Bouche coupante (Acrocheilus alutaceus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6

Répartition

Répartition mondiale

Le bouche coupante est une espèce endémique de la côte ouest de l’Amérique du Nord, où sa répartition est restreinte aux bassins des fleuves Fraser et Columbia, ainsi qu’au lac Malheur en Oregon (Scott et Crossman, 1974; Wydowski et Whitney, 1979). Le bouche coupante est abondant et répandu dans tous les cours d’eau de l’Oregon (Lassuy, 1990) et de l’État de Washington, où Patten et al. (1970) ont signalé que c’était le poisson le plus abondant dans la rivière Yakima (important affluent du Columbia). Le bouche coupante est également présent en Idaho et dans le nord-est du Nevada (dans les affluents du Columbia). La superficie combinée des bassins hydrographiques occupés par le bouche coupante aux États-Unis dépasse les 20 000 km2, et la distance linéaire des chenaux de cours d’eau occupés est de l’ordre de centaines ou de milliers de kilomètres.

Les populations canadiennes de bouches coupantes sont plus isolées et semblent se trouver en densités beaucoup plus faibles que dans les parties centrales et méridionales de l’aire de répartition de l’espèce, de sorte qu’il pourrait s’agir de populations distinctes de celles des États-Unis sur les plans écologique et génétique.


Répartition canadienne

En Colombie-Britannique, le bouche coupante est confiné aux eaux tempérées des rivières et des lacs de l’intérieur. La superficie totale des bassins hydrographiques occupés au Canada dépasse nettement 5 000 km2. Toutefois, cette donnée statistique est quelque peu trompeuse, parce que seule une fraction de l’habitat disponible dans chaque bassin est propice au bouche coupante. Néanmoins, la distance linéaire correspondant aux cours d’eau occupés est d’environ quatre cents kilomètres (valeur fondée sur des estimations visuelles très grossières de la longueur des chenaux à partir de cartes topographiques) et les mêmes bassins abritent près d’une douzaine de populations lacustres. Des estimations extrêmement grossières permettent d’obtenir une surface mouillée d’approximativement 40 km2 pour l’habitat fluvial et de 90 km2 dans le cas de l’habitat lacustre (en excluant le très grand lac Okanagan; si l’on inclut le lac Okanagan, la superficie totale de l’habitat lacustre monte à 440 km2).

Les populations de bouches coupantes du bassin du Fraser occupent le bassin hydrographique de la rivière Blackwater, à l’ouest de Quesnel (y compris ses affluents, l’Euchiniko et la Nazko), la rivière Nicola (Vadas, 1998), le lac Nicola, le lac Vidette, le lac Mara, la haute Chilcotin, la rivière Muskeg (affluent de la rivière Salmon près de Prince George et endroit le plus septentrional où le bouche coupante ait été signalé) et la rivière Shuswap (figure 2). Le bouche coupante a également été observé dans le cours principal du Fraser entre Quesnel et Prince George (McPhail, données inédites). Les populations du bassin du Columbia se trouvent dans la rivière Okanagan (ce qui inclut les lacs Skaha, Osoyoos et Okanagan), la rivière Kettle, et les lacs Wolfe et Missezula dans le bassin de la Similkameen. Cette information est résumée dans le tableau 1 (tiré de Rosenfeld et al., 2001). La mention la plus ancienne, se rapportant à un bouche coupante provenant du lac Windermere dans le bassin de Kootenay-Columbia, n’est pas confirmée. Le spécimen a été identifié correctement comme étant un bouche coupante (Peter Troffe, Musée royal de Colombie-Britannique, comm. pers., 1999), mais il est possible que les échantillons de poissons aient été mal étiquetés ou confondus au moment de l’échantillonnage original (Don McPhail, zoologie, UBC, comm. pers., 1999). On n’a pas récolté de bouche coupante pendant un inventaire visant cette espèce et effectué en 1998 dans le lac Windermere (Radridge, 1998); cependant, on n’a pas eu recours à l’engin le plus efficace pour la capture des adultes (filets maillants de 2 à 2 1/2 pouces).


Figure 2 : Aire de répartition nord-américaine du bouche coupante

Figure 2 : Aire de répartition nord-américaine du bouche coupante.

Adapté de Scott et Crossman (1974).


Figure 3 : Aire de répartition canadienne du bouche coupante

Figure 3 : Aire de répartition canadienne du bouche coupante.

Tiré de Rosenfeld et al., 2001). Les points blancs indiquent l’emplacement des sites d’échantillonnage dans les principaux bassins abritant des bouches coupantes, et les régions noircies correspondent aux bassins où l’on trouve des bouches coupantes dans les bassins des fleuves Fraser et Columbia, avec une probabilité supérieure à 0,5 obtenue à l’aide de modèles de régression logistique fondés sur l’habitat (tiré de Rosenfeld et al., 2001). Les points noirs correspondent aux endroits où le bouche coupante est absent, et les régions grisées, aux principaux bassins où l’estimation de la probabilité d’occurrence du bouche coupante est inférieure à 0,5.

Tableau 1 : Endroits, et bassins hydrographiques correspondants, où le bouche coupante a été récolté en Colombie-Britannique
Site Temp. maximale
(°C)
Largeur du chenal
(m)
UTM
Vers l’est
UTM
Vers le nord
R. Blackwater 20,1 60 10U 0470550 5900450
R. Euchiniko 21,0 90 10U 0441200 5911500
R. Nazko 21,5 21 10U 0458500 5873400
R. Muskeg 22,0 20 10U 0490374 6034860
Shuswap 23,4 85 11U 0357426 5601119
Haute Chilcotin 24,4 32 10U 0453184 5775573
R. Kettle 24,5 193 11U 0400642 5429442
R. Okanagan 24,5 45 11U 0313650 5442000
R. Nicola 25,6 17 10U 0658418 5553912

Rosenfeld et al., 2001.

Il n’y a pas eu d’estimations officielles ou quantitatives des populations de bouches coupantes au Canada, mais d’après le nombre de poissons capturés pendant l’échantillonnage, les effectifs du bouche coupante sont probablement plus abondants dans les populations des rivières Nicola et Okanagan. Le bouche coupante semble moins abondant (c’est-à-dire qu’on en a capturé un moins grand nombre pour un effort d’échantillonnage donné) dans les eaux probablement plus froides des bassins situés plus au nord – en particulier dans la haute Chilcotin et dans la rivière Muskeg.

D’après les résultats d’un échantillonnage effectué récemment dans toute l’aire de répartition canadienne connue du bouche coupante, il semble que cette aire n’ait pas changé par rapport aux données antérieures sur l’occurrence de l’espèce, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de tendances évidentes dans l’aire d’occupation du bouche coupante à l’échelle des principaux bassins hydrographiques. Bien que l’absence du bouche coupante dans le lac Windermere puisse être interprétée comme une contraction de l’aire de répartition, il peut également s’agir d’une erreur d’étiquetage au départ; de même, la nouvelle mention du bouche coupante dans la rivière Muskeg, près de Prince George, résulte probablement d’un effort d’échantillonnage plus intense plutôt que d’une expansion de l’aire de répartition. Il est indiscutable qu’il y a eu un certain nombre de disparitions locales du bouche coupante, provoquées de façon délibérée dans des lacs qui ont été traités à l’aide de produits chimiques (jusque dans les années 1960) par la direction des pêches de la province dans le but d’éliminer les « poissons communs » pour faciliter l’ensemencement de la truite arc-en-ciel de monoculture aux fins de la pêche récréative. Il est probable que ces disparitions ont éliminé de façon permanente des populations isolées qui ne pouvaient pas recoloniser naturellement ces eaux, mais le nombre total de lacs traités est inconnu. Il serait peut-être utile de répertorier les lacs touchés en tant que sites potentiels de réintroduction, en particulier dans le cas d’un éventuel déclin du bouche coupante (situation que l’on a aucune raison d’envisager pour le moment).

En ce qui a trait aux tendances à long terme, en l’absence de dégradation de l’habitat à long terme (hypothèse discutable), les expansions ou les contractions futures de l’aire de répartition seront probablement liées au changement climatique. Étant donné que le facteur limitatif majeur de la répartition du bouche coupante semble être la présence d’un régime thermique approprié (voir la discussion ci-dessous, dans les sections intitulées « Besoins en matière d’habitat » et « Facteurs limitatifs et menaces »), le réchauffement climatique pourrait avoir une incidence positive sur l’aire de répartition du bouche coupante.

 

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