Évaluation de la protection : individus et de l’habitat essentiel de caribou boréal en Ontario
Titre officiel : Évaluation de la protection des individus et de l’habitat essentiel de caribou boréal en Ontario
Le 1er février 2023
Introduction
La présente évaluation passe en revue les principaux outils juridiques du gouvernement de l’Ontario et présente les conclusions d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) à savoir si ces lois sont généralement conformes aux dispositions de la Loi sur les espèces en péril (LEP) du gouvernement fédéral qui protègent les caribous boréaux et leur habitat essentiel telles qu’elles sont décrites dans le programme fédéral de rétablissement de l’espèce (2020), en faisant référence à la proposition de Politique sur la protection de l’habitat essentiel sur le territoire non domanial (2016). Les lois adoptées par les gouvernements autochtones en vertu de traités modernes ne sont pas incluses dans cette évaluation, car il n’y a pas de traités modernes en Ontario.
1 Protection de l’habitat essentiel sur le territoire non domanial
Sur le territoire non domanial, les lois provinciales suivantes peuvent assurer une certaine protection de l’habitat essentiel du caribou boréal en interdisant ou en limitant les activités susceptibles d’entraîner sa destruction :
- Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition (LEVD)
- Loi de 1994 sur la durabilité des forêts de la Couronne (LDFC)
- Loi de 2006 sur les parcs provinciaux et les réserves de conservation, 2006 (LPPRC)
- Loi sur le Grand Nord (LGN)
- Loi sur les terres publiques (LTP)
- Loi sur les évaluations environnementales (LEE)
Les sections 1.1 à 1.6 fournissent de l’information sur chacune de ces lois. L’Ontario a produit une série de documents à l’appui de la conservation de l’habitat du caribou boréal, notamment le Plan de protection du caribou des bois (2009), qui prévoit une approche de rétablissement du caribou axée sur la gestion de son aire de répartition (appelée « aire de distribution » dans certains documents de l’Ontario), et la Politique de gestion des aires de distribution pour favoriser la conservation et le rétablissement du caribou des forêts (2014), qui décrit l’approche de gestion de l’aire de répartition de la province. Ces documents stratégiques sont essentiels pour comprendre l’approche de l’Ontario en matière de protection de l’espèce.
L’Ontario considère que la mise en œuvre de son approche de gestion des aires de répartition constitue des plans pour les 14 aires de répartitionNote de bas de page 1 du caribou boréal en Ontario, à l’exception de l’aire de répartition côtière du lac Supérieur (ON06). La Politique de gestion des aires de distribution a pour objectif de « maintenir l’étendue actuelle des zones de répartition continue du caribou dans toutes les aires de distribution en Ontario », la conservation du caribou étant réalisée lorsque l’état des aires de répartition est considéré comme suffisant pour soutenir le caribou. La Politique de gestion des aires de distribution repose sur une approche de gestion adaptative. Elle oriente la mise en œuvre des dispositions de protection du caribou et de son habitat d’une manière conforme à la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition (LEVD, décrite à la section 1.1). Elle fournit une orientation sur l’intégration de l’état des aires de répartition (probabilité qu’une aire de répartition soutienne le caribou, d’après de multiples sources de données évaluées dans le cadre d’une évaluation intégrée de l’aire de répartition) à l’examen et à l’évaluation des activités dans le contexte de la protection de l’espèce et de son habitat au titre de la LEVD, qui éclaire la planification et la prise de décisions (p. ex. la détermination de la nécessité ou non d’une autorisation en vertu de la LEVD). La Politique décrit également trois principes à mettre en œuvre pour la planification et la prise de décisions.
- Principe 1. Les aires de distribution seront gérées pour que la perturbation cumulative demeure ou se dirige vers un niveau qui soutient une population autosuffisante de caribous.
- Principe 2. L’abondance et la disposition de l’habitat à l’intérieur d’une aire de distribution seront gérées de façon conforme au niveau qui est le plus probable dans un paysage naturel.
- Principe 3. La composition, la forme et la structure de la forêt seront gérées de façon à promouvoir le maintien de la fonction écologique des caractéristiques sous-jacentes de l’habitat du caribou dans le contexte d’état de l’aire de distribution.
En ce qui concerne le principe 1, en 2017, les représentants de l’Ontario ont indiqué verbalement que la Province utilisait le seuil de 65 % d’habitat non perturbé établi par ECCC pour évaluer si la perturbation cumulative est à un niveau qui soutient des populations autosuffisantes. En 2022, ils ont déclaré lors d’une présentation aux partenaires, aux parties prenantes et aux communautés autochtones que la Politique de gestion des aires de distribution de la LEVD visait un pourcentage de superficie non perturbée supérieur à 65 % dans chaque aire de répartition. Toutefois, l’utilisation de cet objectif par l’Ontario pourrait changer si l’on obtenait des données supplémentaires justifiant l’utilisation d’un autre seuil. Néanmoins, la Politique vise à maintenir ou à tendre vers un état de l’aire de répartition suffisant pour soutenir des populations de caribous autosuffisantes.
La Politique de gestion des aires de distribution oriente la planification et la prise de décisions concernant toutes les aires de répartition, à l’exception de l’aire de répartition côtière du lac Supérieur. À ce jour, l’Ontario n’a pas défini d’approche détaillée de gestion de cette aire de répartition côtière, mais il a établi l’orientation générale pour cette aire dans le Plan de protection du caribou des bois : « La gestion et la pérennité de la population située aux abords du lac Supérieur seront assurées. La priorité sera accordée à la protection et à la gestion de l’habitat ainsi qu’à la stimulation de la connectivité avec les populations septentrionales de caribous. » Dans l’accord sur la conservation signé en 2022 en vertu des articles 10 et 11 de la LEP, l’Ontario s’est engagé à finaliser l’approche de gestion de l’aire de répartition côtière du lac Supérieur dans un délai de deux ans.
1.1 Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition (LEVD)
La LEVD est la principale loi provinciale de protection des espèces en péril et de leur habitat en Ontario. Elle vise notamment à protéger les espèces en péril et leurs habitats, et à promouvoir le rétablissement de ces espèces. Actuellement appliquée par le ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs, la LEVD est une loi d’application générale (c.‑à‑d. qu’elle s’applique à toutes les terres privées et terres de la Couronne provinciale) qui lie la Couronne provinciale. Voici l’exception la plus notable à cette loi : les opérations forestières réalisées dans les forêts de la Couronne conformément à un plan de gestion forestière approuvé sont exclues de l’application des interdictions de la LEVD aux termes des dispositions de la Loi sur la durabilité des forêts de la Couronne (LDFC).
L’article 10 de la LEVD interdit d’endommager ou de détruire l’habitat des espèces inscrites sur la liste des espèces en voie de disparition ou menacées de cette loi. Le caribou boréal a été inscrit comme espèce menacée à la LEVD à l’entrée en vigueur, et son habitat fait l’objet d’une protection générale au titre de la LEVD depuis juin 2013. L’interdiction s’appuie sur des dispositions en matière d’infractions, d’application et de peines comparables à celles de la LEP.
Comme la LEP, la LEVD prévoit des exceptions à l’application de l’article 10 par la délivrance de permis ou la conclusion d’accords et limite le pouvoir discrétionnaire de délivrer des permis ou de conclure des accords. Selon les articles 16, 17 et 19 de la LEVD, le ministre a le pouvoir discrétionnaire d’autoriser des activités qui seraient autrement interdites par l’article 9 ou 10 en délivrant des permis ou en concluant des accords si certaines conditions sont respectées. Plus précisément, conformément à la LEVD, le ministre peut délivrer un permis ou conclure un accord afin d’aider à la protection ou au rétablissement d’une espèce [article 16, alinéa 7(2)b)], et peut aussi délivrer un permis autorisant les activités nécessaires à la protection de la santé ou de la sécurité des êtres humains [alinéa17(2)a)] (comme dans le cas d’une exception en matière de sécurité et de santé publiques aux termes de la LEP). Les autres types de permis prévus par la LEVD ne peuvent être délivrés que si le ministre est d’avis que l’activité ne mettra pas en danger la survie ou le rétablissement de l’espèce [alinéa 17(2)d), article 9] ou, en outre, qu’elle lui procurera un avantage plus que compensatoire [alinéa17(2)c)]. De manière générale, ces dispositions s’accordent avec une exigence clé (condition préalable) de la LEP, à savoir que l’activité autorisée par le permis ne mettra pas en péril la survie ou le rétablissement de l’espèce (bien qu’il soit important de reconnaître que l’interprétation des termes employés dans les lois provinciale et fédérale peut différer).
Des autorisations d’activités dans l’habitat du caribou boréal sont parfois délivrées, mais chacune de ces activités doit respecter un ensemble de conditions strictes fondées sur une évaluation au cas par cas. Ces conditions comprennent des mesures visant à éviter les dommages ou la destruction, à réduire au minimum les répercussions éventuelles ou, dans certaines situations, à procurer un avantage plus que compensatoire à l’espèce et à son habitat, comme la restauration ou la création d’habitat combinée à des recherches visant à combler les principales lacunes en matière de connaissances sur l’espèce. En pratique, l’Ontario ne considère pas que la recherche seule soit suffisante pour procurer un avantage plus que compensatoire.
Dans le cadre des modifications apportées à la LEVD en 2019, l’article 16.1 a été ajouté pour permettre au ministre de conclure des accords relatifs à un paysage avec des promoteurs proposant d’entreprendre des activités autrement interdites par les articles 9 et 10 de la Loi. Les accords relatifs à un paysage visent à offrir une plus grande souplesse en permettant d’accorder une seule autorisation pour des activités multiples qui touchent plusieurs espèces dans une zone géographique donnée. De plus, il est à noter que le caribou boréal n’est pas l’une des six espèces pour lesquelles les promoteurs ont l’option de verser des frais déterminés par l’Ontario dans un fonds de conservation au lieu de prendre eux-mêmes des mesures bénéfiques aux termes de certaines dispositions d’autorisation de la LEVD (cette option découle de modifications apportées à la LEVD en 2019 et entrées en vigueur le 29 avril 2022).
Des règlements d’application de la LEVD prévoient également des exemptions aux interdictions, à savoir que, dans les circonstances prescrites, une activité qui autrement contreviendrait à l’interdiction peut être menée sans permis ou accord. Dans le cadre de la modernisation des autorisations en Ontario en 2013, le Règlement de l’Ontario 242/08 a été modifié pour inclure certaines exemptions réglementaires prises en vertu du paragraphe 55 (1) de la LEVD, qui permettent la réalisation de certaines activités qui contreviendraient normalement à l’article 9 (ou 10) de la LEVD, sans nécessiter de permis ou d’accord. Le gouvernement de l’Ontario considère que les activités ainsi exemptées présentent peu de risque, et le Règlement prévoit des conditions telles que des limites et des exclusions concernant les activités, des limites de temps, des exclusions géographiques et des exigences propres aux activités (p. ex. atténuation, surveillance et production de rapports).
Les activités préliminaires d’exploration minière visées par ces exemptions concernent de près l’habitat du caribou boréal. Les exemptions visent d’autres activités susceptibles de toucher le caribou boréal : l’exploitation de carrières et de sablières, les activités visant à éviter ou à réduire les menaces pour la santé et la sécurité des êtres humains (non imminentes) et certains projets de développement ou d’infrastructure en cours qui ont été approuvés au plus tard le 30 juin 2015 (transition limitée dans le temps). Ainsi, les exemptions pourraient permettre des activités susceptibles de nuire au caribou boréal, de le harceler, ou de détruire son habitat. Par contre, plusieurs conditions doivent être respectées pour qu’une exemption s’applique dans l’habitat du caribou. Il convient de noter que le paragraphe 57 (1) de la LEVD précise que, avant de prendre un règlement, le ministre étudie la question de savoir si le règlement proposé mettra vraisemblablement en danger la survie de l’espèce en Ontario (conformément à l’une des trois conditions préalables à la délivrance d’un permis de la LEP : que l’activité ne mettra pas en péril la survie ou le rétablissement de l’espèce) ou aura une autre conséquence préjudiciable importante pour l’espèce.
Comme il est mentionné plus haut, les activités forestières sont exclues en permanence des dispositions de protection de la LEVD. La LEVD ne s’applique donc pas aux activités forestières dans les unités de gestion forestière (UGF). Les zones ainsi exclues couvrent environ 27 % de l’aire de répartition totale du caribou boréal en Ontario et comprennent des zones d’habitat essentiel de l’espèce; le pourcentage varie d’environ 47 à 94 % dans chacune des 8 aires de répartition méridionales (toutes les aires sauf celle du Grand Nord reconnue par le gouvernement fédéral). Dans les zones exclues de la LEVD, il est essentiel de tenir compte de la LDFC pour évaluer l’habitat du caribou boréal (voir à la section 1.2 une description de la protection de l’espèce qu’offre la LDFC dans le contexte de l’exploitation forestière).
Le Plan de protection du caribou des bois (2009) de l’Ontario oriente la gestion et le rétablissement du caribou boréal en Ontario. Il vise notamment à maintenir où elles existent des populations locales du caribou boréal qui sont autosuffisantes et génétiquement liées entre elles, conformément à l’objectif du programme de rétablissement fédéral. Le document Description de l’habitat général du caribou des bois de 2013 (DHG) est le document technique qui précise les zones d’habitat protégé de l’espèce d’après la définition générale de l’habitat donnée dans la LEVD. Ces zones concordent avec la délimitation de l’habitat essentiel établie dans le programme de rétablissement fédéral, en ce qui concerne l’échelle de protection de l’habitat (c’est-à-dire l’échelle de l’aire de répartition) et la description des caractéristiques de l’habitat (selon la DHG provinciale) et des caractéristiques biophysiques (selon la description fédérale de l’habitat essentiel). Alors que le programme de rétablissement fédéral établit un seuil minimal de 65 % d’habitat non perturbé pour l’habitat essentiel dans chaque aire de répartition, la DHG ne prévoit pas explicitement un seuil minimal d’habitat non perturbé. Cette différence pourrait mener à la protection de quantités différentes d’habitat dans le cadre des régimes fédéral et provincial (c’est-à-dire plus ou moins de 65 % d’habitat non perturbé par aire de répartition).
La Politique de gestion des aires de distribution établit plusieurs principes pour la planification et la prise de décisions, y compris des directives pour déterminer si une activité modifierait la fonction de l’habitat et contreviendrait aux interdictions de la LEVD. La Politique de gestion des aires de distribution vise à gérer les aires de répartition de façon à ce que les perturbations cumulatives restent ou tendent à un niveau qui soutient des populations autosuffisantes de caribous. Cette orientation politique concorde généralement avec l’objectif qui sous-tend le seuil de perturbation de l’habitat dans le programme de rétablissement fédéral. Un large éventail de facteurs est pris en compte dans l’examen et l’évaluation des activités, notamment l’effet qu’aurait l’activité évaluée sur les perturbations cumulatives et sa localisation par rapport aux caractéristiques de l’habitat dans les sous‑aires de répartition. Selon la Politique de gestion des aires de distribution, les activités proposées qui augmenteraient les perturbations cumulatives seraient plus susceptibles d’être considérées comme des infractions à la LEVD et nécessiteraient un permis ou une autorisation au titre de la LEVD dans les aires de répartition qui comptent déjà au moins 35 % d’habitat perturbé. Néanmoins, la Politique de gestion des aires de distribution n’établit pas de seuil explicite de perturbation à l’échelle d’une aire de répartition. Il s’agit d’un document de politique, et non d’un instrument juridique. Bien que les interdictions prévues à l’article 10 de la LEVD protègent l’habitat du caribou boréal dans toutes les aires de répartition de la province, le fait que la DHG n’exige pas le maintien d’un seuil précis d’habitat non perturbé présente un problème lorsqu’il s’agit de déterminer si les régimes de protection fédéral et provincial sont harmonisés. Les représentants de l’Ontario ont déclaré que la Province visait une superficie de 65 % d’habitat non perturbé dans chaque aire de répartition, mais il est difficile de vérifier dans quelle mesure cette règle est appliquée rigoureusement.
Par exemple, comme l’aire de répartition du Grand Nord est la seule à laquelle l’exclusion des opérations forestières prévue par la LDFC ne s’applique pas, il s’agit de la seule aire de répartition où la LEVD est la principale loi qui régit la gestion du caribou. Couvrant environ 53 % de l’aire de répartition totale du caribou en Ontario, l’aire de répartition du Grand Nord est actuellement constituée de 84 % d’habitat non perturbé, ce qui dépasse le seuil de 65 % établi dans le programme de rétablissement fédéral. Les dispositions et protections de la LEVD qui s’appliquent à cette aire de répartition, y compris les conditions des exemptions, sont semblables à celles de la LEP. Comme la LEVD n’établit pas de seuil d’habitat non perturbé, le Ministère est d’avis que l’habitat essentiel du caribou boréal dans cette aire de répartition n’est que partiellement protégé.
1.2 Loi de 1994 sur la durabilité des forêts de la Couronne (LDFC)
En vertu de la LDFC, le ministre des Richesses naturelles et des Forêts peut désigner la totalité ou une partie d’une forêt de la Couronne comme unité de gestion forestière (UGF) aux fins de la LDFC. Environ 20 UGF constituent collectivement l’« Area of the Undertaking »Note de bas de page 2 (secteur d’exploitation forestière) selon l’ordonnance déclaratoire MNR‑75 rendue en vertu de la LEE et chevauchent toutes les aires de répartition du caribou boréal, à l’exception de l’aire du Grand Nord (ON09). Comme il est indiqué à la section 1.1, ce secteur couvre environ 27 % de l’aire de répartition totale du caribou boréal (zones contenant de l’habitat essentiel) en Ontario. Sur les terres de la Couronne provinciale, à l’exception des parcs provinciaux, des réserves de conservation et des zones spécialement protégées, l’exploitation forestière peut être pratiquée dans les UGF, sous réserve du respect des plans de gestion forestière et des autres lois et politiques applicables. Selon l’article 47.1 de la LDFC, les opérations forestières menées dans les forêts de la Couronne conformément à un plan de gestion forestière approuvé sont exclues de l’application des interdictions de la LEVD; par conséquent, le cadre de protection des espèces en péril dans un contexte d’exploitation forestière n’est mis en œuvre qu’au moyen des exigences de la LDFC.
La LDFC exige qu’un plan de gestion forestière soit préparé pour chaque UGF. Un plan de gestion forestière définit les directives pour les opérations forestières, notamment la coupe, le reboisement et la construction de chemins dans une UGF. La LDFC exige que les plans de gestion forestière (mis à jour tous les dix ans) soient élaborés conformément au Forest Management Planning Manual (FMPM, manuel de planification de la gestion forestière). Ce manuel prévoit la détermination de la durabilité d’une forêt de la Couronne d’une manière qui respecte les principes suivants : 1) de vastes forêts de la Couronne, saines, diverses et productives, devraient être préservées, tout comme les processus écologiques et la diversité biologique associés à celles-ci, et 2) la vitalité et la vigueur à long terme des forêts de la Couronne devraient être prévues au moyen de pratiques forestières qui, dans les limites des exigences sylvicoles, imitent les perturbations naturelles et les caractéristiques naturelles du paysage, tout en réduisant au minimum les effets néfastes sur les végétaux, les animaux, l’eau, le sol, l’air, ainsi que sur les valeurs sociales et économiques, y compris les valeurs récréatives et patrimoniales. Les plans de gestion forestière sont également élaborés conformément aux forest management guides (guides de gestion forestière, en anglais seulement). Ces guides et le FMPM présentent des directives en ce qui concerne l’habitat du caribou. Les guides utilisés pour l’élaboration des plans de gestion forestière existants approuvés avant avril 2017 prévoient une certaine protection de l’habitat du caribou boréal grâce à l’exigence explicite de planifier et de tenir compte des principales caractéristiques de l’habitat, notamment des niveaux actuels et prévus sur un horizon allant jusqu’à 100 ans de ces caractéristiques. Les guides n’abordent pas explicitement le seuil de perturbations cumulatives dans les aires de répartition ou les UGF.
Le Forest Management Guide for Boreal Landscapes (guide de gestion forestière pour les paysages de la forêt boréale, ci‑après le Landscape Guide), publié en 2014, comprend des directives obligatoires (normes et lignes directrices) pour la planification de la gestion forestière visant à maintenir ou à améliorer la qualité, la quantité et la configuration de l’habitat du caribou boréal afin d’assurer la persistance de l’espèce dans les forêts de la Couronne aménagées. Par exemple, ce document présente des directives de gestion détaillées favorisant le caribou dans le but de lui fournir un habitat continu et durable à long terme. À cette fin, on modélise des gammes simulées de variation naturelle pour chaque UGF qui recoupe une ou plusieurs aires de population afin d’obtenir des estimations de la composition, de la structure et de la configuration des forêts en l’absence de perturbations humaines, tout en tenant compte de la variation du régime de perturbation à l’échelle de la province. On se sert des gammes simulées de variation naturelle comme objectifs dans la planification et la prise de décisions en matière de gestion forestière afin de s’assurer que la quantité et la configuration de l’habitat restent à des niveaux semblables à ceux avec lesquels les caribous ont évolué. Des cibles sont établies pour l’habitat de refuge et l’habitat hivernal du caribou et tiennent compte d’autres types d’habitats utilisés par le caribou. Le Landscape Guide exige également la préparation d’un calendrier dynamique de l’habitat du caribou pour chaque plan de gestion forestière; ce calendrier est un plan à long terme visant à fournir de l’habitat durable pour le caribou tout au long de l’année dans de vastes étendues d’habitat interconnectées. Néanmoins, le Landscape Guide ne présente pas de seuil explicite d’habitat non perturbé à l’échelle de l’aire de répartition.
Depuis le 1er avril 2017, le FMPM exige que les nouveaux plans de gestion forestière mettent en œuvre le Landscape Guide, de sorte que ces plans devraient tenir compte de considérations supplémentaires pour le caribou boréal et réduire les impacts des activités forestières sur son habitat. Ainsi, les nouveaux plans devraient protéger davantage l’habitat que les plans antérieurs. Dix‑huit des vingt UGF font maintenant l’objet d’un plan de gestion forestière préparé depuis 2014 à l’aide du Landscape Guide, et les deux autres devraient être terminés en 2024. Le Landscape Guide est généralement appliqué à l’échelle de l’UGF, qui est généralement plus petite qu’une aire de répartition du caribou. Toutefois, il faut également tenir compte des aires de répartition du caribou dans lesquelles les UGF se trouvent.
Pour ce qui est des caractéristiques biophysiques, le Landscape Guide comprend des directives obligatoires concernant les aires de mise bas et d’allaitement du caribou et des recommandations de gestion de l’habitat hivernal, l’habitat de refuge et les forêts de conifères matures. Par exemple, les sites de mise bas et d’allaitement sont protégés par une zone tampon (area of concern [AOC]) de un kilomètre pour limiter les répercussions. Toute modification ou coupe forestière dans un site de mise bas et d’allaitement n’est effectuée que si l’état de l’aire de répartition est jugé suffisant, que l’habitat dans la zone ne convient plus (p. ex. forêt surannée au sous-étage dense d’arbustes) et qu’il reste suffisamment de ces sites à l’échelle de l’aire de répartition pour soutenir le caribou. Toutefois, comme une modification ou une coupe forestière pourrait être autorisée dans certaines circonstances, les directives du Landscape Guide ne sont pas équivalentes à la protection explicite des caractéristiques biophysiques (comme l’habitat de mise bas et d’élevage) constituant l’habitat essentiel désigné dans le programme fédéral de rétablissement du caribou boréalNote de bas de page 3.
Une fois qu’un plan de gestion forestière est certifié par un forestier professionnel et approuvé par le ministère des Richesses naturelles et des Forêts, les titulaires de permis forestiers sont tenus par la loi de s’y conformer. Le fait de mener des opérations forestières qui ne sont pas conformes au plan de gestion forestière applicable constitue une infraction à l’alinéa 64(1)c) de la LDFC. Comme il est mentionné plus haut, la LDFC exige que les plans de gestion forestière soient préparés conformément au Forest Management Planning Manual, qui à son tour exige que les plans se conforment au Landscape Guide. Par conséquent, chaque UGF comprendra des zones d’habitat essentiel protégées par son plan de gestion forestière établi au titre de la LDFC. Toutefois, certains plans autorisent actuellement la destruction d’habitat forestier qui ne respecte pas le seuil de 65 % d’habitat non perturbé dans l’UGF en question. Comme les UGF sont habituellement plus petites que les aires de répartition du caribou, il est difficile de prévoir l’impact de cette destruction d’habitat à l’échelle de l’aire de répartition. En outre, l’Ontario a indiqué que les équipes de gestion forestière disposent d’une certaine marge de manœuvre pour appliquer le Landscape Guide d’une manière qui convient raisonnablement au contexte particulier (p. ex. état et tendances de la forêt). Dans le cas d’une UGF qui se trouve entièrement dans une aire de répartition du caribou boréal, ou de la partie d’une UGF qui s’y trouve, la LDFC offre une certaine protection de l’habitat de l’espèce. Il est cependant difficile de déterminer l’étendue cumulative de la protection de l’habitat qu’offrent les UGF dans chaque aire de répartition, étant donné la difficulté d’intégrer l’information entre les plans.
Dans l’ensemble, l’absence d’un seuil explicite d’habitat non perturbé dans le Landscape Guide, et donc dans les plans de gestion forestière, signifie qu’il n’y a pas d’interdiction de détruire l’habitat au-delà du seuil de 35 % d’habitat perturbé établi dans le programme de rétablissement fédéral. De plus, comme il est indiqué plus haut, le Landscape Guide et les plans de gestion forestière n’interdisent pas la destruction de caractéristiques biophysiques comme l’habitat de mise bas et l’habitat d’élevage. Par conséquent, la LDFC n’assure pas une protection de l’habitat essentiel conforme à celle offerte par les dispositions de la LEP.
1.3 Loi de 2006 sur les parcs provinciaux et les réserves de conservation (LPPRC)
La LPPRC, exécutée par le ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs, s’applique à l’intérieur des parcs provinciaux et des réserves de conservation; on trouve ceux-ci dans toutes les aires de répartition du caribou boréal en Ontario, mais ils ne représentent qu’un faible pourcentage (8,3 %) de la superficie totale. L’objectif premier de la LPPRC est de protéger de façon permanente les écosystèmes représentatifs, la biodiversité et les éléments du patrimoine naturel et culturel de l’Ontario dont l’importance est reconnue à l’échelle de la province, et de gérer ces territoires pour faire en sorte de maintenir leur intégrité écologique. Aux termes de la Loi, l’intégrité écologique implique notamment « des populations saines et viables d’espèces indigènes, y compris les espèces en péril ».
Dans les parcs provinciaux et les réserves de conservation, en plus de la protection accordée par la LEVD à l’habitat du caribou, la LPPRC offre une couche de protection supplémentaire par l’entremise d’interdictions concernant les activités. Le paragraphe 16(1) de la LPPRC interdit la récolte commerciale du bois, l’exploitation et la prospection minières, la production d’électricité, l’extraction d’agrégats et les autres utilisations industrielles à l’intérieur des parcs provinciaux et des réserves de conservation, sous réserve d’exceptions limitées. Ces interdictions sont appuyées par des dispositions en matière d’infractions, d’application et de peines qui sont comparables à celles de la LEP. La Loi sur les mines (art. 31) interdit aussi explicitement d’inscrire des claims, de mettre en valeur des intérêts dans des minéraux ou d’exécuter des travaux relativement à des mines dans les parcs provinciaux et les réserves de conservation. La LDFC ne s’applique pas à l’intérieur des parcs provinciaux et des réserves de conservation, et aucun permis forestier ne peut être délivré pour ces terres à moins que la LPPRC l’autorise. La LPPRC ne contient pas d’exception permettant la récolte commerciale du bois dans les parcs ou les réserves de conservation se trouvant dans les aires de répartition du caribou en Ontario.
On s’attend à ce que la LPPRC empêche la tenue de certaines activités, mais pas toutes, qui sont susceptibles de détruire l’habitat essentiel du caribou boréal dans les parcs provinciaux et les réserves de conservation. Plus particulièrement, la LPPRC devrait protéger l’habitat essentiel du caribou boréal contre l’exploitation forestière et les nouvelles activités d’exploitation et de prospection minières dans les parcs provinciaux et les réserves de conservation. Comme dans le cas de la LEP (p. ex. délivrance de permis dans les parcs nationaux), la Loi accorde une certaine discrétion en ce qui a trait à la délivrance de permis qui pourrait mener à l’autorisation d’autres activités susceptibles d’entraîner la destruction de l’habitat. Aux termes du paragraphe 22(1) de la LPPRC, un permis de travail est nécessaire pour la construction de routes et de sentiers, le défrichage de terres et toute autre activité qui entraînera vraisemblablement une perturbation de l’intégrité écologique du parc ou de la réserve de conservation. Au moment de décider de délivrer ou non un permis de travail, un directeur de parc ou un directeur de réserve de conservation doit évaluer si les travaux pour lesquels le permis est requis s’harmonisent avec l’orientation de gestion du parc ou de la réserve, et s’ils sont susceptibles de donner lieu à une menace pour l’environnement, la sécurité publique ou une ressource naturelle, ce qui comprend les terres, l’eau et les cours d’eau, les forêts, la faune et la flore, et les pêches. La discrétion d’autoriser ces activités susceptibles de détruire l’habitat essentiel n’est pas soumise à des contraintes qui s’accordent entièrement avec celles que prévoit la LEP. Par exemple, rien n’oblige à évaluer si l’activité mettra en péril la survie ou le rétablissement d’une espèce. On ignore dans quelle mesure la discrétion de délivrer des permis dans l’habitat du caribou boréal a été exercée, et quels en ont été les effets. Néanmoins, la LPPRC contribue à éviter ou à limiter la destruction de l’habitat essentiel là où elle s’applique, de manière additionnelle à la protection accordée par la LEVD (une activité susceptible de toucher le caribou boréal pour laquelle un permis est envisagé au titre de la LPPRC serait assujettie à un permis au titre de la LEVD).
1.4 Loi de 2010 sur le Grand Nord (LGN)
La LGN, exécutée par le ministère des Richesses naturelles et des Forêts, fournit un cadre législatif pour la planification communautaire de l’aménagement du territoire dans le Grand Nord de l’Ontario. Environ 75 % de la zone d’aménagement du Grand Nord chevauche les aires de répartition du caribou boréal (y compris l’ensemble de l’aire de répartition du Grand Nord [ON09] et la partie nord de certaines aires du sud). L’un des objectifs décrits à l’article 5 de la LGN comprend la protection des zones à valeur culturelle et des écosystèmes dans le Grand Nord par divers moyens, notamment la désignation de zones protégées. L’orientation stratégique sur laquelle repose le processus de planification communautaire de l’aménagement du territoire comprend des lignes directrices pour la protection des caractéristiques et des zones importantes, comme l’habitat du caribou.
Dans le cadre du processus de planification communautaire de l’aménagement du territoire, les Premières Nations et la Province de l’Ontario collaborent à désigner des zones dédiées aux fins de protection (ZDP), y compris de précieuses parcelles d’habitat du caribou, où l’activité industrielle est interdite. En date de mars 2022, cinq plans communautaires d’aménagement du territoire ont été rendus accessibles au public. Bien que certaines ZDP soient réglementées par la LPPRC (et, donc, se trouvent protégées par la LPPRC décrite ci‑dessus), d’autres ne le sont pas et sont plutôt protégées par la LGN. En effet, le paragraphe 14(1) de la LGN exige que les activités effectuées dans les ZDP s’accordent avec les désignations de l’aménagement du territoire et les utilisations autorisées qui sont précisées dans chaque plan communautaire d’aménagement du territoire. Parmi les activités que les plans interdisent couramment dans les ZDP, on compte la récolte commerciale du bois, l’exploitation et la prospection minières, et l’extraction d’agrégats; on trouve parfois aussi l’aménagement de caractéristiques linéaires comme les routes et les corridors de transmission. En outre, aux termes du paragraphe 14(2) de la Loi, nul ne doit entreprendre les activités suivantes dans une zone protégée : la prospection, l’inscription de claims, l’exploration minière, l’ouverture d’une mine et la récolte commerciale du bois. Le ministre (provincial des Richesses naturelles et des Forêts) peut décider de faire appliquer ces interdictions en prenant un arrêté exigeant à toute personne de cesser toute activité qui contrevient au paragraphe 14(1) ou 14(2).
La LGN est une loi relativement nouvelle (promulguée en 2010 et modifiée en 2021); l’historique de son exécution est donc bref, et de nombreuses politiques connexes n’ont pas encore été établies. À mesure que de nouveaux plans communautaires d’aménagement du territoire et énoncés de politique sont élaborés et que d’autres zones protégées sont réglementées ou désignées au titre de la LGN, il pourrait s’avérer nécessaire de réévaluer la capacité de la Loi à contribuer à la protection de l’habitat essentiel du caribou boréal dans le Grand Nord. Par exemple, une certaine protection peut être accordée par les plans communautaires d’aménagement du territoire, grâce à l’établissement de ZDP et d’autres zones protégées; il faut toutefois en tenir compte au cas par cas puisque la protection offerte par chaque ZDP est unique et que l’établissement de zones protégées ne constitue pas une obligation aux termes de la LGN. Bien qu’on ne sache pas exactement à l’heure actuelle si la LGN donne bel et bien lieu à des résultats semblables à ceux de la LEP, cette loi contribue néanmoins à éviter ou à limiter la destruction de l’habitat essentiel là où elle s’applique, de manière additionnelle à la protection accordée par la LEVD.
1.5 Loi sur les terres publiques (LTP, 1990)
La LTP contient des dispositions qui permettent au ministre des Richesses naturelles et des Forêts de désigner comme unité d’aménagement un secteur d’une terre publique (qui n’est pas une zone d’aménagement à laquelle s’applique un plan communautaire d’aménagement du territoire, tel qu’il est défini par la LGN). Le paragraphe 12.3(1) exige que toutes les activités exercées dans une unité d’aménagement soient compatibles avec le plan d’aménagement du territoire approuvé à l’égard de l’unité.
Les politiques propres aux zones visant certaines unités d’aménagement, notamment en ce qui a trait à certaines zones de gestion valorisées (zones abritant des caractéristiques spéciales ou des valeurs exigeant une orientation plus approfondie de l’aménagement du territoire), contiennent des lignes directrices propres à l’habitat du caribou. Dans ces zones, la LTP pourrait contribuer à la protection de l’habitat par l’entremise d’interdictions concernant les activités d’aménagement.
1.6 Loi sur les évaluations environnementales (LEE, 1990)
La LEE de l’Ontario et ses règlements d’application décrivent les situations qui nécessitent une évaluation environnementale provinciale ainsi que le processus et les exigences connexes. Bon nombre d’activités d’aménagement importantes qui ont lieu hors du territoire domanial (p. ex. construction de routes, de pipelines et de corridors de services publics) doivent habituellement faire l’objet d’une évaluation. Le ministre de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs doit accorder son approbation pour que les travaux soient entrepris; pour ce faire, il tient compte de l’évaluation environnementale, qui comprend une évaluation des effets sur l’environnement.
Par l’entremise de l’ordonnance déclaratoire MNR‑75, la planification de la gestion forestière telle que le prévoit la LDFC, ses règlements et ses manuels de réglementation, sur les terres de la Couronne dans la région visée par l’entreprise, n’est pas soumise aux approbations et aux infractions prévues par la LEE. Le gouvernement de l’Ontario a élaboré des évaluations environnementales de portée générale (notamment, l’Évaluation environnementale de portée générale relative à des projets d’intendance de ressources et de développement d’installations et l’Évaluation environnementale de portée générale relative aux parcs provinciaux et aux réserves de conservation), qui exigent l’évaluation systématique des propositions pour relever toute répercussion éventuelle sur l’environnement, y compris sur les espèces en péril, en vue de réduire au minimum les répercussions et de prendre des décisions éclairées.
Parce que les grands projets d’aménagement hors du territoire domanial sont souvent soumis à une évaluation environnementale, la LEE procure une couche de protection supplémentaire à l’habitat du caribou boréal, de manière additionnelle à la protection accordée par d’autres lois pertinentes (p. ex. LEVD, LPPRC). Cependant, la Loi ne contient pas de dispositions qui protègent directement l’habitat du caribou boréal d’une manière qui donnerait lieu à des résultats semblables à ceux de la LEP.
2 Protection des individus hors du territoire domanial
En Ontario, les instruments suivants accordent une protection aux individus de l’espèce : Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition (LEVD), Loi de 1994 sur la durabilité des forêts de la Couronne (LDFC), Loi de 2006 sur les parcs provinciaux et les réserves de conservation (LPPRC) et Loi de 1997 sur la protection du poisson et de la faune (LPPF).
La LEVD contient des interdictions aux fins de la protection des individus sur toutes les terres privées et de la Couronne provinciale en Ontario. La LEVD ne s’applique pas aux activités d’exploitation forestière dans les forêts de la Couronne qui sont effectuées conformément à un plan de gestion forestière approuvé; c’est le cadre réglementaire de la LDFC qui offre une certaine protection aux individus dans le contexte de l’exploitation forestière. La LPPRC et la LPPF fournissent d’autres couches de protection aux individus dans certaines circonstances et certains contextes, comme il est décrit ci‑après. Ensemble, ces lois sont donc généralement cohérentes avec les dispositions de la LEP et la protection qu’elle accorde.
2.1 Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition (LEVD)
La LEVD est la principale loi provinciale pour la protection des espèces en péril et de leur habitat en Ontario; elle est actuellement exécutée par le ministre de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs. Il s’agit d’une loi d’application générale (elle s’applique à tous, tant sur les terres privées que sur les terres de la Couronne provinciale), qui est contraignante sur les terres de la Couronne provinciale. Il existe une exclusion notable : les activités d’exploitation forestière dans les forêts de la Couronne qui sont effectuées conformément aux plans de gestion forestière approuvés sont exclues de l’application des interdictions de la LEVD par les dispositions de la LDFC (voir les détails à la section 2.2).
À l’heure actuelle, le caribou boréal est inscrit à titre d’espèce menacée sur la Liste des espèces en péril en Ontario de la LEVD; les individus de l’espèce sont donc protégés par l’article 9 de cette loi. Aux termes de la LEVD, il est interdit de tuer, de harceler, de capturer ou de prendre un membre d’une espèce en péril ou de lui nuire, ou de posséder, de transporter, de collectionner, d’acheter, de vendre, de louer ou d’échanger, ou d’offrir de vendre, d’acheter, de louer ou d’échanger un membre d’une espèce en péril. Ces interdictions sont équivalentes ou supérieures à celles de l’article 32 de la LEP. De plus, elles sont appuyées par des dispositions en matière d’infractions, d’application et de peines qui sont comparables à celles de la LEP. Comme la LEP, la LEVD prévoit des exceptions à l’application des interdictions de l’article 9 par la délivrance de permis et la conclusion d’accords; il importe toutefois de noter que, comme dans la LEP, la discrétion de délivrer des permis ou de conclure des accords est soumise à des contraintes (comme il est décrit ci‑après). La LEVD compte aussi des règlements qui prévoient des exceptions aux interdictions, selon lesquelles une activité qui contreviendrait normalement aux interdictions peut avoir lieu sans la délivrance d’un permis ou la conclusion d’un accord dans les circonstances précisées.
Comme pour la LEP, en vertu de la LEVD (articles 16, 17 et 19), le ministre possède les pouvoirs discrétionnaires d’autoriser des activités qui seraient normalement interdites par l’article 9 (ou 10) en délivrant des permis et en concluant des accords si certaines conditions sont respectées. Plus précisément, conformément à la LEVD, le ministre peut délivrer un permis ou conclure un accord afin d’aider à la protection ou au rétablissement d’une espèce [article 16, alinéa 17(2)b)], et peut aussi délivrer un permis autorisant les activités nécessaires à la protection de la santé ou de la sécurité des êtres humains [alinéa 17(2)a)] (comme dans le cas d’une exception en matière de sécurité ou de santé publiques aux termes de la LEP). Les autres types de permis prévus par la LEVD ne peuvent être délivrés que si le ministre est d’avis que l’activité ne mettra pas en danger la survie ou le rétablissement de l’espèce [alinéa 17(2)d), article 19] ou, en outre, qu’elle lui procurera un avantage plus que compensatoire [alinéa 17(2)c)]. De manière générale, ces dispositions s’accordent avec une condition préalable clé de la LEP, à savoir que l’activité autorisée par un permis ne mettra pas en péril la survie ou le rétablissement d’une espèce.
Il arrive parfois que des autorisations concernant le caribou boréal soient accordées, mais chacune doit respecter un ensemble de conditions strictes fondées sur une évaluation des activités propres à chaque cas, y compris des mesures pour éviter les dommages et la destruction, réduire au minimum les répercussions éventuelles ou, dans certaines situations, procurer un avantage plus que compensatoire à l’espèce et à son habitat, comme la restauration ou la création d’habitat combinée à de la recherche visant à combler les principales lacunes en matière de connaissances sur l’espèce. En pratique, l’Ontario ne considère pas que la recherche seule soit suffisante pour procurer un avantage plus que compensatoire.
Dans le cadre des modifications apportées à la LEVD en 2019, l’article 16.1 a été ajouté pour permettre au ministre de conclure des accords relatifs à un paysage avec des promoteurs qui proposent d’effectuer des activités normalement interdites par les articles 9 et 10 de la Loi. Les accords relatifs à un paysage visent à offrir une plus grande souplesse en permettant d’accorder une seule autorisation pour des activités multiples qui touchent plusieurs espèces dans une zone géographique donnée. De plus, il est à noter que le caribou boréal n’est pas l’une des six espèces pour lesquelles les promoteurs ont l’option de verser des frais déterminés par l’Ontario dans un fonds de conservation au lieu de prendre eux‑mêmes des mesures bénéfiques aux termes de certaines dispositions d’autorisation de la LEVD (cette option découle de modifications apportées à la LEVD en 2019 et entrées en vigueur le 29 avril 2022).
Dans le cadre de la modernisation des autorisations en Ontario en 2013, le Règlement de l’Ontario 242/08 a été modifié pour inclure certaines exemptions réglementaires (dispositions que le gouvernement de l’Ontario appelle « règles prévues dans les règlements ») prises en vertu du paragraphe 55(1) de la LEVD, qui permettent la réalisation de certaines activités qui contreviendraient normalement à l’article 9 (ou 10) de la LEVD, sans nécessiter de permis ou d’accord. Le gouvernement de l’Ontario considère que les activités ainsi exemptées présentent peu de risque, et le Règlement prévoit des conditions telles que des limites et des exclusions concernant les activités, des limites de temps, des exclusions géographiques et des exigences propres aux activités (p. ex. atténuation, surveillance et production de rapports).
L’exploration minière initiale est l’une des activités incluses dans les exemptions du Règlement qui est particulièrement pertinente pour le caribou boréal. Parmi les autres activités qui y figurent et qui sont importantes pour le caribou boréal, on compte les puits d’extraction et les carrières, les activités qui visent à éviter ou réduire les menaces pour la santé et la sécurité des êtres humains (non imminentes) et certains projets d’aménagement ou d’infrastructure qui sont en cours, à condition qu’une activité précisée par le Règlement ait été achevée ou qu’une approbation ait été obtenue avant le 30 juin 2015 (dispositions transitoires limitées dans le temps). Il est possible que les exemptions autorisent des activités susceptibles d’affecter les individus (p. ex. les harceler ou leur nuire). Toutefois, pour que chaque exemption pertinente pour le caribou puisse s’appliquer, il importe de satisfaire à certaines conditions. Il est aussi à noter que le paragraphe 57(1) de la LEVD exige que le ministre, avant de prendre un règlement, étudie la question de savoir si le règlement proposé mettra vraisemblablement en danger la survie de l’espèce en Ontario (ce qui s’accorde avec l’une des trois conditions préalables à la délivrance d’un permis de la LEP, soit que l’activité ne mette pas en péril la survie ou le rétablissement de l’espèce) ou aura vraisemblablement une autre conséquence préjudiciable importante pour l’espèce.
En ce qui concerne l’exploration minière initiale, l’exemption réglementaire s’applique dans des conditions qui posent un risque relativement faible pour les individus de l’espèce. Plus particulièrement, la personne qui exerce l’activité ne doit en effectuer aucune partie dans une zone qui est utilisée, ou qui a été utilisée à tout moment au cours des trois dernières années, par le caribou boréal pour accomplir un processus de vie lié à la reproduction, y compris l’élevage. De plus, la personne ne doit pas tuer ou harceler les caribous ou leur nuire pendant une période de l’année où les individus accomplissent vraisemblablement un processus de vie lié à l’alimentation, à la migration ou à la reproduction, y compris l’élevage. Si les conditions énoncées dans le Règlement ne sont pas respectées, la personne doit présenter une demande de permis ou d’autorisation au titre de la LVDE.
L’Orientation de politique relativement à « nuire et harceler » aux termes de la Loi sur les espèces en voie de disparition décrit l’approche que le ministère des Richesses naturelles et des Forêts ou qu’un promoteur (appelé « auteur de proposition » dans ce document) utiliseront pour déterminer si une activité est susceptible de tuer ou de harceler un individu d’une espèce en péril aux termes de l’article 9 de la LEVD, ou de lui nuire. De plus, l’Ontario a élaboré un ensemble de pratiques exemplaires de gestion visant à fournir aux promoteurs des lignes directrices pour réduire ou atténuer les répercussions directes et indirectes sur les caribous (p. ex. Pratiques exemplaires de gestion pour les activités du secteur des granulats et le caribou des bois sylvicole en Ontario; Pratiques exemplaires de gestion pour les activités d’exploration et de mise en valeur des minéraux et le caribou des bois en Ontario).
De manière générale, la LEVD offre une protection importante aux individus là où elle s’applique. Il existe toutefois une exclusion permanente des activités d’exploitation forestière des dispositions de protection de la LEVD (voir la section 1.1), ce qui signifie que la protection des individus dans le contexte de l’exploitation forestière se limite aux mesures exigées par la LDFC et la LPPF décrites aux sections 2.2 et 2.3.
2.2 Loi de 1994 sur la durabilité des forêts de la Couronne (LDFC)
En vertu de la LDFC, le ministre des Richesses naturelles et des Forêts peut désigner l’ensemble ou une partie d’une forêt de la Couronne comme une UGF aux fins de l’application de la LDFC. Ensemble, les UGF constituent la « région visée par l’entreprise » conformément à l’ordonnance déclaratoire MNR‑75 rendue en vertu de la LEVD, et chevauchent toutes les aires de répartition du caribou boréal, sauf celle du Grand Nord (ON09). Comme l’indiquent les sections 1.1 et 1.2, cette superficie représente environ 27 % de l’aire de répartition du caribou boréal (zones contenant l’habitat essentiel de l’espèce) en Ontario. Sur les terres de la Couronne provinciale, à l’exception des parcs provinciaux, des réserves de conservation et des zones dédiées aux fins de protection, l’exploitation forestière peut avoir lieu dans les UGF, sous réserve des plans de gestion forestière approuvés et d’autres lois et politiques applicables. Aux termes de l’article 47.1 de la LDFC, les activités d’exploitation forestière dans une forêt de la Couronne effectuées conformément à un plan de gestion forestière approuvé sont exclues de l’application des interdictions de la LEVD (y compris l’article 9); le cadre de protection des espèces en péril dans le contexte de l’exploitation forestière est donc mis en œuvre uniquement par les exigences de la LDFC. Cependant, même dans la région visée par l’entreprise, il est possible que le caribou boréal soit quand même protégé par la LPPF (voir la section 2.3). En ce qui concerne les activités autres que l’exploitation forestière qui ont lieu dans les UGF (p. ex. exploitation minière ou construction de corridors de transmission), la LEVD s’applique dans la région visée par l’entreprise.
La LDFC exige qu’un plan de gestion forestière soit préparé pour chaque UGF. Un plan de gestion forestière définit les directives pour les opérations forestières, notamment la coupe, le reboisement et la construction de chemins dans une UGF. La LDFC exige que les plans de gestion forestière (mis à jour tous les 10 ans) soient élaborés conformément au Forest Management Planning Manual (FMPM, manuel de planification de la gestion forestière) et aux guides de gestion forestière. Aux termes de l’article 2 de la LDFC, parmi les principes utilisés dans la planification de la gestion forestière, la vitalité et la vigueur à long terme des forêts de la Couronne devraient être prévues au moyen de pratiques forestières qui réduisent au minimum les effets néfastes sur les végétaux et les animaux. Les guides de gestion forestière fournissent des lignes directrices pour réduire au minimum les effets néfastes sur les espèces en péril.
Les documents d’orientation qui doivent être utilisés pour élaborer des plans de gestion forestière contiennent certaines lignes directrices visant à réduire l’impact des activités sur les individus. Plus particulièrement, le Forest Management Guide for Boreal Landscapes (le « Landscape Guide ») publié en 2014 fournit des orientations fondées sur la science qui visent à réduire au minimum le risque que les activités de gestion forestière tuent ou harcèlent des caribous, ou leur nuisent. Le Landscape Guide exige que les nouveaux plans de gestion forestière respectent l’obligation d’établir, pour les sites de mise bas et d’élevage connus qui sont en bon état, une zone tampon de 1 km; les activités d’exploitation forestière sont alors interdites dans cette zone du 1er mai au 15 août, lorsque les caribous sont les plus susceptibles d’y être présents. Les autres lignes directrices concernant le caribou dans le Landscape Guide sont surtout centrées sur la gestion de l’habitat du caribou, et ne fournissent pas de protection directe aux individus contre les répercussions des activités (aucune interdiction de tuer ou de harceler les caribous, ou de leur nuire, dans le cadre des activités d’exploitation forestière; aucune exigence de cesser ou de repousser les activités si la présence de caribous est décelée). Les mesures prises pour protéger ou conserver l’habitat prioritaire conformément aux lignes directrices pourraient accorder aux individus une certaine protection indirecte (en réduisant les risques de rencontres fortuites et la fréquence de telles rencontres et, donc, les effets sur les individus). Même si la LDFC ne prévoit pas d’interdictions explicites de tuer ou de harceler le caribou boréal, ou de lui nuire, des dispositions ont été adoptées en vue d’éviter ces répercussions (p. ex. établissement d’une zone tampon autour des sites de mise bas et d’élevage connus pendant les périodes où des individus sont susceptibles d’être présents); toute répercussion des activités d’exploitation forestière devrait donc être indirecte.
2.3 Loi de 1997 sur la protection du poisson et de la faune (LPPF)
La LPPF, exécutée par le ministère des Richesses naturelles et des Forêts, s’applique sur les terres privées et de la Couronne provinciale, où elle accorde une couche de protection supplémentaire aux individus. L’article 2 de la LPPF indique notamment, en cas d’incompatibilité entre une disposition de cette loi et une disposition de la LEVD, que la disposition qui protège le plus l’animal l’emporte. Dans les UGF, où les activités d’exploitation forestière sont exemptées des interdictions de la LEVD, la LPPF l’emporte à titre de principale loi offrant une protection aux individus.
Aux termes de la LPPF, le caribou est catégorisé comme un « gros gibier »; la chasse et le piégeage du gros gibier sont interdits, sous réserve de la délivrance d’un permis. Un tel permis ne peut pas être délivré pour la chasse, le piégeage ou la possession d’une espèce pour laquelle il n’y a pas de saison de chasse, ce qui comprend le caribou boréal. La définition de « chasse » est vaste, et comprend le fait de tuer, de blesser, de capturer ou de harceler une espèce sauvage. Par conséquent, on considère que la LPPF fournit vraisemblablement une protection équivalente à celle de la LEP.
2.4 Loi de 2006 sur les parcs provinciaux et les réserves de conservation (LPPRC)
La LPPRC, exécutée par le ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs, s’applique à l’intérieur des parcs provinciaux et des réserves de conservation; on trouve ceux‑ci dans toutes les aires de répartition du caribou boréal en Ontario, mais ils ne représentent qu’un faible pourcentage (environ 8 %) de la superficie totale. L’objectif premier de la LPPRC est de protéger de façon permanente les écosystèmes représentatifs, la biodiversité et les éléments du patrimoine naturel et culturel de l’Ontario dont l’importance est reconnue à l’échelle de la province, et de gérer ces territoires pour faire en sorte de maintenir leur intégrité écologique. Aux termes de la Loi, l’intégrité écologique implique notamment « des populations saines et viables d’espèces indigènes, y compris les espèces en péril ».
En plus de la protection accordée par la LEVD, à l’intérieur des parcs provinciaux et des réserves de conservation, des règlements pris en vertu de la LPPRC (Règlements de l’Ontario 319/07 et 347/07) fournissent au caribou boréal une couche de protection supplémentaire. Ces règlements interdisent de tuer, de harceler, de déranger ou d’enlever un animal, ou de lui nuire, à l’intérieur d’un parc provincial ou d’une réserve de conservation, sous réserve d’une autorisation écrite du directeur. Ces interdictions sont appuyées par des dispositions en matière d’infractions et de peines. Les contraintes associées à l’autorisation des répercussions sur les individus en vertu de la LPPRC ne sont pas aussi strictes que les contraintes (exigences et conditions préalables) associées à la délivrance de permis sous le régime de la LEP. Comme la LPPRC agit de manière additionnelle à la LEVD, on ne considère pas qu’elle agit sur les résultats de la protection accordée par la LEVD.
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