Loup atlantique (Anarhichas lupus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2012: chapitre 6

Description et importance de l’espèce sauvage

Nom et classification

Classe : Actinoptérygiens

Ordre : Perciformes

Famille : Anarhichadidés

Nom scientifique : Anarhichas lupus (Linné, 1758)

Nom français :   loup atlantique
aussi : loup de l’Atlantique, poisson-loup, loup de mer à peau mince, chat de mer, blennie-loup

Nom anglais : Atlantic Wolffish
aussi : Striped Wolffish, Catfish, Ocean Whitefish

Description morphologique

Les membres de la famille des Anarhichadidés sont de gros poissons marins qui tirent leur nom commun (loups) de leurs grosses dents coniques du type canine. Trois espèces de loups sont présentes au Canada dans les eaux de l’Atlantique et les eaux de l’océan Arctique adjacentes : le loup atlantique (Anarhichas lupus), objet du présent rapport, le loup tacheté (Anarhichas minor) et le loup à tête large (Anarhichas denticulatus).

Le loup atlantique a un corps allongé, de grandes nageoires pectorales, et une tête imposante à museau arrondi (figure 1). Il peut atteindre une longueur de plus de 150 cm et un poids de 24 kg. Comme tous les autres loups, il possède de grosses dents saillantes du type canine à l’avant de la mâchoire, et des dents broyeuses aplaties (vomériennes) à l’arrière. Les loups se distinguent des autres poissons par leur longue nageoire dorsale continue et l’absence de nageoires pelviennes. La couleur du loup atlantique varie du bleu ardoise au vert olive mat et au brun rougeâtre, et son corps est orné de bandes transversales foncées (Whitehead et al.,1986; Scott et Scott, 1988).


Figure 1. Loup atlantique (Anarhichas lupus), avec ses caractéristiques morphologiques distinctives. Photo : C. Nozères, Pêches et Océans Canada.

Photo d’un loup atlantique, vue latérale (voir description longue ci-dessous).
Description pour la figure 1

Photo d’un loup atlantique (vue latérale) avec des flèches indiquant deux caractéristiques morphologiques distinctives : les grandes nageoires pectorales, et les bandes foncées sur le corps. L’espèce a un corps allongé et une tête imposante à museau arrondi. Elle présente une nageoire dorsale continue et n’a pas de nageoires pelviennes. Cette photo montre un spécimen dont le corps est vert olive et orné d’environ neuf bandes transversales foncées sur ses deux tiers supérieurs. La partie inférieure est grise.

On peut distinguer le loup atlantique des deux autres espèces de loups du nord-ouest de l’Atlantique par les 9 à 13 bandes transversales foncées, irrégulières et brisées, qui ornent son corps, dont certaines se prolongent sur la nageoire dorsale. De plus, sa musculature est ferme et non gélatineuse comme celle du loup à tête large, et les dents broyeuses du vomer[1] vont jusqu’à l’arrière de la bouche, au-delà des dents palatines[2] (Barsukov, 1959, in Whitehead et al.,1986; Kulka et al., 2007b). La position des dents vomériennes permet de distinguer les trois espèces de loups.

Structure spatiale et variabilité de la population

La dispersion par les œufs n’est pas possible parce que ceux-ci sont pondus sur le fond (Keats et al., 1985; Scott et Scott, 1988); en outre, les larves restent généralement près du nid (Bigelow et Schroeder, 1953). Cependant, les larves peuvent atteindre les eaux proches de la surface, où elles peuvent être dispersées (Kulka et al., 2004), mais comme leur flottabilité est négative, elles retombent vers le fond quand elles cessent de nager (Mokness et Pavlov, 1996), ce qui limite leur dispersion. Les adultes sont généralement considérés comme sédentaires (voir la section « Dispersion et migration »).

Les différences génétiques entre les trois espèces de loups du nord-ouest de l’Atlantique ont été évaluées sur la base de l’ADN mitochondrial (Johnstone et al., 2007; McCusker et Bentzen, 2010a) et de marqueurs génétiques nucléaires (McCusker et al., 2008; McCusker et Bentzen, 2010a). Ces études ont montré que les trois espèces de l’Atlantique sont bien distinctes l’une de l’autre, le loup atlantique étant plus étroitement apparenté au loup tacheté qu’au loup à tête large.

McCusker et Bentzen (2010b) ont utilisé des microsatellites et des marqueurs de polymorphisme de longueur de fragments amplifies (AFLP, pour amplified fragment length polymorphism) pour étudier la structure génétique de la population de loups atlantiques dans l’ensemble de son aire nord-atlantique, dont six lieux du Canada atlantique (tableau 1). La différenciation génétique était faible à nulle dans une grande partie de l’aire atlantique de l’espèce; cependant, des différences significatives ont été observées entre les lieux d’échantillonnage du Canada atlantique et tous les autres lieux de l’Atlantique (tableau 2). De plus, des différences génétiques significatives ont été mesurées entre certains lieux du Canada atlantique, particulièrement entre les bancs de Terre-Neuve et d’autres lieux situés au sud et à l’ouest de ces derniers (tableau 2).

Tableau 1. Information sur les échantillons de loups atlantiques prélevés pour analyse de microsatellites (McCusker et Bentzen, 2010b).
Code de lieu Lieu OPANO/CIEM Années n
SS-02 Plateau néo-écossais 4VWX 2002 75
SS-04 Plateau néo-écossais 4VWX 2004 79
SG Sud du golfe du Saint-Laurent 4T, 4Vn 2002, 2004 64
NG Nord du golfe du Saint-Laurent 4RS 2004 63
SNF Sud de Terre-Neuve 3OP 2002, 2003 74
SGB Sud-est des bancs de Terre-Neuve 3N 2001–2003 64
NGB Nord-est des bancs de Terre-Neuve 3L 2001–2003 68
WG Ouest du Groenland 1ABCDE 2004 83
EG Est du Groenland XIVb 2004 44
I-02 Islande Va 2002 96
I-04 Islande Va 2004 94
Sp Spitzberg IIa2 2004 34
Bar Mer de Barents IIa2 2004, 2005 111
NS Mer du Nord IVb 2002, 2004 66
R-05 Banc Rockall VIb2 2005 34
R-06 Banc Rockall VIb2 2006 75
Tableau 2. Valeurs de Fst tirées de l’analyse de microsatellites de loups atlantiques (McCusker et Bentzen, 2010b). Les codes des lieux d’échantillonnage sont explicités au tableau 1.
  SS-02 SS-04 SG NG SNF SGB NGB WG EG I-02 I-04 Sp Bar NS R-05 R-06
SS-02   0,124 0,058 0,027 0,602 0,005 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001
SS-04 0,002   0,206 < 0,001 0,609 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001
SG 0,001 0,002   < 0,001 0,468 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001
NG 0,005 0,006 0,011   < 0,001 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001
SNF -0,002 -0,001 0 0,007   0,004 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001
SGB 0,002 0,007 0,011 0,007 0,003   0,404 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 0,003 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001
NGB 0,008 0,01 0,02 0,01 0,008 -0,001   0,003 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001
WG 0,019 0,02 0,031 0,016 0,019 0,007 0,004   0,819 0,248 0,1 0,277 0,074 0,002 < 0,001 < 0,001
EG 0,02 0,026 0,036 0,021 0,022 0,011 0,009 -0,001   0,504 0,732 0,463 0,738 0,307 < 0,001 < 0,001
I-02 0,016 0,02 0,03 0,015 0,018 0,007 0,007 0 -0,001   0,973 0,153 0,251 0,002 < 0,001 < 0,001
I-04 0,015 0,021 0,03 0,015 0,018 0,006 0,006 0,001 0 -0,002   0,181 0,348 0,109 0,001 < 0,001
Sp 0,018 0,021 0,032 0,014 0,017 0,007 0,008 0 -0,002 0,003 0,003   0,487 0,303 0,008 < 0,001
Bar 0,016 0,021 0,032 0,013 0,018 0,008 0,007 0,002 0 0,002 0,001 -0,002   0,098 < 0,001 < 0,001
NS 0,017 0,022 0,033 0,013 0,02 0,012 0,01 0,005 0,001 0,003 0,002 0 0   < 0,001 < 0,001
R-05 0,025 0,03 0,037 0,027 0,026 0,016 0,019 0,005 0,005 0,008 0,005 0,005 0,007 0,008   0,72
R-06 0,027 0,032 0,035 0,027 0,029 0,019 0,022 0,011 0,01 0,01 0,008 0,012 0,013 0,01 0  

Unités désignables

Bien que les résultats de McCusker et Bentzen (2010b) indiquent qu’il existe deux ou trois populations génétiquement distinctes de loups atlantiques au Canada atlantique, aucune donnée n’indique que ces populations satisfont à l’un ou l’autre des critères de « caractère important » du COSEPAC pour être reconnues comme unités désignables distinctes. Par exemple, il n’y a pas de preuves de l’existence de lignées évolutionnaires distinctes, de différences génétiques adaptatives, de contextes écologiques nettement différents ou de disjonctions spatiales importantes pouvant attester de l’importance particulière de l’une ou l’autre de ces populations. Par conséquent, les loups atlantiques du Canada atlantique sont considérés comme constituant une seule unité désignable.

Importance de l’espèce

Le loup atlantique, qui peut être présent en concentrations assez denses, présentait un intérêt commercial dans les années 1990. Il est encore un peu pêché dans les eaux côtières du sud de Terre-Neuve. La Région de Terre-Neuve et du Labrador et la Région des Maritimes autorisent le débarquement de prises accessoires de cette espèce. On peut en préparer des filets, vendus frais ou congelés. La peau peut aussi être tannée et commercialisée. Cependant, il n’est actuellement pas possible d’en autoriser une grande pêche commerciale dirigée, son effectif étant insuffisant. En 2008, les débarquements terre-neuviens des trois espèces de loups combinées ont totalisé 7 743 kg et une valeur de 2 653 $ (Pêches et Océans Canada, 2010). Le loup atlantique intéresse les amateurs de plongée.

Le loup atlantique est capturé dans les pêches mixtes ou comme prise accessoire dans nombre d’autres pêches, comme celles du flétan de l’Atlantique (Hippoglossus hippoglossus), de la morue franche (Gadus morhua) et de la limande à queue jaune (Limanda ferruginea) (Kulka et al., 2007a; DFO, 2011). Les plus fortes prises déclarées sont obtenues dans les eaux du sud de Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. À Terre-Neuve, les débarquements déclarés concernent les trois espèces de loups combinées. Il est légal de débarquer des loups atlantiques, cette pratique n’étant pas interdite par l’inscription de l’espèce en tant qu’espèce préoccupante à l’annexe 1 de la LEP.

Le rôle écologique du loup atlantique est difficile à évaluer à cause d’un manque d’information. Les loups atlantiques consomment divers invertébrés et poissons, et on croit que les larves et les jeunes sont la proie de plusieurs espèces de poissons.

1 Le vomer est un os unique médian qui constitue la partie postéro-inférieure de la cloison nasale.
2 Les dents palatines sont implantées sur les côtés du palais plutôt que sur l’arcade dentaire, et orientées vers le centre de la mâchoire.

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