Résumé de l'ébauche du rapport de suivi en matière d'environnement (2004)
Paraffines chlorées
Synopsis
Les paraffines chlorées (PC) sont des dérivés chlorés de n-alcanes dont la chaîne carbonée contient de 10 à 38 atomes de carbone et dont la teneur massique en chlore varie de 30 à 70 p. 100. Les PC, qui comprennent les paraffines chlorées à chaîne courte (PCCC) (PC possédant de 10 à 13 atomes de carbone), les paraffines chlorées à chaîne moyenne (PCCM) (PC possédant de 14 à 17 atomes de carbone) et les paraffines chlorées à chaîne longue (PCCL) (PC possédant 18 atomes de carbone ou plus).
Les PC étaient inscrites sur la première Liste des substances d’intérêt prioritaire (LSIP1) et ont fait l’objet d’une évaluation afin d’en déterminer le caractère « toxique » au sens de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1988 (LCPE 1988). L’évaluation faite à ce moment, en vertu de la LSIP1, a permis de conclure que les PCCC étaient « toxiques » au sens de l’alinéa 11c) de la LCPE 1988 parce qu’elles constituent ou pourraient constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines, mais les renseignements disponibles ne permettaient pas de conclure que les PCCC, PCCM, ou PCCL pouvaient avoir des effets nuisibles immédiats ou à long terme pour l’environnement au sens de l’alinéa 11a) ou que les PCCM ou PCCL pouvaient être considérées « toxiques » au sens de l’alinéa 11c).
Une version révisée de la LCPE, soit la LCPE (1999), a été adoptée après la publication, en 1993, de l’évaluation faite en vertu de la LSIP1. À l’alinéa 64a) de la LCPE (1999), la définition du terme « toxique » est semblable à celle qu’en donne l’alinéa 11a) de la version originale de la LCPE, c’est-à-dire avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement. Toutefois, dans la LCPE (1999), l’alinéa 64a) a été élargi de façon à inclure les effets sur la biodiversité. D’autres études portant sur l’évaluation des incidences sur l’environnement de ces substances ont été conçues et financées. Les publications plus récentes ont aussi été examinées pour l’obtention de nouvelles données sur les concentrations des PC dans l’environnement et de renseignements sur les effets sur les organismes découlant de l’exposition à ces composés.
Le volume total annuel des PC déclaré au Canada (production + importation – exportation) s’élevait à quelque 3 000 tonnes en 2000 et 2001. La grande majorité de ce volume était accaparée par les PCCM, les PCCC et les PCCL ne représentant que des fractions mineures. Au Canada, les PC sont surtout utilisées dans les plastiques, comme additifs de lubrifiants et pour le travail des métaux. Il n’y a qu’une seule installation de fabrication de PC au Canada où ne sont produites que des PCCM et des PCCL. La production déclarée de cette installation a atteint 8,5 kilotonnes en l’an 2000.
Les principales sources de rejet de PC dans l’environnement canadien sont sans doute connexes à la formulation et à la fabrication de produits contenant des PC, comme les plastiques au chlorure de polyvinyle (PVC), et à leur utilisation dans les fluides de travail des métaux. Les sources possibles de rejet dans l’eau à partir des activités de production sont les déversements, le lavage des installations et le ruissellement des eaux pluviales. Les PC présentes dans les fluides de travail ou de coupe des métaux peuvent être rejetées dans l’environnement aquatique par l’évacuation de barils, l’entraînement de produits et l’utilisation de bains épuisés. Ces rejets sont recueillis par les réseaux d’égouts et se retrouvent dans les effluents des usines de traitement des eaux usées. On ne connaît pas de sources naturelles de PC. Une fois dans l’environnement, les PC ont surtout tendance à se fixer sur les sédiments et le sol.
Aux fins de la présente évaluation, les PCCL ont été divisées en deux groupes : 1) les PCCL liquides C18–20 et C>20 (les PCCL liquides) et 2) les PCCL solides C>20. Cette répartition est fondée sur l’écart de leurs propriétés physiques et chimiques qui s’explique par la teneur en chlore beaucoup plus élevée des PCCL solides C>20 par rapport aux PCCL liquides.
Au Canada, des PCCC ont été décelées dans des échantillons prélevés dans l’atmosphère de l’Arctique, des sédiments de lacs en zones nordiques éloignées, des effluents d’usines de traitement des eaux usées du sud de l’Ontario, l’eau de surface, des sédiments et des poissons du lac Ontario et chez des mammifères marins de l’Arctique canadien et du fleuve Saint-Laurent. Des PCCM ont été décelées dans les effluents d’une usine de fabrication de PC voisine de Cornwall (Ontario) et des sédiments à proximité de cette usine, dans des poissons du lac Ontario et chez des bélugas du fleuve Saint-Laurent. Ailleurs dans le monde, elles ont été trouvées dans des boues d’épuration, des eaux de surface à proximité d’une usine de fabrication de PC, ainsi que dans des sédiments, des poissons, des invertébrés aquatiques et des vers de terre. Les concentrations maximales canadiennes de PCCC et de PCCM ont été notées dans le biote aquatique et des sédiments du fleuve Saint-Laurent ainsi que dans des sédiments et des poissons du sud-ouest de l’Ontario. Il n’existe pas de données sur les concentrations de PCCL dans l’environnement canadien. Ces substances ont été décelées en milieu marin dans des sédiments, des crabes et des moules à proximité d’une usine de fabrication de PC située en Australie.
La demi-vie dans l’atmosphère de nombreuses PC est estimée à plus de deux jours. Des PCCC ont été décelées dans le biote et des sédiments de lacs de l’Arctique, où il n’y a pas de sources appréciables de ces substances, et cela porte à croire à un transport atmosphérique à grande distance. Des résidus de PCCC et de PCCM ont été trouvés dans des sédiments vieux de plus de 25 ans de lacs canadiens de sorte que leur demi-vie dans les sédiments devrait être supérieure à un an. Il n’existe pas de données sur la présence de PCCL dans les sédiments des lacs au Canada, mais leurs propriétés physiques et chimiques, semblables à celles des PCCM, font que les PCCL devraient être persistantes dans les sédiments. Il est donc conclu que les PCCC, les PCCM et les PCCL sont persistantes au sens du Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE 1999.
Les facteurs de bioaccumulation (FBAC) de 16 440 à 25 650 en masse humide (m.h.) déterminés pour des truites du lac Ontario montrent que les PCCC font l’objet d’une importante bioaccumulation dans le biote aquatique au Canada. Cette constatation est appuyée par les facteurs de bioconcentration (FBCO) très élevés mesurés dans des moules (5 785 à 138 000 m.h.). Il a été trouvé, en dépit de l’absence d’études de laboratoire valables des FBCO et des FBAC, que les PCCM et les PCCL liquides présentaient un potentiel appréciable de bioaccumulation dans les réseaux alimentaires aquatiques car les FBAC des PCCM estimés sur le terrain pour des poissons du lac Ontario se situent dans la gamme de 7,77 × 105 à 5,45 × 106 m.h.
En outre, il a été trouvé, au cours d’études du réseau alimentaire du lac Ontario et d’études en laboratoire portant sur la truite arc-en-ciel et des oligochètes, que les PCCM présentaient des facteurs de bioamplification (FBAM) supérieurs à 1. Des études en laboratoire ont montré que le FBAM de la PCCL C18H30Cl7 était supérieur à 1 chez la truite arc-en-ciel et que sa demi-vie était semblable à celle de composés récalcitrants reconnus pour leur accumulation dans les organismes et leur amplification au sein de chaînes alimentaires.. En outre, les coefficients de partage octanol-eau (log KOE) des PCCM et des PCCL sont supérieurs à 7, des concentrations élevées de PCCM ont été mesurées dans le biote aquatique de l’estuaire du Saint-Laurent, des État-Unis et de l’Australie, et des concentrations élevées de PCCL ont été décelées dans des organismes benthiques marins en Australie. Il est donc conclu, sur la base de ces données et sur les similitudes des propriétés physiques et chimiques de toutes les PC, que les PCCC, les PCCM et les PCCL liquides satisfont aux critères de la bioaccumulation définis dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE 1999.
En l’absence de données pertinentes sur l’exposition environnementale au Canada, des données sur les concentrations déterminées ailleurs dans le monde ont été utilisées pour le calcul des quotients de risque. Les quotients de risque prudents montrent que les PCCC, les PCCM et les PCCL liquides pourraient être nocives pour des organismes pélagiques et des organismes du sol, que les PCCC et les PCCM pourraient être nocives pour des organismes benthiques et que les PCCC pourraient être nocives pour des animaux piscivores par l’entremise de la chaîne alimentaire. Il apparaît, sur la base des données limitées sur la toxicité disponibles et sur celle des données sur l’exposition environnementale aux PCCL liquides C>20, que les PCCL solides présentent une faible possibilité d’être nocifs pour la faune canadienne par l’entremise de la chaîne alimentaire. On ne disposait cependant d’aucune étude de la toxicité des PCCL solides C>20 pour les daphnidés, qui se sont avérés être les organismes les plus sensibles aux PCCC, aux PCCM et aux PCCL liquides.
Comme il a été trouvé que les PC sont persistantes dans l’environnement et qu’elles peuvent être bioaccumulables, les évaluations des risques de ces composés ont été faites de façon plus prudente que celles des composés ne satisfaisant pas aux critères définis dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE 1999. Les substances persistantes et bioaccumulables sont source de préoccupations particulières. Les substances persistantes peuvent demeurer longtemps dans l’environnement, ce qui accroît la probabilité et la durée de l’exposition. Le transport atmosphérique à grande distance des substances persistantes peut donner lieu à une contamination faible mais généralisée. Les substances bioaccumulables peuvent être bioamplifiées de sorte que des rejets en concentrations extrêmement faibles de substances persistantes et bioaccumulables peuvent, par eux-mêmes ou en combinaison avec d’autres substances, être la cause d’effets nocifs graves.
Il est proposé, sur la base des renseignements disponibles, que les PCCC, les PCCM et les PCCL liquides C18-20 et C>20 pénètrent dans l’environnement dans des quantités ou des concentrations ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sa diversité biologique. Les PCCC, les PCCM et les PCCL liquides C18–20 et C>20 sont persistantes, bioaccumulables et surtout d’origine anthropique et il est donc proposé de les déclarer « toxiques » au sens de l’article 64 de la LCPE (1999). Elles satisfont aussi aux critères des substances de la Voie 1 de la Politique de gestion des substances toxiques du gouvernement du Canada et sont donc des candidates pour la quasi-élimination.
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