Andersonie charmante (Bryoandersonia illecebra) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Facteurs limitatifs et menaces

Les trois populations actuellement confirmées du Bryoandersonia illecebra se trouvent très près de terrains touchés par l’exploitation ou d’autres activités humaines. D’ailleurs, la découverte de ces populations a probablement été favorisée par la facilité d’accès procurée par ces activités. Ce serait donc faire un raisonnement circulaire et prématuré que d’affirmer que toutes les populations canadiennes de la plante sont menacées par l’exploitation des terrains. Il n’en demeure pas moins que le Sud de l’Ontario connaît une expansion très intense; le secteur restreint qui peut procurer un habitat au B. illecebra est même le plus exploité au Canada. La plupart des aires naturelles sont menacées par l’expansion. Par ailleurs, cette expansion intense a permis à un nombre relativement élevé de botanistes d’avoir accès à un grand nombre de localités pendant une période assez longue. Comme le B. illecebra n’a pas été trouvé dans un plus grand nombre de localités malgré cette facilité d’accès et que l’espèce est apparemment disparue de certaines localités où elle a déjà été récoltée, il semblerait qu’elle est réellement très rare.

Dans le comté d’Essex, les populations se trouvent à quelques mètres seulement d’un parc linéaire (ancienne voie ferrée convertie en sentier récréatif à usages multiples). La communauté végétale où la population se trouve n’est pas attirante pour les cyclistes et randonneurs de passage, car elle est dense et renferme beaucoup d’aubépine et d’herbe à puce. De plus, cette localité ainsi que les autres où a été observé le Bryoandersonia illecebra sont périodiquement inondées chaque année, ce qui suffit à y maintenir de bonnes populations de moustiques pendant au moins une partie de l’année. Bien que le site soit contigu à une aire naturelle relativement grande, elle est par ailleurs étroitement entourée de terres visées par l’expansion agricole. Enfin, la succession végétale (figure 8; Mike Oldham, comm. pers.) en cours dans une partie du site signalé dans le comté d’Essex en 1982 menace peut-être actuellement cette partie du site.

Dans le comté d’Elgin, le Bryoandersonia illecebra pousse près d’un sentier de randonnée très fréquenté. La population du B. illecebra est séparée du sentier par une étroite bande de végétation dense constituée de plantes vivantes et tombées. Le sentier est en grande partie boisé, mais les alentours connaissent une expansion agricole et urbaine.

La population de Bryoandersonia illecebra du comté de Welland, qui est la plus petite des populations canadiennes actuelles, se trouve à moins de 20 mètres de l’emprise d’une route et à quelques pieds d’une bande de débris routiers qui pénètrent dans la forêt.

Les sites du Bryoandersonia illecebra où l’espèce n’a pas été retrouvée en 2001 et en 2002, mais où elle avait déjà été récoltée après 1972, nous fournissent quelques indices quant aux facteurs qui ont pu l’éliminer à ces endroits. Les terrains marécageux du boisé de feuillus du comté d’Elgin renferment une vaste gamme de milieux qui ne semblent pas avoir été perturbés depuis les années 1980, au cours desquelles l’espèce a été récoltée dans cette localité; certains secteurs de la forêt présentent toutefois des signes évidents d’éclaircie mécanique. Le passage de véhicules agricoles et récréatifs a laissé des traces dans le site du comté de Middlesex. Des membres d’un club de randonnée (Elgin Hiking Club) ont confirmé que les deux sites situés près du sentier Elgin avaient connu peu de perturbation humaine, mais le versant de colline où le B. illecebra aurait été récolté en 1983 était pratiquement exempt de toute espèce de mousse en 2002 (figure 9). Aucune activité humaine n’a été remarquée au marécage Jolley, mais ce secteur est entouré de routes, de terres agricoles et d’une gravière. Ces aménagements étaient déjà en place durant les années 1970 et 1980, quand la mousse a été récoltée. On estime que la végétation du marécage Jolley est plus dense qu’elle ne l’était au moment où William Stewart y a récolté le B. illecebra (figure 9; E. Stewart et K. Bachner, comm. pers.), et le terrain semble plus sec.

Comme nous l’avons mentionné dans les sections précédentes, plusieurs facteurs de portée plus générale pourraient limiter l’abondance et la répartition de l’espèce au Canada. Voici un sommaire de ces facteurs :

  1. Climat – Le Bryoandersonia illecebra est associé à la forêt décidue de l’Est de l’Amérique du Nord, caractéristique de climats chauds qui se rencontrent surtout dans le Sud-Est des États-Unis. Au Canada, seul un minuscule secteur du Sud du pays héberge des espèces de cette forêt. De plus, même si ce secteur était demeuré vierge, les milieux propices au B. illecebra n’y seraient pas aussi communs que près du centre de l’aire de répartition de l’espèce.
  2. Changement du milieu – La destruction et la fragmentation de la forêt a réduit le nombre déjà peu élevé de milieux convenant au B. illecebra et augmenté la vulnérabilité générale de cette mousse à la perturbation de l’une ou de l’autre de ses sites. Cette situation est aggravée par la petite taille de certaines des populations. Les perturbations d’origine humaine ont également augmenté la distance séparant les diverses populations et ainsi réduit les possibilités d’échange génétique entre elles. La pollution associée aux activités humaines est particulièrement nuisible aux mousses pleurocarpes, telles que le B. illecebra. La succession végétale naturelle peut aussi réduire la quantité d’habitat disponible, et on croit que plusieurs des localités où a déjà été récoltée l’espèce comportent maintenant une végétation plus dense.
  3. Biologie de l’espèce – Comme le B. illecebra est une mousse dioïque, sa dispersion au moyen de spores exige la présence d’individus mâle et femelle situés à proximité l’un de l’autre. Aucun sporophyte et aucun gamétophyte mâle n’ont été observés dans les spécimens récoltés au Canada. Par ailleurs, le B. illecebra ne possède aucun autre mécanisme de dispersion, tel que la production de propagules asexuées. Outre son caractère dioïque, le B. illecebra possède plusieurs caractéristiques qui le rendent bien adapté aux milieux stables, mais qui le désavantagent en cas de perturbation, car sa survie est alors liée à la dispersion vers de nouveaux milieux.

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