Discours de l’honorable Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique, à l’occasion de GLOBExCHANGE 2023
Discours
Merci de cette présentation, et bon après-midi à tous et à toutes.
C’est avec plaisir que je suis parmi vous pour cette deuxième journée de GLOBE.
Permettez-moi d’abord de souligner que nous sommes sur le territoire traditionnel des Hurons-Wendats, des Anishnaabeg et des Haudenosaunee, et plus précisément sur le territoire traditionnel visé par un traité de la Première Nation des Mississaugas de la Credit.
C’est un endroit que nous appelons maintenant Toronto, un endroit tout désigné pour la conférence et le thème de mon discours d’aujourd’hui, soit « qui dit changements climatiques, dit occasions d’affaires ». Car après tout, Toronto, c’est le moteur financier du Canada.
Je viens faire valoir un point de vue partagé par de nombreux chefs de file du secteur financier ici présents – nous sommes sur le point d’assister à un essor économique, mû par les impératifs écologiques et les débouchés inouïs qu’offre un siècle marqué par les énergies propres et les innovations carboneutres.
De concert avec des entreprises de partout au pays, le gouvernement du Canada jette les bases pour faire du Canada un pays où la prospérité et la durabilité sont florissantes.
Avez-vous vu la liste des sociétés les plus performantes de 2022 que la Bourse de Toronto a publiée la semaine dernière?
On constate clairement que les investisseurs tournent leurs portefeuilles vers les sociétés qui sont à l’avant-garde des énergies propres.
Les minéraux critiques, les technologies liées aux batteries, l’énergie hydrogène et solaire, ce sont tous des secteurs à très haut rendement.
L’action environnementale pour contrer les changements climatiques est maintenant devenue le fer de lance du développement économique au 21e siècle.
Et la montée de cette mouvance environnementale ne laisse aucun doute, malgré tout ce qui est en jeu dans la conjoncture actuelle.
Il y a un an, la Russie marquait le début de son invasion illégale en Ukraine, provoquant ainsi une crise énergétique en Europe et des flambées de prix à l’échelle mondiale.
À court terme, il est vrai que nos alliés européens ont besoin de combustibles fossiles pour affronter l’hiver.
Mais à long terme, la guerre donnera lieu à la multiplication des investissements et des innovations dans les énergies propres.
L’Agence internationale de l’énergie l’a même clairement énoncé : la guerre en Ukraine accélère le mouvement en faveur des énergies propres.
Exportateur d’énergie fiable et responsable, le Canada appuie ses alliés européens par tous les moyens à sa disposition.
Je suis particulièrement emballé par le potentiel de nos minéraux critiques et de nos énergies propres.
Le chancelier allemand est venu au Canada et a annoncé, avec le premier ministre, un projet d’hydrogène vert alimenté par les vents du large de Terre-Neuve.
Voilà un bel exemple de cette mouvance environnementale qui apporte un nouveau vent d’investissements.
Mais il y a aussi d’autres vents favorables.
Aux États-Unis.
L’an dernier, le Congrès américain a adopté un programme législatif sur l’action climatique qui est le plus imposant jusqu’ici dans le monde entier.
Un programme de 369 milliards de dollars.
La loi américaine sur la réduction de l’inflation nous démontre hors de tout doute que le statu quo n’a plus sa place.
Ainsi, la course devient plus intense que jamais dans la quête d’innovations dans les technologies propres.
Et croyez-moi, la concurrence est déjà très vive.
Heureusement, le Canada a de nombreux atouts. Ses gens. Ses ressources. Son savoir-faire. Sa richesse énergétique.
Le gouvernement du Canada s’est engagé à investir 120 milliards de dollars dans l’action climatique; nous sommes donc déjà en action, mais nous savons que nous devons maintenir le rythme.
Bon nombre d’entre vous connaissent bien mon parcours.
Je participe aux conférences internationales sur le climat depuis presque 30 ans.
Par le passé, elles attiraient essentiellement des militants, des représentants de gouvernements et des scientifiques.
Aujourd’hui, certains déplorent la présence d’un trop grand nombre de banquiers et d’investisseurs à ces conférences climatiques internationales.
En fait, je pense plutôt que c’est très bon signe!
La présence des investisseurs dans les secteurs des énergies propres est un signal que les intérêts associés au climat font maintenant partie intégrante des marchés financiers. L’action climatique est synonyme d’occasions d’investissement.
Hier, j’ai coanimé une table ronde avec Kathy Bardswick, présidente du Conseil d’action en matière de finance durable.
Nous étions en présence de dirigeants et de PDG du secteur financier (banques, assureurs, investisseurs institutionnels). Et leur message était clair.
« Nous voulons bien en faire plus, mais il faut nous envoyer des signaux réglementaires clairs et mettre en place des conditions propices à l’investissement. »
Je peux vous confirmer que notre gouvernement va s’employer activement avec vous à lancer des signaux prévisibles sur les marchés et à créer les conditions propices à l’investissement. Le gouvernement planifiera soigneusement les investissements pour en arriver à notre objectif ultime d’un Canada respectueux de l’environnement et prospère.
L’an dernier à la conférence GLOBE à Vancouver, le gouvernement a lancé le plan de réduction des émissions le plus vaste et le plus détaillé de l’histoire canadienne.
Pour chaque secteur, nous avons présenté les stratégies les plus efficaces à mettre en œuvre pour atteindre notre objectif d’une réduction de 40 à 45 p. 100 des émissions d’ici 2030, en route vers la carboneutralité d’ici 2050.
Et malgré tous les défis qui ont surgi l’an dernier, nous avons réussi à faire beaucoup de progrès.
Après deux années de suite de réduction des émissions au pays, nous continuons à aplatir la courbe des émissions, et ce, malgré la reprise économique post-pandémique qui est en cours.
Et nous diminuons la pollution tout en ouvrant la voie à de nouvelles perspectives économiques.
Le gouvernement a le devoir d’agir concrètement face à la plus grande crise environnementale et le devoir de profiter des plus grandes perspectives économiques de notre temps.
Le rôle du gouvernement consiste à créer des incitatifs et à formuler des règlements qui envoient aux marchés des indicateurs clairs et à long terme pour faciliter la réduction des émissions de manière souple et économique.
Le rôle du gouvernement consiste aussi à fournir les outils et les mécanismes de contrôle qui procurent les conditions propices pour vous permettre de bien évaluer les risques et avantages des changements climatiques dans votre planification à long terme et dans la prise de vos décisions d’investissement.
Le rôle du gouvernement consiste enfin à demeurer à l’écoute du secteur privé pour déterminer quels sont les meilleurs signaux à envoyer sur les marchés pour mobiliser les capitaux privés requis pour la réalisation de nos objectifs climatiques.
Ce dernier volet est en fait à la base même de notre tarification de la pollution par le carbone.
Permettez-moi de vous présenter un exemple.
À la COP27 tenue en Égypte l’automne dernier, le PDG de l’une des plus grandes sociétés productrices d’énergie au Canada m’a dit quelque chose de très intéressant.
Il a dit, et je le cite :
« Sans vision à long terme, sans une vision durable permettant de fixer des prix raisonnables et d’assurer une stabilité raisonnable, beaucoup de très bons projets ne verraient jamais le jour au Canada. »
En fait, il m’a expliqué qu’un investissement de deux milliards de dollars qu’il envisage pour le captage du carbone reposait sur le maintien en place de la tarification du carbone.
Et ce qu’on m’a dit encore hier lors de ma table ronde, c’est que le secteur financier et privé tient tout particulièrement à saisir les occasions d’investir dans l’action climatique.
Voyons un peu maintenant tout ce qui se fait actuellement dans l’ensemble du Canada.
L’Impériale vient d’annoncer un investissement de 720 millions de dollars pour la construction de la plus grande installation de diesel renouvelable au Canada près d’Edmonton.
Elle s’approvisionnera en hydrogène à faible teneur en carbone auprès d’Air Products, une entreprise que notre gouvernement a soutenue grâce à notre Accélérateur net zéro.
Ou encore, pensez aux camions à émissions nulles que l’usine de GM a commencé à produire à Ingersoll, en Ontario, en décembre.
Ou à l’imposante nouvelle usine de batteries en construction à Windsor, en Ontario.
Ou même à la mine de lithium de la baie James dont nous venons d’approuver l’exploitation dans le nord du Québec.
Ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres.
La prochaine frontière économique à franchir se trouve dans les énergies et les technologies propres et les minéraux critiques.
Tout ce contexte vient appuyer le message clé qui se dégage de la conférence GLOBE : qui dit changements climatiques, dit occasions d’affaires.
Il y a aussi une autre frontière économique à conquérir : la mise en place d’un réseau électrique plus intelligent et plus propre.
Bon nombre d’entreprises me répètent souvent que l’accès à une source d’électricité propre est un critère déterminant pour le choix de leur emplacement.
La bonne nouvelle, c’est que le Canada possède déjà l’un des réseaux électriques les plus propres de la planète.
Près de 85 p. 100 de l’électricité consommée par les Canadiens provient de sources non émettrices telles que l’hydroélectricité.
Depuis les 40 dernières années, la capacité totale de production d’électricité du Canada a doublé, et pourtant, le secteur a réussi à réduire de moitié ses émissions au cours des 20 dernières années.
Et nous sommes bien placés pour continuer à montrer la voie.
Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles, dresse souvent un parallèle entre la mise en place d’un réseau électrique national propre et la construction du chemin de fer national.
Alors que fait le gouvernement pour orienter les forces du marché vers la réalisation de cette vision?
L’an dernier, nous avons lancé le Programme des énergies renouvelables intelligentes et de trajectoires d’électrification.
Ce programme consacre plus de 1,5 milliard de dollars à des projets d’énergies renouvelables à grande échelle pouvant fournir des services de réseau ainsi qu’à des projets de stockage d’énergie et de modernisation de réseaux.
Le gouvernement du Canada s’emploie actuellement à formuler un règlement sur l’électricité propre qui permettra d’opérer la transition vers un réseau électrique carboneutre d’ici 2035.
Et l’Accélérateur net zéro, tout comme bien d’autres programmes fédéraux et crédits d’impôt, procure aux industries des incitatifs facilitant leur passage des combustibles fossiles à l’électricité propre.
Mais je tiens à faire un retour sur le vaste programme législatif américain sur le climat. Ce n’est pas sans raison qu’il porte le nom de « loi sur la réduction de l’inflation ».
Comme les États-Unis, le Canada sait bien que l’action climatique doit non seulement ouvrir de nouvelles perspectives économiques, mais aussi aider les ménages à composer avec la hausse du coût de la vie.
Prenons par exemple le marché croissant des thermopompes et de la rénovation domiciliaire.
Certains investissements du gouvernement du Canada aident les ménages en situation de pauvreté énergétique et les consommateurs qui souhaitent échapper aux brusques fluctuations mondiales des prix des combustibles fossiles.
Notre action environnementale est le fil conducteur qui nous rattache à la fois aux ménages en région rurale de la Nouvelle-Écosse, à la salle de réunion d’une tour de bureaux de Bay Street et à une installation de diesel renouvelable d’Edmonton.
Le gouvernement continue de proposer des mesures positives pour faciliter la mobilisation du secteur privé de la finance en faveur d’investissements plus propres.
Plus tôt aujourd’hui, la présidente du Conseil du Trésor Mona Fortier et moi avons annoncé qu’à compter du 1er avril, il sera obligatoire de déclarer les émissions de gaz à effet de serre et d’établir des objectifs de réduction pour tous les marchés du gouvernement fédéral de 25 millions de dollars et plus.
Les entreprises peuvent agir en ce sens en participant au Défi carboneutre que nous avons lancé l’an dernier. L’initiative a déjà rallié plus de 40 sociétés telles que Microsoft, le Groupe Aecon, 3M Canada et Cogeco.
Le Défi carboneutre procure aux entreprises – grandes et petites – les outils et les orientations nécessaires pour présenter leurs propres initiatives de réduction, tout en leur apportant une reconnaissance publique.
En mars dernier, la première série d’obligations vertes du gouvernement du Canada a suscité l’engouement des investisseurs. Le carnet de commandes final de plus de 11 milliards de dollars a établi un record pour une émission d’obligations vertes en dollars canadiens. Nous prévoyons une nouvelle émission d’obligations sous peu.
Et vendredi dernier, le gouvernement a annoncé un nouveau régime de crédits compensatoires concernant les gaz à effet de serre pour offrir aux Canadiens un incitatif basé sur le marché pour moderniser leurs systèmes de climatisation et de réfrigération utilisés à grande échelle.
Certains pensent encore que le rôle du gouvernement consiste à imposer des restrictions, des limites et des contraintes, mais c’est une vision dépassée qui ne cadre plus avec nos ambitions environnementales du 21e siècle.
En fait, je soutiens au contraire que le rôle du gouvernement consiste plutôt à impulser, à amplifier et à dynamiser les actions du secteur privé dans la réalisation de ses ambitions et de ses innovations.
Je ne sais pas si c’est le genre de discours auquel vous vous attendiez de ma part.
Quand j’ai commencé à œuvrer dans le secteur de l’environnement, il y avait alors vraiment trop peu de gens – que ce soit au sein des gouvernements ou des entreprises – qui prenaient au sérieux la menace des changements climatiques.
De nos jours, la réalité des changements climatiques et de leurs répercussions s’est imposée de façon irréfutable.
Nous avons même pu compter sur la participation du Bureau du surintendant des institutions financières et de la Banque du Canada pour approfondir notre compréhension des risques occasionnés par les changements climatiques. Grâce à leur démarche novatrice d’analyse de scénarios qu’ils ont menée l’an dernier, nous avons maintenant une meilleure idée des risques qui planent sur le système financier en raison du climat.
Cette démarche du Bureau et de la Banque du Canada a permis de conclure, et je cite, que : « des politiques climatiques différées amplifient, globalement, les incidences économiques et les risques pour la stabilité financière. » Les éléments de preuve n’ont jamais été aussi convaincants – et c’est pourquoi il faut agir sans tarder.
Quand je pense à l’avenir de mes enfants, je m’inquiète parfois que, face à la multiplication des mauvaises nouvelles, des prévisions funestes et des perturbations climatiques extrêmes, les gens en viennent à se replier dans l’indifférence, à baisser les bras ou à se défiler.
C’est pourquoi je tiens fortement à souligner l’immense potentiel des énergies propres.
Chaque région du pays a son rôle à jouer, chaque secteur.
Mais il ne faut surtout pas non plus prendre à la légère l’ampleur du défi à relever. Le Canada figure parmi les principaux pays producteurs de pétrole et de gaz du monde.
Mais les sociétés pétrolières et gazières se sont elles-mêmes engagées à atteindre la carboneutralité.
Le plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier, en cours de préparation, vise à créer des règles du jeu équitables pour favoriser les réinvestissements nécessaires à la concrétisation de cet objectif.
Il en va aussi de l’avenir de nos travailleurs.
Le succès de nos travailleurs est à la base du succès de nos entreprises.
Et le Canada dispose encore une fois d’une longueur d’avance grâce à sa main-d’œuvre hautement qualifiée.
Le Canada peut y arriver. Investir dans une économie propre, c’est ouvrir un vaste et nouveau monde de possibilités sans précédent, qui mobilisera forcément un engagement sans précédent en faveur de l’innovation.
À titre de gouvernement, notre action exige une réflexion très attentive et repose sur l’envoi de signaux bien clairs qui orienteront les décisions à long terme qui seront prises sur les marchés.
Il en va de même pour ce qui est d’orienter les grandes décisions des ménages lorsque vient le temps d’acheter une voiture ou un système de chauffage.
Notre action est particulièrement importante dans le cas des grands projets d’investissement qui peuvent immobiliser des capitaux durant des décennies.
La balle est dans notre camp. Le Canada a tout ce qu’il faut pour la saisir au bond et bien se positionner sur les marchés. Il doit le faire.
Et je tiens à le rappeler. Qui dit changements climatiques, dit occasions d’affaires. C’est la ligne de pensée que nous suivons.
Merci.
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