Lichen cryptique (Nephroma occultum) évaluation et rapport de situation du COSEPAC: chapitre 6

Biologie

Généralités

LeNephroma occultumest un cyanolichen sensible à l’humidité, endémique à l’ouest de l’Amérique du Nord. Sa répartition est limitée par un mécanisme de dispersion inefficace et, de plus en plus, par la disponibilité d’un habitat convenable. Au Canada, ses habitats sont des peuplements forestiers anciens et humides de la zone côtière de la pruche de l’Ouest et de la zone intérieure à thuya et pruche. Ces forêts ne subissent aucune sécheresse estivale, laquelle semble constituer un facteur limitant la répartition de l’espèce. Le N. occultum est un faible compétiteur et peut être délogé par des bryophytes épiphytes dans les emplacements très humides.

Reproduction

Le Nephroma occultum se reproduit par sorédies asexuées formées de grappes de cyanobactéries ceinturées d’un hyphe fongique. Les sorédies du N. occultum sont grossièrement granulaires et parfois mélangées avec des isidies. Ces structures végétatives sont abondantes sur la plupart des individus, y compris à leurs premiers stades de développement, et sont présentes sur presque tous les thalles d’une largeur supérieure à 1 cm (Goward, 1995a). Les sorédies apparaissent sur les bordures des lobes et, éventuellement, sur les arêtes de la face supérieure des individus plus âgés.

Aucune structure sexuelle (apothécies) n’a été observée sur le Nephroma occultum, et on présume que la recombinaison génétique est rare et que la variation génétique est faible chez cette espèce. Cela suggère que le N. occultum est peu outillé pour s’adapter à des changements rapides dans son milieu.

Sur la plupart des sites, le Nephroma occultum a été observé sur l’extrémité des branches de conifères du sous-étage ou à proximité. L’âge estimé de l’extrémité de ces branches était de moins de cinq ans, ce qui indique que le N. occultum arrive actuellement à se régénérer dans tous les emplacements connus. Le taux de croissance de cette espèce n’a pas été mesuré. Toutefois, une estimation fondée sur la taille des spécimens et leur présence proche de l’extrémité en croissance des branches suggère un taux de croissance de 1 à 10 mm/année sur leur axe le plus long, pour un taux moyen d’environ 5 à 6 mm/année.

Dispersion

Constatant la répartition inégale du lichen sur un arbre isolé et parmi les arbres d’un peuplement, Rosso et al. (2000) ont avancé l’hypothèse que le Nephroma occultum a une faible capacité de dispersion. La reproduction du N. occultum repose sur la dispersion de sorédies asexuées. Chez cette espèce, les sorédies sont grossièrement granulaires (de 70 à 330 μm de largeur) et pourraient être de trop grande taille pour se disperser efficacement. La faible capacité de dispersion est une caractéristique reconnue des lichens tributaires des peuplements anciens (Sillett et al., 2000). Parmi les vecteurs qui pourraient contribuer à la répartition des grosses sorédies du N. occultum , on compte l’eau, le vent et les animaux.

Les éclaboussures de la pluie contribuent probablement à la dispersion des sorédies du lichen à l’intérieur d’un peuplement forestier; cependant, ce mécanisme ne peut faciliter la dispersion que sur de courtes distances et ne permet pas aux lichens de se disperser au-delà de barrières spatiales (comme un habitat non convenable) supérieures à quelques mètres.

Le vent est sans doute un important vecteur de dispersion des sorédies (Torno et al., 2001; Muñoz et al., 2004). Goward (1994) avance que le vent pourrait jouer un rôle important dans les emplacements côtiers occupés par le Nephroma occultum dans le couvert végétal supérieur, mais probablement pas dans les sites à l’intérieur des terres, où le lichen croît à l’abri dans le sous-étage. Bien que le sous-étage soit protégé par des effets de couche limite, les rafales de vent qui y pénètrent lors de tempêtes occasionnelles pourraient disperser les sorédies du lichen sur des distances considérables, en particulier à l’orée des peuplements. Cependant, les sorédies grossières et granulaires du N. occultum sont probablement moins bien portées par le vent que les sorédies de nombreuses autres espèces de lichens.

Les vecteurs animaux, et en particulier les oiseaux, constituent une source potentielle de dispersion sur de moyennes et longues distances pour le Nephroma occultum (Goward, 1995a). Une étude (Bailey et James, 1979) a démontré que les propagules des lichens adhèrent aux pieds des oiseaux, ce qui pourrait permettre à de nouvelles colonies de lichen de s’établir ailleurs. La dispersion par les oiseaux pourrait expliquer en partie la répartition irrégulière du N. occultum parmi et dans les habitats convenables.

La faible capacité de dispersion des sorédies semble être un facteur limitant considérablement la répartition de cette espèce, mais l’abondance décroissante d’un habitat convenable est une contrainte de plus en plus sérieuse.

Conditions de croissance

Les conditions optimales de croissance du Nephroma occultum ont été décrites en détail par Goward (1995a) et sont résumées dans la présente section.

Au Canada, le Nephroma occultum pousse dans les régions où la température annuelle moyenne varie entre 4 et 10 °C et où l’écart moyen annuel des températures se situe entre 15 et 26 °C, selon la latitude. Ces conditions prévalent dans la zone côtière de la pruche de l’Ouest et la zone intérieure à thuya et pruche en Colombie-Britannique (Meidinger et Pojar, 1991).

L’une des principales caractéristiques des emplacements canadiens du Nephroma occultum est l’absence de sécheresse estivale. La zone côtière de la pruche de l’Ouest et la zone intérieure à thuya et pruche reçoivent toutes deux au moins 75 mm/mois de précipitations durant les mois d’été. Par contraste, on trouve rarement le N. occultum dans les régions qui reçoivent peu ou pas de précipitations durant l’été. Le brouillard estival permet au N. occultum d’occuper certains emplacements du sud (en Oregon, par exemple) qui reçoivent moins de pluie.

Le Nephroma occultum est un lichen nutriphyte qui pousse sur une variété de conifères riches en nutriments. On l’observe rarement sur des arbres feuillus (à l’exception du Betula papyrifera et de l’Acer macrophyllum). Ce lichen occupe le plus souvent des forêts au sol riche en nutriments, à la topographie en pied de talus où le sol reçoit des apports en humidité et en nutriments à partir des terrains élevés avoisinants.

Adaptabilité etcompétition

Le Nephroma occultum est intolérant à la sécheresse estivale et produit des sorédies qui se dispersent inefficacement. Ces caractéristiques biologiques sont fréquentes chez plusieurs lichens tributaires des peuplements anciens (voir Goward, 1994; idem, 1995b; Goward et Pojar, 1998; Sillett et al., 2000) et correspondent à une adaptation aux conditions environnementales stables associées aux forêts très anciennes. De façon plus précise, les populations intérieures du N. occultum sont intolérantes aux perturbations qui modifient considérablement les microclimats humides. Les conditions environnementales dynamiques des jeunes peuplements gérés n’offrent pas de protection contre la sécheresse estivale et constituent donc un habitat inapproprié doté d’un macroclimat sec. Là où le macroclimat est convenable, par exemple dans les régions côtières ou en Oregon, la protection d’individus représentatifs dans les vestiges de peuplements anciens, qui joueraient le rôle de sources pour la dispersion de sorédies sur de courtes distances, pourrait constituer une stratégie efficace de conservation pour maintenir le N. occultum dans les jeunes peuplements gérés.

Le Nephroma occultum est un mauvais compétiteur. Goward (1995a) avance que l’espèce est délogée par les mousses et les hépatiques, en particulier dans les écosystèmes côtiers où les bryophytes sont les épiphytes dominantes. Le N. occultum peut demeurer dans les écosystèmes côtiers en colonisant les extrémités des branches dans les peuplements récents ou en occupant les branches plus hautes dans le couvert végétal, habitats qui sont moins favorables pour les bryophytes.

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