Évaluation et Rapport du COSEPAC sur la situation de l’erioderme boréal au Canada


Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :

Nota : Toute personne souhaitant citer l'information contenue dans le rapport doit indiquer le rapport comme source (et citer les auteurs); toute personne souhaitant citer le statut attribué par le COSEPAC doit indiquer l'évaluation comme source (et citer le COSEPAC). Une note de production sera fournie si des renseignements supplémentaires sur l'évolution du rapport de situation sont requis.

COSEPAC. 2002. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur l’érioderme boréal (Erioderma pedicellatum) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. viii + 1-57 p. (https://www.registrelep-sararegistry.gc.ca/sar/assessment/status_f.cfm).

Maass, W., et D. Yetman. 2002. Rapport de situation du COSEPAC sur l’érioderme boréal (Erioderma pedicellatum) au Canada, in Évaluation et Rapport de situation de COSEPAC sur l’érioderme boréal (Erioderna pedicellatum). Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. 1-57 p.

Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, s’adresser au :

Secrétariat du COSEPAC
a/s Service canadien de la faune
Environnement Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0H3

Tél. : 819–953–3215
Téléc. : 819–994–3684
Courriel : COSEWIC/COSEPAC@ec.gc.ca
Site Web : http://www.cosepac.gc.ca

Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Status Report on the Boreal Felt Lichen Erioderma pedicellatum in Canada.

Illustration de la couverture :
Érioderme boréal – Fournie par l’auteur, photographie de Dr. C. Scheidegger

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2003
No de catalogue : CW69-14/288-2003F-IN
ISBN : 0-662-88964-9
HTML:CW69-14/288-2003F-HTML
0-662-75223-6

Sommaire de l’évaluation – Mai 2002

Nom commun :

Érioderme boréal (population de l'Atlantique)

Nom scientifique :
Erioderma pedicellatum

Statut :
Espèce en voie de disparition

Justification de la désignation :
Une population limitée à des régions ayant un climat océanique frais et humide très sensible aux polluants atmosphériques, tels que les précipitations acides. Elle a connu, au cours des deux dernières décennies, un grave déclin de plus de 90 p. 100 pour ce qui est des occurrences et des individus, causé en particulier par la pollution de l'air et d'autres sources de perte et/ou de détérioration d'habitat. La disparition du pays des quelques individus restants dans trois sites est imminente.

Répartition :
Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse

Historique du statut :
Espèce désignée « en voie de disparition » en mai 2002. Évaluation fondée sur un nouveau rapport de situation.
Sommaire de l’évaluation – Mai 2002

Nom commun :

Érioderme boréal (population boréale)

Nom scientifique :
Erioderma pedicellatum

Statut :
Espèce préoccupante

Justification de la désignation :
Une population limitée à des régions ayant un climat océanique frais et humide très sensible aux polluants atmosphériques, tels que les précipitations acides; on a enregistré de nombreuses pertes de populations découlant de la perte et/ou de la détérioration d'habitat, mais l'espèce est encore largement répandue dans son aire de répartition traditionnelle, ayant de très importantes populations dans des zones protégées.

Répartition :
Terre-Neuve-et-Labrador

Historique du statut :
Espèce désignée « préoccupante » en mai 2002. Évaluation fondée sur un nouveau rapport de situation.

L’érioderme boréal (Erioderma pedicellatum), menacé à l’échelle mondiale, est une espèce remarquable de cyanolichen foliacé appartenant à la famille des Pannariacées. C’est le seul représentant boréal d’un genre avant tout tropical. Le thalle est brun grisâtre à l’état sec et bleu ardoise à l’état humide. Le dessous du thalle a une couleur blanche caractéristique, et il n’y a pas de cortex inférieur. Les bords incurvés à redressés des lobes confèrent au lichen un aspect particulier lorsqu’il est observé à une certaine distance. Selon de nouvelles données biochimiques, le genre Erioderma serait un des plus anciens genres de lichens foliacés et proviendrait d’une hybridation qui pourrait remonter à bien au-delà de 400 millions d’années (m.a.). L’érioderme boréal serait lui-même issu d’une hybridation survenue en Amérique du Sud entre une espèce ancestrale et une forme mutante de celle-ci. La nouvelle espèce aurait été présente à la fois dans le microcontinent d’Avalonie de l’Ouest, avec lequel elle aurait atteint le territoire constituant actuellement la Nouvelle-Angleterre, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, et dans le microcontinent d’Avalonie de l’Est, qui l’aurait portée jusqu’aux îles Britanniques, entre l’ordovicien moyen ou supérieur (de 450 à 440 m.a., date de départ) et le dévonien (360 m.a. ou moins, date d’arrivée).

L’espèce avait autrefois une répartition amphi-atlantique globale, et il en existait des populations au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, ainsi qu’en Scandinavie (Suède et Norvège). Selon les connaissances actuelles, elle n’existe plus qu’en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve.

Les forêts où pousse l’érioderme boréal peuvent être qualifiées de « forêts subocéaniques à lichens du Canada atlantique », d’une part parce qu’elles renferment des milieux humides riches en sphaignes et d’autre part parce qu’elles comportent une communauté particulière de cyanolichens, dont fait partie l’Erioderma pedicellatum. Ces milieux subocéaniques où se rencontre l’E. pedicellatum sont généralement situés sur des versants nord ou est bénéficiant d’un apport constant d’humidité. À l’intérieur de ces milieux, l’espèce pousse surtout sur le sapin baumier (Abies balsamea), dans une moindre mesure sur l’épinette noire (Picea mariana) et, dans de rares cas, sur l’épinette blanche (Picea glauca), l’érable rouge (Acer rubrum) ou une espèce de bouleau blanc (Betula cf. cordifolia). Sur les conifères susmentionnnés, on trouve l’espèce sur les branches ou sur le tronc, selon la combinaison particulière de lumière et d’humidité. On sait par ailleurs que l’E. pedicellatum présente une relation étroite avec l’hépatique Frullania tamarisci ssp. asagrayana. La présence du lichen et de l’hépatique dans les mêmes milieux est d’ailleurs un signe visible d’un phénomène répandu, la symbiose interne entre une hépatique du genre Frullania et les cyanobactéries qu’elle héberge. Des cyanobactéries des genres Scytonema et Nostoc ont été observées dans les saccules aquifères des Frullania. Cette étroite symbiose externe illustre bien les relations délicates et complexes existant entre le lichen et son écosystème; il s’agit donc d’un équilibre écologique fragile, sensible à l’impact de l’exploitation forestière, de la pollution atmosphérique et d’autres facteurs.

L’érioderme boréal est un grand lichen foliacé dont chaque génération dure environ 30 ans. Il se reproduit au moyen de spores sexuées qui sont sans doute surtout transportées par le vent, mais aussi par d’autres vecteurs, comme les insectes volants et les pics. Le lichen ne produit aucune propagule asexuée spécialisée. Selon une étude, la synthèse du lichen à partir d’une ascospore germée et d’une cyanobactérie (algue bleue) libre du genre Scytonema ne pourrait se produire que dans les saccules aquifères des Frullania, petites hépatiques à feuilles vivant à l’état d’épiphytes. Cette relation fait en sorte que la synthèse du lichen débute dans ces saccules, où le cyanobionte du genre Scytonema vit à l’état libre et peut entrer en contact avec les hyphes de l’Erioderma. C’est dans ces conditions aseptiques que se forme le jeune thalle, qui n’atteint une taille visible qu’au bout de 5 à 10 ans. À cause de la présence du Scytonema dans ses tissus, le lichen est particulièrement sensible aux pluies acides, au brouillard acide et aux autres formes de pollution atmosphérique. Il a besoin d’un climat océanique humide et relativement doux, avec certaines tolérances, et le jeune thalle ne peut se développer que sous couvert clairsemé. Les thalles adultes se détériorent en quelques années sur les arbres morts et les arbres ayant atteint ou dépassé la maturité. Les thalles se détériorent également si la succession végétale réduit la lumière disponible ou si les conditions microclimatiques semblent altérées par une exploitation forestière intensive des secteurs situés à proximité du lichen. Les thalles poussant sur l’écorce particulièrement acide des épinettes résistent moins aux polluants atmosphériques acides que ceux poussant sur des sapins.

L’Erioderma pedicellatum, autrefois présent en Scandinavie, semble maintenant disparu de cette région du monde. En Amérique du Nord, si on tient compte de tous les sites anciens et actuels confirmés, l’aire de répartition du lichen comprend l’île Campobello (Nouveau-Brunswick), le cap Chignecto (alt. 136 m), le versant Atlantique de la Nouvelle-Écosse (alt. de 8 à 150 m) et les régions subocéaniques de Terre-Neuve, jusqu’à une altitude d’environ 427 m. À Terre-Neuve, l’espèce est remarquablement absente des parties orientales de la péninsule du Nord, ainsi que des secteurs centre-nord de l’île. Tous les sites connus du Sud de la Nouvelle-Écosse sont disparus au cours des 8 à 18 dernières années. Cette perte s’explique davantage par une détérioration des habitats due à la pollution atmosphérique que par l’exploitation forestière. Dans cette province, il ne reste plus que 14 thalles connus de l’espèce, alors qu’on en avait dénombré 169 avant 1995. À Terre-Neuve, environ 6 900 thalles d’E. pedicellatum ont été recensés après 1994, dont environ 35 p. 100 ont été répertoriés vers le début de 2002 par des forestiers de la province. La vaste majorité des thalles poussait sur le sapin baumier, un bien plus petit nombre poussait sur l’épinette noire, des thalles occasionnels poussaient sur l’épinette blanche, et à peine quelques-uns poussaient sur l’érable rouge ou sur une espèce de bouleau blanc. À Terre-Neuve, la zone d’occupation connue de l’espèce est d’environ 30 km2, mais la zone d’occupation réelle est sans doute beaucoup plus grande, puisqu’il existe des milieux propices dans les secteurs peu accessibles de la côte sud de l’île.

Bon nombre de facteurs risquent de causer la disparition de populations d’Erioderma pedicellatum. La plus grande menace est sans doute l’exploitation forestière, très préoccupante à Terre-Neuve. La pratique de la coupe à blanc ne favorise pas le maintien des populations du lichen, car les parterres de coupe de taille supérieure à 100 m sur 100 m peuvent provoquer la dessiccation des thalles poussant dans les environs. C’est ce qui est arrivé au Vãrmland, en Suède, où l’abattage des arbres à proximité d’un parc abritant des thalles d’E. pedicellatum est la cause présumée de la disparition subséquente de l’espèce dans ce parc. Les autres menaces sont liées à la pollution atmosphérique, aux applications forestières de pesticides, aux incendies de forêt, aux changements climatiques (y compris le réchauffement planétaire) et au broutage des semis de sapin baumier par les orignaux.

L’érioderme boréal s’est acquis une notoriété en attirant l’attention sur l’importance de la conservation des lichens. Il s’agit d’une espèce ancienne, dont le composant fongique est apparu il y a près de 500 millions d’années. Étant donné sa grande sensibilité aux polluants atmosphériques, peut-être supérieure à celle de toute autre espèce de lichen, l’érioderme boréal semble constituer une espèce indicatrice idéale pour la surveillance des changements de la qualité de l’air.

En 1995, l’Erioderma pedicellatum avait été inscrit à titre d’espèce fortement menacée (critically endangered) dans la Red List of Lichenized Fungi of the World, liste rouge établie par le Groupe de spécialistes des lichens de la Commission de la sauvegarde des espèces de l’Union mondiale pour la nature (UICN).

L’Erioderma pedicellatum n’est protégé par aucune désignation officielle dans l’une ou l’autre des trois provinces de l’Atlantique où il a déjà été présent. Des mesures de conservation préliminaires viennent d’être adoptées à Terre-Neuve, à la suggestion de Christoph Scheidegger. La grande population située dans le parc provincial Jipujijkuei Kuespem, ainsi que les populations situées dans les réserves naturelles de la Bay du Nord et d’Avalon jouissent de la protection juridique associée à ce parc et à ces réserves, même si ceux-ci n’ont pas été créés spécifiquement pour la protection du lichen. Une protection provisoire a également été accordée à l’espèce en 1996, lorsque Brian Tobin, qui était alors premier ministre de Terre-Neuve, a promis à Christoph Scheidegger et à l’ICCL que la réserve forestière des Lockyer’s Waters ne ferait l’objet d’aucune exploitation forestière jusqu’à ce que le statut de l’érioderme boréal ait été établi par le COSEPAC.

L’érioderme boréal est un lichen foliacé d’aspect frappant qui pousse principalement sur le sapin baumier dans un habitat très restreint, sous climat subocéanique frais et humide. L’espèce est disparue de sa localité type, située au Nouveau-Brunswick, où elle avait été observée pour la première fois au Canada. Elle n’existe plus que dans trois localités de Nouvelle-Écosse, abritant en tout 13 thalles, et dans environ 67 localités connues de l’île de Terre-Neuve. Dans l’ensemble du Canada, l’espèce ne compte plus qu’environ 6 900 thalles connus, dont environ 35 p. 100 ont été découverts à Terre-Neuve au printemps 2002, dans le cadre de travaux visant à repérer de nouveaux thalles. Comme de nombreuses vallées boisées abritent des sapins baumiers dans certains secteurs peu accessibles de la côte sud de Terre-Neuve, il est très probable qu’un grand nombre de sites et de thalles restent à découvrir. L’espèce demeure menacée par l’exploitation forestière et la pollution atmosphérique, qui risquent de détruire ou d’altérer son habitat.

Pour les besoins de l’évaluation, l’ensemble des populations situées dans la partie continentale de la Nouvelle-Écosse et l’ensemble de celles situées à l’île de Terre-Neuve ont été considérées comme deux populations distinctes aux termes du COSEPAC, puisqu’elles se trouvent dans des régions écologiques différentes et sont exposées à des degrés de risque différents, notamment en ce qui a trait à la pollution atmosphérique.

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) détermine la situation, à l’échelle nationale, des espèces, sous-espèces, variétés et populations (importantes à l’échelle nationale) sauvages jugées en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées aux espèces indigènes des groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, amphibiens, reptiles, poissons, mollusques, lépidoptères, plantes vasculaires, lichens et mousses.

Le COSEPAC est formé de représentants des organismes provinciaux et territoriaux responsables des espèces sauvages, de quatre organismes fédéraux (Service canadien de la faune, Agence Parcs Canada, ministère des Pêches et des Océans et Partenariat fédéral en biosystématique) et de trois organismes non gouvernementaux, ainsi que des coprésidents des groupes de spécialistes des espèces. Le Comité se réunit pour examiner les rapports sur la situation des espèces candidates.

*
Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu’en 2000.

**
Appelée « espèce rare » jusqu’en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.

***
Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».

****
Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu’en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999.


Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le Comité avait pour mandat de réunir les espèces sauvages en péril sur une seule liste nationale officielle, selon des critères scientifiques. En 1978, le COSEPAC (alors appelé CSEMDC) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. Les espèces qui se voient attribuer une désignation lors des réunions du comité plénier sont ajoutées à la liste.

Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.
Nom scientifique :
Erioderma pedicellatum (Hue) P.M. Jørg. (1972).
Synonymes :
Pannaria pedicellata Hue (1911); E. boreale Ahln. (1948).
Nom commun :
érioderme boréal
Famille :
Pannariacées
Grand groupe :
lichens (ascomycètes lichénisés)


On ne sait pas exactement si le nom Erioderma (du grec erion, « laine », et derma, « peau ») fait allusion à la pubescence du cortex supérieur ou à la présence d’un ériostratum sur la face inférieure, qui sont toutes deux très caractéristiques du genre.

De manière générale, on peut considérer que le genre Erioderma est un des genres les plus primitifs de lichens foliacés. Il est peut-être apparu dans l’hémisphère sud, dans le supercontinent Gondwana (Jørgensen, 1990). Il a pu atteindre la Laurentie (continent correspondant à l’Amérique du Nord actuelle) avec le microcontinent d’Avalonie de l’Ouest, qui avait été en contact avec la côte nord-ouest de l’Amérique du Sud durant l’ordovicien supérieur (époque Caradoc-Ashgill, il y a de 450 à 440 millions d’années (m.a.), voir figure 6 dans Benedetto et al., 1999). Par ailleurs, le genre a sans doute atteint les îles Britanniques à la faveur d’un contact antérieur du microcontinent d’Avalonie de l’Est avec la côte colombienne, durant l’ordovicien inférieur (époque Arenig, de 490 à 480 m.a., voir figure 5 dans Benedetto et al., 1999). Cette hypothèse selon laquelle le genre aurait pris naissance dans l’hémisphère sud est fondée sur la nature hybride de l’ériodermine (Connolly et al., 1984; figure 2), depsidone lichénique présent chez l’Erioderma pedicellatum et chez plusieurs espèces étroitement apparentées d’Amérique du Sud et d’Afrique du Sud (Maass, 2003b). Pour confirmer la nature hybride de l’espèce elle-même, il faudrait logiquement rechercher et identifier des espèces fertiles d’où pourraient provenir les anneaux A et B de la molécule d’ériodermine. L’espèce ayant fourni l’anneau A pourrait être une de celles renfermant de l’argopsine, de la pannarine, ou encore ces deux substances, soit l’E. groendahlianum (= E. polycarpum), l’E. leylandii ssp. azoricum, l’E. leylandii ssp. leylandii, l’E. leylandii ssp. velligerum (= E. chilense) ou l’E. meiocarpum. De plus, chez toutes ces espèces, certains individus ont pu perdre les gènes responsables des substituants dérivés du β-orcinol (par C-méthylation ou C-formylation). Un tel mutant aurait produit de la conwrightiine, depsidone dérivé de l’orsinol, au lieu du depsidone dérivé du β-orcinol, et aurait ainsi pu fournir l’anneau B de l’ériodermine, qui serait apparu comme métabolite chez les hybrides résultant du rétrocroisement du mutant avec la forme originale de l’une ou l’autre des espèces susmentionnées. Ce mutant hypothétique serait un des ancêtres de l’E. wrightii actuel, qui ne renferme qu’un depside dérivé de l’orcinol, la wrightiine (Maass et Hanson, 1986) et un depsidone également dérivé de l’orcinol, qui est encore mal caractérisé, mais accompagne le depside comme constituant mineur et a donc été appelé conwrightiine (Maass, inédit). Ce constituant mineur, reconnu par sa masse spectrale dans des extraits de lichens récoltés en Jamaïque, a également été trouvé par Elix et al. (1986) dans des spécimens d’E. wrightii récoltés en Équateur. La morphologie elle-même de l’E. wrightii, avec ses apothécies concaves également observées chez l’E. leylandii par Ahlner (1948), semble confirmer que l’E. wrightii aurait très bien pu contribuer les gènes responsables de l’anneau B, de type orcinol, de la molécule d’ériodermine.

L’érioderme boréal (figure 1) est un lichen foliacé. Le diamètre du thalle est habituellement de 2 à 5 cm, mais peut atteindre 12 cm. Les petits thalles présentent généralement une surface de fixation relativement petite adhérant faiblement au substrat, le plus souvent à des tapis de l’hépatique Frullania tamarisci ssp. asagrayana plutôt qu’à l’écorce elle-même. Chez les thalles plus grands, certains des lobes radiaux arrivent à produire leurs propres crampons, ce qui peut entraîner une division du thalle.


Figure 1 : Grand thalle sain d’Erioderma pedicellatum, ayant atteint ou dépassé la maturité, photographié à la réserve forestière des Lockyer’s Waters par C. Scheidegger (× 5,7)

La pubescence du cortex supérieur, caractéristique de toutes les espèces d’Erioderma, est bien visible dans la photo. Les marges retroussées du thalle permettent d’apercevoir sa surface inférieure blanchâtre, qui est dépourvue de cortex.

Les lobes du thalle sont légèrement involutés (courbés vers le haut en périphérie), ce qui expose leur face inférieure blanchâtre. L’aspect feutré de la face inférieure est dû à des faisceaux de haptères dont la couleur grise à gris bleuâtre, pâle ou assez foncée, est souvent altérée. Dans les conditions optimales, ces haptères forment un dense ériostratum. Les haptères semblent servir à la fois à fixer le thalle au substrat et à puiser les éléments nutritifs de l’eau de pluie s’écoulant le long des branches ou du tronc. À l’état humide, le thalle présente une coloration gris bleuâtre due au photobionte, une cyanobactérie du genre Scytonema. À l’état sec, le thalle est gris foncé à brun grisâtre.

Les poils de la face supérieure du thalle sont peu développés mais peuvent être bien visibles chez certains spécimens. Dans une clé servant à distinguer les genres Erioderma, Leioderma et Parmeliella, on dit des poils qu’ils sont raides et très visibles (Galloway et Jørgensen, 1987). Chez l’E. pedicellatum, ces poils sont modérément ramifiés, même au centre du thalle. Sur les bords du thalle, ils peuvent former un tomentum semi-arachnoïde, mais les vieux spécimens peuvent ne pas présenter cette caractéristique.

En coupe transversale, le thalle est distinctement stratifié. Le cortex supérieur, d’une épaisseur de 30 à 50 µm, est formé de 2 à 4 rangs de cellules incolores, irrégulières, à parois très épaisses. Des espaces intercellulaires en forme d’entonnoirs traversent presque le cortex et servent peut-être à faciliter les échanges gazeux nécessaires à la photosynthèse et à la fixation de l’azote. Le cortex est séparé de la couche gonidiale sous-jacente par une strate intermédiaire plutôt foncée, mince, d’épaisseur inférieure à un seul rang de cellules. Dans la couche gonidiale, on peut voir les grandes cellules du Scytonema, disposées en chaînettes bouclées. Cette couche ne mesure que 45 à 90 μm d’épaisseur, alors que la couche médullaire sous-jacente est bien développée et mesure de 200 à 600 μm d’épaisseur. Le thalle ne possède aucun cortex inférieur morphologiquement distinct. Les rhizines sont ramifiées et cloisonnées, possèdent des parois épaisses et peuvent atteindre 1,5 mm de longueur.

La production d’apothécies est abondante et commence lorsque le thalle atteint un diamètre d’au moins 1 cm. Les apothécies sont courtement pédicellées et mesurent jusqu’à 1,5 mm de diamètre à maturité. Le thalle croît généralement jusqu’à un diamètre de 2 à 5 cm, atteignant dans de rares cas une dizaine de centimètres. Les bords du thalle mûr peuvent être parsemés de jeunes apothécies, souvent bordées de poils blanchâtres, tandis que les apothécies plus avancées se trouvent éparpillées sur toute la face supérieure. Le nombre d’apothécies peut atteindre près d’une centaine par thalle. Le pédicelle de l’apothécie peut être légèrement comprimé. La surface hyméniale, d’abord plate, finit par être très convexe à maturité; elle présente alors une couleur brun foncé et un diamètre de 0,5 à 1,5 mm. À tous les stades du cycle vital, le thalle demeure remarquablement dépourvu de propagules végétatives telles que sorédies ou isidies.

Du point de vue chimique, l’érioderme boréal est caractérisé par la présence d’un depsidone chloré appelé ériodermine (figure 2; Maass, 1980). Ce constituant a été isolé à l’état pur pour la première fois chez des spécimens de l’E. sorediatum D.J. Gall. & P.M. Jørg. (contrepartie sorédiée de l’espèce tropicale fertile E. physcioides Vain). L’ériodermine est un aldéhyde aromatique dont le groupe aldéhyde est lié en position ortho à un groupe hydroxyl phénolique, ce qui explique la réaction PD+ (orange). La plupart des autres réactifs habituellement utilisés donnent des résultats négatifs (K-, C-, KC-, I-).


Figure 2 : Structure moléculaire de l’ériodermine

Ce depsidone mixte est le seul métabolite secondaire présent chez l’Erioderma pedicellatum et chez les espèces apparentées d’Amérique du Sud, d’Amérique centrale, des Antilles et/ou du Sud-Est de l’Afrique.

L’Erioderma pedicellatum est une espèce amphi-atlantique, autrefois présente à la fois en Europe et au Canada. Actuellement, l’E. pedicellatum ne se rencontre que dans l’Est du Canada (Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve).

En Norvège, quatre emplacements de l’espèce ont d’abord été découverts, durant la première moitié du 20e siècle : Alhner a identifié le lichen dans trois localités de la région de Grong en 1938 et en 1939 (Holien, 1995), puis dans une localité du Nord-Trøndelag en 1948 (Maass, 1980b). Alhner croyait découvrir une nouvelle espèce, à laquelle il a donné le nom Erioderma boreale. Plus récemment, en 1994, deux autres sites ont été découverts, dans les régions de Grong et d’Overhalla (Holien et al., 1995). Tor Tonsberg (comm. pers.) a confirmé en 1999 qu’il restait un seul thalle de l’espèce dans ces nouveaux sites, et il estime aujourd’hui que l’espèce est disparue de Norvège.

En 1948, Ahlner a découvert dans le Vãrmland, en Suède, une population comprenant plus de 100 thalles. Cette localité est devenue une réserve naturelle en 1952 (Holien, 1995). Holien affirme que la dernière observation de thalles de l’espèce remonte à 1956. Maass (1980) mentionne cependant que Degelius (comm. pers.) s’était de nouveau rendu dans le site en 1962 et pourrait être le dernier à y avoir vu l’espèce. Lors de cette visite, il a récolté des thalles nécrosés de l’espèce, qui ont été déposés dans divers herbiers de Suède (GB, UPS). Une photo couleurs de thalles provenant de cette récolte, décolorés et endommagés par la corrosion, a été publiée dans le guide des lichens de Moberg et Holmåsen (1982).

J.G. Farlow a fait la première récolte canadienne connue de l’Erioderma pedicellatum sur l’île Campobello, en 1902. Ce spécimen comprenait une dizaine de thalles. Farlow, se rendant compte qu’il avait trouvé quelque chose d’unique, envoya le spécimen à Hue pour que celui-ci l’identifie. Neuf ans plus tard, Hue publia une description de l’espèce, sous le nom Pannaria pedicellata, dans une revue à diffusion très restreinte, et il a fallu une soixantaine d’années pour que cette description soit connue (Jørgensen, 1972). Jusqu’à présent, Stephen Clayden (1997), conservateur du Musée du Nouveau-Brunswick, à Saint-Jean (N.-B.), ainsi que le premier auteur du présent rapport ne sont pas parvenus à retrouver l’espèce ou à confirmer sa présence à l’île Campobello ou ailleurs dans la province.

En Nouvelle-Écosse, la plupart des mentions historiques de l’E. pedicellatum proviennent de forêts de sapin baumier (Abies balsamea) du versant atlantique, situées à 30 km ou moins de la côte. La seule exception est un thalle mort trouvé dans le secteur du cap Chignecto, au-dessus de la baie de Fundy, sur un érable rouge (Acer rubrum), dans la localité NS-46 (Maass, 1991). Les autres mentions provenant de phorophytes autres que le sapin baumier concernent un thalle trouvé dans un bosquet d’épinette blanche (Picea glauca) environ 100 m au nord de Toms Brook (NS-42) et un thalle trouvé sur un érable rouge dans la localité NS-6. La plupart des autres sites se trouvent dans les secteurs nord-est du comté d’Halifax, ainsi que dans le comté de Guysborough. Seulement quatre sites (localités NS-42 à NS-45) ont été trouvés sur l’île du Cap-Breton, à une distance considérable des grands centres industriels tels que Sydney et Glace Bay. Toutes les localités confirmées de l’E. pedicellatum sont situées entre 9 et 152 m au-dessus du niveau de la mer. Au total, on connaît dans la province 46 populations historiques, ainsi que trois sous-populations.

Très peu de travaux d’exploration lichénologique ont été entrepris à Terre-Neuve. Ahti et Jørgensen ont été les premiers à y récolter l’Erioderma pedicellatum, en 1971, sous le nom Eriodermaboreale. Une dizaine d’années se sont écoulées avant qu’on essaie de préciser la répartition de l’espèce dans l’île (Maass, 1980; Ahti, 1983). Les équipes de terrain du Newfoundland and Labrador Department of Forest Resources and Agrifoods ont grandement contribué à la découverte de nouvelles localités de l’espèce à compter de 1997. En tout, environ 67 sites principaux ont été trouvés à Terre-Neuve, outre un nombre presque aussi élevé de sous-populations.

On trouvera aux figures de 3 à 6 des cartes illustrant la répartition canadienne de l’érioderme boréal, avant 1995 et après 1994, ainsi que sa présence sur les arbres des genres Abies et Picea.

Les disjonctions que semble présenter la répartition de l’espèce à Terre-Neuve doivent être pour une bonne part réelles, puisqu’elles correspondent à de vastes superficies de lande à éricacées dépourvue de forêt, habitat qui ne convient pas à l’espèce. Cependant, dans les régions côtières et intérieures du Sud de la province, il est encore possible que l’on découvre de nouvelles populations, dans les forêts qui occupent certaines vallées protégées à l’intérieur du territoire principalement occupé par la lande à éricacées. Le fait que l’aire de répartition longe la côte atlantique, tant à Terre-Neuve qu’en Nouvelle-Écosse, semble être lié à des facteurs climatiques tels que ceux qui caractérisent les zones climatiques boréale-océanique et hémi-boréale, où les conditions sont fraîches, humides et souvent brumeuses dans les secteurs les plus près de l’océan. Tout le Centre-Nord de Terre-Neuve, ainsi que la partie est de la péninsule du Nord, qui sont pourtant en grande partie boisés, semblent toutefois se trouver dans des zones climatiques qui sont trop chaudes ou trop froides, ou encore trop sèches, durant la saison de végétation (figures figure7 et figure8).


Figure 3 : Répartition générale des localités où l’Erioderma pedicellatum pousse sur sapin baumier (Abies balsamea) dans le Canada atlantique, selon les observations faites autant avant 1995 qu’après 1994

La présence du lichen sur érable rouge (Acer rubrum) est indiquée par un triangle pointé, tandis que celle du lichen sur épinette blanche (Picea glauca) est indiquée par un astérisque. Dans les localités où le lichen était présent sur épinette noire, il était toujours également présent sur sapin baumier. Le cercle, sur la côte du Maine, indique le site historique possible de l’E. pedicellatum mentionnée dans la légende de la figure 4.


Figure 4 : Répartition générale de l’Erioderma pedicellatum dans le Canada atlantique, selon l’ensemble des observations faites avant 1995

La présence du lichen sur érable rouge (Acer rubrum) est indiquée par un triangle pointé, tandis que celle du lichen sur épinette blanche (Picea glauca) est indiquée par un astérisque. – La localité type de l’E. pedicellatum est indiquée par un cercle pointé. Le cercle vide indique une localité où l’espèce a pu être présente dans le passé, à l’île Head Harbour, au sud-est de Jonesport, dans le comté de Washington, dans l’État du Maine. Dans l’herbier FH, il existe des spécimens de Coccocarpia palmicola et de Lobaria scrobiculata qui ont été récoltés dans cette île, sur écorce de sapin baumier. Or, ces lichens sont les indicateurs les plus fiables d’un habitat propice à la croissance de l’E. pedicellatum sur sapin baumier.


Figure 5 : Répartition générale de l’Erioderma pedicellatum dans le Canada atlantique, selon l’ensemble des observations faites après 1994


Figure 6 : Répartition des localités où l’Erioderma pedicellatum pousse sur épinette (Picea spp.) dans le Canada atlantique

Les points correspondent aux localités où l’espèce pousse sur le P. mariana, tandis que l’astérisque indique la localité où l’espèce pousse sur le P. glauca.


Figure 7 : Carte de la végétation de Terre-Neuve, avec sites anciens et actuels de l’Erioderma pedicellatum (position approximative) et indication des précipitations moyennes de mai à septembre, en millimètres

La zone en noir longeant la côte nord-ouest de l’île indique la position des landes calcaires. Les sites du lichen se trouvent principalement dans des régions recevant plus de 450 mm de précipitations durant la saison de végétation.


Figure 8 : Carte de la végétation de Terre-Neuve, avec sites anciens et actuels de l’Erioderma pedicellatum (position approximative) et indication des températures moyennes de l’air de juillet, en degrés centigrade

La zone en noir longeant la côte nord-ouest de l’île indique la position des landes calcaires. Les sites du lichen se trouvent principalement dans des régions où la température moyenne de juillet est inférieure à 16 °C.

De manière générale, la plupart des sites de l’Erioderma pedicellatum se trouvent sur des versants exposés au nord, où les conditions demeurent fraîches et humides toute l’année. À Terre-Neuve, dans certains cas exceptionnels, on trouve également des sites de l’E. pedicellatum sur le dessus et à proximité de crêtes boisées, orientées d’est en ouest, associées à des formations géologiques particulières (Ahti, 1983; Delaney et Cahill, 1977). En pareil cas, il y a tout de même un apport constant d’humidité résultant du passage, à travers ces crêtes, d’un flux d’air s’élevant à partir des milieux humides des vallées voisines situées au sud ou au sud-ouest. De telles situations ont notamment été observées au fond de la baie Hermitage, sur la route Ripple Pond Ridge, ainsi que dans la réserve forestière Lockyer’s Waters. Comme les cyanolichens tels que l’E. pedicellatum dominent la flore lichénique de cette variante très humide de la forêt boréale, nous proposons d’appeler cet habitat unique « forêt subocéanique à lichens du Canada atlantique ».

À l’intérieur de ces forêts subocéaniques, l’Erioderma pedicellatum se rencontre le plus souvent sur des troncs de sapin baumier. À Terre-Neuve, on le trouve également sur l’épinette noire, mais beaucoup moins souvent. Comme ce lichen est photophile (« qui aime la lumière »), pendant les premiers stades de son développement, on le trouve le plus souvent sur ces arbres au pied de versants ou à proximité, où l’habitat est ouvert et situé à proximité de tourbières à sphaignes (Sphagnum spp.). Les sphaignes contribuent de façon appréciable à maintenir l’humidité de ces forêts pendant les périodes de sécheresse.

Du point de vue phytosociologique, l’Erioderma pedicellatum est une des espèces du Lobarion, association lichénique renfermant de nombreuses espèces épiphytes, dont plusieurs espèces de Lobaria et surtout le L. scrobiculata. Comme ce dernier est facile à repérer de loin, en raison de sa taille et de sa couleur (jaune brunâtre à l’état sec et vert bleuâtre à l’état humide), il a été très utile comme guide dans le cadre des relevés visant à établir la répartition de l’E. pedicellatum dans les forêts boréales de Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve (Maass, 1983). Il constitue toujours un bon indicateur des microhabitats convenant à l’E. pedicellatum sur le sapin baumier. Parmi les autres lichens du Lobarion, le Lobaria pulmonaria, le L. quercizans et le Pseudocyphellaria crocata sont communs sur une vaste gamme d’arbustes et d’arbres feuillus et même de conifères. Ces espèces se rencontrent souvent en abondance sur les épinettes (avec le Lobaria scrobiculata), dans les plaines inondables et sur les versants riches en éléments nutritifs, mais elles ne poussent qu’exceptionnellement sur le sapin baumier, principal phorophyte de l’E. pedicellatum.

Les forêts mûres où se rencontre l’Erioderma pedicellatum renferment des espèces particulières de plantes herbacées et de cryptogames. La strate herbacée se caractérise par des espèces comme le Clintonia borealis, le Coptis trifolia, le Cornus canadensis, le Gaultheria hispidula et, d’abord et avant tout, l’Osmunda cinnamomea, qui exige un milieu humide. Dans les forêts semi-claires occupant une plaine alluviale, cette fougère peut être remplacée par une autre, l’Onoclea sensibilis. Les sphaignes présentes sont le Sphagnum girgensohnii, le S. fallax, le S. nemoreum et/ou le S. russowii. Les autres bryophytes particulièrement fréquentes sont l’hépatique Bazzania trilobata, les mousses pleurocarpes Hylocomium splendens, Pleurozium schreberi, Ptilidium crista-castrensis et Rhytidiadelphus triquetrus ainsi que les mousses acrocarpes Dicranum majus et D. scoparium. Le houppier des arbres est normalement couvert par des populations luxuriantes de lichens fruticuleux, dont l’Usnea longissima, l’Alectoria sarmentosa et le Bryoria trichodes ssp. trichodes. La présence de ces « barbes de vieillard » dans le houppier des arbres peut agir comme tampon contribuant à maintenir une humidité élevée dans ce milieu.

On peut supposer que l’Erioderma pedicellatum atteint la limite de sa répartition lorsque les conditions climatiques ne sont plus assez fraîches et humides pour maintenir un apport constant d’humidité durant les périodes relativement chaudes et sèches de l’année. La localité la plus au nord où l’espèce a été observée sur l’épinette noire (Picea mariana) se trouve près du tronçon nord de la route de Burgeo (juste au sud du 48° 30' de latitude N.; voir figure 6). La limite nord absolue de l’espèce se trouve également à Terre-Neuve, dans la partie ouest de la péninsule du Nord, juste au nord de Hawke’s Bay (lat. 50° 43'; figure 3).

Sans égard aux limites de répartition de l’Erioderma pedicellatum, nous pouvons tirer quelques conclusions générales sur les exigences écologiques de l’espèce. Dans les forêts laissant bien pénétrer la lumière, l’E. pedicellatum pousse surtout sur les troncs, alors que dans les habitats ombragés il pousse surtout sur les branches. Cette préférence pour les troncs ou les branches doit s’expliquer par un équilibre écologique critique entre les besoins en lumière du lichen et la nécessité de conditions constantes d’humidité élevée. Dans les forêts de Nouvelle-Écosse qui conviennent à l’E. pedicellatum, il est possible que les conditions d’humidité soit trop discontinues, durant les périodes les plus chaudes de l’année, pour que le lichen puisse s’établir sur les branches, même de sapin. Dans cette province, nous n’avons trouvé que deux thalles de l’espèce sur les branches, dans des vallées du comté de Richmond, dans le Sud-Est de l’île du Cap-Breton (localités NS-42 et NS-43).

L’hépatique Frullania tamarisci ssp. asagrayana joue un rôle important pour l’Erioderma pedicellatum, en l’aidant à s’établir sur le tronc des conifères qui lui conviennent (Maass, 1986). Chez les hépatiques du genre Frullania, le dessous des feuilles dorsales est involuté de manière à former des saccules aquifères, plus ou moins en forme de casques, qui assurent un apport prolongé d’humidité et renferment des inhibiteurs de croissance, des substances bactériostatiques et des substances répulsives pour les insectes herbivores (Burnett et al., 1974; Asakawa et al., 1976). On croit que c’est à l’intérieur de ces saccules que débute le processus de lichénisation et plus précisément la reconnaissance génétique des cellules libres de Scytonema par le champignon E. pedicellatum. Une fois le lichen constitué, le Frullania fournit un milieu favorable aux premiers stades de développement du lichen, dont l’établissement et la croissance seraient difficiles sur l’écorce nue du phorophyte. Dans les cas exceptionnels où l’E. pedicellatum a été observé sur l’érable rouge, cette fonction est peut-être assurée par le Frullania bolanderi ou le F. oakesiana.

Il est également possible que le Frullania tire avantage des produits de la fixation de l’azote fournis par les jeunes thalles de cyanolichens et par les cellules libres du cyanobionte se trouvant dans ses saccules aquifères. Le Frullania pourrait aussi exploiter certains métabolites libérés par le champignon lichénisé, tels que des hormones de croissance (IAA, acides gibbérelliques), ou même certains acides lichéniques aromatiques dérivés de polykétides.

Il y a plusieurs années, dans des forêts du Sud de la Suède, Tomas Hallingbäck (données inédites) a observé que certaines hépatiques à feuilles, notamment de l’espèce Ptilidium pulcherrimum et des genres Frullania, Porella et Radula, constituent de bons micro-substrats pour les cyanobactéries. Il a également souligné qu’un tel micro-environnement favorable peut aussi être procuré par certaines mousses épiphytes. C’est le Leucodon sciuroides qui présentait la concentration la plus élevée de cyanobactéries du genre Nostoc (Hallingbäck, comm. pers.). Dans les habitats où pousse l’Erioderma pedicellatum à Terre-Neuve, la présence du Leucodon sciuroides a déjà été signalée, mais il s’agissait en fait du Leucodon brachypus var. andrewsianus (Crum et Anderson, 1981).

L’acidité (figures 9 à 11) et le pouvoir tampon de l’écorce des divers arbres jouent un rôle déterminant quant à l’établissement ou non de lichens épiphytes fixateurs d’azote sur ces arbres, étant donné la sensibilité élevée de ces lichens à la pollution atmosphérique. L’effet de l’acidité de l’écorce sur l’établissement des lichens constituant leLobariona été constaté dans les forêts très humides de la vallée de la Musquodoboit, à proximité des carrières de calcaire d’Upper Musquodoboit (Maass, 1983). Dans les localités situées à l’intérieur des terres, leLobaria scrobiculatan’est généralement pas présent sur les troncs des sapins. Or, à Upper Musquodoboit, l’écorce des sapins était littéralement recouverte de ce lichen, à cause de l’effet neutralisant du calcaire qui s’y dépose. Cependant, chose encore plus surprenante, le lichen était totalement absent de l’épinette noire, malgré l’effet neutralisant du calcaire. Le pH plus élevé de l’écorce du sapin (figure 11), combiné à sa plus grande capacité de rétention d’eau (figure 12), pourrait expliquer la préférence de l’Erioderma pedicellatumpour cet arbre, tant en Nouvelle-Écosse qu’à Terre-Neuve. Un phénomène semblable a été observé chez des arbres du genre Piceadans la réserve forestière Ostmarka, à Oslo, en Norvège (Gauslaa, 1995; Holien, 1982).

De nombreux échantillons de Frullania poussant sur l’épinette noire et le sapin baumier ont été prélevés à Upper Musquodoboit. Des coupes ont été réalisées, et le contenu des saccules aquifères a été examiné au microscope. Aucun signe de la présence de cyanobactéries n’a été observé dans le cas des échantillons prélevés sur des épinettes, alors que la majorité des échantillons sains prélevés au hasard sur des sapins renfermaient des cellules de cyanobactéries.

Les limites du parc provincial Jipujijkuei Kuespem, à Terre-Neuve, ont été modifiées en 1997 de manière à en céder 213 ha à la bande micmaque de Conne River, pour l’exploitation d’un terrain de camping privé. L’exploitation est possible dans ce secteur, mais tout projet doit être soumis à un examen conforme à la réglementation provinciale. Les 669 ha restants relèvent encore du gouvernement provincial et sont protégés aux termes de la Provincial Park Act. Une bonne partie de la population d’Erioderma pedicellatum se trouve à l’intérieur des nouvelles limites du parc.


Figure 9 : Mesures de pH prises chez des échantillons d’écorce superficielle et d’écorce subsuperficielle prélevés sur des troncs de Picea mariana en 1983 et en 1984, en Nouvelle-Écosse

Le traitement des échantillons et la mesure du pH ont été effectués dans des conditions normalisées. Le pH est noté selon l’axe des X, tandis que le nombre de mesures équivalentes obtenues au-delà du niveau de référence est noté selon l’axe des Y.

Dans chaque cas, le nombre réel de mesures correspond à n+1, pourvu que les mesures ont été pointées sur le niveau de référence.


Figure 10 : Mesures de pH prises chez des échantillons d’écorce superficielle et d’écorce subsuperficielle prélevés sur des troncs de Picea glauca en 1983 et en 1984, en Nouvelle-Écosse

Le traitement des échantillons et la mesure du pH ont été effectués dans des conditions normalisées. La fréquence du Coccocarpia palmicola (x) et du Lobaria scrobiculata (o) sur les échantillons d’écorce est indiquée par les lettres x et o.

Dans chaque cas, le nombre réel de mesures correspond à n+1, pourvu que les mesures ont été pointées sur le niveau de référence.


Figure 11 : Mesures de pH prises chez des échantillons échantillons d’écorce superficielle et d’écorce subsuperficielle prélevés sur des troncs d’Abies balsamea en 1983 et en 1984, en Nouvelle-Écosse

Le traitement des échantillons et la mesure du pH ont été effectués dans des conditions normalisées. La fréquence du Coccocarpia palmicola (x) et du Lobaria scrobiculata (o) sur les échantillons d’écorce est indiquée par les lettres x et o.

Dans chaque cas, le nombre réel de mesures correspond à n+1, pourvu que les mesures ont été pointées sur le niveau de référence.


Figure 12 : Capacité de rétention d’eau d’échantillons d’écorce d’Abies balsamea et de Picea mariana fraîchement récoltés et saturés d’eau

Les mesures ont été prises sur des échantillons prélevés dans l’ancien site d’Erioderma pedicellatum qui se trouvait entre Clam Harbour et Owls Head Harbour. Les arbres des deux espèces étaient très sains et avaient poussé dans des conditions comparables. Dans les deux cas, le diamètre à hauteur de poitrine était d’environ 15 cm.

On ne connaît pas encore très bien le cycle vital de l’Erioderma pedicellatum, et il en sera ainsi tant qu’on n’aura pas étudié en détail celui du photobionte, du genre Scytonema. En effet, on connaît encore mal la répartition et la micro-écologie de cette cyanobactérie dans les forêts où pousse l’E. pedicellatum. Par ailleurs, on ne sait pas exactement par quels vecteurs sont dispersées les spores de l’E. pedicellatum, mais le deuxième auteur du présent rapport, dans le cadre d’un mémoire de maîtrise en cours de rédaction, étudie la possibilité que des insectes volants puissent constituer de tels vecteurs. En ce qui concerne les divers stades du cycle vital, on ne peut formuler que des hypothèses.

La reproduction sexuée est le seul mode de multiplication connu de l’E. pedicellatum. Étant donné l’absence de propagules asexuées, la multiplication du lichen exige chaque fois la synthèse de nouveaux thalles. Par conséquent, le cycle vital commence toujours quand la série plus ou moins complète des huit spores d’une asque se trouve par hasard en présence d’un filament adéquat de la forme libre de la cyanobactérie. C’est alors que débute la lichénisation. Une telle rencontre a beaucoup plus de chances de réussir si les spores et le photobionte ont trouvé refuge dans un micro-environnement favorable sur le plan microbiologique, comme l’intérieur d’une saccule aquifère de Frullania (Scheidegger, 1996).

Tout récemment, Yetman (données inédites tirées d’un mémoire de maîtrise) a montré que les spores de l’E. pedicellatum sont éjectées soit individuellement, soit en groupe de huit provenant d’une même asque. Il a pu confirmer ceci au moyen d’images obtenues par microscopie électronique à balayage. Selon certaines expériences réalisées récemment en laboratoire, les spores seraient éjectées lorsque les conditions atmosphériques sont favorables, généralement après une période sèche, lorsque le taux d’humidité est en train de remonter et que la brume envahit le milieu, ou lorsqu’il commence tout juste à pleuvoir.

Comme la dispersion des spores de l’E. pedicellatum est favorisée par les épisodes fréquents de brume ou de pluie, par certaines caractéristiques du sous-étage et du couvert arboré de la forêt et par la présence de tourbières ou milieux semblables à proximité, on peut supposer que le principal mécanisme de dispersion fonctionne toute l’année, ou pendant la plus grande partie de l’année, les exceptions étant alors les quelques semaines de temps très chaud, durant l’été, et les périodes de neige ou de gel, durant l’hiver. Des études réalisées chez le Xanthoria parietina dans les îles Britanniques et en Oregon ont montré que cette espèce peut produire des spores viables à toutes les périodes de l’année (Christmas, 1980). Par contre, certains lichens, comme le Rhizocarpon lecanorinum, présentent une période optimale de dispersion des spores à une période précise de l’année (Clayden, 1997b). Jusqu’à présent, selon le deuxième auteur du présent rapport (données inédites réunies pour un mémoire de maîtrise), il semble à tout le moins que l’E. pedicellatum ne disperse pas ses spores durant les mois secs et très chauds de l’été.

Les vecteurs suivants pourraient contribuer à la dispersion des spores de l’E. pedicellatum vers les habitats favorables situés à proximité ou à une plus grande distance.

  1. Vents forts chargés d’humidité capables de transporter les spores jusqu’à plusieurs centaines de mètres vers une forêt plus jeune (Scheidegger, 1996). Les vents de tempête dominants, sur la péninsule d’Avalon, soufflent soit d’est en ouest (durant l’hiver), soit du sud-ouest au nord-est (durant l’été). Les vents dominants présentent des directions analogues à l’île du Cap-Breton, selon les données de la station météorologique de la pointe Aconi (Maass et Richardson, 1994). Dans la partie continentale de la Nouvelle-Écosse, par exemple dans le comté d’Halifax, les vents soufflent souvent directement du nord (durant l’hiver) ou du sud (durant l’été et durant la saison des ouragans). Les vents modérés et variables qui soufflent dans ces forêts semi-claires peuvent certainement transporter les spores jusqu’aux sapinières plus jeunes des environs.
  2. Insectes pouvant disperser les spores. Une série d’expériences a permis de démontrer que les insectes peuvent constituer des agents de dispersion pour les spores de l’Erioderma pedicellatum (Yetman, données inédites réunies pour un mémoire de maîtrise). Dans le cadre des premières expériences réalisées en laboratoire, on a laissé des larves de drosophile (Drosophila melanogaster) parvenir à maturité et se promener librement pendant 48 heures dans une chambre renfermant un thalle mûr d’E. pedicellatum. Ensuite, les drosophiles ont été anesthésiées et observées sous microscope électronique à balayage. Des spores d’Erioderma ont été détectées avec certitude, adhérant aux soies des pattes de plusieurs drosophiles. Ces constatations ont été confirmées ensuite sur le terrain, durant l’été 2001, dans des peuplements mûrs de la réserve Lockyer’s Waters, à Terre-Neuve. Des spores d’Erioderma ont été observées sur les antennes articulées d’un petit coléoptère volant, l’Anapsis rubis, par microscopie électronique à balayage. Il est probable que de tels insectes volants dispersent des spores viables jusqu’à des peuplements éloignés. Cependant, pour que cela permette la création d’un nouveau thalle, il faut qu’au moins deux spores demeurent attachées l’une à l’autre au moment où elles atterrissent sur un Frullania, où elles doivent germer et entrer en contact avec un symbionte acceptable du genre Scytonema, dans une saccule aquifère de l’hépatique. Bien que les spores de l’E. pedicellatum puissent adhérer aux pattes des moustiques, rien ne permet jusqu’à présent d’établir à quelle distance ces insectes peuvent voyager (Yetman, données inédites). Nous croyons que les moustiques doivent rester au sol pendant les tempêtes de vent.
  3. Oiseaux. Les pics, ainsi que d’autres oiseaux peut-être, pourraient aussi constituer des vecteurs pour la dispersion à grande distance des spores viables de l’E. pedicellatum à partir d’individus surannés de sapin baumier. En cherchant des larves d’insectes dans l’écorce, l’oiseau pourrait involontairement recueillir des spores dans ses plumes pectorales ou caudales, immédiatement après une brève période sèche, lorsque sont éjectées la plupart des spores mûres.

Scheidegger (1996) propose le modèle suivant (non confirmé) pour le cycle vital de l’Erioderma pedicellatum.

  1. Il y aurait une seule génération du lichen durant chaque cycle de succession de la « forêt à lichens ».
  2. Durant les quelque 15 à 25 années suivant la maturité du peuplement (stades de déclin et de décomposition), les thalles d’E. pedicellatum déjà établis sont en mesure de croître rapidement à la faveur des bonnes conditions d’éclairement. Le stade reproducteur du lichen se limite à la période durant laquelle les diaspores microscopiques (de 4 à 6 μm de longueur, selon des données inédites de Yetman) sont dispersées par des vecteurs hypothétiques vers des arbres beaucoup plus jeunes, peut-être situés dans une sapinière adjacente se trouvant à un stade moins avancé de la succession végétale.
  3. Le cycle vital de l’E. pedicellatum peut alors recommencer dans un peuplement où le stade de succession et les conditions écologiques sont propices. La capture de cyanobactéries du genre Scytonema entraîne l’apparition de thalles minuscules pendant plus d’une dizaine d’années, soit le temps nécessaire pour que le peuplement arrive au stade optimal pour la croissance du lichen.

Le modèle de Scheidegger est valide dans la mesure où il s’applique à des forêts renfermant des parcelles adjacentes de peuplements équiennes se trouvant à des stades différents de la succession. Il conviendrait donc aux peuplements soumis depuis deux siècles à des coupes sélectives, comme ceux des Lockyer’s Waters, à Terre-Neuve. Les incendies et les épidémies de ravageurs pourraient aussi donner un tel résultat. Les « forêts en vagues » de la côte ouest de la péninsule du Nord, à Terre-Neuve, présentent également des bandes alternantes de peuplements à croissance synchrone. Le phénomène s’observe aussi à l’île Saint-Paul et à l’extrémité nord-est de l’île du Cap-Breton, où cependant les vents violents et les terrains très exposés ne permettent pas l’établissement d’une nouvelle génération de thalles.

En fait, on a rarement observé les premiers stades du cycle vital de l’E. pedicellatum dans de jeunes peuplements en régénération. La seule exception serait la localité NF-21b, dans le parc provincial Jipujijkuei Kuespem, où une population assez grande de jeunes thalles a été découverte (Yetman, 1999). Cependant, on n’a encore jamais observé les tout premiers stades de la colonisation synchronisée d’un jeune peuplement forestier par le lichen.

Il se peut aussi que le modèle de Scheidegger ne rende pas compte de toutes les possibilités en ce qui concerne l’accroissement de la quantité de lumière disponible pendant le cycle vital de l’E. pedicellatum. Comme les thalles adultes se rencontrent dans des habitats très humides semi-ouverts, il semble bien que la synthèse du lichen à partir de ses organismes constituants exige passablement de lumière. En fait, les thalles bien établis relativement âgés sont probablement capables de s’adapter à des quantités assez variables de lumière, dans la mesure où l’humidité demeure suffisante. De telles variations d’éclairement peuvent résulter de changements dans la densité du couvert forestier, avec la mort d’un arbre voisin du phorophyte ou au contraire avec la maturation d’un jeune arbre du sous-étage.

En ce qui concerne le cycle vital de l’Erioderma pedicellatum, il semble plus prudent de conclure que, tout au long de la croissance des petits peuplements naturels et relativement jeunes de sapin baumier, la quantité de lumière disponible pour le lichen (ou les cellules libres de Scytonema) peut diminuer ou augmenter jusqu’à un niveau permettant la survie de l’E. pedicellatum et du Frullania renfermant les cyanobiontes, et ce, dans la mesure où le régime d’humidité demeure stable. De tels habitats occasionnels se rencontrent dans les secteurs très humides de Terre-Neuve (localités NF-2 et NF-25), où les thalles de l’E. pedicellatum ne poussent que sur les branches des arbres.

Quoi qu’il en soit, les nombreuses observations faites sur le terrain nous indiquent qu’il est important de maintenir soit des peuplements inéquiennes, soit une mosaïque de peuplements d’âges différents situés à proximité les uns des autres.

Pendant la période de croissance exponentielle des thalles, on observe essentiellement les mêmes taux de croissance chez les thalles poussant sur sapin baumier et sur épinette. Les taux de croissance annuelle les plus élevés ont été observés chez des individus poussant sur sapin baumier, dont l’indice de croissance (i.c.) peut atteindre 13 mm/an sur les branches et 14 mm/an sur le tronc (thalle no 2-b sur sapin baumier,no 2 au parc naturel de Salmonier (SALM); thalle no 2-t sur sapin baumier, no 13 au parc Fitzgerald Pond (FITZ)). Dans le cas des individus poussant sur épinette noire, l’i.c. le plus élevé, soit 11 mm/an, a été observé chez le thalle no 3-b de l’arbre no 4 de SALM. Ce taux a été atteint malgré le fait que le thalle s’était fortement nécrosé au-dessus de sa surface de fixation durant les 11 mois séparant les deux mesures.

Dans le cas du sapin baumier, les individus dont le taux de croissance a été mesuré comprenaient deux thalles immatures. Un de ceux-ci (thalle no 2-t de l’arbre no 8) se trouvait à FITZ, tandis que l’autre (thalle no 1-t de l’arbre no 3) se trouvait à Goobies (Terre-Neuve). Les premières mesures de croissance, prises durant deux jours consécutifs d’octobre 1980, étaient les mêmes pour les deux thalles, soit 6 × 4 mm/an. Les mesures suivantes de croissance ont été de 3 × 4 mm/an à FITZ et de 3 × 2 mm/an à Goobies. De plus, un thalle juvénile poussant sur une épinette a été étudié à SALM (thalle no 2-b de l’arbre no 3). Durant la période de 11 mois allant du 2 octobre 1980 au 7 septembre 1981, ce thalle a accru sa longueur et sa largeur d’environ 50 p. 100 (12 × 10 mm/an). Ce taux est semblable à celui mesuré pour un intervalle similaire chez les jeunes thalles poussant sur sapin baumier.

Nous avons compilé l’effectif des thalles d’E. pedicellatum présents dans les provinces Maritimes et à l’île de Terre-Neuve pendant la période antérieure à 1995 et pendant la période postérieure à 1994. Les résultats sont résumés ci-après.

Seulement une dizaine de thalles ont été répertoriés en 1902 à l’île Campobello, dans la localité où l’espèce était récoltée pour la première fois. Aucun thalle n’a été trouvé au Nouveau-Brunswick depuis que la publication de Jørgensen (1972) a fait mieux connaître la présence de l’espèce dans la province.

Le nombre total de thalles recensés avant 1995 en Nouvelle-Écosse est de 169. Parmi ceux-ci, deux avaient été trouvés sur des troncs d’érable rouge, un sur une branche assez épaisse d’épinette blanche et un sur une branche mince de sapin baumier. Les autres 165 thalles étaient répartis entre 102 troncs de sapin baumier. Le nombre moyen de thalles par tronc de sapin baumier était d’environ 1,6. Vers la fin des années 1990, seulement 13 thalles ont pu être repérés en Nouvelle-Écosse, ce qui représente une baisse d’environ 92 p. 100 de l’effectif total. De même, le nombre total de sapins colonisés par le lichen était tombé de 102 à seulement 7. Nous espérions que les habitats propices de la vallée de la Moser (localité NS-27) permettraient à ce site de se maintenir encore au moins une dizaine d’années, puisque le nombre moyen de thalles par arbre était de presque 2 et que le site était relativement bien abrité contre les polluants provenant de la route. Or, malgré les conditions très humides procurées par l’humidité s’élevant de la vallée voisine, boisée et marécageuse, la population avait entièrement disparu à la fin de septembre 2002.

Seulement quelques années après 1979, alors que le premier auteur du présent rapport venait de commencer à vérifier la présence de l’E. pedicellatum dans tous les habitats propices accessibles de Nouvelle-Écosse, le lichen avait déjà disparu des parties méridionales de la province, même si chacun de ces habitats paraissait intact selon une inspection sommaire. Sur les 46 sites déjà relevés dans la province, seulement trois (localités NS-12, NS-16 et NS-27), tous situés dans des secteurs quasi-côtiers de l’Est du comté d’Halifax, renfermaient encore un habitat viable. L’habitat de l’espèce s’était dégradé dans toutes les localités qui avaient renfermé entre 9 et 20 thalles.

Seulement deux thalles ont été trouvés sur des branches, et les deux se trouvaient dans les secteurs les plus humides de basses terres de l’île du Cap-Breton. Un des thalles poussait sur un sapin baumier près d’Enon (localité NS-43), tandis que l’autre poussait sur une épinette blanche dans une vallée très humide (localité NS-42). Deux autres thalles poussaient sur des troncs d’érable rouge (localités NS-6 et NS-46), ce qui est également exceptionnel.

Les dénombrements effectués à l’île de Terre-Neuve sont résumés ci-dessous. La présente version révisée du rapport tient compte des données supplémentaires compilées par les forestiers provinciaux dans le cadre des travaux de terrain menés vers le début de 2002, soit après la rédaction de la version initiale du présent rapport. [Ces dénombrements supplémentaires ont été communiqués au COSEPAC par les représentants du gouvernement provincial durant les discussions concernant la désignation de l’espèce.]

Des sites de l’Erioderma pedicellatum ont été répertoriés dans les régions suivantes de l’île de Terre-Neuve, échelonnés selon leur position géographique, du nord-ouest au sud-est).

Région 1 : Péninsule du Nord(versant Ouest)

Un total de 23 thalles ont été répertoriés avant 1995, et seulement 3 après 1994, tous sur sapin baumier.

Région 2 : Route de Burgeo(tronçon Nord)

Seulement 22 thalles ont été répertoriés sur sapin baumier, et un sur épinette noire, tous avant 1995, entre la route Transcanadienne et le lac Peter Strides Pond.

Région 3 : Route de Burgeo(bassin amont de la rivière Grandy Brook)

L’érioderme boréal n’a été signalé qu’après 1994 dans cette région; 88 thalles ont été relevés, tous sur sapin baumier.

Région 4 : Centre-Sud de Terre-Neuve

Cette région s’étend depuis le lac Great Burnt et le secteur de Twin Brooks jusqu’au Nord-Ouest de la route 362, au parc Jipujijkuei Kuespem, ainsi qu’aux environs de la baie Hermitage et de la baie Belle. Avant 1995, on y a recensé 280 thalles sur sapin baumier, 199 sur épinette noire et 4 sur érable rouge, soit un total de 483 thalles. Après 1994, on y a recensé 2 671 thalles sur sapin baumier et 5 sur épinette noire, soit un total de 2 675 thalles. [Les relevés additionnels effectués par les forestiers de la province les 13 et 14 mars 2002 dans le parc Jipujijkuei Kuespem ont permis d’ajouter 1 068 thalles (1 065 sur sapin baumier et 3 sur bouleau à papier) à l’effectif connu. D’autres relevés, effectués les 12 et 15 mars 2002 dans le secteur Salt Pit-Twin Brooks, ont permis d’ajouter encore 746 thalles, tous sur sapin baumier (Bill Clarke, Forestry & Wildlife, comm. pers. à Natalie Djan-Chekar, 25 avril 2002). Ces relevés portent à environ 4 489 thalles l’effectif de l’espèce, après 1994, dans la région 4.]

Population du secteur Salt Pit - Twin Brooks

Cette population se trouve environ 3 ou 4 km à l’intérieur des terres, à partir de Head of Bay d’Espoir, et moins de 1 km au nord-ouest de la route 361. L’effectif de 518 thalles est fondé sur les dénombrements effectués par des employés du Newfoundland and Labrador Department of Forest Resources and Agrifoods. Le secteur ne bénéficiera probablement d’aucune protection, puisque des travaux intensifs d’exploitation forestière se déroulent constamment dans les environs. Les six sous-sites occupent une superficie d’environ 2 km2. Robertson (1998) a fait remarquer l’importance des « forêts en vagues », qui créent des milieux bien éclairés pouvant ou non par la suite être colonisés par l’E. pedicellatum.

Population du parc Jipujijkuei Kuespem

Le nombre total de thalles d’E. pedicellatum trouvés à l’intérieur des anciennes limites du parc, sur sapin baumier, était de 2 107, et le nombre d’arbres colonisés était d’environ 1 088, ce qui donne un rapport d’environ 2 thalles/arbre. Dans le parc, les habitats propices à l’E. pedicellatum occupent une superficie d’environ 4 000 000 m2. Jusqu’à présent, nous avons étudié 13 sous-populations plus ou moins distinctes, comprenant chacune au moins 30 thalles et réparties entre tous les secteurs situés des deux côtés du lac River Pond. Le relevé le plus récent est celui de Yetman (1999), qui a découvert un sous-site relativement jeune renfermant 201 thalles poussant sur sapin baumier, dans une ancienne gravière qui pu servir à la construction de la route 360. Ce sous-site (localité NF-21b) renfermait 57 p. 100 d’individus juvéniles. Dans l’ensemble des sous-sites étudiés, 1 021 thalles ont été trouvés, dont 33,1 p. 100 (338) de juvéniles. Il s’agit d’un pourcentage exceptionnellement élevé, par rapport aux autres populations de Terre-Neuve. Il est impossible de déterminer quelle proportion de ces 338 thalles immatures survivront jusqu’au stade de la production de spores. Cependant, leur présence est de grande importance, car elle confirme que les formes libres de Scytonema étaient en bonne santé dans ces forêts durant les années où se formaient les thalles, formation qui a dû exiger des conditions relativement exemptes de pollution.

Toute une gamme de menaces graves ou relativement mineures pèsent sur le parc, étant donné la situation qui prévaut ailleurs à Terre-Neuve. Il y a broutage par les orignaux, mais ce facteur n’est pas aussi grave que dans le cas de la population des Lockyer’s Waters. Par contre, l’épandage aérien de pesticides, déjà envisagé pour le secteur, peut nuire à l’E. pedicellatum.

Région 5 : Péninsule de Burin

Cette région comprend la péninsule elle-même ainsi que les îles voisines situées dans la baie de Plaisance. Avant 1995, on y a relevé 12 thalles poussant sur sapin baumier et 1 thalle poussant sur le tronc d’une épinette blanche. Après 1994, on y a répertorié 11 thalles, sans indication précise de substrat.

Région 6 : Centre-Est de Terre-Neuve

Cette région comprend la réserve naturelle de la Bay du Nord, riche en lacs et à climat subocéanique, ainsi que les secteurs se trouvant entre Glovertown et Come-By-Chance; 125 thalles ont été répertoriés avant 1995, poussant tous sur sapin baumier, principalement près de Goobies; 128 thalles ont été répertoriés après 1994, tous dans le secteur des lacs de la réserve naturelle de la Bay du Nord.

Population de la Réserve naturelle de la Bay du Nord

Cette population occupe des habitats situés de 58 à 63 km à l’ouest de Clarenville, au nord-est du lac Meta Pond. Ces derniers sont répartis en six sites, qui comptent en tout 16 sous-sites. Le nombre total de thalles répertoriés dans la Réserve est de 128. La superficie totale du territoire où ont été découverts ces nouveaux sites de l’E. pedicellatum est d’environ 28,25 km2, et une bonne partie de ce territoire est occupé par des landes à éricacées et des landes rocheuses, ce qui permet d’estimer le territoire propice à moins de 15 km2. Comme ce calcul est approximatif et que nous disposons seulement d’une connaissance préliminaire du terrain, il n’est pas certain que la région abrite vraiment une des plus importantes populations; il pourrait s’agir plutôt de nombreuses méta-populations réunies dans une grande région.

Région 7 : Péninsule d’Avalon
Population des lacs Lockyer’s Waters

Le nombre total de thalles répertoriés dans le secteur des Lockyer’s Waters jusqu’à la fin de 1997 dépassait 900; ces thalles ont été trouvés sur près de 500 sapins baumiers et se répartissaient en 10 sous-sites (McHugh, 1998). Le total a récemment été rajusté à 953 (Yetman, 1999). Le nombre moyen de thalles par arbre colonisé atteignait presque 2 dans le secteur. [Note du premier auteur : Le dénombrement plus récent effectué par Eugene Conway, après la désignation du statut, indique une baisse de 80 p. 100 du nombre connu de thalles dans les forêts du secteur, selon le rapport présenté par Conway à la International Nickel Company Ltd. (INCO), en novembre 2002.]

Le site compte neuf sous-populations bien établies, dans des milieux distincts quant à leur exposition, à l’âge du peuplement forestier et à la densité du couvert (McHugh, 1998). Ces sous-sites occupent un territoire d’environ 20 hectares, mais les arbres colonisés par l’Erioderma pedicellatum n’occuperaient eux-mêmes que 5,54 hectares. Les recherches approfondies à long terme qui sont en cours dans ces sous-sites devraient permettre de mieux connaître le cycle de vie de l’E. pedicellatum et l’impact du stress environnemental sur ce lichen.

Bon nombre de facteurs menacent actuellement la population. D’abord, le secteur isolé se trouvant au sud-est des lacs Lockyer’s Waters est entouré d’une zone de villégiature comptant plus de 1 500 chalets. Deuxièmement, la densité de la population d’orignaux du secteur a freiné la régénération de sapinières propices à la colonisation par une nouvelle génération d’Erioderma pedicellatum. Troisièmement, lorsque des vents violents soufflent vers le sud-ouest, il se peut que des polluants émis par les secteurs industriels de Holyrood atteignent les collines boisées du secteur des Lockyer’s Waters et nuisent à certains sous-sites du lichen, situés sur des versants exposés au nord-ouest. Finalement, le secteur est toujours menacé par l’exploitation forestière; en 1997, l’abattage des arbres a été interrompu, dans l’attente d’une désignation de l’Erioderma pedicellatum par le COSEPAC. Cette mesure était cependant provisoire, et la vocation future des forêts de Lockyer’s Waters n’a pas encore été déterminée.

Population de la route Ripple Pond Ridge

La route Ripple Pond Ridge a été construite en 1997 pour la récupération du bois abattu par le vent. La route est longue d’environ 3,5 km et comporte des tronçons très escarpés. Les sites d’E. pedicellatum répertoriées dans ce secteur (localités NF-80x à NF-80e) sont répartis de manière discontinue le long de la route, mais la majorité se trouve à moins de 50 m de la route. Afin d’estimer la superficie occupée par ces sous-populations, nous avons délimité une bande large de 200 m et avons calculé la superficie en utilisant la longueur de la route : 3 500 m × 200 m = 700 000 m2. Lors du premier relevé, environ 350 thalles étaient présents dans le secteur, dont 18 sur épinette noire. Il s’agit du deuxième plus grand groupe de thalles poussant sur épinette noire à être observé après 1994. On ne sait pas exactement quel sera l’impact des travaux forestiers sur la survie à long terme de cette population.

Population du lac Ripple Pond

Deux sous-populations (localités NF-79a et NF-79b) ont été trouvées dans les forêts se trouvant à une distance d’environ 300 à 350 mètres derrière la rive ouest du lac et plus précisément à une distance de 150 à 200 m au sud-ouest et au nord-est d’un petit étang situé à mi-chemin entre le lac Ripple Pond et une étroite bande de tourbière inclinée se trouvant à l’ouest. Environ 600 m séparent les deux sous-populations, qui renferment en tout 154 thalles. La superficie occupée par l’habitat de l’E. pedicellatum atteint peut-être 300 000 m2 (0,3 km2).

Population du lac Ninth Fox Pond

Cette population est répartie en deux sous-sites et renferme en tout 95 thalles sur sapin baumier (70 arbres) et 39 thalles sur branches d’épinette noire (9 arbres). La superficie occupée par les deux sous-sites est d’environ 100 000 m2. Dans la partie la plus basse du sous-site NF-80w, un peu d’éclaircie manuelle a été effectuée, ce qui pourrait constituer un terrain propice pour des expériences scientifiques.

Population de l’étang Noseworthy’s Gully

La localité NF-81b se trouve derrière la rive est de l’étang Noseworthy’s Gully. Elle renferme une intéressante mosaïque de fens (tourbières minérotrophes) et de forêts, ainsi que de terrains plats et inclinés (Ringius, 1997; Robertson, 1998). Dans cette localité, 122 thalles d’E. pedicellatum ont été observés sur sapin baumier (environ 65 arbres), et quelques-uns sur épinette noire (plusieurs arbres). La superficie totale occupée par l’habitat est d’environ quatre hectares (200 × 200 m).

Notons en passant que quelques thalles ont été trouvés beaucoup plus au nord, au lac Pegs Pond, sur la route Carbonear Line (localité NF-84).

Le nombre total de thalles observés ou signalés dans la péninsule d’Avalon au cours des 3 ou 4 dernières années est de 2 148, dont 2 085 sur sapin baumier et 63 sur épinette noire. Avant 1995, seulement 107 thalles (dont 19 sur épinette noire) avaient été répertoriés. Cette différence s’explique par le fait que le lichen fait l’objet de recherches plus intensives dans les forêts de Terre-Neuve depuis 1996.

Si on tient compte des découvertes faites en mars 2002, le nombre total de thalles actuellement répertoriés à Terre-Neuve atteint presque 6 900. Comme de nombreux habitats propices au lichen n’ont pas été explorés dans les secteurs isolés de la côte sud de l’île, le nombre réel de thalles présents à Terre-Neuve est sans doute beaucoup plus élevé.

Une comparaison des deux plus grandes populations d’E. pedicellatum de Terre-Neuve permet d’entrevoir plus clairement les chances de survie à long terme de l’espèce. La plus grande et la plus saine des populations se trouve dans le parc Jipujijkuei Kuespem. Si on ne tient pas compte des petites populations adjacentes situées au nord et à l’est du parc, la population du parc renferme en tout 2 112 thalles (dont cinq thalles moribonds poussant sur épinette noire). Si on ne tient compte que des sous-populations où une distinction a été faite entre thalles adultes et juvéniles, la proportion de thalles juvéniles est de 31,75 p. 100 (327 sur 1 030). Le sous-site NF-21b est peut-être anormal à cet égard, puisque Yetman (1999) y a dénombré 57 p. 100 de thalles juvéniles. [Les relevés effectués les 13 et 15 mars 2002 par le Service des forêts de Terre-Neuve-et-Labrador (comm. pers.) ont permis de dénombrer 1 068 thalles dans le parc.]

En guise de comparaison, la deuxième population, celle des lacs Lockyer’s Waters, est composée de 952 thalles sur sapin baumier et d’un thalle mort sur épinette noire. Selon les données de McHugh (1998), 165 thalles juvéniles et 698 thalles adultes avait été répertoriés dans les « sites de 1 à 9 ». Si on applique cette proportion de juvéniles et d’adultes à l’effectif révisé des thalles poussant sur sapin baumier (952), il y aurait près de 182 thalles juvéniles dans le site des lacs Lockyer’s Waters.

Le parc Jipujijkuei Kuespem renferme plus de double des thalles poussant sur sapin baumier (2 107) que le secteur des Lockyer’s Waters (952). Environ 31,75 p. 100 de ces thalles sont juvéniles dans le cas du parc Jipujijkuei Kuespem, ce qui donne par extrapolation un total de 669 thalles juvéniles. Il y a donc dans ce parc environ 3,7 fois plus de jeunes thalles que dans le secteur des Lockyer’s Waters. À moins de mortalité, cette statistique est indicatrice des chances de survie à long terme de l’espèce dans le parc Jipujijkuei Kuespem.

Comme les lichens poussant sur épinette noire sont plus sensibles que les autres à la pollution atmosphérique, la santé et la survie à long terme de ces thalles soulèvent des questions (voir la section Facteurs limitatifs et menaces).

Autrefois, lorsque la pollution était essentiellement inexistante, l’épinette noire constituait un bien meilleur substrat pour l’établissement de l’Erioderma pedicellatum. Vers le début des années 1980, le nombre moyen de thalles par arbre colonisé était près de 4 fois plus élevé sur épinette noire que sur sapin baumier. Au moins 50 thalles sains, dont 40 p. 100 de juvéniles, ont déjà été observés sur une même épinette (dans la sous-localité NF-27a), alors que le plus grand nombre de thalles observés sur le tronc d’un même sapin baumier était de seulement 16 (dans la localité NF-15). Avant 1995, 28,3 p. 100 des thalles observés poussaient sur épinette noire, tandis que depuis 1994 cette proportion n’est plus que de 1,5 p. 100.

À Terre-Neuve, la fréquence de l’E. pedicellatum sur épinette noire constitue donc un bon indicateur pour la prévision des problèmes environnementaux pouvant menacer l’ensemble de l’espèce à long terme, notamment en ce qui a trait à la pollution atmosphérique. Il est donc particulièrement important de conserver un dossier sur l’état de santé des colonies d’E. pedicellatum poussant sur ce substrat.

Lorsque l’effectif des populations d’une espèce est en augmentation, on fait souvent l’erreur de supposer que cette espèce est passablement répandue, voire « omniprésente ». Des précautions particulières s’imposent lorsqu’on évalue la situation de l’Erioderma pedicellatum, car le dénombrement des thalles, comme toute évaluation d’effectif, ne constitue pas une donnée statique, particulièrement lorsque les données accumulées portent sur une courte période (de 1996 à 1999). L’évaluation est d’autant plus compliquée que les populations ne sont pas des entités distinctes, étant réparties en sous-populations et en méta-populations. En Nouvelle-Écosse, par exemple, certains sites qui renfermaient des méta-populations comptant jusqu’à 20 thalles sont disparus en seulement une dizaine d’années. Étant donné les connaissances actuelles sur la biologie des méta-populations, l’existence de petits groupes aussi isolés et donc vulnérables n’augure rien de bon pour la survie à long terme de l’espèce.

Par ailleurs, même avec la meilleure volonté du monde, il demeure impossible de maîtriser ou même de maintenir l’état de santé des petites populations. En effet, les interactions étroites existant entre les cycles vitaux de l’Erioderma pedicellatum, du Scytonema, du Frullania et de leurs arbres hôtes constituent un système vulnérable et difficile à conserver. Nous sommes donc loin d’avoir élucidé la dynamique des populations de l’E. pedicellatum et d’avoir compris toute la complexité de leurs exigences écologiques.

Par conséquent, dans le cadre de la présente évaluation de la situation de l’Erioderma pedicellatum à Terre-Neuve, nous estimons que l’espèce est fortement menacée dans cette province, malgré ses effectifs actuels, parce que le lichen ainsi que son cyanobionte sont particulièrement menacés par la pollution atmosphérique, le réchauffement climatique et les travaux de coupe à blanc. De plus, il existe encore des lacunes énormes dans nos connaissances sur le cycle vital complexe de l’E. pedicellatum. Or, sans ces connaissances, il est impossible de garantir la survie de l’espèce.

Les sous-sections suivantes décrivent les principaux facteurs qui menacent les forêts subocéaniques à lichens du Canada atlantique et les communautés de cyanolichens qu’elles renferment.

Dans la péninsule d’Avalon et les autres régions du Sud de Terre-Neuve, la quantité de bois récoltée commercialement durant les années 1992 à 1999 a dépassé d’environ 20 p. 100 les quotas annuels, ce qui a entraîné une pénurie de ressources forestières [données compilées par le premier auteur : bois rond récolté selon l’Abrégé de statistiques forestières canadiennes du Conseil canadien des ministres des forêts (http://nfdp.ccfm.org) et possibilité annuelle de coupe pour l’île de Terre-Neuve selon les plans de développement 1990 à 2009 et 1996 à 2015 du ministère des Richesses forestières et de l’Agroalimentaire de la province].

Dans de nombreuses régions de Terre-Neuve, la pratique de la coupe à blanc a entraîné, depuis 1970 environ, le remplacement de nombreuses communautés forestières naturelles ou semi-naturelles par des plantations d’épinette noire et de sapin baumier. Dans ces secteurs, la coupe à blanc a dû éliminer tout arbre porteur d’épiphytes et donc empêcher la régénération du Lobarion. En effet, même si le secteur touché par une coupe à blanc reçoit un nombre suffisant de spores d’E. pedicellatum provenant d’un lieu éloigné, aucun nouveau thalle ne peut se former, puisqu’il n’y a pas de Frullania dans les plantations d’arbres.

Les facteurs suivants rendent d’autant plus difficile la colonisation des plantations d’épinette par les lichens du Lobarion et par les hépatiques du genre Frullania :

Le problème est aggravé par le fait que les parterres de coupe à blanc sont rarement fertilisés, ce qui entraîne la perte des champignons mycorhiziens symbiotiques. Il peut s’ensuivre un épuisement graduel des éléments nutritifs dans les sols glaciaires minces et acides de Terre-Neuve, de Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick.

L’apparition tardive des flores de lichens épiphytes dans les plantations d’arbres a été constatée et étudiée dans des secteurs situés au nord du parc national Fundy, dans le cadre d’une étude de l’écosystème de la grande région de Fundy (Veinotte, 1998). Les quatre peuplements témoins, représentatifs des forêts mixtes matures de la moitié nord du parc national, renfermaient plusieurs espèces de Nephroma et de Lobaria, poussant presque exclusivement sur des feuillus mais également, de façon très exceptionnelle, sur l’épinette rouge (Picea rubens). Cependant, dans les plantations étudiées, les cyanolichens étaient absents de toutes les épinettes noires plantées depuis 6, 10, 15, 18 ou 23 ans. Quelques thalles de Leptogium cyanescens ont été trouvés sur de rares arbustes feuillus observés dans les plantations de 10 et 15 ans, mais ce lichen est une composante peu importante du Lobarion.

Enfin, il a été démontré que l’exploitation forestière à grande échelle réduit grandement le degré d’humidité interne des peuplements, en altérant leur capacité de compenser les périodes de sécheresse. On croit que ce facteur a contribué à la disparition de l’Erioderma pedicellatum en Suède. Comme nous le mentionnions précédemment, un des anciens sites du lichen, situé au Värmland, en Suède, a été désigné réserve naturelle en 1952, peu après qu’une population importante de l’espèce eut été observée dans cette localité, en 1941 et en 1946, par Ahlner (1948). L’abattage d’arbres tout près de la réserve et l’assèchement subséquent de l’habitat constituent une des causes présumées de la disparition de l’espèce dans cette localité (http://www.nhm.uio.no/botanisk/bot-mus/lav/factshts/eriopedi.htm).

Deux raisons sont depuis longtemps invoquées pour expliquer que les pluies acides aient pu éliminer les lichens sensibles d’écosystèmes par ailleurs adéquats (Hawksworth et Rose, 1976; Richardson, 1992). Premièrement, ces pluies auraient pour effet d’acidifier les écorces déjà naturellement acides, réduisant ainsi leur pouvoir tampon (Nieboer et al., 1984). Deuxièmement, le thalle des lichens serait directement affecté par l’absorption de polluants atmosphériques (Farmer et al., 1992). Les cyanolichens sont particulièrement sensibles aux effets de la pollution atmosphérique. En effet, tous les cyanolichens sont capables de piéger l’azote moléculaire de l’air et de l’utiliser pour produire des éléments nutritifs azotés. Or, une caractéristique commune de ces lichens est que leur enzyme fixatrice d’azote, la nitrogénase, est remarquablement intolérante à la présence de SO2 (James, 1973).

Les pluies acides semblent donc contribuer à la disparition de l’Erioderma pedicellatum de l’écorce des épinettes. Même dans le cas du sapin baumier, dont l’écorce est légèrement moins acide, un dépérissement partiel des thalles a été observé. La nécrose débute près de la surface de fixation du thalle, puis s’étend dans toutes les directions (Moberg et Holmasen, 1982). Les dégâts causés à la surface de fixation sont prononcés dans le cas des lichens poussant sur l’épinette noire, dont l’écorce est très acide, et sont particulièrement élevés chez l’Erioderma pedicellatum, par rapport aux autres cyanolichens; c’est pourquoi cette espèce est classée la première parmi les espèces sensibles de Nouvelle-Écosse. Un rang relativement élevé a également été attribué aux autres lichens du Lobarion et aux lichens associés de façon plus générale à l’habitat de l’E. pedicellatum. Il a été démontré que ces lichens, notamment le Coccocarpia palmicola, l’Erioderma mollissimum, le Parmeliella parvula et le Fuscopannaria ahlneri, sont sensibles à la pollution atmosphérique (Gauslaa, 1995).

Le brouillard acide présente un danger encore plus grand que les pluies acides, car les plantes sensibles demeurent longtemps exposées au brouillard stagnant. Ce pourrait être un des deux facteurs déterminants de la disparition graduelle des cyanolichens sensibles du sud de la Nouvelle-Écosse. Cox et al. (1989) ont étudié les dépôts acides dans la région de la baie de Fundy et ont observé que le brouillard acide y présente un pH moyen de 3,6, soit une unité de moins que le pH moyen des pluies acides de la région. Aucune observation directe ne confirme l’effet du brouillard acide sur les lichens, mais les données recueillies depuis quelques années (Cox et al., 1996; Cox et al., 1998; Kouterick et al., 1998) semblent indiquer que le brunissement foliaire constaté dans plusieurs peuplements naturels de bouleau à feuilles cordées (Betula cordifolia) et de bouleau à papier, en bordure de la baie de Fundy, peut être imputé, directement ou indirectement, au brouillard acide. Par rapport à Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse est davantage sujette à ce type de brouillard, car elle est située plus près de l’influx d’air pollué provenant des centres industriels du Nord-Est des États-Unis et du Sud de l’Ontario (Maass, 2001). À Terre-Neuve, la contribution des polluants atmosphériques transportés à grande distance est bien moins importante que celle des polluants provenant de sources locales, comme la raffinerie de Come-by-Chance et la centrale de Holyrood, dans la péninsule d’Avalon, ou les usines de pâtes et papiers de la côte ouest de l’île (Wadleigh et al., 1999).

La rupture du lien existant entre l’Erioderma pedicellatum et les épinettes a sans doute été causée par un abaissement graduel du pouvoir tampon de l’écorce de ces arbres, durant les épisodes de pluie ou de brouillard acides, qui ont évidemment dû inhiber au même moment le système nitrogénasique. Les hyphes de la surface de fixation, carencées par un approvisionnement insuffisant en substances azotées essentielles (et notamment en vitamines), ont pu devenir très sensibles au SO2, aux NOx ou aux acides forts issus de ces oxydes présents dans les eaux s’écoulant sur le tronc.

De façon générale, l’Erioderma pedicellatum et les autres lichens ayant pour symbionte une cyanobactérie du genre Scytonema sont manifestement très sensibles à la pollution atmosphérique. Or, l’INCO souhaite implanter à Argentia une usine hydrométallurgique faisant appel à une technologie nouvelle. Il faudra donc surveiller de près l’impact que pourrait avoir cette usine sur l’E. pedicellatum.

Récemment, la tenthrède à tête jaune de l’épinette (Pikonema alaskanensis) a soulevé de grandes craintes pour les forêts de conifères et les plantations d’épinette noire, dans la région de la baie d’Espoir, près du parc Jipujijkuei Kuespem. Comme le BT s’était révélé inefficace contre les stades larvaires de cet insecte, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) a approuvé en 1998, à titre provisoire, la pulvérisation de trichlorfon (insecticide connu sous le nom commercial Dylox).

Comme le cortex supérieur de l’Erioderma pedicellatum ne semble posséder aucune propriété hydrofuge, sa couche à cyanobactéries doit être immédiatement accessible aux gouttelettes d’eau renfermant ce produit chimique, qui risque ensuite d’endommager les membranes cellulaires ainsi que la nitrogénase du Scytonema, si le temps est sec. Ce processus pourrait décimer les populations d’E. pedicellatum de la région de la baie d'Espoir.

Heureusement, la pulvérisation de trichlorfon contre les tenthrèdes a été abandonnée pour le moment à Terre-Neuve. On utilise maintenant un agent beaucoup moins nuisible, l’azadirachtine, extrait d’un arbre d’Inde, le neem (Azadirachta indica).

De même, la pulvérisation de trichlorfon n’a pas été approuvée pour la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. Des travaux ont plutôt été entrepris, en collaboration avec le Service canadien des forêts, à Fredericton (N.-B.), sur l’efficacité de certaines souches de BT (comme le BT-i).

Il est parfois difficile de déterminer si une infestation d’un insecte donné est plus nuisible aux lichens poussant sur un arbre que l’insecticide utilisé pour empêcher sa propagation. Cela dépend sans doute de l’étendue de la défoliation et des fluctuations annuelles des effectifs de l’insecte.

De nombreux secteurs de Terre-Neuve ont été fortement touchés par les feux de forêt. En 1960, un incendie a dévasté des superficies particulièrement grandes de forêt près de la base de la péninsule de Burin. C’est peut-être cet incendie qui explique l’absence de thalles viables d’E. pedicellatum dans ce secteur.

On sait en outre que la fumée dégagée par les incendies de forêt renferme du SO2 et que ce gaz peut détruire les lichens fixateurs d’azote poussant dans les localités situées sous le vent par rapport à l’incendie (voir Denison et al., 1976).

Les phénomènes météorologiques extrêmes, comme les sécheresses et les tempêtes de vent, peuvent aussi affecter les populations d’Erioderma pedicellatum. Les thalles de ce lichen peuvent être tués par une sécheresse prolongée, en se desséchant à cause de la chaleur. La sensibilité de l’E. pedicellatum à la dessiccation est peut-être due au fait que son cortex supérieur ne présente aucune couche lipophile d’alcanes permettant de retenir la vapeur d’eau (voir Piervittori et al., 1997). L’absence d’une telle couche limite favoriserait donc la perte d’humidité par le thalle, durant les épisodes de temps sec (Fos et al., 1999). Les populations d’E. pedicellatum et d’autres lichens peuvent aussi être décimées lorsque les arbres sont abattus par le vent en bordure de la forêt (Boyce, 1988). En novembre 1994, une tempête de vent a traversé la péninsule d’Avalon depuis le nord-est et créé des étendues importantes de chablis dans le parc naturel de Salmonier, dans le secteur des Lockyer’s Waters, ainsi que sur la crête Ripple Pond (localité NF-62b).

Au moins un des premiers sites de l’Erioderma pedicellatum à être découverts en Nouvelle-Écosse a été complètement détruit lorsque les arbres ont été abattus par une violente tempête qui a frappé, depuis le sud-ouest, le littoral est du comté de Guysborough, près de Wine Harbour (localité NS-40).

Selon les travaux d’Auclair (1987) et d’Auclair et al. (1992), le dépérissement des bouleaux observé dans l’Est du Canada et les régions limitrophes des États-Unis aurait été directement causé par le réchauffement climatique en cours à l’échelle de la planète (voir la synthèse révélatrice proposée par Braathe, 1995). Les effets de ce réchauffement sur les lichens ne sont pas aussi faciles à mesurer que l’étendue du dépérissement des bouleaux dans l’Est de l’Amérique du Nord, qui est observable par reconnaissance aérienne, mais on constate un rétrécissement de l’aire de répartition de certains lichens. Les lichens qui ont pour phorophyte principal une espèce d’arbre en particulier (comme le bouleau) ou qui ont une dépendance extrême à l’égard des habitats très humides, comme l’Erioderma pedicellatum, sont sans doute sensibles au changement climatique.

Bergerud et Manuel (1968) ainsi que Thompson et Curran (1993) ont étudié, dans le Centre de Terre-Neuve, l’effet du broutage par l’original sur une certaine période. À cause du broutage intense des semis de sapin baumier, les forêts mélangées de conifères sont en train de se transformer progressivement en forêts dominées par les épinettes. Si on admet l’hypothèse actuelle concernant le cycle vital de l’Erioderma pedicellatum, la suppression de la repousse de sapin impose des limites à la régénération d’habitats viables pour ce lichen. Il semble acquis que l’épinette noire a déjà joué un rôle important comme phorophyte de rechange pour l’E. pedicellatum, mais son écorce très acide est en soi un facteur limitatif pour la répartition du lichen à Terre-Neuve, facteur aggravé par la présence de polluants atmosphériques émis localement ou transportés depuis des régions éloignées.

L’effet du broutage intensif par l’orignal est manifeste dans le secteur des Lockyer’s Waters. Ce facteur a dû nuire à la régénération de jeunes sapinières à proximité des sites d’Erioderma pedicellatum et a donc pu empêcher le renouvellement de la population, qui comptait auparavant plus de 953 thalles recensés. Ce renouvellement suppose en effet que le cycle vital du lichen puisse reprendre dans un peuplement qui soit propice quant à l’âge des arbres, à l’éclairement et à l’absence de pollution.

Les acariens consomment souvent les mousses et les parties de l’écorce qui sont en putréfaction. Ce broutage a manifestement un effet sur les thalles d’E. pedicellatum dans certains stations, mais il ne menace pas en général les populations actuelles du lichen. Yetman (données inédites recueillies en vue d’un mémoire de maîtrise) a identifié au moins une espèce d’acarien prélevé sur un thalle humide d’E. pedicellatum, dans la station des lacs Lockyer’s Waters.

Le broutage par les escargots a également été observé, mais il s’agit d’une menace mineure, bien qu’elle entraîne à l’occasion la destruction partielle du cortex supérieur et de la couche gonidiale sous-jacente.

Par ailleurs, la pratique de la monoculture à grande échelle soulève des craintes pour les champignons endosymbiotiques présents dans les aiguilles de conifères, qui risquent de ne pas se réintroduire naturellement. Or, ces champignons microscopiques semblent jouer un rôle important dans le cycle vital des arbres, en augmentant la résistance du feuillage aux attaques par les larves d’insectes cherchant leur nourriture (Calhoun et al., 1992; Clark et al., 1989; Todd, 1988). En plus de fournir une certaine protection contre les insectes défoliateurs, ces champignons aux propriétés répulsives naturelles modèrent peut-être l’activité de la microfaune des écorces où pousse le lichen.

La construction d’une route s’accompagne souvent d’une expansion des activités touristiques et industrielles, qui se traduit notamment par l’exploitation des forêts ainsi rendues accessibles. Ainsi, dès que la route de Burgeo a été ouverte, les forêts du secteur ont commencé à être exploitées. En revanche, la route a facilité la réalisation d’un relevé des lichens rares de la région, mais les découvertes ont malheureusement été suivies de pertes, dont la disparition du site le plus nordique d’Erioderma pedicellatum poussant sur épinette noire.

L’expansion de la construction de chalets contribue aussi à la disparition du lichen, surtout en favorisant la coupe de bois à des fins personnelles, les activités récréatives et l’utilisation accrue de véhicules tout-terrain dans certains secteurs forestiers isolés (Brawn et Ogden, 1977). Il s’agit certainement d’une menace réelle dans le secteur des lacs Lockyer’s Waters.

Du point de vue de sa conservation, l’Erioderma pedicellatum a été appelé « le panda des lichens » par Teuvo Ahti (in litt.), car il symbolise la disparition rapide des trésors naturels que recèle la forêt boréale. La complexité de son cycle vital, notamment sa dépendance à l’égard des hépatiques à feuilles du genre Frullania comme source de cyanobactéries, est unique parmi les lichens. Nous avons donc le devoir de mieux comprendre cette forme ancienne de symbiose, dont le partenaire fongique est sans doute issu d’une hybridation entre deux espèces chimiquement distinctes, dans le Nord-Ouest de l’Amérique du Sud actuelle, dans l’ancien continent de Gondwana.

La persistance du lichen pendant des centaines de millions d’années contraste vivement avec sa quasi-disparition au cours des 10 à 20 dernières années. En effet, seules les deux principales populations de Terre-Neuve sont encore viables à l’heure actuelle.

De plus, parmi toutes les espèces de lichens, l’E. pedicellatum est peut-être celle qui constitue le meilleur indicateur des changements locaux de la qualité de l’air. Il figure à la tête d’une échelle indiquant la sensibilité relative des cyanolichens à la pollution atmosphérique, avec certaines espèces du genre Lichinodium.

En 1995, avant même qu’on ne connaisse en détail sa répartition dans l’Est de l’Amérique du Nord, l’Erioderma pedicellatum a été inscrit à titre d’espèce fortement menacée (critically endangered) dans la Red List of Lichenized Fungi of the World, liste rouge établie par le Groupe de spécialistes des lichens de la Commission de la sauvegarde des espèces de l’Union mondiale pour la nature (UICN).

Même si bon nombre des facteurs ayant justifié cette désignation mériteraient d’être réévalués, il y a toujours lieu de maintenir l’espèce dans la Liste rouge. Dans l’éventualité d’une réévaluation du statut de l’espèce à l’échelle mondiale, il est important de noter que sa présence en Europe a été confirmée deux fois après qu’on eut supposé qu’elle était disparue de ce continent, vers 1970 et 1995 (voir la section Répartition).

Aucun statut officiel n’a encore été attribué à l’Erioderma pedicellatum du point de vue de ses sites anciens ou actuels de l’une ou l’autre des trois principales provinces de l’Atlantique. Des mesures préliminaires de conservation viennent à peine d’être élaborées et adoptées à Terre-Neuve, à la suggestion de Christoph Scheidegger (Ringius, 1997, et Robertson, 1998).

En Nouvelle-Écosse, l’E. pedicellatum peut maintenant être considéré comme très fortement menacé (critically endangered). En revanche, l’espèce demeure dans un état apparemment viable dans plusieurs régions de Terre-Neuve et est même présente en nombres appréciables dans le secteur des Lockyer’s Waters (péninsule d’Avalon) ainsi que dans le parc Jipujijkuei Kuespem (région de la baie d’Espoir). Les sites recensés dans ces deux secteurs clés sont les plus prometteurs pour la conservation à long terme de l’espèce.

À Terre-Neuve, l’espèce bénéficie d’une protection juridique dans le cas de la grande population du parc provincial Jipujijkuei Kuespem et des populations des réserves naturelles de la Bay du Nord et d’Avalon, bien que ce parc et ces réserves n’aient pas été établis spécifiquement pour la protection du lichen. À la suite d’une promesse faite en 1996 par l’ancien premier ministre de Terre-Neuve, Brian Tobin, à Christoph Scheidegger et à l’ICCL (International Committee for the Conservation of Lichens), une protection temporaire contre l’abattage a également été accordée à la réserve forestière des Lockyer’s Waters jusqu’à ce que le COSEPAC ait établi la situation du lichen.

Au Canada, les sites actuels ou disparus de l’érioderme boréal se répartissent comme suit : environ 94 sites dans quelque 7 régions de Terre-Neuve, 46 sites dans quelque 4 régions côtières de Nouvelle-Écosse et un site disparu au Nouveau-Brunswick. L’espèce n’est plus présente dans sa localité type, située au Nouveau-Brunswick. En Nouvelle-Écosse, elle n’est actuellement présente que dans 3 des 46 localités où elle a déjà été observée. C’est la pollution atmosphérique, davantage que la perte d’habitat, qui semble avoir le plus nui à l’espèce dans cette province. À Terre-Neuve, où se trouve actuellement les plus grandes concentrations de l’espèce, le premier auteur du présent rapport a répertorié des pertes dues à des facteurs tels que la succession végétale, l’abattage des arbres, les sources ponctuelles importantes de pollution atmosphérique (comme les émissions de la raffinerie de Come-by-Chance, dans le cas du site de Goobies) et, peut-être, la pollution atmosphérique locale. L’espèce a également pu souffrir de certains facteurs biotiques, dont une infestation importante de tordeuse des bourgeons de l’épinette qui a tué à la fois des sapins et des lichens. Selon les derniers relevés, l’espèce est toujours présente dans une cinquantaine de localités de l’île de Terre-Neuve.

Si on tient compte des découvertes faites à Terre-Neuve en mars 2002, le nombre total de thalles existants répertoriés au Canada serait d’environ 6 900. L’effectif réel est sans doute au moins deux fois plus élevé, puisqu’il existe encore de nombreux habitats propices à l’espèce dans les secteurs peu explorés de la côte sud de Terre-Neuve et qu’il a suffit d’augmenter l’effort de recherche pour découvrir rapidement de nouveaux sites dans les régions plus accessibles. Les plus grandes concentrations actuellement connues de thalles se trouvent toutes deux à Terre-Neuve, dans le parc Jipujijkuei Kuespem et dans le secteur des Lockyer’s Waters.

Pour les besoins de l’évaluation, l’ensemble des populations situées dans la partie continentale de la Nouvelle-Écosse et l’ensemble de celles situées dans l’île de Terre-Neuve ont été considérées comme deux populations distinctes aux termes du COSEPAC, puisqu’elles se trouvent dans des régions écologiques différentes et sont exposées à des degrés de risque différents, notamment en ce qui a trait à la pollution atmosphérique.

Érioderme boreal

Boreal Felt Lichen

Répartition canadienne : Terre-Neuve

Zone d’occurrence (km2) Moins de 50 000 km2
Préciser la tendance (en déclin, stable, en croissance, inconnue). Déclin
Y a-t-il des fluctuations extrêmes dans la zone d’occurrence (ordre de grandeur > 1)? Non
Zone d’occupation (km2) Moins de 100 km2
Préciser la tendance (en déclin, stable, en croissance, inconnue). Déclin
Y a-t-il des fluctuations extrêmes dans la zone d’occupation (ordre de grandeur > 1)? Non
Nombre d’emplacements existants 50?
Préciser la tendance du nombre d’emplacements (en déclin, stable, en croissance, inconnue). Déclin
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’emplacements (ordre de grandeur >)? Non
Tendance de l’habitat : préciser la tendance de l’aire, de l’étendue ou de la qualité de l’habitat (en déclin, stable, en croissance ou inconnue). Déclin
Durée d’une génération (âge moyen des parents dans la population : indiquer en années, en mois, en jours, etc.). 30 ans
Nombre d’individus matures (reproducteurs) au Canada (ou préciser une gamme de valeurs plausibles). Moins de 10 000?
Tendance de la population quant au nombre d’individus matures (en déclin, stable, en croissance ou inconnue). Déclin
S’il y a déclin, % du déclin au cours des dernières/prochaines dix années ou trois générations, selon la plus élevée des deux valeurs (ou préciser s’il s’agit d’une période plus courte). ?
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus matures (ordre de grandeur > 1)? Non
La population totale est-elle très fragmentée (la plupart des individus se trouvent dans de petites populations relativement isolées [géographiquement ou autrement] entre lesquelles il y a peu d’échanges, c.-à-d. migration réussie de < 1 individu/année)? ?
Énumérer chaque population et donner le nombre d’individus matures dans chacune. Populations trop nombreuses pour être énumérées. La plus petite se limite à un thalle, tandis que la plus grande compte plus de mille thalles. Beaucoup de populations sont disparues.
Préciser la tendance du nombre de populations (en déclin, stable, en croissance, inconnue). Déclin
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre de populations (ordre de grandeur >1)? Non
- Pollution atmosphérique, abattage des arbres, broutage par les orignaux et impact des incendies et des ravageurs forestiers naturellement présents
L’espèce existe-t-elle ailleurs (au Canada ou à l’extérieur)? Nouvelle-Écosse
Statut ou situation des populations de l’extérieur? En voie de disparition
Une immigration a-t-elle été constatée ou est-elle possible? ?
Des individus immigrants seraient-ils adaptés pour survivre à l’endroit en question? ?
Y a-t-il suffisamment d’habitat disponible pour les individus immigrants à l’endroit en question? Probablement
Boreal Felt Lichen

Érioderme boreal

Répartition canadienne : Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick – (disparue du Canada).

Zone d’occurrence (km2) Moins de 5 000 km2
Préciser la tendance (en déclin, stable, en croissance, inconnue). Déclin
Y a-t-il des fluctuations extrêmes dans la zone d’occurrence (ordre de grandeur > 1)? Non
Zone d’occupation (km2) Moins de 20 km2
Préciser la tendance (en déclin, stable, en croissance, inconnue). Déclin
Y a-t-il des fluctuations extrêmes dans la zone d’occupation (ordre de grandeur > 1)? Non
Nombre d’emplacements existants 3
Préciser la tendance du nombre d’emplacements (en déclin, stable, en croissance, inconnue). Déclin
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’emplacements (ordre de grandeur >)? Non
Tendance de l’habitat : préciser la tendance de l’aire, de l’étendue ou de la qualité de l’habitat (en déclin, stable, en croissance ou inconnue). Déclin
Durée d’une génération (âge moyen des parents dans la population : indiquer en années, en mois, en jours, etc.). 30 ans
Nombre d’individus matures (reproducteurs) au Canada (ou préciser une gamme de valeurs plausibles). Moins de 15
Tendance de la population quant au nombre d’individus matures (en déclin, stable, en croissance ou inconnue). Déclin
S’il y a déclin, % du déclin au cours des dernières/prochaines dix années ou trois générations, selon la plus élevée des deux valeurs (ou préciser s’il s’agit d’une période plus courte). ?
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus matures (ordre de grandeur > 1)? Non
La population totale est-elle très fragmentée (la plupart des individus se trouvent dans de petites populations relativement isolées [géographiquement ou autrement] entre lesquelles il y a peu d’échanges, c.-à-d. migration réussie de < 1 individu/année)? Oui
Énumérer chaque population et donner le nombre d’individus matures dans chacune. NS-12 : 1 thalle
NS-16 : 1 thalle
NS-27 : 11 thalles
Préciser la tendance du nombre de populations (en déclin, stable, en croissance, inconnue). Déclin
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre de populations (ordre de grandeur >1)? Non
- Pollution atmosphérique, abattage des arbres.
L’espèce existe-t-elle ailleurs (au Canada ou à l’extérieur)? Terre-Neuve
Statut ou situation des populations de l’extérieur? Préoccupante
Une immigration a-t-elle été constatée ou est-elle possible? ?
Des individus immigrants seraient-ils adaptés pour survivre à l’endroit en question? ?
Y a-t-il suffisamment d’habitat disponible pour les individus immigrants à l’endroit en question? Non

À titre de premier auteur du présent rapport, je tiens à remercier les nombreuses personnes et agences gouvernementales qui m’ont aidé durant les diverses étapes de sa préparation. Je voudrais notamment remercier :

[avec annotations dans certains cas]

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Elix, J.A., J.E. Evans et T.H. Nash. 1988. New Depsides from Dimelaena Lichens. - Aust. J. Chem. 41: 1789-1796. – On y traite de la synthèse chimique de la wrightiine et d’autres dérivés 3-chloro de depsides dérivés de l’orcinol. La présence de la wrightiine, accompagnée d’un constituant secondaire non identifié (très probablement identique à la conwrightiine), est confirmée chez un spécimen d’Erioderma wrightii d’Équateur.

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James, P.W. 1982. Lichens et Air Pollution. A booklet to accompany the wall chart published by The British Museum of Natural History, B.P. Educational Services, 29 p. – Description détaillée d’une échelle de zones servant à estimer le taux moyen de dioxyde de soufre en Angleterre et au pays de Galles (adaptée de Hawksworth et Rose in Nature 227: 145-148); descriptions et dessins de bonne qualité.

Jørgensen, P.M. 1972. Erioderma pedicellatum (=E. boreale) in New Brunswick, Canada. - The Bryologist 75: 369-371. – Cet article fait connaître la publication de Hue sur le genre Solorina, qui renferme la description du lichen Pannaria pedicellata (basionyme de l’Erioderma pedicellatum).

Jørgensen, P.M. 1990. Trøndelav (Erioderma pedicellatum) - Norges mest gatefulle plante ? Blyttia 48: 119-123.- Origine du genre Erioderma au Gondwana.

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Maass, W.S.G. (2003b, en préparation). A Hypothetical Outline of Palaeozoic Migrations of the Lichen Genera Leioderma and Erioderma and of the Environmental Conditions that may have been Responsible for the Biochemical Evolution of Erioderma, of other Ancient Genera of Lichens and of Symbiotic or Free-living Fungi from Geologically Unstable Marine Environments. – L’article sera soumis à la revue Symbiosis et contiendra une mise à jour sur la formation de l’espèce hybride E. pedicellatum dans le Nord de l’Amérique du Sud et sur ses migrations épiques jusqu’à l’hémisphère nord.

Maass, W.S.G., et A.F. Hanson. 1986. Wrightiin, a new Chlorinated Depside from Erioderma wrightii Tuck. (Ascolichenes). - Zeitschr. für Naturforsch. 41-b: 1589-1592.

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Moberg, R., et I. Holmåsen. 1982. Lavar. En fälthandbok - Interpublishing, Stockholm. – Ce guide de terrain renferme une photo montrant les dégâts causés par la pollution atmosphérique à des thalles d’Erioderma pedicellatum et aux branches sur lesquelles ils poussaient.

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Norwegian Forestry Journal Statskog.1995 Nr.1. Renferme une excellente photo couleurs de l’avant-dernier thalle d’Erioderma pedicellatum à être observé en Norvège. La photo a été prise par Jon-Arne Saeter en 1994.

Piervittori, R., L. Usai, F. Alessio et M. Maffei. 1997. The Effect of Simulated Acid Rain on Surface Morphology and n-Alkane Composition of Pseudevernia furfuracea. - Lichenologist 29(2): 191-198.

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Scheidegger, C. 1996. Copie de la lettre envoyée au très honorable Brian Tobin, premier ministre de Terre-Neuve, le 30 octobre 1996. – Scheidegger y expose ses idées sur les stratégies de reproduction complexes de l’Erioderma pedicellatum, sur la durée de vie limitée de ses thalles et sur le fait que son cycle vital est intimement lié à certains stades écologiques de la croissance des conifères en milieu forestier plus ou moins exempt de perturbation.

Thompson, I.D., et W.J. Curran. 1993. A Reexamination of Moose Damage to Balsam Fir-White Birch Forests in Central Newfoundland: 27 Years Later. - Can. J. For. Res. 23: 1388-1395.

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Wolfgang S.G. Maass est né le 23 octobre 1929, à Helsinki (Finlande), de père allemand et de mère suédo-finlandaise. Il a fréquenté l’école élémentaire en Finlande et en Allemagne et l’école secondaire à Greifswald, sur la mer Baltique. Il a ensuite étudié la botanique et la chimie pendant deux ans à l’université Ernst-Moritz-Arndt, à Greifswald (Allemagne de l’Est), puis à l’université Eberhard Karl, à Tübingen (Allemagne de l’Ouest). Il a eu la chance d’avoir des professeurs exceptionnels en biochimie et en physiologie végétale, les professeurs Adolph Butenandt (récipiendaire du prix Nobel de chimie pour ses travaux sur la testostérone, puis directeur de la Max Planck Gesellschaft) et Erwin Bünning (qui avait redécouvert l’horloge biologique). En 1957, Wolfgang Maass a obtenu un doctorat (Dr.rer.nat.) pour une thèse intitulée « Light growth reactions and Phototropism in Phycomyces blakesleanus ». Pendant la moitié d’une année, il a été assistant de recherche à l’institut botanique de l’université de Tübingen. De 1958 à 1960, il a travaillé au Max Planck Institüt für Eiweiss- und Lederforschung, sur la chimie des tannins de l’épinette de Norvège (Picea abies) et a réussi à isoler le picéatonnol des aiguilles de cet arbre. Ce glycoside stilbénique avait déjà été identifié dans l’écorce, où la formation de tannins était imputée à l’aglycone.

Wolfgang Maass a participé aux excursions régulières du professeur Bünning, dans le Torne Lappmark, et à celles du professeur Helmut Gams, au Lule Lappmark et au Vésuve, près de Naples. Il a ainsi pu se familiariser avec les flores de l’Arctique et de la Méditerranée. On lui a aussi demandé de rédiger une clé des sphaignes pour la « Kleine Kryptogamenflora von Helmut Gams ».

En 1960, Wolfgang Maass a demandé une bourse postdoctorale, s’est marié à Regine Bürgener et a émigré au Canada. Pendant environ la moitié d’une année, il a travaillé à l’Université Dalhousie, avec le professeur Kraft von Maltzahn, sur les cultures de gamétophytes de Sphagnum et les cultures tissulaires de cambiums d’épinette de Norvège, mais ces projets ont été abandonnés lorsque le professeur von Maltzahn est parti pour un congé sabbatique en Europe. Wolfgang Maass a ensuite travaillé comme chercheur invité au Laboratoire régional de l’Atlantique du CNRC, avec Jim Craigie, sur les échanges ioniques des sphaignes et sur la répartition de ces plantes dans le Canada atlantique.

Après qu’on lui eut offert un poste régulier dans cet établissement, il a entrepris, à l’instigation de Neil Towers et du regretté Arthur Neish, des travaux sur la biosynthèse et la composition des substances lichéniques. En 1971-1972, dans le cadre d’une affectation externe, il a étudié les techniques enzymologiques au Max-Planck-Institut für Zellchemie, à Munich, auprès du professeur F. Lynen. Malheureusement, ses travaux sur la synthétase de l’acide pulvinique chez le Pseudocyphellaria crocata et le Letharia vulpina se sont butés à des difficultés insurmontables, à cause d’interférences entre les grandes quantités de métabolites présentes chez ces lichens. Il aurait fallu cultiver de grandes quantité de mycobiontes, en milieu contrôlé, avant de pouvoir activer l’enzyme en vue de l’isoler. En 1975, Wolfgang Maass a publié la première méthode de chromatographie bidirectionnelle en couche mince permettant de séparer les acides lichéniques; cette technique a par la suite été perfectionnée par les Culberson, à la Duke University (voir Revue canadienne de botanique, 1975, et Journal of Chromatography, 1976, 1979 et 1981). Durant ses années passées au CNRC, Wolfgang Maass a aussi entrepris des relevés sur la flore lichénique du Canada atlantique, notamment après que Ahti et Jørgensen (1971) ainsi que Jørgensen (1972) eurent fait connaître la présence de l’Erioderma pedicellatum en Amérique du Nord. Des travaux subséquents l’ont incité à examiner la localité type de cette espèce et à faire plusieurs expéditions à Terre-Neuve et dans la partie voisine de la côte du Labrador.

En 1986, Wolfgang Maass a pris une retraite anticipée mais a poursuivi ses travaux sur le terrain dans les Maritimes. À titre d’agrégé de recherches de l’Université Dalhousie, il a participé à des relevés et à des études sur les propriétés chimiques des bassins-versants du Sud de la Nouvelle-Écosse, ainsi que sur le droséra filiforme (Drosera filiformis). Il a également travaillé à un projet de forêt modèle visant certains secteurs du parc national Fundy et des environs. Il a aussi conclu un contrat avec la Nova Scotia Power Corporation en vue de l’utilisation des lichens et des sphaignes pour surveiller la pollution atmosphérique aux alentours de la nouvelle centrale de Point Aconi. Enfin, une lettre d’entente conclue avec le COSEPAC en 1996 le tient occupé depuis ce temps.

Des renseignements sur la chimie de l'Erioderma et sur l'évolution biochimique de l'espèce ont été fournis par l'auteur principal, également responsable des cartes de répartition, des mesures de la croissance de jeunes thalles en accroissement rapide, des mesures de l'acidité et de la capacité de rétention d'eau de l'écorce équienne du sapin baumier et de l'épinette noire.

David Jason Yetman est né à Red Bay, au Labrador, le 26 novembre 1973. Il a obtenu un B.A. en psychologie de la Carleton University, à Ottawa, en juin 1995, puis B.Sc. Honours en biologie de la Memorial University, à Terre-Neuve, en mai 2000. Il a reçu en 1999 une bourse du CRSNG pour ses études de maîtrise, sur la variabilité génétique de l’Erioderma pedicellatum dans ses divers sites de Terre-Neuve, ainsi que par rapport aux sites disparus de Suède. Ces recherches ont été menées à Terre-Neuve ainsi qu’en Suisse, à l’Institut fédéral de recherches. Toutes les données nécessaires sont déjà recueillies, et une ébauche du mémoire est presque terminée. David Yetman est actuellement directeur général de la société Labrador Straits Development Corporation, où il travaille à plusieurs projets de recherche environnementale.

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