Escargot-forestier de Townsend (Allogona townsendiana) évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2013 : chapitre 10

Taille et tendances des populations

Activités et méthodes d’échantillonnage

La population la mieux connue en Colombie-Britannique vit dans la TWU-ESA, où le déplacement et le cycle vital des escargots ont d’abord été étudiés de façon périodique durant six ans à compter de 2000 (Steensma et al., 2009); ces études sont toujours en cours (Steensma, comm. pers., 2012). Des données ont été recueillies durant le printemps, lorsque les conditions climatiques sont optimales et que les escargots sont le plus actifs (p. ex. durant la saison de reproduction). Quatre zones de 24 m2 chacune ont été étudiées afin de déterminer la densité des populations d’escargots en appliquant la technique de marquage et de recapture Jolly-Seber (Krebs, 1989). On a effectué des recherches durant 30 minutes à chaque site, tous les jours à la même heure, du 8 au 12 juin 2004, afin de repérer des individus. Des estimations de la population ont été générées à l’aide du programme JOLLY (Centre de recherche faunique de Patuxent [Patuxent Wildlife Research Center] du Service géologique des États-Unis [United States Geological Survey – USGS], Laurel (Maryland), États-Unis) (Pollock et al., 1990) selon les hypothèses suivantes : la capacité de survie et la capturabilité sont les mêmes pour tous les escargots, le délai de traitement est court, les escargots marqués sont libérés immédiatement, et les marques sont faciles à voir.

La population vivant dans l’un des secteurs d’entraînement gérés par le ministère de la Défense nationale (MDN), à l’Unité de soutien de secteur (USS) Chilliwack a également été étudiée (Hawkes et Gatten, 2011) afin d’en déterminer la zone d’occupation, l’aire de répartition et la taille approximative dans l’ensemble de la propriété appartenant au gouvernement fédéral. Les données ont été recueillies durant l’automne, ce qui n’est pas le moment idéal pour le faire (période en dehors de la saison de reproduction); cependant, on sait que les escargots sont actifs et faciles à repérer durant les mois humides d’automne. Au total, 32 parcelles mesurant chacune 25 m2 (5 m x 5 m; superficie totale de 800 m2) ont été sélectionnées de façon aléatoire dans un habitat où la présence de l’escargot-forestier de Townsend était considérée comme probable. L’habitat a été choisi d’après une interprétation des sites effectuée à l’aide de photographies aériennes, laquelle a permis de connaître les caractéristiques de l’habitat (voir Besoins en matière d’habitat). Ces parcelles ont été explorées durant des intervalles de 20 minutes; en cherchant sous les feuilles mortes et sous les débris ligneux de grande dimension, on a découvert des escargots en estivation. On a ensuite estimé la taille des populations en additionnant le nombre de gastéropodes par parcelle et en calculant la densité (nombre d’escargots/m2) (Hawkes et Gatten, 2011).

Abondance

Les données sont insuffisantes pour que l’on puisse évaluer de façon exacte l’abondance de l’escargot-forestier de Townsend dans l’ensemble de son aire de répartition en Colombie-Britannique. Les données sur les populations de chacun des sites nous en apprennent très peu sur la taille ou les tendances des populations. Cependant, les sites cartographiés par le Conservation Data Centre de la Colombie-Britannique (2013) et les données recueillies durant la préparation du présent rapport fournissent certains renseignements quant à l’abondance des escargots. Le nombre d’individus trouvés par site varie de 1 individu (au moins 17 sites) à plus de 20 individus (9 sites). Le nombre d’individus le plus élevé jamais observé à un site s’établit à 670 individus, au parc régional Colony Farm (figure 10) (Parkinson et Heron, 2010).

Deux études ont été menées afin d’estimer la population. Les estimations de Steensma et al. (2009) dans quatre zones d’étude comprises dans la TWU-ESA s’élevaient à 7 à 47 individus dans quatre sites d’échantillonnage de 24 m2, pour une densité générale moyenne de population de 1,0 individu/m2. Dans l’autre site (Chilliwack), les densités maximales ont été observées dans les milieux riverains (0,14 individu/m2) et les forêts décidues mixtes de seconde venue (0,13 individu/m2) (Hawkes et Gatten, 2011). Ces données n’ont pas été recueillies durant la saison de reproduction, période de l’année idéale pour le faire, mais bien en automne, lorsque les conditions sont humides et que les escargots sont à la fois actifs et bien visibles. En attendant qu’un relevé soit effectué durant la saison de reproduction du printemps, les données de Chilliwack devront être considérées comme incertaines.

Les valeurs estimées de la densité minimale et maximale ont été multipliées par la zone d’occupation biologique totale (m2) des occurrences connues (3 278 300 m2 environ) (tableau 1; Conservation Data Centre de la Colombie-Britannique [2013]) afin d’obtenir une estimation générale de la population. Ainsi, on croit que la population canadienne de l’escargot-forestier de Townsend est constituée de 426 000 à 3 300 000 individus.

Fluctuations et tendances

On dispose de très peu d’information sur les fluctuations et les tendances des populations de l’espèce. La mention historique attestant la présence de l’espèce sur l’île de Vancouver (1903) a été confirmée en 2003 et en 2009, mais on craint que les populations aient disparu ou disparaîtront en raison des 17 ensembles résidentiels urbains construits dans la vallée du bas Fraser (voir Tendances en matière d’habitat) et de tous les autres travaux d’aménagement prévus dans les limites d’urbanisation actuelles.

Fragmentation grave

La persistance des populations d’escargots-forestiers de Townsend repose sur la présence de parcelles d’habitat interreliées et propices, de même que sur la capacité de déplacement des individus. L’urbanisation et l’aménagement de terres agricoles, conjugués à la succession naturelle, à la suppression des incendies ainsi qu’au remblayage et à l’assèchement des milieux riverains humides de faible altitude (voir Menaces et Facteurs Limitatifs) ont selon toute vraisemblance conduit à l’isolement des populations, empêchant ainsi les escargots de se déplacer pour recoloniser des parcelles d’habitat. Les menaces cumulatives et les facteurs limitatifs ont sans doute causé la disparition de l’espèce dans certains sites. Chose certaine, depuis la publication du premier rapport de situation (COSEPAC, 2002), l’urbanisation a entraîné des pertes substantielles d’habitat et d’individus (voir Menaces et Facteurs Limitatifs).

On peut difficilement évaluer la capacité de déplacement de l’espèce d’une parcelle d’habitat propice à une autre. Les distances qui séparent les sites connus peuvent être considérables (> 10 km) (figure 4) mais, si les milieux pouvant servir d’habitat sont suffisants, il se peut très bien que l’escargot finisse par coloniser ces endroits. D’ailleurs, c’est sans doute ce qui s’est produit par le passé pour que l’aire de répartition de l’espèce au Canada soit ce qu’elle est devenue. Les escargots présentent habituellement un domaine vital restreint, quoique l’escargot-forestier de Townsend puisse à la longue coloniser de nouveaux endroits, y compris les milieux artificiels (p. ex. fossés, terres inondées laissées en jachère), pourvu que l’habitat ne subisse aucune perturbation constante et qu’il n’y ait aucune barrière prolongée ou permanente aux déplacements.

En s’appuyant sur l’avis de spécialistes, on a attribué une note (en répondant oui ou non) à chacun des 66 sites connus pour évaluer l’état de fragmentation et d’isolement selon la superficie et l’emplacement. On a déterminé si les sites étaient entourés d’une ville ou d’une route, si des travaux d’aménagement y étaient prévus ou s’ils étaient situés dans une zone protégée (tableau 1). D’après les résultats, 52 des 66 sites connus (78,8 %) sont fragmentés et isolés. Au moins 50 sites mesurent moins de 5 ha ou pourraient disparaître en raison de l’urbanisation au cours des 10 prochaines années (voir Menaces et Facteurs Limitatifs). Sous l’effet de l’aménagement du territoire (depuis 2002), ces sites sont aujourd’hui isolés les uns des autres par plus de 1 km d’habitat non propice et, selon toute vraisemblance, ne pourront plus assurer le maintien d’une population viable de l’espèce dans le futur. Si l’on examine les données autrement, on constate que 50 des 75 carrés de la grille occupés de 2 km de côté (66,7 %) sont considérés comme non viables. Même si la définition de fragmentation grave fournie par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en 2011 ne comprend aucun délai pour évaluer la viabilité d’une sous-population, si le temps de génération moyen est de cinq ans, on sait qu’il y aura eu trois générations d’ici 2028. Certains critères quantitatifs de l’UICN (2011) qui permettent d’évaluer la situation d’une espèce et qui sont employés par le COSEPAC comme lignes directrices s’appuient sur une période de dix ans ou de trois générations, la plus longue étant retenue (maximum de cent ans); cependant, une période de cent ans est également comprise dans le critère E de l’analyse quantitative.

La zone d’occupation biologique des sites cartographiés est fragmentée et isolée dans une proportion de 33 % (108 ha sur 328). Avec ce calcul, la situation ne correspond pas parfaitement à la définition de fragmentation sévère fournie par l’UICN, là où l’on dispose de données. Selon cette définition, il faut que la majeure partie (> 50 %) de la zone d’occupation totale soit composée de parcelles d’habitat : a) plus petites que ce qu’il faut pour assurer le maintien d’une population viable; b) séparées les unes des autres par de grandes distances. Par contre, le fait que près de 80 % du nombre total de sites connus et que 67 % des carrés de la grille occupés de 2 km de côté sont considérés comme trop petits et isolés pour assurer le maintien de populations viables s’inscrit tout à fait dans l’intention et l’esprit de la définition de fragmentation grave. Il importe de rappeler que ces vestiges fragmentés témoignent de la présence de plus grandes parcelles d’habitat dans le passé.

Immigration de source externe

On trouve des milieux semblables pouvant servir d’habitat à l’escargot-forestier de Townsend au sud de la frontière canado-américaine; des populations y sont donc sans doute présentes. Toutefois, on ne sait rien des distances, ni de la connectivité des milieux entre les sites des États-Unis et ceux du Canada. Par conséquent, la possibilité d’une immigration de source externe est difficile est évaluer, mais est sans doute limitée malgré la présence de milieux propices et interreliés de part et d’autre de la frontière, étant donné la capacité de déplacement limitée des escargots. Dans l’État de Washington, on n’effectue aucun suivi de la situation de l’escargot-forestier de Townsend, et aucun relevé portant sur l’espèce n’a été effectué récemment (Potter, comm. pers., 2011; Stellini, comm. pers., 2011; Thomas, comm. pers., 2011).

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