Aristide à rameaux basilaires (Aristida basiramea) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 4

Répartition

Répartition mondiale

Le genre Aristida comprend de 250 à 300 espèces, la plupart réparties dans les régions tropicales à tempérées-chaudes, où elles poussent principalement dans les savanes et les prairies sèches, les bois à sol sablonneux et les pinèdes clairsemées. On les trouve aussi sur les hautes terres et les collines rocheuses, sur les talus et plateaux rocheux et en montagne jusqu’à 3 500 mètres d’altitude. Elles sont aussi présentes dans les déserts et sur les terrains ouverts envahis par les mauvaises herbes (Henrard, 1929; Allred, 2001).

L’Aristida basiramea est une espèce endémique d’Amérique du Nord, qui se rencontre principalement dans le Midwest des États-Unis, avec des populations isolées jusqu’au Colorado, au Texas, au Maine et à la péninsule nord du Michigan (figure 2), où elle pousse sur des sols sablonneux à végétation clairsemée, souvent même dénudés (Allred, 2001). Son statut à l’échelle mondiale est G5, ce qui signifie que l’espèce n’est pas menacée de façon évidente, qu’elle est commune, répandue, abondante (bien qu’elle puisse être rare dans certaines parties de son aire, en particulier à la périphérie) et non vulnérable dans la majeure partie de son aire, avec beaucoup plus de 100 stations et plus de 10 000 individus (NatureServe, 2001).

Figure 2. Répartition mondiale de l’Aristida basiramea (d’après Reznicek, 1984, avec mise à jour).

Répartition mondiale de l’Aristida basiramea

Répartition canadienne

Au Canada, on ne connaît que cinq populations naturelles d’Aristida basiramea, réparties entre le Sud de l’Ontario et le Sud du Québec (figure 3). Une des populations de l’Ontario a déjà donné naissance à une sous-population, mais on pense que cette dernière est disparue. Il n’existe aucune station historique de l’espèce, puisque les mentions de 1862 et de 1954 pour l’Ontario et celles de 1888 et de 1927 pour le Manitoba sont considérées erronées (voir la section ci-après sur les mentions erronées).

La zone d’occurrence de l’A. basiramea au Canada est de 502 km². Il n’est pas possible de déterminer si elle est stable ou en évolution depuis 1975, en raison d’un manque de données de comparaison pour les stations actuelles et du fait que trois des stations n’ont été découvertes qu’en 2001, l’une d’elle se trouvant sur un terrain voué à une exploitation intensive dans un avenir prochain.

Figure 3. Répartition des populations naturelles d’Aristida basiramea au Canada (la station adventice du district de Rainy River n’est pas indiquée).

Répartition des populations naturelles d’Aristida basiramea au Canada

Populations actuelles

Les stations connues d’Ontario et du Québec ont été recensées en 2001 et en 2002. En outre, le 16 août 2001, l’auteur a cherché l’espèce dans les milieux prometteurs situés à l’est du parc provincial Awenda, entre Toanche et Marygrove et, au nord-ouest, le long du chemin de sable menant à Sawlog Bay. Le milieu paraissait répondre tout à fait aux besoins de l’espèce à quelques endroits, où dominaient le Danthonia spicata. L’espèce a également été cherchée, mais sans succès, sur les terrains sablonneux à végétation clairsemée au nord-est de Jarratt, dans le canton d’Oro-Medonte, et à l’ouest d’Edenvale, dans le canton de Springwater. Au Québec, on trouve à Oka et à Mirabel des milieux semblables à celui où se trouve la population de Cazaville, mais ces localités sont situées plus loin au nord, et la région d’Oka a déjà été fouillée à fond par des botanistes au cours des dix dernières années. Les chances d’y découvrir d’autres populations de l’espèce sont donc très faibles (Coursol, comm. pers., 2003).

Figure 4. L’Aristida basiramea à Cazaville. Octobre 2001 (photo de Frédéric Coursol).

L’Aristida basiramea à Cazaville

Figure 5. Habitat de l’Aristida basiramea dans la montée Cazaville. Octobre 2001 (photo de Frédéric Coursol).

Habitat de l’Aristida basiramea dans la montée Cazaville

Ontario

Lac Macey : canton de Tiny, comté de Simcoe. La station d’A. basiramea a été découverte par A.A. Reznicek le 20 août 1975, au nord de Penetanguishene, sur un terrain sablonneux situé entre la route et une jeune plantation de pins, où l’espèce poussait sur le sable sec et dénudé, au plein soleil, en association avec le Carex rugosperma, le Panicum depauperatum et le Sporobolus cryptandrus. L’herborisateur note que l’espèce est très dispersée et parfois assez abondante dans les secteurs les plus dénudés. La population a été observée de nouveau en 1995 par A.A. Reznicek, M.J. Oldham, D.A. Sutherland et G.M. Allen. Oldham note que l’espèce est abondante par endroits.

Le relevé de la station du lac Macey pour le présent rapport a été effectué le 16 août 2001 par G.M. Allen et T. Tully. La population principale se trouve sur une étendue plate de sable fin à grossier, meuble, sec et perturbé, située sur la rive sud du lac, au pied des dunes du rivage postglaciaire du lac Algonquin, où poussent également le Danthonia spicata, le Panicum implicatum, le Carex merritt-fernaldii, le Setaria viridis, l’Agrostis gigantea, le Plantago lanceolata, l’Echium vulgare, le Rubus allegheniensis, le Centaurea maculosa et une espèce de Polytrichum. Lors du relevé précédent, en 1995, l’espèce ne se trouvait que sur les pentes du rivage postglaciaire (Reznicek et al.), mais elle a gagné depuis le terrain perturbé par les activités d’exploitation d’une tourbière voisine, abandonnée en 1995. La station du lac Macey compte des milliers d’individus répartis sur une superficie de 200 m sur 60 m, dont la densité atteint à certains endroits quelques centaines d’individus par mètre carré. G.M. Allen a photographié la station (figures 6 et figure7) et récolté des spécimens (TRTE). La station se trouve sur un terrain privé.

Figure 6. Principale population d’Aristida basiramea sur le rivage perturbé du lac Macey. 16 août 2001.

Principale population d’Aristida basiramea sur le rivage perturbé du lac Macey

Figure 7. Ancien rivage où se trouve l’habitat de l’Aristida basiramea au lac Macey. 16 août 2001.

Ancien rivage où se trouve l’habitat de l’Aristida basiramea au lac Macey

Christian Island – Village de la Première nation Beausoleil, île aux Chrétiens, canton de Tiny, comté de Simcoe. La station d’A. basiramea a été découverte par A.A. Reznicek le 26 août 1981 dans la réserve indienne Christian Island, sur un terrain sablonneux et sec à végétation clairsemée, où l’espèce poussait en association avec le Sporobolus cryptandrus et le Cyperus filiculmis (aujourd’hui appelé Cyperus lupulinus). L’herborisateur note que la population est abondante (entre 60 et 80? individus) et que l’A. basiramea est parmi les espèces dominantes là où le sable est plus ou moins dénudé.

La station de Christian Island, que A.A. Reznicek avait localisée avec précision sur une carte topographique déposée au CIPN d’Ontario, a été recherchée en vain le 9 septembre 2001 par G.M. Allen, T. Tully, B. Bowles et J. Goltz. On pense qu’elle est disparue en conséquence de la construction d’habitations unifamiliales sur les terrains intercalaires ou de la succession végétale naturelle, ou des deux à la fois. La recherche a été poussée vers le nord-ouest, et l’Aristida basiramea a été découvert à seulement 500 mètres de la station originale. D’après la correspondance entretenue avec Reznicek, on pense que la colonie qu’il a observée en 1981 était plus étendue et plus dispersée qu’il ne l’avait vu, et qu’il n’a pas exploré le terrain propice à l’espèce où se trouve le terrain de baseball, qui existait déjà en 1978, comme on peut le voir sur des photographies aériennes.

Le 9 septembre 2001, G.M. Allen, T. Tully, B. Bowles et J. Goltz ont recensé à Christian Island des dizaines de milliers d’individus sur une étendue de sable dénudé de 200 m sur 50 m, concentrés dans les zones de moindre compétition. Les principales espèces associées sont le Danthonia spicata, le Rumex acetosella, le Poa compressa, le Panicum linearifolium, le Carex muehlenbergii, le Rudbeckia hirta, le Solidago nemoralis, le Carex merritt-fernaldii, l’Agrostis gigantea et une espèce de Polytrichum.

La station de Christian Island se trouve probablement à l’emplacement de l’ancien rivage du lac glaciaire Nipissing. La succession naturelle a commencé à s’opérer, et le Rhus typhina est présent à la périphérie du champ. G.M. Allen a photographié la station (figure 8) et récolté des spécimens de l’espèce (TRTE). Le terrain appartient à la Première nation Beausoleil.

Figure 8. Station d’Aristida basiramea à Christian Island, 9 septembre 2001.

La station de Christian Island se trouve probablement à l’emplacement de l’ancien rivage du lac glaciaire Nipissing

Île Beausoleil – Parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne, 4 km au sud-sud-ouest de Honey Harbour, canton de Georgian Bay, district de Muskoka.

La station de l’île Beausoleil a été découverte par Allan Sinclair et Jim Goltz le 12 septembre 2001, dans un champ sablonneux à végétation clairsemée. Elle compte plus de 500 individus répartis en deux groupes principaux, avec quelques individus isolés. L’A. basiramea pousse dans les secteurs secs et dégagés, en association avec une espèce de Panicum, le Rumex acetosella, une espèce de Polytrichum, l’Asclepias syriaca, le Solidago nemoralis, le Lechea intermedia et une espèce de Cladonia, et il est plus abondant là où il y a moins d’espèces compétitrices. L’A. basiramea pousse à deux niveaux différents de l’ancien rivage, qu’on situe à l’âge du lac glaciaire Nipissing, c’est-à-dire 4 000 à 6 000 ans avant le présent. La station a été photographiée par A. Sinclair, et des spécimens ont été récoltés par J. Goltz (TRT, MICH). Le terrain appartient à Parcs Canada.

Anten Mills – au nord-ouest de Barrie, village d’Anten Mills, canton de Springwater, comté de Simcoe. La station a été découverte le 7 octobre 2001 au sud du village d’Anten Mills par G.M. Allen, qui a observé quelques pieds épars le long de la ligne de rivage du lac Algonquin. La population principale compte environ 500 individus, dispersés sur un terrain sablonneux de 10 m sur 3 m parmi un résidu de communauté dominée par le Danthonia spicata, auquel sont associés le Panicum implicatum, le Rumex acetosella, le Pteridium aquilinum, le Sporobolus cryptandrus, le Poa compressa, l’Agrostis gigantea, le Cyperus lupulinus, l’Asclepias syriaca, le Verbascum thapsus, l’Hypericum perforatum et le Carex brevior. Le terrain est en voie d’être envahi par le Rubus strigosus, le Pinus sylvestris et le Rhus typhina, et l’A. basiramea est confiné aux chemins d’approvisionnement, peu fréquentés, et à leurs abords. Deux sous-populations de quelques centaines d’individus chacune et une autre d’une centaine d’individus ont été observées. Aucune de ces sous-populations ne se trouve à plus de 0,5 km de la population principale. La station a été photographiée (figure 9) et des spécimens ont été récoltés (TRTE) par G.M. Allen. La station est située sur un terrain privé.

Figure 9. Reste de l’habitat de l’Aristida basiramea au sein des plantations de conifères sur le rivage du lac Algonquin, à Anten Mills. 8 octobre 2001.

Reste de l’habitat de l’Aristida basiramea au sein des plantations de conifères sur le rivage du lac Algonquin, à Anten Mills.

District de Rainy River – Station découverte le 18 août 2001 par M.J. Oldham et W.D. Bakowsky, à l’est de Fort Frances, près de Swell Bay, au lac Rainy. L’espèce est présente sur une cinquantaine de mètres le long de la route, où elle pousse dans le sable et le gravier. Oldham note que cette station est probablement adventice, puisque l’espèce pousse uniquement sur le bord de la route. M.J. Oldham a récolté des spécimens (MICH, DAO et NHIC).

Québec

Cazaville (près du hameau) – L’A. basiramea a été découvert au Québec par Jacques Brisson le 20 septembre 2001, dans une plaine de sable située près de Cazaville, municipalité de Saint-Anicet, MRC du Haut-Saint-Laurent, près de la frontière canado-américaine. En octobre 2001, Frédéric Coursol et A. Meilleur ont exploré cette localité et ses environs. Ils ont recensé 6 sous-populations sur une superficie de moins de 1 km² près de Cazaville. En octobre 2002, F. Coursol est retourné sur les lieux et a compté 11 sous-populations, dont il a estimé l’effectif total à plus de 10 000 individus. La population de Cazaville est probablement indigène, puisqu’elle se trouve en grande partie sur un terrain sablonneux non perturbé, à l’emplacement d’un rivage post-glaciaire, où on trouve d’autres espèces rares au Québec. L’espèce a également envahi des zones dégagées de terrains sablonneux perturbés à la périphérie de la station principale, notamment dans des champs abandonnés et dans des fossés au bord de la route. L’espèce dominante est le Danthonia spicata, et les principales espèces associées sont le Poa compressa, l’Agropyronrepens, le Rubus allegheniensis, le Cyperus houghtonii et le Cyperus lupulinus subsp. macilentus. Spécimens récoltés par F. Coursol, déposés au MT et confirmés par Stuart Hay. Station photographiée par F. Coursol (figures 4 et figure5). L’espèce se trouve sur des terrains privés appartenant à plus d’une centaine de propriétaires différents.

Voici l’effectif dénombré ou estimé par F. Coursol en octobre 2001 pour 6 des 11 sous-populations de Cazaville :

Mentions erronées

La base de données du Centre d’information sur le patrimoine naturel de l’Ontario (CIPNO) contient une mention selon laquelle l’Aristida basiramea aurait été récolté à Hamilton en 1862. L’information contenue dans la base de données provient d’une fiche technique établie dans le cadre d’un projet du ministère des Richesses naturelles de l’Ontario (MRNO) visant à cartographier les espèces rares du centre de la province (Riley et al., 1992). La fiche portait les indications « Hamilton, plage » et « sur la plage, dans l’eau » (traduction de l’anglais). La mention pour Hamilton n’est accompagnée d’aucune indication quant à la position précise ni quant à l’effectif de la station, et le personnel du CIPNO est d’avis qu’il s’agit d’une erreur (M.J. Oldham, comm. pers., 2001). A.A. Reznicek n’a pas vu de spécimen correspondant à cette mention lorsqu’il a préparé la carte de répartition de l’espèce pour Argus et Keddy (1984).

La mention de J.M. Cruise, en 1954, pour les dunes sèches de la plage de Long Point, 2,7 km à l’ouest du phare, a été rejetée comme erronée par Reznicek lors de la préparation de l’Atlas des plantes vasculaires rares de l’Ontario, en 1984, et n’a pas été retenue non plus par Reznicek et Catling dans Flora of Long Point (1989). L’espèce était signalée par Cruise sous le nom d’Aristida intermedia (Cruise, 1969). Il s’agissait de l’unique mention de l’espèce pour l’Ontario jusqu’à ce que Reznicek découvre la station de Penetanguishene, en 1975. Il semble que la station mentionnée par Cruise en 1954 n’a jamais été retrouvée.

L’Aristida basiramea a également été mentionné pour le Manitoba (par Macoun en 1888 et par Shimek en 1927). Cependant, l’espèce n’est mentionnée pour le Manitoba ni dans Flora of Manitoba (Scoggan, 1957) ni dans The Flora of Canada (Scoggan, 1978-1979). Étant donné l’ancienneté des mentions, la probabilité qu’il s’agisse d’erreurs d’identification et le fait que les stations n’ont jamais été confirmées, le Centre de données sur la conservation du Manitoba compte modifier la cote attribuée à l’espèce dans la province de SU (situation non déterminée) à SRF (mention erronée) (Greenall, comm. pers., 2003).

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