Ligumie pointue (Ligumia nasuta) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 5

Habitat

Besoins en matière d’habitat

La ligumie pointue se trouve dans les zones protégées des lacs et les sections d’eaux lentes des rivières et des canaux, sur un fond de sable fin et de boue, à des profondeurs de 0,3 à 4,5 m (Clarke, 1981; Strayer et Jirka, 1997; Bogan, 2002). Dans le delta du lac Sainte-Claire, elle se trouve sur des substrats composés de sable à plus de 95 p. 100 (Metcalfe-Smith et al., 2004). Dans les rivières, elle est confinée aux tronçons inférieurs (Strayer, 1983; voir la figure 3). Commentant la présence de la ligumie pointue à l’embouchure de la rivière Huron, van der Schalie (1938) a mentionné qu’il s’agissait de toute évidence d’une intrusion à partir du lac Érié.

L’invasion des Grands Lacs par les Dreissenidés a débuté en 1986 (Hebert et al., 1989). Vers le milieu des années 1990, les Unionidés indigènes avaient déjà presque complètement disparu des lacs Érié et Sainte-Claire et des rivières Detroit et Niagara (Schloesser et Nalepa, 1994; Nalepa et al., 1996; Schloesser et al., 2006; Schneider, comm. pers., 2002). Seulement quelques communautés isolées présentant une richesse spécifique réduite et une faible abondance subsistent encore dans plusieurs baies et marais le long de la rive américaine du lac Érié et dans le delta du lac Sainte-Claire, où les densités de moules zébrées sont faibles. Comme 93 p. 100 des mentions historiques de la ligumie pointue au Canada proviennent de sites aujourd’hui infestés par les Dreissenidés, la perte d’habitat favorable est presque totale. Tout espoir n’est cependant pas perdu, car les densités de moules zébrées ont chuté de 50 p. 100 entre 1994 et 1997 au lac Sainte-Claire (Nalepa et al., 2001), tandis que dans la rivière Detroit, elles étaient trois fois moins élevées en 1998 qu’entre 1992 et 1994 (Schloesser et al., 2006). Hunter et Simons (2004) ont signalé des déclins continus dans le lac Sainte-Claire en 2001 et ils ont conclu que si les niveaux actuels relatifs à la biomasse persistent ou diminuent davantage, on peut s’attendre à ce que l’incidence de la moule zébrée sur l’écosystème du lac Sainte-Claire devienne considérablement modérée.

On ignore si les conditions dans le lac Sainte-Claire s’amélioreront assez pour permettre la recolonisation par les Unionidés. Les Unionidés et les moules zébrées coexistent en Europe dans des sites où la moule zébrée est présente depuis des décennies sinon des milléniums, mais cela peut être attribuable à leur longue histoire d’évolution partagée (Strayer et Malcom, 2007). Plus près du Canada, Strayer et ses collègues étudient l’interaction de la moule zébrée et des bivalves indigènes dans la rivière Hudson dans l’est de l’État de New York depuis l’arrivée de la moule zébrée en 1991. En 1999, trois populations d’Unionidés et une population de sphaeriidés avaient connu un déclin de 65 à 100 p. 100 de leur taille, mais en 2005, les quatre populations s’étaient stabilisées ou rétablies, et de simples modèles de décroissance exponentielle prévoient que ces espèces peuvent survivre à des densités de population d’environ un ordre de grandeur en deçà de leurs densités avant l’invasion (Strayer et Malcom, 2007). Il devrait être noté qu’il s’agit de la seule étude à l’heure actuelle en Amérique du Nord qui a consigné le rétablissement de bivalves indigènes à la suite d’une longue période de déclin suivant une invasion et elle peut ne pas s’appliquer au lac Sainte-Claire, car les incidences de la moule zébrée dans la rivière Hudson étaient davantage liées à la concurrence pour la nourriture qu’à l’écrasement biologique.

Protection et propriété

Selon nos connaissances, il ne reste plus que deux populations de Ligumia nasuta au Canada. Une population se trouve dans la région du delta du lac Saint-Claire, principalement dans le territoire de la Première Nation de Walpole Island. Ces eaux sont utilisées principalement pour la chasse et la pêche par la communauté autochtone de Walpole et sont protégées du développement urbain et de certaines utilisations récréatives (p. ex. l’utilisation de motos marines y est interdite). L’île de Walpole renferme plus de 12 000 hectares de terres humides de classe mondiale, un des plus grands complexes de terres humides dans le bassin des Grands Lacs (The Nature Conservancy, 1995, cité dans Bowles, 2005). La ligumie pointue occupe la zone de transition entre ces terres humides et les eaux libres du lac Sainte-Claire. Une deuxième population a été découverte récemment dans le ruisseau Lyn, qui se jette dans le haut Saint-Laurent près de Brockville (Ontario). La plupart des terres adjacentes au ruisseau Lyn appartiennent à des intérêts privés. Toutefois, aucun pont ni aucune habitation ne se trouvent le long du tronçon de ruisseau dans lequel des ligumies vivantes et des coquilles fraîches ont été découvertes entre 2005 et 2006, et l’habitat est relativement peu perturbé en comparaison d’autres régions de l’est de l’Ontario (BMNHC, 2006).

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