Préserver les forêts caroliniennes de l'Ontario : préserver les espèces d'oiseaux chanteurs en péril : chapitre 2


Gros plan sur les oiseaux chanteurs des forêts caroliniennes

Les cinq espèces d'oiseaux chanteurs sont considérées comme étant sensibles à la superficie, c'est-à-dire qu'on peut davantage les trouver dans de grandes forêts matures (où la densité d'arbres adultes est importante) au cours de la période de reproduction. Avant la colonisation des Européens, la forêt était la couverture terrestre la plus importante dans le sud de l'Ontario. On pense qu'une grande partie était des forêts matures (ministère des Richesses naturelles de l'Ontario, 2011). Aujourd'hui, dans la zone carolinienne de l'Ontario, le couvert forestier représente entre 5 et 25 % du couvert d'origine; l'habitat des forêts matures tout comme les conditions de croissance antérieures ont diminué en ce qui a trait au peuplement forestier et à la disponibilité générale.

Ces cinq espèces sont des spécialistes en habitat : elles ont besoin de microhabitats offrant certaines caractéristiques. Quatre d'entre elles sont des espèces en péril inscrites dans la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition, par le gouvernement provincial et dans la Loi sur les espèces en péril par le gouvernement fédéralFootnote1.

Le Moucherolle vert (espèce en voie de disparition en vertu de la Loi sur les espèces en voie de disparition et de la Loi sur les espèces en péril) est un oiseau de couleur vert olive dont les yeux sont entourés d'une fine ligne blanche et dont les ailes sont rayées par deux lignes blanches. Il construit son nid sous les couverts végétaux fermés composés de grands arbres, dans des terrains boisés sombres abritant des arbres mûrs, souvent le long de ravins aux pentes raides. On peut entendre ce petit oiseau au chant bruyant, qui ressemble à « PIT-sa », dans les coins ombragés le long des ruisseaux et des marécages. Les nids sont habituellement construits à une hauteur se situant entre 3 et 9 mètres, au-dessus d'aires ouvertes et vides telles que les cours d'eau et les flaques d'eau. Ils sont habituellement suspendus sur les branches horizontales des hêtres à grandes feuilles, des pruches de l'Ouest et des cornouillers fleuris. On peut les repérer grâce aux longs brins d'herbe et aux longues tiges faites d'autres matières qui dépassent. Bien que la population au Canada semble être relativement stable, on ne compte qu'environ 35 à 50 couples chaque année qui occupent moins de 50 sites. Le Moucherolle vert est répandu dans bon nombre de forêts de grande taille dans l'est et le sud-est des États-Unis, même si la population sur le continent a connu un déclin au cours des dernières décennies.

La Paruline azurée (espèce préoccupante en vertu de la Loi sur les espèces en péril et espèce menacée en vertu de la Loi sur les espèces en voie de disparition) se reconnaît grâce à sa couleur bleu ciel (mâle) ou bleu vert (femelle) sur la tête, le dos et la queue. Le mâle et la femelle ont deux lignes blanches sur les ailes ainsi que des taches blanches sur la queue. L'espèce préfère les forêts matures composées d'arbres à feuilles caduques avec un sous-bois dégagé. Le mâle entonne un chant bourdonnant du haut du couvert végétal. Son nid de petite taille, tout propre et en forme de tasse se trouve habituellement près de l'eau sur de hautes branches horizontales d'arbres à feuilles caduques. L'espèce a connu un déclin général dans la majorité de son aire de répartition d'Amérique du Nord. La population au Canada est estimée à environ 500 couples reproducteurs, que l'on trouve principalement dans deux régions de l'Ontario : la forêt carolinienne et la forêt qui se trouve entre les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent. Les déclins de la population sont plus importants dans la zone carolinienne.

La Paruline à capuchon (espèce menacée en vertu de la Loi sur les espèces en péril) se reconnaît facilement grâce à sa tête et à son dessous jaune vif. Les mâles ont un capuchon noir tandis que les femelles peuvent avoir le capuchon complet ou ne pas en avoir du tout. Le chant bruyant ressemble à un « wita wita witi o ». Le nid, que l'on pourrait décrire comme étant un gros tas de feuilles mortes, est construit dans un sous-bois peu élevé et arbustif que l'on trouve dans de petites ouvertures créées par les chablis ou l'exploitation forestière sélective de forêts d'arbres secs et mûrs. L'espèce préfère nicher près du sol, souvent dans les taillis de framboisiers sauvages (Rubus idaeus) et de framboisiers noirs (Rubus occidentalis). Bien que l'on observe une augmentation de la population au Canada, il y a à peine plus de 400 couples reproducteurs (soit environ 1 000 à 2 000 adultes) que l'on croit présents en Ontario chaque année. La Paruline à capuchon est répandue dans les régions de l'est et du sud-est des États-Unis où les forêts sont très présentes. Toutefois, elle est considérée comme étant une espèce en péril dans de nombreux États : Delaware, Indiana, Iowa, Kansas, Michigan, Minnesota, Missouri, New Jersey, Oklahoma, Rhode Island et Wisconsin en raison de la perte de l'habitat et de sa dégradation.

La Paruline hochequeue (espèce préoccupante en vertu de la Loi sur les espèces en voie de disparition et de la Loi sur les espèces en péril) est d'un brun plus ou moins uni, avec des rayures foncées sur le dessous et les flancs qui, eux, sont de couleur blanche. On peut les différencier de leur cousin, la Paruline des ruisseaux, grâce au trait blanc qui ressemble à un sourcil. L'espèce vit dans un habitat tout particulier : les embouchures de ruisseau à pentes raides en parfait état et les marécages contigus des grandes forêts matures. Son chant se compose de sifflements puissants qui faiblissent, suivis d'une série complexe d'autres sifflements. Elle passe le plus clair de son temps sur le sol ou près du sol, où elle recherche sa nourriture dans les ruisseaux et les flaques d'eau. Elle niche au milieu de racines d'arbres déracinés, dans les grumes qui se trouvent sur le sol ou bien en dessous ou encore dans des enfoncements le long des berges de ruisseaux. Les nids sont généralement bien cachés grâce aux racines et à la végétation en suspension. En Ontario, la population (estimée à moins de 200 couples) dans les endroits où des relevés ont été effectués est restée relativement au même niveau au cours des deux dernières décennies. Bien qu'elle soit assez répandue dans certaines régions de l'est des États-Unis, c'est une espèce en péril dans quelques États voisins du Canada ainsi qu'au Québec. Au Canada, la situation de l'espèce est menacée par la perte et la dégradation de terrains boisés ainsi que par des activités telles que la circulation hors sentier de véhicules (traversée de rivières et de ruisseaux) qui peuvent souiller l'eau. La circulation hors sentier de véhicules augmente l'envasement des ruisseaux, transforme la communauté des invertébrés aquatiques et peut réduire les réserves de nourriture pour les adultes et les oisillons.

La Paruline orangée (espèce en voie de disparition en vertu de la Loi sur les espèces en voie de disparition et de la Loi sur les espèces en péril) a une tête et un dessous d'une magnifique couleur jaune doré, son dos est de couleur vert olive, alors que sa queue et ses ailes sont gris bleu. On peut entendre le sifflement puissant « tsouit-tsouit-tsouit-tsouit-tsouit » dans les marécages d'arbres à feuilles caduques mûrs et presque mûrs ainsi que dans les plaines inondables riveraines ayant des flaques d'eau en permanence ou régulièrement. Elle niche dans les cavités naturelles ou les niches faites par les humains se trouvant habituellement à près de deux mètres de haut au-dessus d'eaux calmes ou dont le courant est faible. Les populations au Canada et dans le continent nord-américain ont considérablement décliné au cours des dernières décennies. L'Ontario abrite actuellement 10 couples, ce qui représente une baisse par rapport aux 40 couples présents au milieu des années 1980. Même si l'espèce est en sécurité dans bon nombre d'États, elle est considérée comme étant une espèce en péril dans tous les États qui se trouvent en bordure de l'aire de répartition au Canada (New York, Pennsylvanie, Ohio et Michigan).

La protection des populations des cinq espèces au Canada dépend de la préservation des forêts caroliniennes qui restent en Ontario. On s'attend à ce que la préservation des forêts caroliniennes de l'Ontario profite également à d'autres espèces aviaires forestières, notamment des espèces plus répandues telles que la Grive des bois (Hylocichla mustelina), la Paruline couronnée (Seiurus aurocapillus) et le Grand Pic (Dryocopus pileatus). Afin de protéger et d'améliorer l'habitat de ces oiseaux chanteurs, il faut que certaines personnes déploient des efforts concertés ‎: les propriétaires fonciers, les gestionnaires des terres, les forestiers, les biologistes, les planificateurs, les municipalités, les groupes de rétablissement de l'habitat et les groupes de conservation communautaires.

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