Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur le lotier splendide (Lotus formosissimus) au Canada 2000
Table des Matières
Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :
Nota : Toute personne souhaitant citer l’information contenue dans le rapport doit indiquer le rapport comme source (et citer les auteurs); toute personne souhaitant citer le statut attribué par le COSEPAC doit indiquer l’évaluation comme source (et citer le COSEPAC). Une note de production sera fournie si des renseignements supplémentaires sur l’évolution du rapport de situation sont requis.
COSEPAC. 2000. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur le lotier splendide (Lotus formosissimus) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. vi + 19 p.
RYAN, M., et G.W. DOUGLAS. 1996. Rapport de situation du COSEPAC sur le lotier splendide (Lotus formosissimus) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. Pages 1-19.
Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Status Report on the seaside birds-foot lotus Lotus formosissimus in Canada.
Illustration de la couverture :
Lotier splendide – dessin extrait de Rare native vascular plants of British Columbia, 1998.
©Ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2002
No de catalogue CW69-14/42-2002F-IN
ISBN 0-662-87592-3
COSEPAC Sommaire de l'évaluation
Nom commun : Lotier splendide
Nom scientifique : Lotus formosissimus
Statut : Espèce en voie de disparition
Justification de la désignation : Les quelques populations restantes et leur aire d’occurrence connaissent un déclin en raison de la concurrence avec les plantes étrangères envahissantes et les lapins.
Répartition canadienne : Colombie-Britannique
Historique du statut : Espèce désignée « en voie de disparition » en avril 1996. Réexamen et confirmation du statut en mai 2000. L’évaluation de mai 2000 est fondée sur de nouveaux critères quantitatifs, qui ont été appliqués à l’information présentée dans le rapport de situation de 1996.
COSEPAC Résumé
Description
Le lotier splendide (Lotus formosissimus) est une plante herbacée vivace à tiges nombreuses et traînantes longues de 20 à 50 cm et à feuilles composées-pennées. Les fleurs sont semblables à des fleurs de pois, rose et jaune, disposées en ombelles sous-tendues par une bractée trifoliolée. La plante se distingue des autres espèces de Lotus par le fait qu’elle est vivace et par ses stipules membraneuses, ses bractées trifoliolées et ses fleurs rose et jaune.
Répartition
Le Lotus formosissimus ne pousse que sur la côte Ouest de l’Amérique du Nord, à l’ouest des monts Cascades depuis le Sud-Est de l’île de Vancouver jusqu’en Oregon, puis à l’ouest de la Sierra Nevada jusqu’au comté de Monterey, en Californie.
Habitat
Le Lotus formosissimus a été observé dans des milieux xériques du sud-est de l’île de Vancouver et de quelques îles voisines. Il pousse dans des prés exposés dominés par des graminées, sur des escarpements rocheux exposés où le Quercus garryana est également présent ainsi qu’à l’ombre de forêts de type Quercus garryana – Bromus. Les espèces associées comprennent le Sedum spathifolium, le Plectritis congesta, l’Allium cernuum, le Delphinium menziesii, le Dactylis glomerata, l’Anthoxanthum odoratum, l’Hypochoeris radicata, l’Holcus lanatus, l’Aira praecox, le Plantago lanceolata et plusieurs espèces de Bromus.
Biologie générale
On sait peu de choses sur la biologie du Lotus formosissimus. La pollinisation croisée est sans doute nécessaire pour que la plante produise des graines viables, mais on n’a pas identifié les pollinisateurs. Il semble que les graines sont faciles à faire germer, mais il se peut que les graines aient un tégument dur retardant de plusieurs mois ou de plusieurs années la germination d’une partie des graines. Les plantes adultes ont peut-être une longue durée de vie, et le recrutement à partir de graines est probablement rare. On suppose que l’espèce est associée à des bactéries fixatrices d’azote du genre Rhizobium, ce qui doit fournir à la plante une source d’azote autre que le sol. On estime enfin que le L. formosissimus est un mauvais compétiteur contre de nombreuses graminées vivaces, puisqu’il est absent de plusieurs milieux qui sont dominés par les graminées, mais lui semblent par ailleurs propices.
Taille et tendances des populations
Au Canada, on ne connaît que cinq sites du Lotus formosissimus. Deux des sites ont été confirmés récemment, tandis que deux autres sont probablement disparus. Dans le cas du cinquième site, l’espèce est probablement toujours présente, mais elle n’a pas été retrouvée. Le nombre total de sujets présents au Canada est probablement inférieur à 200. Comme aucune des populations n’a été surveillée, il est impossible d’en déterminer l’effectif antérieur.
Facteurs limitatifs
Dans le passé, la menace la plus directe à peser sur le Lotus formosissimus a été la destruction de son habitat par l’exploitation agricole et résidentielle. Ce facteur ne menace plus les populations actuelles, mais la disparition des milieux propices situés à d’autres endroits limite gravement la possibilité d’introduire l’espèce dans de nouvelles localités et menace ainsi sa survie à long terme au Canada. Parmi les facteurs qui menacent moins directement le L. formosissimus, mentionnons l’introduction d’espèces européennes agressives, comme le Cytisus scoparius, qui peuvent concurrencer le lotier pour les ressources ou empêcher l’établissement de ses semis. Par ailleurs, la suppression des incendies semble avoir modifié la végétation dans plusieurs localités où on s’attendrait à trouver l’espèce, notamment en favorisant dans certains cas la dominance des arbres et des arbustes, qui a pour effet d’éliminer de nombreuses espèces herbacées. Le seul facteur commun à tous les sites actuels du L. formosissimus est l’absence de la perturbation qui serait causée par un accès du grand public.
Protection
Les deux sites confirmés du Lotus formosissimus sont protégés sur des terres publiques. Un des sites est situé dans une réserve écologique, sur une petite île, tandis que l’autre est situé au point le plus au sud de l’île de Vancouver, sur un terrain loué par le ministère de la Défense nationale. L’accès du grand public est interdit dans les deux cas. On n’a jamais tenté de rétablir ou d’introduire l’espèce dans d’autres localités.
Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) détermine la situation, à l’échelle nationale, des espèces, sous-espèces, variétés et populations (importantes à l’échelle nationale) sauvages jugées en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées aux espèces indigènes des groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, amphibiens, reptiles, poissons, mollusques, lépidoptères, plantes vasculaires, lichens et mousses.
Le COSEPAC est formé de représentants des organismes provinciaux et territoriaux responsables des espèces sauvages, de quatre organismes fédéraux (Service canadien de la faune, Agence Parcs Canada, ministère des Pêches et des Océans et Partenariat fédéral en biosystématique) et de trois organismes non gouvernementaux, ainsi que des coprésidents des groupes de spécialistes des espèces. Le Comité se réunit pour examiner les rapports sur la situation des espèces candidates.
Espèce : Toute espèce, sous-espèce, variété ou population indigène de faune ou de flore sauvage géographiquement définie.
Espèce disparue (D) : Toute espèce qui n’existe plus.
Espèce disparue du Canada (DC) : Toute espèce qui n’est plus présente au Canada à l'état sauvage, mais qui est présente ailleurs.
Espèce en voie de disparition (VD)* : Toute espèce exposée à une disparition ou à une extinction imminente.
Espèce menacée (M) : Toute espèce susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitatifs auxquels elle est exposée ne sont pas renversés.
Espèce préoccupante (P)** : Toute espèce qui est préoccupante à cause de caractéristiques qui la rendent particulièrement sensible aux activités humaines ou à certains phénomènes naturels.
Espèce non en péril (NEP)*** : Toute espèce qui, après évaluation, est jugée non en péril.
Données insuffisantes (DI)**** : Toute espèce dont le statut ne peut être précisé à cause d’un manque de données scientifiques.
* : Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu’en 2000.
** : Appelée « espèce rare » jusqu’en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.
*** : Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».
**** : Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu’en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999.
Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le comité avait pour mandat de réunir les espèces sauvages en péril sur une seule liste nationale officielle, selon des critères scientifiques. En 1978, le COSEPAC (alors appelé CSEMDC) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. Les espèces qui se voient attribuer une désignation lors des réunions du comité plénier sont ajoutées à la liste.
Environment Canada Environnement Canada
Canadian Wildlife Service Service canadien de la faune
Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.
Information sur l’espèce
Nom et classification
Nom scientifique : Lotus formosissimus Greene
Citation bibliographique : Pittonia 2: 147, 1890.
Synonymes : Hosackia gracilis Benth.
Lotus gracilis Frye & Rigg (non L. gracilis Salisb.)
Nom commun : lotier splendide
Famille : Fabacées (légumineuses)
Grand groupe végétal : Angiospermes
Historique du taxon
Le lotier splendide (Lotus formosissimus) est une des quelque 200 espèces du genre Lotus. La plupart des espèces de ce genre cosmopolite poussent dans les régions tempérées. Une soixantaine sont indigènes de l’Amérique du Nord et ont probablement pour origine le Sud-Ouest des États-Unis. Le Canada ne compte que cinq espèces indigènes, dont quatre ne sont présentes qu’en Colombie-Britannique. Quatre autres espèces, d’origine eurasienne, ont été introduites au Canada (Zandstra et Grant, 1968).
Bentham avait au départ décrit le Lotus formosissimus sous le nom Hosackia gracilis. Cependant, à l’issue d’un examen des espèces eurasiennes de Lotus et nord-américaines d’Hosackia, Ottley (1923) puis Callen (1959) les ont toutes réunies dans le genre Lotus, car ils n’avaient trouvé aucun caractère sûr pour distinguer les espèces des deux continents.
Zandstra et Grant (1968) ont étudié la biosystématique des espèces canadiennes indigènes et introduites. La polyploïdie s’est avérée fréquente chez les espèces eurasiennes, mais inexistante chez toutes les espèces nord-américaines étudiées, dont le nombre chromosomique de base est 6 ou 7. D’après les caractères morphologiques et cytologiques ainsi que les caractéristiques de l’habitat, le L. formosissimus et le L. pinnatus Hook. seraient les espèces indigènes du Canada les plus étroitement apparentées entre elles. Ces espèces sont des plantes vivaces et allogames qui produisent de grandes fleurs réunies en ombelles longuement pédonculées, tandis que les trois autres espèces indigènes sont des plantes annuelles autogames à petites fleurs. Selon Zandstra et Grant (1968), le L. formosissimus et le L. pinnatus sont plus primitifs que ces espèces annuelles. Une étude chimiotaxinomique par chromatographie sur couche mince est venue confirmer ces relations de façon générale, le L. formosissimus et le L. pinnatus présentant le degré de similitude le plus élevé (Grant et Zandstra, 1968).
Description
Description taxinomique du Lotus formosissimus
[D’après Hitchcock et Cronquist (1961) ainsi que Zandstra et Grant (1968)]
Plantevivace, à racine pivotante épaissie et à rhizome court.
Tige longue de 20 à 50 cm, traînante à ascendante, ramifiée dès la base.
Feuille pétiolée, longue de 4 à 8 cm, comportant de 3 à 7 folioles ovées à obovées; foliole terminale longue de 10 à 20 mm et large de 5 à 10 mm; stipules membraneuses, arrondies à acuminées, longues de 3 à 10 (15) mm; la bractée de l’extrémité de la tige florifère est habituellement trifoliolée (parfois de 1 à 5 ou même 7 folioles).
Inflorescencecapitée, comprenant de 3 à 5 fleurs ressemblant à des fleurs de pois, longues de 10 à 15 mm et portées par des pédoncules axillaires longs de 2 à 6,5 cm; étendard jaune, long de 11 à 15 mm; ailes à teinte rosâtre ou violacée; carène à extrémité violette; onglets des ailes et de la carène dépassant considérablement le calice.
Gousselongue de 27 à 36 mm et large de 1,5 à 2 mm, renfermant de 7 à 15 graines brun foncé à noires, marbrées de vert olive.
Illustrations
1) Zandstra et Grant (1968), page 564, figure 2.
2) Ottley (1923), page 251, planche 66, figures de 7 à 13.
3) Hitchcock et Cronquist (1961), page 295.
4) Abrams (1944), page 544, figure 2715 (Hosackia gracilis Benth.).
Caractères distinctifs
Neuf des dix espèces de Lotus signalées au Canada sont présentes en Colombie-Britannique (Scoggan, 1978-1979). Sept espèces (Lotus corniculatus L.,L. denticulatus (Drew) Greene, L. micranthus Benth., L. nevadensis (S. Wats.) Greene, L. pedunculatus Cav., L. purshianus (Benth.) Clem. & Clem. et L. tenuis Waldst. & Kit.) se distinguent du L. formosissimus par leurs stipules réduites à des glandes noirâtres. La huitième espèce, le L. pinnatus, ressemble beaucoup au L. formosissimus, sauf que ses pétales sont jaune et blanc, tandis que ceux du L. formosissimus sont jaune et rose. De plus, la bractée foliacée souvent présente chez le L. formosissimus est absente chez le L. pinnatus (voir Douglas, 1990, ainsi que Hitchcock et Cronquist, 1961). Enfin, selon Zandstra et Grant (1968), les graines du L. pinnatus sont deux fois plus grosses que celles du L. formosissimus.
Sur le terrain, plusieurs espèces présentent une ressemblance avec le L. formosissimus, ce qui rend la plante difficile à repérer. Certaines espèces du genre Vicia poussent souvent avec le L. formosissimus et, de prime abord, lui ressemblent en raison de leurs tiges traînantes et de la disposition similaire de leurs feuilles. Un examen attentif permet toutefois de constater que les feuilles des Vicia sont plus petites et qu’une vrille y tient lieu de foliole terminale. De même, le Lotus micranthus et le L. purshianus poussent parfois dans des milieux semblables à l’habitat du L. formosissimus, mais ils sont souvent plus petits et toujours dépourvus de stipules membraneuses. Il est difficile de distinguer le L. formosissimus du L. pinnatus lorsque ces plantes ne sont pas en fleur. Les fleurs du L. formosissimus sont habituellement sous-tendues par une bractée trifoliolée, mais certains sujets examinés sur le terrain en étaient dépourvus ou ne présentaient qu’une bractée unifoliolée. Cette bractée semble fragile, car elle se détache facilement, ce qui donne l’impression qu’il s’agit du L. pinnatus. À l’heure actuelle, le L. pinnatus n’a été signalé que dans la région de Nanaimo, sur l’île de Vancouver.
Répartition
Le Lotus formosissimus est présent le long de la côte Ouest de l’Amérique du Nord, à l’ouest de la chaîne des Cascades depuis le Sud de la Colombie-Britannique jusqu’à l’Oregon, puis à l’ouest de la Sierra Nevada jusqu’au comté de Monterey, en Californie (figure 1). Au Canada, il est confiné à la région de Victoria, dans le sud-est de l’île de Vancouver, et à des îles voisines. Aux États-Unis, la population la plus proche semble se trouver dans le sud de la presqu’île Olympic, dans l’État de Washington (Buckingham et Tisch, 1979; Hitchcock et Cronquist, 1961).
Climat
Le climat du sud-est de l’île de Vancouver se caractérise par des hivers doux et très humides et des étés chauds et sec. La majeure partie des précipitations (95 p. 100) surviennent en hiver. Les précipitations annuelles sont particulièrement faibles à l’extrémité sud-est de Victoria, qui reçoit environ le tiers des précipitations tombant juste à l’ouest de cette ville (figure 2).
Habitat
En raison de ce climat unique, la végétation de l’est de l’île de Vancouver et de certaines des îles Gulf présente des différences marquées par rapport à celle des autres régions de la côte Ouest de Colombie-Britannique et de l’ensemble du Canada. Les secteurs mésiques sont dominés par le Pseudotsuga menziesii, espèce pyroclimacique dominante. Les secteurs secs, caractérisés par des précipitations faibles ou des sols minces, notamment dans la région de Victoria, sont occupés par des peuplements clairsemés ou des bouquets discontinus de chêne de Garry (Quercus garryana), séparés par des affleurements rocheux ou par des prés de graminées.
D’après McMinn et al. (1976).Le Lotus formosissimus a été relevé dans divers milieux, dans des chênaies de Garry ainsi que dans des prés dominés par les graminées caractéristiques du sous-étage de ces chênaies. Les sols, qu’ils soient minces ou épais, conservent généralement l’eau des précipitations plus longtemps que ceux des régions voisines. Ces milieux n’échappent toutefois pas à la sécheresse, notamment pendant l’été.
Taille et tendances des populations
En Colombie-Britannique, le Lotus formosissimus a été récolté dans cinq localités (tableau 1, figure 3). Tous ces sites se trouvent dans la région de Victoria, soit sur l’île de Vancouver, soit sur des îles voisines. Seulement deux des sites ont pu être vérifiés pour le présent rapport de situation. Un troisième n’a pu être retrouvé en 1993, mais il est probable que le L. formosissimus soit toujours présent dans cette localité. Les deux autres sites ont été fortement perturbés, et il est peu probable que des populations y existent encore.
Populations récemment confirmées
Pointe Rocky (Victoria)
Trois groupes de Lotus formosissimus ont été découverts récemment (1993) du côté est de la pointe Rocky. Le premier groupe comptait une quarantaine de sujets et occupait 10 m2 d’un ravin dominé par les graminées, en bordure d’une falaise littorale, à l’intérieur d’une communauté de type Quercus garryana - Holodiscus discolor. Le versant sud-est présentait une pente douce à modérée. La végétation était clairsemée, mais le milieu était partiellement abrité des embruns salés et des vents du large par la paroi d’une falaise adjacente. La population occupait une mince couche d’humus (2-5 cm) recouvrant la roche en place, mais certains sujets semblaient enracinés dans des crevasses plus profondes. Au nombre des espèces associées figuraient les espèces introduites Hypochoeris radicata, Holcus lanatus, Aira praecox et A. caryophyllea, les espèces indigènes Sedum spathifolium, Achillea millefolium, Danthonia californica et Piperia elegans et un lichen du genre Cladina.
Le deuxième groupe de sujets se trouvait un peu plus à l’intérieur (à environ 20 m de la mer), dans le même type de végétation, entre deux affleurements formant un ravin profond de 1 à 2 m exposé au nord-ouest. Le groupe semblait compter entre 50 et 100 sujets et occupait une superficie de 15 m2. Le Lotus formosissimus constituait quelque 25 p. 100 de la couverture herbacée totale du ravin. Malgré l’absence de couvert forestier, le milieu était partiellement ombragé par des chênes de Garry poussant du côté ouest. Le sol était mince et se composait d’une couche d’humus brun foncé et d’une couche minérale de 10 cm d’épaisseur posée sur la roche en place. Au nombre des espèces associées figuraient deux espèces introduites, le Vicia hirsuta et le Plantago lanceolata, et deux espèces indigènes, le Mimulus guttatus et le Plectritis congesta. Les espèces présentes sur les affleurements adjacents étaient l’Holcus lanatus, l’Hypochoeris radicata, la mousse Dicranum scoparium et un lichen du genre Cladina.
Le troisième groupe était situé encore plus loin de la côte, dans une forêt de type Quercus garryana - Bromus établie en bordure de communautés de type Pseudotsuga menziesii -Holodiscus discolor et de buttes rocheuses. Les quelque 50 sujets occupaient une superficie de 100 m2, partiellement ombragée par une chênaie de Garry clairsemée, en sol profond, humide et plat. Le sous-étage était dominé par un mélange de graminées et d’autres herbacées, dont les espèces introduites Plantago lanceolata, Vicia hirsuta et Holcus lanatus ainsi que l’espèce indigène Elymus glaucus.
Île Trial (Victoria)
Le Lotus formosissimus est présent dans un pré de l’île Trial, en face de Victoria. En 1992, nous y avons observé 28 sujets, répartis en deux groupes occupant respectivement 20 et 10 m2. Le milieu était relativement abrité, sauf lors des tempêtes violentes, qui exposaient les plantes à des quantités variables d’embruns salés. Le sol était mince, d’épaisseur habituellement inférieure à 20 cm. Le pré était dominé par de nombreuses espèces de graminées et autres herbacées correspondant en grande partie à celles poussant dans les chênaies de Garry, dont le Camassia quamash, le Ranunculus occidentalis, le Plantago lanceolata, le Taraxacum officinale, le Danthonia spicata, l’Achillea millefolium et l’Allium cernuum.
Situation inconnue
Île Bentinck (Victoria)
La végétation de l’île Bentinck est dominée par le Pseudotsuga menziesii. Cependant, le Pinus contorta var. contorta et, dans une moindre mesure, le chêne de Garry sont présents le long du littoral, où l’on trouve communément des sols minces et des buttes rocheuses exposées. Le Lotus formosissimus a déjà été observé à l’île Bentinck (A. Ceska, comm. pers.), mais n’a pu être retrouvé lors d’un relevé récent (1993). Or, cette espèce passe souvent inaperçue, surtout lorsqu’elle n’est pas en fleur. Il est donc probable que la population de L. formosissimus existe toujours, mais il faudra le confirmer par de nouveaux relevés.
Populations disparues
Baie Foul (Victoria)
Le Lotus formosissimus a été récolté en 1912 aux environs de la baie Foul. Ce secteur est maintenant dominé par des résidences familiales, et la végétation d’origine y a pratiquement disparu, notamment le long du littoral, où la plupart des espèces indigènes ont été remplacées par des murs de soutènement ou des espèces introduites. Il est fort peu probable que le Lotus formosissimus y soit encore présent, compte tenu des transformations profondes subies par le milieu et de la longue période écoulée depuis la dernière observation.
Cap William (Victoria)
Le Lotus formosissimus a été récolté dans cette localité en 1953. Pratiquement toute la végétation naturelle y a disparu, et un établissement correctionnel occupe maintenant tout le secteur. Il est fort peu probable que le L. formosissimus soit encore présent.
Biologie générale
On sait peu de choses sur la biologie et l’écologie du Lotus formosissimus. Cette espèce présente toutefois fort probablement plusieurs des caractéristiques des autres plantes du genre Lotus et de la famille des Fabacées en général.
Les tiges du L. formosissimus doivent apparaître au printemps, produites par un court rhizome pérennant. La floraison a lieu de mai à la fin juin, alors que le sol est humide et que les températures sont habituellement chaudes dans les chênaies de Garry et les prés. La maturation et la dispersion des graines débutent dès juillet, alors que les conditions sèches dominent. Peu de temps après, les tiges meurent jusqu’au niveau du rhizome, enfoui à plusieurs centimètres sous la surface du sol. Cependant, les dates exactes de chaque étape du cycle phénologique peuvent varier selon les conditions locales. Ainsi, le 8 août 1993, les sujets poussant à la pointe Rocky à l’ombre d’une forêt de type Quercus garryana - Bromus avaient produit leurs graines, mais leurs tiges et leurs feuilles étaient encore vertes et saines, et les tiges n’étaient pas encore mortes jusqu’au rhizome. Par contre, dès le début de juillet, les sujets établis en milieu plus sec dans une communauté de type Quercus garryana - Holodiscus discolor avaient déjà produit leurs graines, et leurs tiges avaient commencé à mourir. Il est probable que dans le premier cas les conditions ombragées et humides avaient pour effet de prolonger la période d’activité physiologique des sujets.
Selon Zandstra et Grant (1968), le Lotusformosissimus, contrairement aux lotiers annuels autogames, doit compter sur la pollinisation croisée pour produire des graines viables. Même si aucune publication ne mentionne d’insecte pollinisateur pour le L. formosissimus, il est possible que les abeilles soient les principaux pollinisateurs de cette espèce, comme dans le cas d’une autre espèce vivace, le L. corniculatus. Selon Morse (1956), chaque fleur de L. corniculatus doit être visitée de 12 à 25 fois par des abeilles pour pouvoir produire un maximum de graines.
Young et Young (1986) ont constaté que les graines de nombreuses espèces nord-américaines de lotiers présentent habituellement de multiples formes de dormance complexe et nécessitent un traitement préalable, notamment à l’eau chaude, pour pouvoir germer. Il est possible que les graines du Lotus formosissimus, comme celles d’autres Fabacées, soient enveloppées d’un tégument dur faisant en sorte qu’une partie des graines dispersées à l’automne germent dès le printemps suivant tandis que les autres restent plus longtemps à l’état dormant dans le sol. Aucune publication ne mentionne les exigences de germination particulières du L. formosissimus. Hitchcock et Cronquist (1961) signalent que les graines de trois espèces vivaces, le L. formosissimus, le L. pinnatus et le L. crassifolius, germent facilement, mais ils ne précisent pas si un traitement préalable est requis. De même, Zandstra et Grant (1968) signalent avoir obtenu à partir de graines des sujets vivants de L. formosissimus pour leurs recherches, mais ils ne précisent pas quelles méthodes de culture ils ont utilisées.
Le Lotus formosissimus est une espèce vivace, et, comme les autres légumineuses, il est probablement associé à des bactéries fixatrices d’azote. De plus, selon nos observations préliminaires faites sur le terrain, la plante ne semble pas livrer une forte concurrence aux graminées; en effet, l’espèce était absente des milieux voisins qui semblaient pourtant propices, sauf pour l’épais gazon de graminées introduites. Il faudra cependant poursuivre les recherches sur les besoins en matière d’habitat et la compétitivité du L. formosissimus, afin de cerner les raisons pour lesquelles cette espèce est si rare et si confinée par rapport aux espèces de lotiers plus prospères et ubiquistes, comme le L. corniculatus. De plus, aucune étude sur la longévité moyenne et le taux de recrutement des semis du L. formosissimus n’a encore été effectuée.
Facteurs limitatifs
Menaces
La menace la plus directe et la plus immédiate pesant sur le Lotus formosissimus est la destruction de son habitat. Cette destruction est particulièrement préoccupante dans le cas des communautés de type Quercus garryana - Bromus et des prés de graminées qui leurs sont souvent associés. Ces deux types de végétation, confinés au sud-est de l’île de Vancouver et à certaines des îles Gulf, étaient sans doute beaucoup plus répandus avant l’arrivée des premiers colons européens. Malgré le petit nombre de mentions précisant l’étendue de ces communautés avant et pendant la colonisation, il est probable qu’elles occupaient la majeure partie du territoire actuel de la ville de Victoria (voir la carte des pages 9 et 10, dans McMinn et al., 1976). En fait, selon Roemer (1972), l’attrait exercé par les chênaies de Garry a été une des principales raisons de la création du fort Victoria à cet endroit. La destruction de ce type de végétation s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui, et il est presque disparu à l’extérieur des parcs et des réserves écologiques. C’est un des milieux les plus vulnérables à la destruction, parce qu’il occupe des terrains en pente douce situés à proximité des secteurs de l’île de Vancouver qui sont les plus peuplés et présentent le climat le plus favorable, ce qui les expose tout particulièrement à l’exploitation agricole et résidentielle. Le Conservation Data Centre du Ministry of Environment, Lands and Parks de la Colombie-Britannique a attribué la cote S1 aux communautés de type Quercus garryana - Bromus. Cette cote indique que ce type de végétation est « très fortement menacé à cause de son extrême rareté (généralement cinq occurrences ou moins, ou très petit nombre de sujets), ou parce qu’un ou plusieurs facteurs le rendent particulièrement sujet à disparaître » (C. Cadrin, comm. pers.). Même si aucune cote n’a été attribuée aux prés de graminées, il est probable que ceux-ci occupent une superficie encore plus restreinte que les communautés de type Quercus garryana - Bromus et sont tout autant en péril.
À l’heure actuelle, les besoins d’expansion de l’infrastructure urbaine de Victoria et d’autres agglomérations de l’île de Vancouver exercent des pressions énormes sur les chênaies de Garry non protégées. Un certain nombre de chênaies sont menacées ou déjà en train d’être détruites par la construction d’habitations et l’étalement connexe des services. Or, la disparition de ces peuplements limite gravement la disponibilité de milieux propices à l’établissement du Lotus formosissimus.
Les activités humaines ont toujours fortement influé sur les chênaies de Garry et les prés de graminées. Les Autochtones brûlaient déjà ces peuplements pour y perpétuer d’importants habitats fauniques et pour y récolter des bulbes de Camassia (plante de la famille des Liliacées), qui constituaient pour eux une importante source d’amidon alimentaire (Roemer, 1972; Turner et Bell, 1971). Roemer (1972) estimait que certains de ces peuplements, en l’absence d’intervention humaine, auraient fini par être remplacés par des forêts de Pseudotsuga menziesii.
Au cours du siècle dernier, la suppression du feu a probablement contribué à l’effondrement des populations du Lotus formosissimus. Tous les sites où le L. formosissimus a été récolté ont probablement été autrefois perpétués par des incendies détruisant périodiquement la végétation concurrente et créant de nouveaux milieux où le L. formosissimus pouvait s’établir. Cependant, ces sites ont été peu perturbés depuis et, en conséquence, ont été envahies par d’autres espèces, notamment par les arbustes Symphoricarpos albus et Cytisus scoparius.
L’introduction d’espèces européennes a aussi entraîné de profondes modifications, non seulement dans les prés de graminées associés aux chênaies de Garry, mais également dans les milieux rocheux xériques de la région de Victoria, où le Lotus formosissimus a déjà été récolté. Une des espèces les plus nuisibles à cet égard est le Cytisus scoparius, qui domine maintenant les milieux xériques exposés de la majeure partie de l’est de l’île de Vancouver et des îles Gulf.
De même, la végétation herbacée actuelle des prés de graminées et des milieux rocheux xériques diffère énormément de celle qui était présente avant l’arrivée des Européens dans la région côtière de Colombie-Britannique. Cette végétation se compose principalement de graminées introduites, qui constituent probablement plus de 90 p. 100 de la biomasse herbacée. Au nombre de ces espèces figurent l’Anthoxanthum odoratum, le Dactylis glomerata, le Cynosurus echinatus, l’Aira praecox et plusieurs espèces du genre Bromus. Comme le soulignait Roemer (1972) au sujet de la chênaie de Garry, il est impossible de savoir quelles espèces indigènes constituaient autrefois cette végétation, ni dans quelle mesure elles ont été supplantées, parce que tous les peuplements se composent maintenant surtout d’espèces introduites et qu’il n’existe plus aucun exemple de la végétation « pré-européenne ». L’impact possible de ces espèces sur la croissance et l’établissement du L. formosissimus demeure incertain, mais il est probable que le gazon dense formé par les graminées empêche la germination des graines viables enfouies du L. formosissimus et l’établissement de cette espèce.
Dans le cas de la pointe Rocky, le Lotus formosissimus est également menacé par les herbivores (probablement les vaches, les cervidés et/ou les lapins, qui abondent dans la région). Nous avons pu observer que de nombreuses tiges du L. formosissimus avaient été broutées presque au ras du sol et mesuraient moins de 10 cm, ce qui peut avoir de lourdes conséquences sur la croissance et le succès de reproduction de l’espèce. De plus, le broutage peut réduire sa capacité de concurrencer les autres espèces herbacées.
Enfin, la seule caractéristique commune à tous les sites connus du L. formosissimus est que l’accès du grand public y est restreint. Par conséquent, ces sites ne subissent pas le fort degré de piétinement observé dans la quasi totalité des autres chênaies de Garry et prés de graminées de la région de Victoria, notamment là où ces peuplements sont situés dans des parcs publics. Même si un nombre important d’espèces introduites, qui réagissent habituellement très bien aux perturbations et sont généralement des espèces dominantes, font partie de la végétation actuelle des sites du Lotus formosissimus, elles sont loin d’être aussi abondantes à la pointe Rocky, à l’île Bentinck et à l’île Trial que dans les autres localités. Ces espèces comprennent le Cytisus scoparius, l’Ulex europaeus, le Rubus discolor et le Dactylis glomerata et sont généralement présentes non seulement dans les chênaies de Garry, mais également dans les milieux perturbés. Il est fort probable que l’accès restreint du public soit la principale raison de la survie du Lotus formosissimus dans ces localités.
Changements dans les populations
En Colombie-Britannique, les populations du Lotus formosissimus n’ont pas été surveillées au fil du temps, de sorte qu’il est impossible de préciser les changements survenus dans ces populations. On ne sait même pas si les populations actuelles sont les vestiges d’une répartition plus continue le long de la côte sud-est de l’île de Vancouver, puisque toutes ces populations se trouvent dans la région de Victoria. Cependant, compte tenu de l’ampleur de la dégradation et de la destruction des chênaies de Garry et des prés en Colombie-Britannique, il est probable que l’effectif et le nombre des populations du Lotus formosissimus aient diminué au cours des 100 dernières années.
Protection
Réglementation
En Colombie-Britannique, il n’y a pas de loi visant spécifiquement à protéger les plantes vasculaires rares ou en voie de disparition. Cependant, les populations existantes du L. formosissimus qui poussent sur des terres publiques sont protégées dans une certaine mesure.
Île Bentinck et pointe Rocky (Victoria)
Ces populations sont situées sur des terrains relevant du ministère de la Défense nationale, où l’accès du public est interdit. Une partie de la superficie de ces terrains est profondément altérée, mais ils demeurent en grande partie non perturbés. La chênaie de Garry est le type de végétation le plus abondant du côté est de la pointe Rocky, un des quelques secteurs à ne pas avoir été très touché par le piétinement. C’est particulièrement évident sur les buttes rocheuses qui parsèment le littoral est et qui présentent un couvert diversifié et important de lichens et, dans une moindre mesure, de mousses. Les milieux similaires situés dans les secteurs plus accessibles de la région de Victoria ont été dégradés et sont en grande partie dénués de lichens et de mousses en raison de la sensibilité de ces organismes au piétinement.
Le ministère de la Défense nationale sait où se trouvent les espèces rares à la pointe Rocky et ne prévoit aucun aménagement aux endroits où pousse le Lotus formosissimus. Ce site ne jouit certes pas du degré de protection juridique que lui procurerait un parc public, mais le fait que la pointe Rocky ne soit pas accessible au public est probablement plus important pour la survie de ce site que la protection juridique liée à un parc public.
Île Trial (Victoria)
Cette population se trouve dans la réserve écologique Trial Island, qui lui garantit le niveau le plus élevé de protection juridique existant actuellement en Colombie-Britannique. De plus, malgré la proximité de Victoria, l’île Trial n’est accessible que par bateau, et les visiteurs doivent obtenir un permis du Ecological Reserves Program avant de pouvoir s’y rendre.
Programmes de rétablissement
On n’a pas essayé d’introduire le Lotus formosissimus dans les milieux propices, ni d’augmenter le nombre de sujets aux sites actuels. Pourtant, selon Hitchcock et Cronquist (1961), cette espèce est facile à transplanter et à cultiver à partir de graines. Cependant, tant que l’écologie du L. formosissimus ne sera pas connue, il ne sera pas possible de formuler des idées quant à de la gestion de cette espèce.
Certaines graminées introduites qui dominent actuellement le sous-étage de nombreuses chênaies de Garry et les prés connexes menacent peut-être le Lotus formosissimus en exerçant une concurrence directe avec les ressources ou, indirectement, en empêchant la germination des graines et l’établissement des semis. Malheureusement, la plupart des espèces de graminées sont difficiles à réprimer, parce qu’elles peuvent repousser à partir de leur réseau serré de racines. De plus, en cas de perturbation quelconque, nombre d’espèces peuvent se rétablir à partir de leurs graines viables enfouies dans le sol.
Le feu, traditionnellement utilisé par les Autochtones de la Colombie-Britannique, a pu avoir un effet bénéfique sur les anciens sites du L. formosissimus, en y réduisant la densité du couvert arbustif et arborescent et en assurant le maintien d’un sous-étage riche en herbacées dans les chênaies de Garry. Cependant, à l’heure actuelle, le feu ne semble plus constituer un outil de gestion viable, pour plusieurs raisons :
1) La plupart des chênaies de Garry sont situées dans des parcs ou à proximité de zones résidentielles, où il est fort peu probable qu’un brûlage soit autorisé.
2) On ne connaît pas effet qu’aurait le brûlage sur les sites actuels du Lotus formosissimus. Or, étant donnée le faible nombre de sites connus, il serait peu judicieux d’avoir recours à une méthode si radicale sans d’abord mieux connaître l’écologie de l’espèce.
3) La plupart des chênaies de Garry n’ont pas brûlé depuis de nombreuses années, de sorte que la charge de combustibles ligneux du sous-étage y est excessive. Si un brûlage était effectué maintenant, le feu serait sans doute si intense qu’il détruirait de nombreuses espèces.
4) Le brûlage risque de favoriser la germination des graines de nombreuses espèces introduites au cours des 100 dernières années, notamment celles dont les graines demeurent longtemps viables dans le sol, comme le Cytisus scoparius, et d’ainsi contribuer à leur propagation.
Évaluation du statut
Désignations actuelles
À l’échelle mondiale, le Conservation Data Centre du Ministry of Environment, Lands and Parks de la Colombie-Britannique a attribué la cote G5 au Lotus formosissimus, ce qui indique que l’espèce est « commune à très commune, manifestement non en péril, ne pouvant pratiquement pas disparaître dans les conditions actuelles ».
En Colombie-Britannique, le L. formosissimus est coté S1. Cette cote correspond au niveau de risque le plus élevé et indique que dans cette province le taxon est « très fortement menacé à cause de son extrême rareté (généralement 5 sitesou moins, ou un très petit nombre de sujets), ou parce qu’un ou plusieurs facteurs le rendent particulièrement sujet à disparaître ».
Statut proposé
Le Lotus formosissimus devrait être désigné espèce en voie de disparition, pour les raisons suivantes :
1) Le nombre de sites connus du L. formosissimus au Canada est inférieur à cinq, et toutes celles qui ont été vérifiées récemment comptaient moins de 200 sujets.
2) Les types de végétation où le L. formosissimus est présent semblent connaître actuellement des changements de structure et de composition résultant de l’introduction d’espèces européennes et de la suppression du feu. Ces facteurs, isolément ou en conjugaison, ont vraisemblablement eu des effets négatifs sur la capacité d’établissement du L. formosissimus et devraient continuer d’en avoir.
Pronostic
Le pronostic de survie de cette espèces n’est pas bon. Les populations vérifiées récemment sont certes protégées sur des terres publiques, mais certaines risquent de disparaître en l’absence d’une forme quelconque de gestion. Si les peuplements où le Lotus formosissimus est présent pouvaient être considérés comme des écosystèmes naturels stables, ils pourraient lui garantir une certaine protection. Cependant, la suppression du feu et l’introduction de nombreuses espèces exotiques ayant tendance à dominer ont entraîné dans certains des peuplements une modification évidente de la composition et de la structure de la végétation, et il est difficile de prévoir l’effet de ces changements sur le succès ou l’échec des populations du L. formosissimus. Or, il n’existe actuellement aucune chênaie de Garry ni pré où les espèces introduites ne constituent pas une proportion importante de la végétation. Il est donc impossible de comparer les peuplements existants avec ceux qui étaient présents avant l’arrivée des Européens sur la côte Ouest de Colombie-Britannique.
Le peu d’information dont nous disposons sur l’écologie du Lotus formosissimus ne nous permet pas de bien gérer l’espèce. Les données démographiques font cruellement défaut, et nous connaissons encore mal les facteurs qui influent sur l’établissement, la croissance et le déclin des populations.
Remerciements
Les recherches ont été financées par le Conservation Data Centre du Ministry of Environment, Lands and Parks de la Colombie-Britannique.
Ouvrages cités
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Les auteurs
George W. Douglas détient un M.Sc. en foresterie de la University of Washington ainsi qu’un Ph.D. en botanique de la University of Alberta, à Edmonton. Il étudie les plantes rares depuis plus de 20 ans. Il a été auteur principal des Plantes vasculaires rares du Yukon (1981), coauteur de The Rare Vascular Plants of British Columbia (1985), auteur principal de Rare Native Plants of British Columbia (1998) ainsi que rédacteur en chef de la publication Illustrated Flora of British Columbia (1998-2000). Il occupe le poste de botaniste de programmes au Conservation Data Centre de la Colombie-Britannique depuis la fondation de ce centre, en 1991. Durant cette période, George W. Douglas a été auteur ou coauteur de 15 rapports de situation du COSEPAC.
Michael W. Ryan a obtenu, de la University of Victoria, un B.Sc. en biologie et en études environnementales, en 1985, ainsi qu’un M.Sc. en biologie, en 1992. Durant les dix dernières années, il a travaillé comme consultant et a participé à un grand nombre d’études portant notamment sur l’inventaire des plantes rares et des mousses, l’identification et la cartographie des écosystèmes rares, la cartographie descriptive et prédictive des écosystèmes terrestres, la classification des forêts et l’effet de l’exploitation forestière sur la bryoflore des forêts côtières et subalpines. Ses travaux et son expertise sont axés sur les écosystèmes terrestres des régions côtières et intérieures du Sud de la Colombie-Britannique.
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