Couleuvre obscure de l’est (Elaphe spiloides) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 2

logo du COSEPAC

COSEPAC
Résumé

Couleuvre obscure de l’Est
Elaphe spiloides

Population des Grands Lacs et du Saint-Laurent
Population carolinienne

Information sur l’espèce

La couleuvre obscure (Elaphe spiloides) est le plus grand serpent du Canada. Sa longueur maximale du museau au cloaque est d’environ 190 cm. Les motifs de coloration des couleuvres obscures de l’Est adultes sont très variables d’une région à l’autre de l’aire de répartition de l’espèce. Les adultes appartenant aux populations du Canada sont généralement d’un noir uniforme et luisant avec une coloration blanche, jaune, orange ou rouge sur la peau entre les écailles. La surface ventrale est généralement blanche ou jaunâtre, avec des motifs gris ou bruns prenant souvent l’apparence d’un damier. La couleuvre obscure se distingue généralement des autres couleuvres par sa gorge, qui a une couleur uniformément blanche ou crème. Contrairement aux adultes, les juvéniles portent des motifs dorsaux, composés de taches gris foncé ou brunes sur fond gris pâle.

 

Répartition

La couleuvre obscure est largement répartie et commune dans les forêts de l’est et du centre des États-Unis. Au Canada, l’espèce est confinée à deux régions isolées du sud-ouest (province faunique de la forêt carolinienne) et du sud-est (province faunique des Grands Lacs et du Saint-Laurent) de l’Ontario. Dans le présent rapport, les populations de ces deux régions seront considérées comme deux unités désignables connues comme étant la population carolinienne et la population des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Dans le sud-ouest de l’Ontario, la population carolinienne est associée à la forêt carolinienne sur la rive nord du lac Érié, où elle forme quatre très petites populations isolées dans les comtés de Middlesex, Elgin, Haldimand-Norfolk et Niagara. La population des Grands Lacs et du Saint-Laurent est associée à l’axe de Frontenac dans les comtés de Frontenac, Lanark, et Leeds et Grenville.

 

Habitat

La couleuvre obscure est semi-arboricole et occupe une grande variété d’habitats boisés dans son aire de répartition. En ce qui concerne son domaine vital, elle semble privilégier un habitat composé d’une mosaïque de forêts et de milieux ouverts (champs, affleurements de roche-mère) riches en écotone. Des études détaillées de l’utilisation de l’habitat dans l’axe de Frontenac ont révélé que la couleuvre obscure requiert différents types d’habitats durant son cycle vital. En hiver, elle hiberne sous terre dans des gîtes d’hibernation communautaires qui offrent une protection contre le gel et la déshydratation. Durant la saison active, les individus cherchent refuge dans des chicots de bois, des troncs creux, des crevasses dans le roc et sous des pierres pour échapper aux températures élevées et aux prédateurs. Les femelles nichent dans la matière en décomposition à l’intérieur de chicots, de souches, de billots de bois et de tas de compost où les conditions sont humides et la température avoisine les 30 ºC.

 

Biologie

Les couleuvres obscures atteignent la maturité sexuelle vers l’âge de sept à neuf ans, après quoi les femelles produisent une couvée de huit à quinze œufs tous les deux ou trois ans. En Ontario, les femelles nichent entre le début de juillet et le début d’août, environ un mois après la saison des amours, qui se déroule de la fin de mai au début de juin. Les œufs éclosent entre la fin d’août et la fin de septembre, après une période d’incubation de 60 jours environ.

Les rigueurs du climat canadien limitent la saison active des couleuvres obscures à cinq mois environ (de mai à octobre). Durant cette saison, elles ont un domaine vital relativement étendu (environ 18 ha) et se dispersent jusqu’à une distance de 4 km de leur gîte d’hibernation. Les adultes demeurent fortement attachés à leur territoire, fréquentant souvent les mêmes sites dans leur domaine vital durant la saison active et d’une année à l’autre.

La couleuvre obscure est à la fois le prédateur et la proie d’un grand nombre d’espèces. Elle se nourrit principalement de petits mammifères (environ 65 p. 100) et d’oiseaux (environ 30 p. 100). Parmi ses prédateurs connus, on compte quelques grands oiseaux de proie (p. ex. la Buse à épaulettes [Buteo lineatus], le Balbuzard pêcheur [Pandion haliaetus], la Buse à queue rousse [Buteo jamaicensis]) et des mammifères de taille moyenne (p. ex. le pékan [Martes pennanti], le vison [Mustela vison]).

 

Taille et tendances des populations

En raison de leur nature très discrète, il est extrêmement difficile d’estimer avec précision la répartition et la taille des populations de serpents. À l’aide de modèles de qualité de l’habitat et d’estimations de la densité, on a estimé que la population des Grands Lacs et du Saint-Laurent compte entre 25 000 et 85 000 individus. Bien qu’il n’existe aucun inventaire à l’échelle de toute la population, il a été démontré que deux populations de l’axe de Frontenac ont subi un léger déclin sur une période de 18 ans. Aucun échantillonnage démographique n’a été mené dans les populations caroliniennes. Cependant, la quantité d’habitat convenable disponible conjuguée au faible nombre d’observations porte à croire que ces populations sont de petite taille et en déclin.

 

Facteurs limitatifs et menaces

En raison de certaines caractéristiques de leur cycle vital, comme la reproduction bisannuelle, l’atteinte tardive de la maturité (à environ 7 ans) et une lente croissance, les populations canadiennes de couleuvres obscures sont particulièrement vulnérables aux perturbations. La mortalité causée par une hausse des contacts avec les humains (p. ex. mortalité sur les routes, destruction de gîtes d’hibernation, abattage délibéré de couleuvres) peut donc avoir des répercussions sur les populations. En outre, l’habitat convenable à l’espèce dans la région carolinienne est très limité et extrêmement fragmenté; on ignore s’il reste suffisamment d’habitat pour soutenir des populations viables de couleuvres obscures. L’habitat convenable est beaucoup plus abondant dans l’axe de Frontenac, mais l’intensification des activités récréatives dans la région s’accompagne de développements qui sont susceptibles de réduire et de fragmenter l’habitat existant.

 

Importance de l’espèce

La population des Grands Lacs et du Saint-Laurent et la population carolinienne sont isolées géographiquement et génétiquement distinctes, tant l’une de l’autre que des populations des États-Unis. Ces deux populations sont donc précieuses pour la conservation de la diversité génétique globale de l’espèce. Les couleuvres obscures jouent également un rôle important dans les communautés écologiques où elles vivent. Elles se situent généralement au milieu de la chaîne alimentaire; elles sont le prédateur et la proie d’un grand nombre d’espèces. Elles ont besoin d’un grand territoire continu et, par conséquent, toute initiative visant à les protéger serait bénéfique pour d’autres espèces.

 

Protection actuelle ou autres désignations de statut

La couleuvre obscure n’a pas de cote mondiale, mais les États individuels dans lesquels se trouve l’aire de répartition de l’espèce classent les couleuvres obscures comme étant « non en péril » (secure) (S5) ou « apparemment non en péril » (apparently secure) (S4), à l’exception du Wisconsin, où les couleuvres obscures sont classées « en péril »(imperiled) (S2) (les couleuvres obscures n’ont pas été classées ou font actuellement l’objet d’une étude dans certains États). Au Canada, elle est inscrite comme espèce menacée à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP). Sa cote en Ontario est S3 (Centre d’information sur le patrimoine naturel [CIPN]) et elle est classée « menacée » (threatened) par le Comité de détermination du statut des espèces en péril en Ontario (CDSEPO). Elle est également protégée en Ontario en vertu de la Loi sur la protection du poisson et de la faune, où l’Elaphe spiloides est inscrit comme « reptile spécialement protégé » en vertu de l’annexe 9). Une très faible portion (moins de 5 p. 100) de l’aire de répartition canadienne de l’espèce se trouve dans des aires protégées.

Détails de la page

Date de modification :