relation de travail et sur les griefs plus complexes et moins urgents.
Selon la Commission, l'origine de l'arriéré est que les parties ne collaborent pas pour résoudre les problèmes à mi-contrat avant d'être obligées de recourir à l'arbitrage. De l'avis de la Commission, les parties doivent faire mieux pour résoudre les problèmes pendant la durée de la convention collective et pour établir des relations permettant de faire des compromis. À notre avis, les désaccords qui s'enveniment dans le cadre du contrat peuvent empoisonner la négociation collective et miner le processus si les parties ne s'engagent pas régulièrement dans l'esprit de compromis nécessaire à des relations harmonieuses. Cela dit, la Commission note que les parties ont réussi à collaborer à mi-parcours de contrat pour régler des questions telles que la politique en matière de drogues et d'alcool et la politique de vérification des antécédents criminels, et elle encourage les parties à poursuivre ce type de coopération à l'avenir pour résoudre les problèmes au fur et à mesure qu'ils se posent.
Bien que nous ne soyons pas prêts à recommander officiellement que des dispositions relatives à l'arbitrage accéléré soient ajoutées au Code, une telle recommandation n'entrant pas dans le cadre de notre mandat, nous demandons instamment au gouvernement d'envisager cette option. Modifier le Code pour donner aux parties le droit légalement d'accéder à ces options moins coûteuses et plus efficaces pour l'arbitrage des griefs aiderait les employeurs et les syndicats dans l'ensemble du Canada à rattraper les arriérés de griefs et à traiter les griefs de manière plus efficace. La nomination d'arbitres pourrait être gérée par un bureau d'arbitrage de la convention collective et resterait à la charge des parties.
Étant donné que la loi ne prévoit pas de procédure d'arbitrage accélérée, les parties pourraient envisager d'ajouter une procédure d'arbitrage accélérée à leur convention collective afin de réduire le nombre de jours consacrés aux audiences d'arbitrage et de résoudre complètement et définitivement les griefs d'une manière plus rapide, moins coûteuse et plus informelle.
Les griefs ne vieillissent pas bien. Dans l'immédiat, les parties pourraient envisager de fixer à l'avance des dates d'arbitrage avec la liste actuelle d'arbitres afin de résorber l'arriéré de cas et de s'assurer que les litiges qui surviennent en cours de contrat sont résolus en temps utile. Cette façon de faire est beaucoup utilisée, sachant que les problèmes se posent continuellement. Après avoir fixé des dates pour l'ensemble de l'année civile, il suffit d'attribuer une ou plusieurs affaires à la date retenue. Selon l'expérience de la Commission, ce processus est efficace.
9.7.b. Fonds de formation pour les débardeurs déplacés par l'automatisation
Une autre recommandation qui ne relève pas de notre mandat, mais que nous estimons néanmoins importante de mentionner dans notre rapport compte tenu de la portée de cet enjeu pour la négociation collective, est que le gouvernement envisage la création d'un fonds de formation pour les travailleurs du secteur du débardage déplacés par l'automatisation.
Comme le reconnaît le présent rapport, le monde du travail portuaire évolue rapidement en raison des progrès technologiques considérables. Le besoin d'améliorer l'efficacité, la sécurité et la compétitivité est grand, et les travailleurs portuaires subissent malheureusement les conséquences de cette pression. Leur travail est en train de changer fondamentalement par rapport à ce qu'il était depuis plus d'un siècle, grâce à l'automatisation croissante dans les ports.
La tension entre préserver le statu quo et moderniser l'industrie afin de rester compétitif à l'échelle internationale est une source majeure de discorde dans les négociations. En effet, le désaccord entre les parties selon lequel le rythme de ces changements et la répartition de leur impact sont, en somme, l'un des principaux obstacles à parvenir à une entente.
Au cours des travaux de la Commission, nous avons rencontré de nombreux travailleurs du secteur portuaire issus d'une longue lignée de débardeurs, dont les liens familiaux et la fierté à l'égard de leur travail sont évidents. Il est dans l'intérêt économique et social du Canada que ces travailleurs qualifiés soient retenus et pleinement mis à contribution dans les secteurs d'activité où ils sont nécessaires. Si ce n'est plus le cas dans le secteur du débardage, ces travailleurs devraient alors être réaffectés à d'autres carrières importantes et essentielles qui leur permettent de subvenir aux besoins de leur famille, de leur communauté et de la population canadienne.
Au Canada, il est bien établi qu'il est important d'aider les travailleurs déplacés en raison du changement dans le paysage industriel. Par exemple, en C.-B., le gouvernement provincial a créé l'Employer Training Grant (subvention pour la formation des employeurs) au profit des travailleurs dont l'emploi est directement ou indirectement touché par le ralentissement du secteur forestier (notamment en raison des répercussions liées au report de la coupe des forêts anciennes). Cette subvention est versée aux employeurs (y compris les travailleurs autonomes et les entrepreneurs) qui cherchent à s'adapter à un nouveau secteur d'activité afin de se requalifier ou de former leurs employés. Un programme pilote de formation des travailleurs du secteur de la sylviculture a également été introduit pour mieux préparer et prévenir les incendies de forêt, tout en facilitant le jumelage des travailleurs qualifiés aux emplois.
Au niveau fédéral, l'Initiative canadienne pour le perfectionnement professionnel et les possibilités d'emploi offre déjà un soutien à la planification de la main-d'œuvre et à la formation professionnelle dans les collectivités particulièrement touchées par des licenciements collectifs; elle finance des projets qui permettent aux travailleurs d'acquérir les compétences nécessaires pour trouver un nouvel emploi. Selon nous, ce programme pourrait être étendu aux débardeurs qui souhaitent acquérir de nouvelles compétences. Nous constatons que les métiers spécialisés connaissent une pénurie importante de main-d'œuvre qualifiée, principalement en raison du vieillissement de la population active et de la baisse du nombre de jeunes qui se lancent dans ces métiers, ce qui a des répercussions sur divers secteurs, notamment celui de la construction. Il nous semble judicieux que le gouvernement aide à jumeler les compétences des travailleurs et les besoins en main-d'œuvre, surtout dans le contexte actuel où il s'agit d'atténuer les répercussions des changements que connaît le secteur du débardage.
9.8. Autres recommandations formulées par les parties
Un dernier point que nous avons jugé utile de mentionner est la recommandation de l'ILWU Canada de modifier le Code pour donner aux syndicats le droit d'exiger des employeurs qu'ils organisent un vote sur l'offre finale d'un syndicat.
Actuellement, l'article 108.1 du Code permet au ministre d'ordonner la tenue d'un vote sur la dernière offre afin que les employés de l'unité de négociation concernée aient la possibilité d'accepter ou de rejeter la dernière offre de l'employeur si le ministre est d'avis qu'il est dans l'intérêt public de le faire.
Bien que, d'après notre expérience, les votes sur la dernière offre soient rarement, voire jamais, couronnés de succès, nous soutenons, par principe d'équité, la création d'un droit parallèle permettant à un syndicat ou à un regroupement de syndicats de demander un vote sur la dernière offre auprès des organisations patronales. Bien que nous doutions que l'ajout d'une telle disposition puisse réellement changer l'issue d'une négociation, nous ne voyons aucun inconvénient à créer un droit parallèle pour les syndicats dans les cas où un groupe patronal est composé d'employeurs membres individuels.
Les autres recommandations formulées par les parties qui n'ont pas été commentées dans la partie analyse du présent rapport ont été examinées par la Commission, mais nous avons décidé de ne pas les inclure dans la liste de recommandations faites au gouvernement. La plupart d'entre elles n'entraient pas dans le cadre du mandat de la Commission ou ont été rejetées au profit d'autres recommandations portant sur les mêmes questions que celles exposées ci-dessus.
10. Conclusion et résumé des recommandations
Le monde a radicalement changé au cours des vingt années depuis la Commission Jamieson-Greyell, avec une mondialisation accrue et la montée du commerce électronique et des tensions géopolitiques. Compte tenu de la grande connectivité de la chaîne d'approvisionnement mondiale, les retards et les incertitudes causés par les conflits de travail peuvent avoir des répercussions importantes, affectant non seulement les employeurs et les travailleurs, mais aussi les consommateurs, les communautés et l'ensemble de l'économie canadienne.
Les conclusions et les recommandations présentées dans ce rapport offrent une feuille de route pour parvenir à une stabilité et une prospérité durable dans les ports de la côte Ouest. Ils soulignent l'importance de moderniser les pratiques de négociation collective et de favoriser une plus grande collaboration entre les syndicats et le patronat.
Le succès de ces recommandations dépend de la volonté des intervenants d'accepter le changement et de travailler ensemble à la réalisation d'un objectif commun. Cela nécessite un dialogue ouvert, un respect mutuel et un engagement à trouver des solutions qui profitent à toutes les personnes concernées et à l'intérêt national. Selon la Commission, les enjeux sont trop importants et les conséquences trop graves pour que l'on se contente d'attendre. Nous exhortons toutes les parties - syndicats, patronat, gouvernement et communauté au sens large - à saisir cette opportunité pour construire un avenir plus fort, plus compétitif et plus durable pour les ports de la côte Ouest et pour le Canada dans son ensemble.
En résumé, la Commission recommande les mesures suivantes pour améliorer la stabilité de la main-d'œuvre dans le secteur portuaire de la C.-B. :
- Le droit de grève/lock-out doit être préservé dans le secteur du débardage au Canada.
- Le Code doit être modifié afin d'inclure les dispositions spéciales relatives aux médiateurs telles qu'elles sont détaillées dans le présent rapport.
- Une certification à l'échelle de la C.-B. (à l'exclusion des terminaux Westshore et Trigon Pacific) est l'unité de négociation la plus appropriée pour les débardeurs.
- Un cadre approprié pour les négociations collectives doit être mis en place.
- Les parties à l'accréditation régionale devraient former un regroupement syndical composé des sections locales de débardage de l'ILWU Canada et de la section locale 514.
- Le gouvernement adopte des modifications législatives ou une nouvelle législation nécessaire à l'accréditation régionale.
- Aucune modification de la gouvernance interne ou des processus décisionnels des parties
À notre avis, les recommandations susmentionnées constituent un juste équilibre entre la garantie de la stabilité des ports de la C.-B. et les droits des travailleurs à la négociation collective.
Nous espérons que ce rapport est satisfaisant et qu'il remplit le mandat de la Commission.
Le tout est respectueusement soumis ce 8e jour de mai 2025.
Amanda Rogers, B.A., J.D, LL.M
Vincent L. Ready
Annexe A - Recommandations
Recommandation 1 : Le droit de grève/lock-out doit être préservé dans le secteur du débardage au Canada.
Recommandation 2 : Le Code canadien du travail doit être modifié afin d'inclure les dispositions spéciales relatives aux médiateurs telles qu'elles sont détaillées dans le présent rapport.
Recommandation 3 : Une certification à l'échelle de la Colombie-Britannique (à l'exclusion des terminaux Westshore et Trigon Pacific) est l'unité de négociation la plus appropriée pour les débardeurs.
Recommandation 4 : Un cadre approprié pour les négociations collectives doit être mis en place.
Recommandation 5 : Les parties à l'accréditation régionale devraient former un regroupement syndical composé des sections locales de débardage de l'ILWU Canada et de la section locale 514.
Recommandation 6 : Le gouvernement adopte des modifications législatives ou une nouvelle législation nécessaire à l'accréditation régionale.
Recommandation 7 : Aucune modification de la gouvernance interne ou des processus décisionnels des parties
Annexe B - Intervenants consultées
Neutres
- Barry Eidlin, Professeur associé, Département de sociologie, Université McGill
- Ministère des Transports de la Colombie-Britannique
- Ministère du Travail de la Colombie-Britannique
- Peter Simpson, Directeur général, Service fédéral de médiation et de conciliation
- Transports Canada
Employeurs et organisations patronales
- Association canadienne de gestion de fret
- Association canadienne des importateurs et exportateurs
- Association des administrations portuaires canadiennes
- Association des transitaires internationaux canadiens (ATIC)
- British Columbia Maritime Employers Association (BCMEA)
- Canadien Pacifique Kansas City (CPKC)
- Chambre de commerce de la Colombie-Britannique
- Chambre de commerce du Canada
- Chambre de commerce du Grand Vancouver
- Conseil des viandes du Canada
- Constructeurs mondiaux d'automobiles du Canada
- Employeurs des transports et communications de régie fédérale (ETCOF)
- Fédération canadienne de l'entreprise indépendante
- Fédération maritime du Canada
- Fertilisants Canada
- Halifax Employers Association (HEA)
- Manufacturiers et exportateurs du Canada
- Mining Association of British Columbia
- Western Canadian Shippers Coalition
Syndicats et organisations syndicales
- British Columbia Trucking Association
- International Longshoremen's Association
- International Longshore and Warehouse Union Canada – section locale 514 (ILWU Local 514)
- International Longshore and Warehouse Union Canada (ILWU Canada)
- International Longshore and Warehouse Union Locals 500, 502, 505, 508 and 519 (ILWU Locals)
- International Longshoremen's Association Locals 273, 1341, 1657 et 1953
- Syndicat canadien de la fonction publique – Syndicat des débardeurs du port de Québec, section locale 2614 (SCFP 2614)
- Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)
- Syndicat des débardeurs (SCFP section locale 375)
- UNIFOR
Annexe C - Résumé des négociations collectives
| Échéance de la convention collective (CC) précédente | Durée des négociations | Processus et étape du règlement | Arrêt de travail | Législation | Répercussions sur le commerce du grain | Durée de la nouvelle CC |
|---|---|---|---|---|---|---|
| 31 mars 2023 | Avis de négociation signifié le 30 novembre 2022. Accord conclu le 30 juillet 2023. | Règlement après conciliation à la suite d'une grève de 13 jours, d'une grève illégale d'un jour et d'un renvoi devant le CCRI conformément à l'article 107. | Arrêt de travail légal de 13 jours, arrêt de travail illégal de 1 jour. | Commission d'enquête sur les relations du travail instituée en vertu de l'article 108. | Non | du 1er avril 2023 au 31 mars 2027 |
| 31 mars 2018 | Avis de négociation signifié le 30 novembre 2017. Accord conclu le 30 mai 2019. | Règlement après conciliation à la suite d'une brève grève et d'un lock-out. | Début de la grève au GCT le 27 mai 2019. Début de lock-out le 30 mai 2019 (moins d'un jour). | Non | Non | du 1er avril 2018 au 31 mars 2023 |
| 31 mars 2010 | de janvier 2010 à mai 2011 | Règlement à l'étape du conciliateur. | Non | Non | Non | d'avril 2010 à mars 2018 |
| 31 mars 2007 | de janvier 2007 à février 2008 | Règlement à l'étape du conciliateur. | Non | Non | Non | d'avril 2007 à mars 2010 |
| 31 décembre 2002 | d'août 2002 à mars 2003 | Règlement par négociations directes. | Non | Non | Non | du 1er janvier 2002 au 31 mars 2007 |
| 31 décembre 1998 | d'octobre 1998 à novembre 1999 | Règlement après conciliation suite à un arrêt de travail de 8 jours | Arrêt de travail de 8 jours. | Non | Non spécifié | du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2002 |
| 31 décembre 1995 | Avis de négociation signifié en août 1994 | Conciliateur nommé le 3 novembre 1995. Règlement à l'étape du conciliateur. | Non | Non | Non | du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1998 |
| 31 décembre 1992 | Avis de négociation signifié le 18 septembre 1992, règlement le 31 mars 1994 | Règlement par voie législative, au stade de la médiation post-conciliation de l'agent à la suite d'un mouvement de grève. | Début d'une grève sélective le 27 janvier 1994 qui s'est transformée en grève générale le 29 janvier 1994 pour se terminer le 8 février 1994. | La Loi de 1994 sur les opérations portuaires de la côte Ouest a reçu la sanction royale le 8 février 1994. L'arbitrage des propositions finales a servi à régler les dernières questions. L'arbitre H Allan Hope a été nommé le 24 février 1994. Rapport publié le 31 mars 1994. | Oui, selon les médias | du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1995 |
| 31 décembre 1991 | Avis de négociation signifié, règlement le 18 octobre 1991. | Règlement par négociations directes. | Non | Non | Non | du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1992 |
| 31 décembre 1988 | Avis de négociation signifié le 26 septembre 1988, règlement le 29 mars 1990. | Règlement à l'étape du conciliateur. | Non | Non | Non | du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1991 |
| 31 décembre 1985 | Avis de négociation signifié le 30 septembre 1985, règlement le 18 décembre 1987. | Règlement par voie législative au stade de la médiation post-conciliation du commissaire à la suite d'un lock-out. | Lock-out du 6 au 8 octobre 1986, reprise le 15 novembre 1986, fin du lock-out le 18 novembre 1986. | La Loi de 1986 sur les opérations portuaires a reçu la sanction royale le 18 novembre 1986. Le professeur Joseph Weller a été nommé à la Commission d'enquête sur les relations de travail le 5 décembre 1986 pour traiter des dispositions relatives aux conteneurs, Dalton Larson a été nommé arbitre le 13 janvier 1987 pour s'occuper des questions autres que celles relatives aux conteneurs. Le rapport du juge-arbitre a été déposé le 28 janvier 1987 et le rapport final de la Commission d'enquête sur les relations de travail a été envoyé aux parties le 18 décembre 1987. | Oui, selon les médias | du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1988 |
| Réexamen des salaires en 1984 | Non spécifié | Règlement dans le cadre de négociations directes. Les parties ont convenu de prolonger l'accord d'un an, jusqu'au 31 décembre 1985. | Non | Non | Non | du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1985 |
| 31 décembre 1981 | Avis de négociation signifié le 28 septembre 1981, règlement le 26 novembre 1982. | Règlement par une loi au stade du commissaire chargé de la post-conciliation à la suite d'un lock-out. | Le syndicat a organisé une série de fermetures de ports d'une journée et un ralentissement du travail. Le lock-out a commencé le 19 octobre 1982 et s'est terminé le 3 novembre 1982. | La Loi de 1982 sur les opérations portuaires de la côte Ouest a reçu la sanction royale le 3 novembre 1982. Les parties sont parvenues à un accord négocié le 8 novembre 1982. L'accord prévoyait un réexamen des salaires pour l'année civile 1984. | Oui | du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1984 |
| 31 décembre 1978 | Avis de négociation signifié le 25 septembre 1978, règlement le 14 juin 1979 | Règlement au stade de la médiation post-conciliation du commissaire à la suite d'un mouvement de grève. | Le lock-out a commencé le 4 juin 1979 et s'est terminé le 14 juin 1979. | Non | Oui | du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1981 |
| 31 décembre 1977 | Non spécifié | Règlement par négociations directes sous l'égide de la Commission de lutte contre l'inflation (CLI). | Non | Non | Non | du 1er janvier 1978 au 31 décembre 1978 |
| 31 décembre 1976 | Non spécifié | Règlement par négociations directes sous l'égide de la CLI. | Non | Non | Non | du 1er janvier 1977 au 31 décembre 1977 |
| 31 décembre 1974 | Avis de négociation signifié le 24 septembre 1974, règlement le 30 mai 1975. | Règlement par voie législative à la suite d'une non-action directe, d'une médiation et d'une action de grève. | La grève a commencé le 2 mars 1975 et s'est terminée le 24 mars 1975. | La loi de 1975 sur les opérations portuaires de la côte ouest a reçu la sanction royale le 24 mars 1975. L'arbitre, le juge Seaton, a été nommé le 3 avril 1975 et la décision a été rendue le 30 mai 1975. | Oui | du 1er janvier 1975 au 31 décembre 1976 |
| 31 juillet 1972 | Avis de négociation signifié le 1er mai 1972, règlement le 24 janvier 1973. | Règlement par voie législative à l'étape de la médiation de la commission de post-conciliation suite à un mouvement de grève. | Le ralentissement du travail entraîne la fermeture du port de Vancouver à partir du 10 août 1972. La grève générale commence le 23 août 1972 et se termine le 1er septembre 1972. | La loi sur les opérations portuaires de la côte ouest, 1972 a reçu la sanction royale le 1er septembre 1972. Le médiateur, le juge Nemetz, a été nommé le 4 décembre 1972 et un accord a été conclu le 24 janvier 1973 sur la base de son rapport. | Oui | du 1er août 1972 au 31 décembre 1974 |
| Échéance de la convention collective (CC) précédente | Durée des négociations | Processus et étape du règlement | Arrêt de travail | Législation | Répercussions sur le commerce du grain | Durée de la nouvelle CC |
|---|---|---|---|---|---|---|
| 31 mars 2023 | En cours, avis de négociation signifié le 30 novembre 2022 | Renvoi à l'arbitrage d'intérêts par le CCRI | Le lock-out de l'industrie de la BCMEA a entraîné la fermeture des installations portuaires dans toute la province entre le 4 et le 14 novembre 2024. | Instruction de l'article 107 au CCRI de mettre fin au litige et ordonnance du CCRI renvoyant la négociation à l'arbitrage d'intérêts | Non | À confirmer |
| 31 mars 2018 | Maintien des activités signé le 2 décembre 2019 (environ 24 mois) | Réglé en conciliation. | Non | Non | Non | 1er avril, 2018 au 31 mars 2023 |
| 31 mars 2010 | 24 mois | Réglé en conciliation. | Non | Non | Non | 1er avril 2010 au 31 mars 2018 |
| 3 mars 2007 | 24 mois | Réglé en conciliation. | Non | Non | Non | 1er avril 2007 au 31 mars 2010 |
| 31 décembre 2002 | 12 mois | Réglé en conciliation. | Non | Non | Non | 1er janvier 2003 au 31 mars 2007 |
| 31 décembre 1998 | 23 mois | Réglé en conciliation. | Non | Non | Non | 1er janvier 1999 au 31 décembre 2002 |
| 31 décembre 1996 | 1 mois | Réglé sans assistance. | Non | Non | Non | 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998 |
| 31 décembre 1992 | Avis de négociation signifié le 28 septembre 1992. Règlement le 13 juillet 1995. (Total de 34,5 mois) | Réglé par la législation au stade de l'après-commissaire suite à une grève/un lock-out. | Le syndicat a entamé une grève le 13 mars 1995, suivie d'un lock-out de l'employeur du 15 au 16 mars 1995. | Loi de 1994 sur les opérations portuaires de la côte ouest – sanction royale le 16 mars 1995. Processus de règlement par médiation-arbitrage. Médiateur-arbitre. Donald Munroe nommé le 24 mars 1995. Rapport publié le 13 juillet 1995. | Les grèves syndicales ont été évitées pour les secteurs des céréales et des denrées périssables, mais les membres travaillant sur ce type de marchandises ont été mis en lock-out le 15 mars 1995. | 1er janvier 1993 au 31 décembre 1996 |
| 31 décembre 1991 | Avis de négociation signifié le 28 septembre 1991. Règlement le 24 septembre 1992. (Total de 12 mois) | Réglé au stade de l'agent de post-conciliation avec une aide à la médiation informelle après la grève. | 22 septembre 1992 au 24 septembre 1992 | Non | La transportation de céréales et les navires de croisière n'ont pas été touchés. | 1er janvier 1992 au 31 décembre 1992 |
| 31 décembre 1988 | Avis de négociation signifié le 19 septembre 1988. Règlement le 15 juin 1990. (Total de 33 mois) | Réglé en conciliation. | Non | Non | Non | 1er janvier 1989 au 31 décembre 1991 |
| 31 décembre 1985 | L'avis de négociation a été signifié le 23 septembre 1985. Règlement le 14 avril 1987. (Total de 19 mois) | Réglé en conciliation. | Non | Non | Non | 1er janvier 1986 au 31 décembre 1988 |
| 31 décembre 1983 (Réouverture des négociations salariales) | Avis de négociation signifié le 19 septembre 1983. Règlement le 18 mai 1984 (8 mois au total) | Réglé en conciliation. Prolongation d'un an de l'accord. | Non | Non | Non | 1er janvier 1985 au 31 décembre 1985 |
| 31 décembre 1981 | Avis de négociation signifié le 1er octobre 1981. Règlement le 22 décembre 1982. (Total de 14 mois) | Réglée au stade du commissaire chargé de la post-conciliation. | Non | Non | Non spécifié | 1er janvier 1982 au 31 décembre 1984 |
| 31 décembre 1978 | L'avis de négociation a été signifié le 1er octobre 1978. | Réglée par des négociations directes. | Non | Non | Non | 1er janvier 1979 au 31 décembre 1981 |
| 31 décembre 1977 | Non spécifié | Réglée par des négociations directes pendant la période de la Commission de lutte contre l'inflation | Non | Non | Non | 1er janvier 1978 au 31 décembre 1978 |
| 31 décembre 1976 | Non spécifié | Réglée par des négociations directes pendant la période de la Commission de lutte contre l'inflation | Non | Non | Non | 1er janvier 1977 au 31 décembre 1977 |
| Syndicat certifié en juin 1974 | Avis de négociation signifié le 19 juillet 1974. Règlement le 30 mai 1975. | Réglé par la législation au stade de la médiation de l'agent de conciliation à la suite d'un mouvement de grève. | La grève a commencé le 23 mars 1975 et s'est terminée le 24 mars 1975. | La Loi de 1975 sur les opérations de la côte ouest a reçu la sanction royale le 24 mars 1975. L'arbitre, le juge Seaton, est nommé le 3 avril 1975 et la sentence est rendue le 30 mai 1975. | Oui | 31 décembre 1976 |