Baleine grise (Eschrichtius robustus) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6
Répartition
Répartition mondiale
La baleine grise n’est retrouvée que dans l’hémisphère nord. Des restes subfossiles (Mead et Mitchell, 1984) et des récits historiques (Mead et Mitchell, 1984; Lindquist, 2000) documentent l’existence d’une population de baleine grise dans l’Atlantique Nord, maintenant disparue. Dans l’Atlantique Nord-Est, l’espèce fréquentait la mer Baltique, la mer du Nord et la Manche (Mead et Mitchell, 1984), ainsi que les eaux entourant l’Islande (Lindquist, 2000), alors que dans l’Atlantique Nord-Ouest, des restes subfossiles ont été découverts du sud-est de la Floride à Long Island, au nord (Mead et Mitchell, 1984; Reeves et Mitchell, 1988). Il se peut que la baleine grise ait pénétré dans les eaux canadiennes, y compris les Bancs de Terre-Neuve, le plateau Néo-Écossais, le golfe du Saint-Laurent et même la baie d’Hudson (Reeves et Mitchell, 1988). L’espèce semble avoir disparu de l’Atlantique Est vers 1730 (Bryant, 1995; Lindquist, 2000) et de l’Atlantique Ouest, entre le milieu et la fin du XVIIIe siècle (Mead et Mitchell, 1984).
Les fossiles de baleine grise découverts dans le Pacifique Nord sont vieux d’au moins 50 000 ans (Barnes et McLeod, 1984). Les baleines grises du Pacifique Nord forment deux populations distinctes. La population de l’est ou de la Californie passe l’hiver dans un chapelet de lagunes peu profondes (principalement les lagunes Guerrero Negro, Ojo de Liebre et San Ignacio et la baie Bahía Magdalena) de la côte ouest de la Basse-Californie, au Mexique (Rice et al., 1981). Des baleines grises sont régulièrement observées aussi dans le golfe de Californie et le long de la côte continentale du Mexique en hiver et au printemps (Tershy et Breese, 1991; Silber et al., 1994; Sánchez-Pacheco et al., 2001). Entre janvier et mai, les animaux quittent les aires de reproduction hivernales et remontent vers le nord en suivant la côte ouest de l’Amérique du Nord, se tenant habituellement à quelques kilomètres du rivage (Braham, 1984; Herzing et Mate, 1984; Poole, 1984a; Green et al., 1995). La plus grande partie de la population franchit la passe Unimak, dans les îles Aléoutiennes, entre mai et juin (Pike, 1962) pour aller s’alimenter dans les eaux peu profondes des mers de Béring, des Tchouktches et de Beaufort. La principale aire d’alimentation estivale de la population de l’est (figure 2) s’étend du cap Bathurst (Territoires du Nord-Ouest; Rugh et Fraker, 1981) vers l’ouest, jusqu’à Mys Billingsa, dans la mer de Sibérie Orientale (Miller et al., 1985; Kochnev, 1998), et inclut toutes les eaux peu profondes de la mer de Béring jusqu’à la passe Unimak, au sud (Braham, 1984). Une petite partie de la population du Pacifique Nord-Est, appelée le groupe résident estival, passe l’été à se nourrir dans les eaux littorales tempérées (figure 3) à partir du nord de la Californie jusqu’au sud-est de l’Alaska (Pike, 1962; Patten et Samaras, 1977; Flaherty, 1983; Darling, 1984; Mallonée, 1991; Avery et Hawkinson, 1992; Calambokidis et al., 1994).
Figure 2. Carte du Pacifique Nord indiquant la répartition et le trajet de migration de la population de baleine grise du Pacifique Nord-Est.
On en connaît beaucoup moins au sujet de la population de baleine grise du Pacifique Ouest, aussi appelée la population de la Corée. Décimée par la chasse, elle ne compterait plus qu’une centaine d’individus (Weller et al., 2002a). Une aire d’alimentation a récemment été découverte au large de l’île Sakhalin (Weller et al., 1999; Weller et al., 2002a). Cette population migre probablement vers les aires de reproduction de la côte sud de la Chine en longeant les côtes du Japon, de la Corée et de la Chine (Wang, 1984; Clapham et al., 1999). Il ne semble pas y avoir d’échange génétique entre les populations du Pacifique Nord-Ouest et du Pacifique Est (LeDuc et al., 2002).
Figure 3. Carte du Pacifique Nord-Est indiquant le trajet de migration et les aires d’alimentation connues de la baleine grise au large de la Colombie-Britannique, au Canada.
Répartition canadienne
Seules des baleines grises de la population du Pacifique Nord-Est entrent dans les eaux canadiennes. Presque toute la population (qui comptait environ 18 000 individus en 2002) traverse les eaux côtières de la Colombie-Britannique au printemps et en automne, lorsqu’elle migre entre les aires d’alimentation estivales et les aires de reproduction hivernales (fig. 3). Les individus qui migrent vers le nord arrivent généralement dans les eaux de la province à l’ouest de la pointe Carmanah, dans l’île de Vancouver (Darling, 1984; Gisborne, comm. pers.); elles longent ensuite la côte ouest de l’île jusqu’au cap Scott (Darling, 1984). Le trajet de migration au nord de l’île de Vancouver est mal compris, mais la plupart des animaux traversent probablement le bassin Reine-Charlotte, puis, arrivés au cap St. James, dans les îles de la Reine-Charlotte, contournent les îles en longeant la côte est ou ouest (Pike, 1962). Ils franchissent ensuite l’entrée Dixon, puis quittent les eaux canadiennes. De nombreux animaux ont été observés se nourrissant dans les eaux côtières lors de la migration vers le nord (Pike, 1962; Sund, 1975; Darling, 1984). La migration vers le sud suit presque le même trajet, bien que les animaux aient tendance à voyager plus loin au large des côtes et à se nourrir peu (Pike, 1962; Darling, 1984).
Pike (1962) a été le premier à observer qu’un certain nombre de baleines grises mettent fin à leur migration vers les aires d’alimentation de l’Arctique dans les eaux côtières tempérées de la Colombie-Britannique, où elles passent l’été à se nourrir. De tels groupes estivaux de baleines résidentes ont depuis été signalés à de nombreux autres endroits de la côte ouest de l’Amérique du Nord (Patten et Samaras, 1977; Flaherty, 1983; Mallonée, 1991; Avery et Hawkinson, 1992; Calambokidis et al., 1994). Ces baleines, très fidèles au site, ont tendance à revenir au même lieu d’alimentation d’année en année (Darling, 1984; Calambokidis et al., 1994; Calambokidis et al., 2002). La présence en été de baleines grises résidentes tout le long de la côte ouest de l’île de Vancouver est bien documentée (Darling, 1984). On en voit souvent aussi le long de la côte nord de l’île, du cap Scott au cap Sutil, ainsi que le long du littoral continental, de la baie Shelter au cap Caution (Deecke, 1996). L’effort d’observation étant nettement moins intense sur la côte nord de la Colombie-Britannique, l’occurrence de baleines grises et leur répartition en été dans cette région sont mal comprises. Aux îles de la Reine-Charlotte, on en voit souvent se nourrissant d’œufs de hareng dans l’inlet Skidegate et sur la côte est de l’île South Moresby entre mai et juillet (Nichol et Heise, 1992; Ford et al., 1994). D’autres ont été vues se nourrissant en été sur la côte ouest des îles Calvert (Darling, comm. pers.), Dundas et Aristazabal (Ellis, comm. pers.; Ford, comm. pers.), et des baleines connues comme résidentes dans les eaux de la province ont été photographiées dans l’archipel McMullin Group, ainsi que dans la baie Sitka, au sud-est de l’Alaska (Deecke, 1996, 2003; Calambokidis et al., 2002). D’autres ont aussi été vues dans les eaux des détroits de la Colombie-Britannique, principalement dans la baie Boundary (Deecke, 1996; Ford, comm. pers.), ainsi qu’à l’occasion dans les détroits de Haro et de Georgia (Calambokidis et Baird, 1994; Malcolm, 1999).
Bien que la principale aire d’alimentation de la population du Pacifique Nord-Est dans l’Arctique s’étend essentiellement dans des eaux appartenant à la Russie et aux États-Unis, elle englobe aussi des eaux des Territoires du Nord-Ouest et peut-être de l’ouest du Nunavut. Des baleines grises ont été observées en train de se nourrir au large du cap Bathurst (Rugh et Fraker, 1981) et sont inscrites sur la liste des espèces retrouvées dans le parc national Tuktut Nogait (Alvo, comm. pers.). Le rôle des eaux canadiennes de la mer de Beaufort comme aire d’alimentation estivale est actuellement mal compris. D’autres recherches semblent justifiées, d’autant que l’importance de cette région comme aire d’alimentation pourrait augmenter à l’avenir si la capacité de charge du quadrant ouest de la mer de Beaufort, de la mer des Tchouktches et de la mer de Béring pour la baleine grise est atteinte.
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