Faucon pèlerin des sous-espèce (pealei and anatum/tundrius) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8
Facteurs limitatifs et menaces
Pollution chimique
L’usage généralisé de pesticides organochlorés, en particulier de 1,1,1-trichloro-2-2-bis (p-chlorophényl)éthane (DDT), entre la fin des années1940 et les années 1970, et leur bioaccumulation subséquente dans la chaîne trophique, sont les principales causes de l’effondrement des populations de Faucons pèlerins (White et al., 2002). Le déclin spectaculaire des populations nord-américaines de Faucons pèlerins anatum, conséquence de l’amincissement de la coquille des œufs et de l’échec de la reproduction, s’est produit entre les années 1950 et 1970. L’usage du DDT et du DDE a été interdit au Canada et aux États-Unis au début des années 1970 et au Mexique en 2000 (G. Holroyd, communication personnelle (comm. pers.), 2006), mais il est encore permis dans d’autres régions du monde, dont certaines régions comprises dans l’aire d’hivernage d’une partie de la population des Faucons pèlerins anatum et tundrius (Amérique du Sud et Amérique centrale; White et al., 2002). En outre, de nombreuses espèces qui servent de proies au Faucon pèlerin hivernent dans le Sud et peuvent être exposées aux organochlorés, qui s’accumulent dans leurs tissus et sont transférés aux faucons lorsque ceux-ci se nourrissent d’oiseaux contaminés une fois de retour dans leur aire de nidification.
La réduction des concentrations d’organochlorés dans les œufs est encourageante et s’accompagne d’une augmentation du succès de la reproduction. Ainsi, en Alberta, une réduction marquée des concentrations de DDE a été observée au cours des quatre dernières décennies (Court et al., 1996). Dans la baie de Fundy (Nouveau-Brunswick), des œufs non éclos ont été récupérés à deux sites et soumis à des analyses destinées à établir leur teneur en toxines. Ces œufs étaient relativement exempts des contaminants responsables de l’échec de la reproduction (L. Shutt, données inédites, in Amirault, 2004).
L’impact actuel des résidus de pesticides organochlorés sur les populations canadiennes de Faucons pèlerins demeure à préciser. Ainsi, même si les concentrations sériques de contaminants chez certains Faucons pèlerins tundrius de la baie Rankin (Nunavut) dépassent les charges critiques (p. ex. concentrations sériques de 1,8 à 2,4 ppm; figure 4), de façon générale, on observe une réduction généralisée des concentrations de DDE dans les échantillons de sérum prélevés chez des individus adultes de la baie Rankin depuis 1981 (figure 4; Franke et al., 2006). Selon certains auteurs, même une légère modification des pratiques agricoles dans les régions comprises dans l’aire d’hivernage du Faucon pèlerin en Amérique centrale et en Amérique du Sud pourrait entraîner un nouvel effondrement des populations (Northwest Territories Wildlife and Fisheries, 2004). Ces préoccupations sont partagées par l’Alberta Peregrine Falcon Recovery Team (2004), qui souligne que de fortes pressions sont exercées en vue d’autoriser de nouveau l’usage de pesticides chimiques comme le DDT pour lutter à court terme contre le paludisme et d’autres maladies transmises par les insectes dans les nations en développement (Raloff, 2000) et que l’utilisation de nouveaux biocides est régulièrement homologuée au Canada.
Une étude toxicologique des proies du Faucon pèlerin a récemment été réalisée dans la vallée de l’Okanagan (Colombie-Britannique) (Elliott et al., 2005). Les auteurs de cette étude ont capturé des espèces proies potentielles dans la région en vue d’en déterminer la teneur en résidus d’hydrocarbures chlorés, puis utilisé un modèle pour prédire la concentration de DDE dans les œufs de Faucons pèlerins. En raison de la contamination systématique de nombreuses espèces habitant les vergers, le principal habitat dans la région, les auteurs ont conclu qu’il était improbable que les Faucons pèlerins nichant dans la région de l’Okanagan puissent se reproduire avec succès, à moins qu’ils se nourrissent principalement de tourterelles.
Les avicides peuvent également tuer les Faucons pèlerins. En Amérique du Nord, au moins six Faucons pèlerins sont morts après avoir été exposés au Fenthion, composé organophosphoré couramment utilisé pour éliminer les Étourneaux sansonnets et d’autres espèces d’oiseaux (Mineau et al., 1999). Le Fenthion, ainsi que d’autres composés organophosphorés, sont largement utilisés en Amérique du Nord (Hayes et Buchanan, 2002).
Il a été démontré récemment que le Faucon pèlerin et d’autres rapaces assimilent des quantités importantes de PBDE (éthers diphényliques polybromés). Cette découverte troublante fait craindre la survenue d’une nouvelle crise comparable à celle engendrée par le DDT (Lindbergh et al., 2004). Des recherches visant à préciser l’ampleur de cette nouvelle menace sont en cours en Ontario (T. Armstrong, comm. pers., 2006).
Perturbations anthropiques
Le Faucon pèlerin s’est adapté au milieu urbain, et les perturbations causées par les humains y sont rarement suffisamment graves pour provoquer un échec de la reproduction. Toutefois, des pertes de nids provoquées par des perturbations engendrées par des travaux de construction (T. Maconachie, comm. pers., 2004) ou d’entretien de ponts ou par des visites excessives d’observateurs d’oiseaux (D. Amirault, comm. pers., 2006) ont été observées à l’occasion. Des adultes sont également morts après être entrés en collision avec des torches de plates-formes pétrolières à Terre-Neuve (D. Amirault, comm. pers., 2006).
En milieu sauvage, il est également assez rare que les perturbations à proximité des nids soient suffisamment importantes pour provoquer l’échec de la nidification (Alberta Peregrine Falcon Recovery Team, 2004). Dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, la construction de cabanes, certaines activités de loisir et divers travaux d’exploitation des ressources et de développement pourraient perturber les couples qui ne sont pas habitués aux activités humaines (Carrière et al., 2003). En Colombie-Britannique, l’application de lignes directrices de gestion visant à réduire l’impact des activités humaines à certains sites où des activités récréatives (escalade, delta-plane) risquent de perturber la nidification de Faucons pèlerins anatum a donné de bons résultats (M. Chutter, comm. pers., 2006). D’autres territoires et provinces ont également établi des seuils critiques de perturbations et des distances minimales à respecter par rapport aux nids (Ontario, ministère des Richesses naturelles de l’Ontario,1987; Nunavut, M. Setterington, comm. pers., 2007).
Développement urbain
En milieu urbain, les collisions avec les véhicules et les immeubles et l’exposition à de fortes concentrations de contaminants représentent les principales menaces pour le Faucon pèlerin. À ce jour, toutefois, aucun effet négatif à long terme n’a été observé chez les Faucons pèlerins vivant en milieu urbain.
Les individus migrateurs font également preuve de souplesse dans le choix des aires d’alimentation et la composition de leur régime alimentaire (White et al., 2002). En conséquence, le développement urbain ne constitue vraisemblablement pas un facteur limitatif durant cette étape de leur cycle vital.
Disponibilité des proies
Pour les Faucons pèlerins pealei, l’abondance et la distribution des oiseaux marins qui leur servent de proies sont considérées comme le principal facteur limitatif (Cooper, 2006). De leur côté, la santé des populations d’oiseaux marins est intimement liée à la productivité des océans, qui peut varier sous l’influence de divers facteurs comme le réchauffement climatique, les événements El Niño et la surpêche. D’autres facteurs, comme les mammifères prédateurs introduits sur les îles de nidification et les déversements d’hydrocarbures, peuvent également avoir un impact négatif sur les populations d’oiseaux marins. L’impact des mammifères prédateurs sur les colonies d’oiseaux marins peut être considérable (Taylor et al., 2000), et ce facteur a été jugé responsable du déclin local de Faucons pèlerins nicheurs (Kirk et Nelson, 1999).
Les Faucons pèlerins qui nichent le long des côtes du Labrador entretiennent une relation étroite avec les Guillemots à miroir, une proie potentielle (J. Brazil, comm. pers., 2006). Le Faucon pèlerin est d’ailleurs pratiquement absent des régions autrement propices à la nidification où le Guillemot à miroir est également absent.
Capture de Faucons pèlerins pour la fauconnerie
La capture de Faucons pèlerins pour la fauconnerie est actuellement interdite dans la plupart des régions du Canada. Toutefois, le retrait récent de la sous-espèce anatum de la liste des espèces en péril a entraîné la levée de l’interdiction frappant cette pratique dans certaines régions des États-Unis. L’équipe canadienne de rétablissement du Faucon pèlerin anatum n’a cependant pas endossé une proposition visant à permettre de nouveau cette pratique formulée par les International Fish and Wildlife Agencies (Allen, 2000), car elle estimait qu’il est impossible de savoir si les individus de passage capturés proviennent de populations en rétablissement visées par des mesures de gestion ou de populations de plus grande taille et apparemment stables établies plus au nord (Alberta Peregrine Falcon Recovery Team, 2004). Néanmoins, la capture d’un faible nombre d’individus juvéniles migrateurs de passage est autorisée en Saskatchewan depuis 2001 (Rowell, 2002). Le gouvernement de la Colombie-Britannique envisage d’autoriser la capture de quelques Faucons pèlerins de la sous-espèce pealei, qui figure sur la liste bleue des espèces en péril de la province (Cooper, 2006). L’ajout d’une disposition autorisant la capture de Faucons pèlerins dans le nouveau règlement d’application de la Loi sur la faune est envisagé au Nunavut (M. Setterington, pers. comm., 2007).
Mort par balle
Il y a quelques décennies, bien des gens considéraient les « rapaces » comme une menace pour les autres oiseaux et la volaille et n’hésitaient pas à tirer sur les Faucons pèlerins adultes et à détruire leur nid (Bent, 1938). Les attitudes ont bien changé depuis, mais le fusil fait encore des victimes à l’occasion.
Braconnage
Le prélèvement illégal d’œufs et de fauconneaux pour la fauconnerie se produit encore, mais on ignore à quelle fréquence. Cette activité peut avoir un impact local sur les taux de productivité et peut même, selon l’échelle à laquelle elle est pratiquée, compromettre le rétablissement de certaines populations. Le braconnage occasionnel n’est toutefois pas considéré comme une menace importante.
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