Stratégie de conservation des oiseaux de la région 5 : forêt pluviale du Nord du Pacifique : chapitre 4


Sommaire

La Forêt pluviale du Nord du Pacifique, soit la région de conservation des oiseaux 5, s’étend de l’ouest du golfe d’Alaska jusqu’au sud de la Colombie-Britannique, ainsi que dans l’État de Washington, en Oregon et dans le nord de la Californie. Au Canada, la partie terrestre de la région de conservation des oiseaux 5 a une superficie d’environ 205 000 km² et s’étend de la côte de la Colombie-Britannique jusque dans la chaîne Côtière et comprend aussi l’île de Vancouver et l’archipel Haida Gwaii. Elle s’étend aussi vers le nord à l’intérieur de l’enclave alaskienne et comprend une petite partie de l’extrême sud-ouest du Yukon. La région de conservation des oiseaux 5 comprend également une partie de la mer, vers l’ouest à partir de la côte jusqu’à la limite de 200 milles marins de la zone économique exclusive du Canada. Cette région est dominée par une topographie montagneuse comportant un grand nombre de fjords et de vallées glaciaires. Les eaux côtières sont libres de glace et sont associées à un plateau et à un talus littoraux étroits. La région présente l’un des climats les plus humides en Amérique du Nord, la côte nord recevant jusqu’à 5 000 mm de pluie par année. L’influence de l’océan fait en sorte que les températures sont généralement douces.

La stratégie relative à la conservation de la région de conservation des oiseaux 5 dans la région du Pacifique et du Yukon (RPY) s'appuie sur les stratégies de conservation d’oiseaux existantes et complète celles créées pour les autres régions de conservation des oiseaux dans tout le Canada. Les stratégies de conservation utilisées dans les régions serviront de cadre pour mettre en œuvre la conservation des oiseaux à l'échelle nationale, ainsi qu’à déterminer les problèmes de conservation associés aux oiseaux prioritaires au Canada. Cette stratégie ne se veut pas très normative, mais vise plutôt à guider les efforts futurs de mise en œuvre par les divers partenaires et intervenants.

La combinaison du doux climat côtier et de l'océan Pacifique permet de créer des habitats d'oiseaux importants propres à cette région de conservation des oiseaux. Bien qu’ils ne forment qu’une fraction infime du littoral, les estuaires constituent des habitats cruciaux pour diverses espèces de sauvagines, d’oiseaux marins et d’oiseaux de rivage. La région de conservation des oiseaux 5 est également une grande aire de migration et d’hivernage pour les oiseaux au Canada. Les terres humides du delta et de l’estuaire du fleuve Fraser représentent l’habitat d’hivernage la plus importante des oiseaux aquatiques en Colombie-Britannique. Le delta sert également de région migratoire pour des millions d’oiseaux de rivage et la plus grande population hivernante d’oiseaux de proie au Canada. L'importance de l’estuaire du fleuve Fraser est largement reconnue, à la fois à titre de site essentiel à l'échelle continentale dans le cadre du Réseau de réserves pour les oiseaux de rivage de l'hémisphère occidental, de site Ramsar et de zone importante pour la conservation des oiseaux.

On compte 293 espèces aviaires qui se reproduisent, hivernent ou migrent régulièrement dans la portion canadienne de la région de conservation des oiseaux 5Note de bas de page 1. Par ailleurs, 139 de ces espèces ont été désignées comme espèces prioritaires. Tous les groupes d'oiseaux figurent sur la liste des espèces prioritaires, même si la liste comprend en majorité des oiseaux terrestres (41 % du total de la liste) et des oiseaux aquatiques (27 %). Plus de la moitié des espèces d’oiseaux aquatiques (56 %) et de sauvagines (62 %) présentes dans la région de conservation des oiseaux 5 ont été désignées comme des espèces prioritaires, comparativement à 39 % seulement dans le cas des oiseaux terrestres. Parmi les espèces prioritaires, 46 % sont considérées comme étant en péril, soit à l’échelle fédérale, soit à l’échelle provinciale.

La détermination des besoins généraux en matière d’habitat de chaque espèce prioritaire au sein de la région de conservation des oiseaux a permis de regrouper les espèces qui, sur le plan de l’habitat, présentent les mêmes problèmes de conservation ou nécessitent les mêmes mesures. Les types d'habitats côtiers (y compris les estuaires, les littoraux rocheux, les vasières, les plages et les dunes) et les plans d’eau (tant l’eau de mer que l'eau douce) sont importants pour une vaste gamme de sauvagines, d’oiseaux de rivage, d’oiseaux de mer, et même de certains oiseaux terrestres. Les habitats forestiers dans l'ensemble de la région de conservation des oiseaux, surtout les types d’habitats formés de conifères anciens et matures, sont particulièrement importants pour un vaste ensemble d'oiseaux terrestres prioritaires. Les habitats herbacés sont également importants pour ce groupe d’oiseaux, plus précisément l'écosystème du chêne de Garry menacé ainsi que les habitats non boisés situés dans le Lower Mainland et dans le sud-est de l'île de Vancouver.

Les objectifs de population pour cette stratégie reposent sur une évaluation quantitative ou qualitative des tendances associées aux différentes populations d’espèces. Si la tendance de la population d’une espèce est inconnue, on fixe habituellement comme objectif d’« évaluer et maintenir » cette population. Plus de 63 % des espèces prioritaires, composées de représentants provenant de tous les groupes piliers (les oiseaux terrestre, les oiseaux de rivage, les oiseaux aquatique, et les sauvagines) se sont vu attribuer un objectif visant à « évaluer la situation de la population », et ce, tout en « maintenant » entre-temps les niveaux actuels. Pour 6 % des espèces, on a jugé que l'objectif lié aux niveaux de population avait été atteint ou presque atteint. Pour 5 % et 9 % des espèces, on a fixé respectivement les objectifs d’augmenter leur population de 50 % et de la doubler. Pour une petite proportion d'espèces (6 %), toutes inscrites sur la liste de la Loi sur les espèces en péril, on a utilisé les objectifs de population fixés dans les programmes de rétablissement.

Une évaluation des menaces a permis de désigner un certain nombre de problèmes liés à la conservation auxquels font face les espèces prioritaires dans les divers habitats de la région de conservation des oiseaux 5 du Pacifique et du Yukon. Le développement résidentiel et commercial a été reconnu comme une menace très élevée dans la plupart des types d'habitats terrestres pour de nombreuses espèces prioritaires (y compris les échassiers comme le Grand héron, de nombreux oiseaux de rivage, et plusieurs espèces d'oiseaux de proie, incluant les hiboux). Cette constatation est probablement encore plus vraie dans les parties méridionales de la région de conservation des oiseaux, comme le Lower Mainland et le sud-est de l'île de Vancouver. L'exploitation forestière et la récolte du bois ont été identifiées comme des menaces « très élevées » dans tous les habitats forestiers pour de nombreuses espèces prioritaires (p. ex. la Petite Nyctale, le Guillemot marbré, la Mésange à dos marron, l’Arlequin plongeur). Les populations d’espèces envahissantes non indigènes ont également émergé comme une menace « très élevée », en particulier dans les habitats côtiers. Un grand nombre de ces oiseaux marins nichant en colonies sont des proies pour les prédateurs mammifères introduits (rats, ratons laveurs, visons) sur des îles situées au large. On a également déterminé que les changements climatiques constituent une menace « très élevée ». Encore une fois, la liste des espèces touchées est dominée par les oiseaux de mer, comme le Puffin à pieds roses et le Starique de Cassin, puisque la hausse des températures de la surface de la mer est considérée comme étant liée à la réduction de la productivité marine. Les changements climatiques peuvent se manifester par une élévation du niveau de la mer qui pourrait éliminer ou gravement réduire l’étendue de certains des habitats côtiers (p. ex. celui des vasières), lesquels sont les principaux sites d’alimentation de halte migratoire pour des espèces d'oiseaux de rivage comme le Bécasseau d’Alaska, le Bécasseau variable et le Bécasseau maubèche. Enfin, la pollution par les hydrocarbures est apparue comme un haut niveau de menace pour un grand nombre d'oiseaux marins et d’oiseaux aquatiques (p. ex. l'Albatros à pieds noirs, le Guillemot marmette, le Cormoran pélagique) qui dépendent des eaux marines côtières et du large dans l’ensemble de la région de conservation des oiseaux.

Les objectifs de conservation ont été définis pour faire face aux menaces et aux lacunes en matière de renseignements qui ont été déterminées pour les espèces prioritaires. Ils décrivent les conditions environnementales ainsi que les activités de recherche et de surveillance qui sont jugées nécessaires en vue d’atteindre les objectifs de population et de comprendre les problèmes sous-jacents relatifs à la conservation des espèces d’oiseaux prioritaires. La majorité des objectifs de conservation applicables à la région de conservation des oiseaux 5 consistent à maintenir ou à accroître la qualité et la quantité des habitats, ainsi qu’à réduire la mortalité ou à accroître la productivité. Pour assurer des habitats adéquats, il faut maintenir toute la gamme d’habitats naturels, protéger la qualité des habitats existants et préserver les caractéristiques importantes du paysage (p. ex. chicots morts laissés sur pied pour les oiseaux qui nichent dans les cavités). Pour réduire la mortalité, il faut s’attaquer aux divers facteurs qui provoquent la mort accidentelle des oiseaux, y compris les prises accidentelles dans les pêches commerciales, l’ingestion de plastique ou de grenailles de plomb, l’exposition aux hydrocarbures, les collisions avec les structures artificielles, la destruction des nids et l’empoisonnement aux pesticides.

Les mesures de conservation proposent des activités sur le terrain qui aideront à atteindre les objectifs de conservation. Ces mesures sont généralement établies d’un point de vue stratégique, au lieu d’être hautement détaillées et normatives. Dans la mesure du possible, les mesures recommandées ont été élaborées pour profiter à de multiples espèces ou pour lutter contre plus d’une menace. En raison de l’importance qu’on donne dans la région de conservation des oiseaux 5 aux objectifs de conservation ayant trait au maintien et à l'amélioration de l'habitat, il n'est pas surprenant que la préservation et la protection des habitats émergent comme étant un thème clé dans cette région. Les mesures liées à l'élaboration de meilleures pratiques de gestion ou autres codes de pratique volontaires du secteur privé sont souvent similaires, en partie parce que les mesures de protection et de gestion de site ont souvent des aspects liés à l'élaboration de pratiques bénéfiques volontaires. Un autre grand ensemble de mesures recommandées sont liées aux politiques et aux pratiques entourant les prises accessoires d’oiseaux de mer. Une proportion importante des mesures touchant la surveillance et la recherche, ce qui révèle l’existence de lacunes en matière de connaissances pour des espèces particulières (liées à une menace précise ou à l'état actuel de la population); pour combler ces lacunes, il faut obtenir de l’information additionnelle afin de pouvoir formuler des mesures de conservation efficaces.

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