Grand requin blanc (Carcharodon carcharias) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 2

Résumé

Information sur l’espèce

Le grand requin blanc (Carcharodon carcharias [Linné, 1758]) est la seule espèce vivante du genre Carcharodon. En anglais, on l’appelle « white shark » ou « great white shark ». Sur le terrain, on le reconnaît par son iris d’un noir profond et le fort contraste entre la couleur foncée (grise ou noire) de son dos et le blanc de son ventre. Les preuves génétiques et les données de repérage par satellite indiquent clairement l’ampleur de la répartition de cette espèce. Le flux génétique entre les populations de l’Atlantique et du Pacifique est sans doute limité, mais la structure des populations des deux hémisphères et des différents bassins océaniques n’a fait l’objet d’aucune étude comparative. On ne connaît pas la structure génétique des populations canadiennes. Aux fins du présent rapport, les populations canadiennes de l’Atlantique et du Pacifique sont traitées comme deux unités désignables distinctes

Répartition

L’aire de répartition du grand requin blanc s’étend des mers subpolaires aux tropiques des deux hémisphères, du 60e parallèle nord au 60e parallèle sud, mais c’est dans les eaux côtières tempérées du plateau continental ouest de l’Atlantique Nord, de la mer Méditerranée, du sud de l’Afrique, du sud de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et de l’est du Pacifique Nord qu’on observe et qu’on capture le plus souvent l’espèce. À l’échelle mondiale, il s’agit d’une espèce rare, même si on la rencontre de façon relativement prévisible par endroits. Dans les zones côtières atlantique et pacifique du Canada, il semble que les grands requins blancs n’apparaissent que de façon sporadique, seules 46 mentions confirmées ou probables ayant été enregistrées depuis 1874. Au Canada, les grands requins blancs aperçus dans le bassin du Pacifique sont presque exclusivement des spécimens échoués sur les rives abritées des îles de la Reine-Charlotte (Haida Gwaii) vers la fin de l’automne et le début de l’hiver. Dans les eaux du Canada atlantique, les registres témoignent d’observations de grands requins blancs dans la partie nord-est du plateau de Terre-Neuve, le détroit de Belle-Isle, le Banc de Saint-Pierre, le Banc de l’Île de Sable, le Banc de Forchu Misaine, la baie St. Margaret, la baie de Passamaquoddy, la baie de Fundy et le détroit de Northumberland, au large du cap La Have et dans le chenal Laurentien, jusqu’à l’estuaire de la rivière Portneuf.

Habitat

Le grand requin blanc vit aussi bien dans les eaux côtières que dans les eaux du large, de la zone intertidale à la pente continentale supérieure et à la zone mésopélagique. La zone de répartition bathymétrique connue se situe juste en dessous de la surface et plonge presque jusqu’au fond, à une profondeur pouvant atteindre au moins 1 280 m. On retrouve ce requin dans les déferlantes des plages sablonneuses ou au large des côtes rocheuses. Il nage volontiers dans les baies abritées, les lagunes, les havres et les estuaires, mais se tient généralement à l’écart des eaux saumâtres ou douces.

Biologie

Le grand requin blanc est ovovivipare. On ignore la durée de sa période de gestation, mais, si on se fie à la période estimative de gestation du requin-taupe bleu, une espèce étroitement apparentée, elle serait d’environ 14 mois. Chaque portée compte en moyenne 7 petits (fourchette de 2 à 10), mais peut atteindre 17; la fertilité des femelles augmente en fonction de leur taille. On présume que la longueur des petits à la naissance varie de 109 à 165 cm; la longueur connue des plus petits nouveau-nés aperçus en nage libre varie de 109 à 129 cm. Sur les côtes est et ouest de l’Amérique du Nord, les aires de mise bas pourraient se situer respectivement au large de la Californie du sud et dans le golfe médio-atlantique. On ne connaît pas la durée du cycle de reproduction du grand requin blanc, mais elle pourrait atteindre plus de trois ans, puisque les femelles ayant mis bas mettent un an ou plus à refaire leurs réserves d’énergie avant de redevenir gravides. On estime que, au cours de sa vie, chaque femelle produit un maximum de 45 petits, mais le taux de survie de ces petits est plutôt faible.

L’âge de la maturité des grands requins blancs et la taille atteinte à maturité varient d’une région à l’autre. Les mâles atteignent la maturité sexuelle à l’âge de 8 à 10 ans; ils mesurent alors de 3,5 à 4,1 m. Quant aux femelles, elles viennent à maturité à un âge variant de 12 à 18 ans; elles ont alors une longueur de 4 à 5 m. On situe entre 23 et 60 ans la longévité de cette espèce, à 23 ans la durée de génération, et entre 0,077 an-1à 0,125 an-1[CC1] la mortalité naturelle. D’après les estimations, le taux intrinsèque d’augmentation de la population se situerait entre 0,04 et 0,056.

Le grand requin blanc est un prédateur supérieur. Il se nourrit d’une vaste gamme d’espèces, principalement de téléostéens, d’élasmobranches et de mammifères marins, mais aussi de céphalopodes et autres mollusques, de décapodes, d’oiseaux marins et de reptiles.

On ne dispose que de renseignements limités sur les aspects biologiques des populations vivant en eaux canadiennes.

Taille et tendances des populations

Il n’existe aucune estimation de la taille des populations vivant dans les eaux canadiennes ou ailleurs dans le monde. L’espèce est apparemment rare au Canada, les registres ne faisant état que de 32 observations dans l’Atlantique depuis 1874 (dont une seule au cours des dix dernières années) et de 14 dans le Pacifique depuis 1961. Compte tenu du faible taux de rencontre dans le cadre de la pêche commerciale et récréative au Canada, l’espèce a vraisemblablement toujours été beaucoup moins abondante au Canada que dans les eaux adjacentes des États-Unis. On ignore les tendances des populations de grands requins blancs vivant dans les eaux nord-américaines, mais le déclin des populations est une tendance documentée dans plusieurs endroits de la planète. 

Facteurs limitatifs et menaces

Le premier prédateur du grand requin blanc est l’homme : les pêcheurs sportifs le convoitent, tandis que les pêcheurs commerciaux le capturent de façon accessoire ou dans le but de revendre certains organes très recherchés sur le marché international. Dans le nord-ouest de l’Atlantique, les grands requins blancs figurent parmi les prises accessoires des palangriers pélagiques. Au Canada atlantique, les registres ne font état que de deux grands requins blancs capturés dans des engins de pêche depuis 1990. Au Canada pacifique, aucune capture de grand requin blanc au cours d’activités de pêche n’a été confirmée. Parmi les grands requins blancs échoués sur les îles de la Reine-Charlotte, plusieurs portaient des marques pouvant provenir d’engins de pêche. Le grand requin blanc a en effet tendance à s’approcher des bateaux et autres objets flottants pour les examiner, ce qui l’amène souvent à la surface et le rend vulnérable aux crochets, aux armes à feu et aux harpons.

Importance de l’espèce

De par sa taille considérable, sa nature de prédateur et sa réputation d’agresseur occasionnel d’humains, le grand requin blanc représente le requin par excellence. En raison de la vénération que plusieurs cultures lui portent, ses mâchoires et ses dents sont devenues des curiosités particulièrement convoitées et ses ailerons, un produit recherché en cuisine asiatique et en médecine traditionnelle. Malgré les lois qui protègent legrand requin blanc, le prix que certaines personnes sont prêtes à payer pour divers organes semble suffisamment élevé pour stimuler et maintenir un marché noir clandestin.

Protection actuelle

À l’automne 2004, le grand requin blanc a été inscrit à l’Annexe II de la CITES. En 2000, l’Union mondiale pour la nature a ajouté l’espèce à sa liste d’espèces « vulnérables » à l’échelle mondiale. Dans les eaux canadiennes, aucune loi fédérale ni provinciale ne protège explicitement le grand requin blanc. Sur la côte canadienne du Pacifique, un règlement interdit aux entreprises de pêche à la ligne et à l’hameçon de conserver quelque requin que ce soit, à l’exception de l’aiguillat, ce qui confère une certaine protection au grand requin blanc.

Historique du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le Comité a été créé  pour satisfaire au besoin d’une classification nationale des espèces sauvages en péril qui soit unique et officielle et qui repose sur un fondement scientifique solide. En 1978, le COSEPAC (alors appelé Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) promulguée le 5 juin 2003, le COSEPAC est un comité consultatif qui doit faire en sorte que les espèces continuent d’être évaluées selon un processus scientifique rigoureux et indépendant.

Mandat du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) évalue la situation, au niveau national, des espèces, des sous-espèces, des variétés ou d’autres unités désignables qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées aux espèces indigènes comprises dans les groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, arthropodes, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.

Composition du COSEPAC

Le COSEPAC est composé de membres de chacun des organismes responsable des espèces sauvages des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (le Service canadien de la faune, l’Agence Parcs Canada, le ministère des Pêches et des Océans et le Partenariat fédéral d’information sur la biodiversité, lequel est présidé par le Musée canadien de la nature), de trois membres scientifiques non gouvernementaux et des coprésidents des sous-comités de spécialistes des espèces et du sous-comité des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit au moins une fois par année pour étudier les rapports de situation des espèces candidates.

Définitions (2006)

Espèce
Toute espèce, sous-espèce, variété ou population indigène de faune ou de flore sauvage géographiquement définie.

Espèce disparue (D)
Toute espèce qui n’existe plus.

Espèce disparue du Canada (DC)
Toute espèce qui n’est plus présente au Canada à l'état sauvage, mais qui est présente ailleurs..

Espèce en voie de disparition (VD)*
Toute espèce exposée à une disparition ou à une extinction imminente.

Espèce menacée (M)
Toute espèce susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitatifs auxquels elle est exposée ne sont pas renversés.

Espèce préoccupante (P)**
Toute espèce qui est préoccupante à cause de caractéristiques qui la rendent particulièrement sensible aux activités humaines ou à certains phénomènes naturels.

Espèce non en péril (NEP)***
Toute espèce qui, après évaluation, est jugée non en péril.

Données insuffisantes (DI)****
Toute espèce dont le statut ne peut être précisé à cause d’un manque de données scientifiques.

* Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu’en 2000.
** Appelée « espèce rare » jusqu’en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.
*** Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».
**** Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu’en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999.

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le comité avait pour mandat de réunir les espèces sauvages en péril sur une seule liste nationale officielle, selon des critères scientifiques. En 1978, le COSEPAC (alors appelé CSEMDC) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. Les espèces qui se voient attribuer une désignation lors des réunions du comité plénier sont ajoutées à la liste.

Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.

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