Loutre de mer (Enhydra lutris) évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2007 : chapitre 5

Mise à jour
Rapport de situation du COSEPAC
sur la
loutre de mer
Enhydra lutris
au Canada
2007

Information sur l'espèce

Nom et classification

La loutre de mer, Enhydra lutris, est le deuxième plus gros (selon le poids) membre de la famille des Mustélidés. Elle est le seul membre du genre Enhydra. Trois sous-espèces sont reconnues en fonction de la taille du crâne et de l’ADN mitochondrial (Wilson et al., 1991; Cronin et al., 1996). L’Enhydra lutris kenyoni aurait autrefois été présent à partir du littoral de l’Oregon jusqu’aux îles Aléoutiennes; l’Enhydra lutris nereis, la population méridionale de la loutre de mer, se trouve dans les eaux de la côte californienne; et l’aire de répartition du Enhydra lutris lutris s’étend des îles Kouriles à la péninsule de Kamchatka et aux îles du Commandeur en Russie. L’Enhydra lutris kenyoni fréquente les eaux de la Colombie-Britannique.


Taxinomie

Classe :
Mammifères
Ordre :
Carnivores
Famille :
Mustélidés
Nom scientifique :
Enhydra lutris
Sous-espèces :
Enhydra lutris lutris (îles Kouriles, péninsule de Kamchatka, îles du Commandeur)
Enhydra lutris kenyoni (des îles Aléoutiennes jusqu’au centre de l’Alaska; espèce réintroduite dans le sud-est de l’Alaska, en Colombie-Britannique, et dans l’État de Washington)
Enhydra lutris nereis (Californie)
Nom commun :
loutre de mer
Nom anglais :
Sea otter
Nom espagnol :
nutria del Kamchatka, nutria marina
Nom nuu-chah- nulth :
k w ak w atl
Jargon commercial chinook :
e-lak'-ha (http://www.tidepool.org/features/id.elakha.cfm)
Nom aléoute :
chngatux ( http://www.alaskool.org/language/Aleut/Sea_Week.html , en anglais seulement)


Description morphologique

Les loutres de mer sont sexuellement dimorphes. Le mâle adulte peut peser jusqu’à 46 kg et mesurer jusqu’à 148 cm de longueur; la femelle adulte peut peser jusqu’à 36 kg et atteindre 140 cm de longueur. À la naissance, les petits pèsent de 1,7 kg à 2,3 kg et mesurent jusqu’à 60 cm de longueur (Bodkin, 2003). Les loutres de mer qui vivent dans un habitat nouvellement occupé et où la nourriture n’est pas limitée ont un poids supérieur (jusqu’à 28 p. 100 pour le mâle et 16 p. 100 pour la femelle) à celui des individus qui vivent dans des populations ayant atteint ou étant sur le point d’atteindre leur densité d’équilibre dans un habitat où la nourriture est limitée (Bodkin, 2003).Le pelage des adultes, de brun pâle à brun foncé, s’éclaircit progressivement avec l’âge et grisonne sur la tête, autour du cou, sur la poitrine et sur les membres antérieurs (Estes, 1980). La fourrure des nouveau-nés, brun pâle ou jaunâtre, est complètement remplacée lorsque ceux-ci atteignent l’âge adulte, soit à treize semaines (Payne et Jameson, 1984).

La loutre de mer a des pattes postérieures plates pourvues de doigts allongés dont le cinquième, ou le doigt extérieur, est le plus long. Cette adaptation lui permet de nager avec efficacité lorsqu’elle recherche de la nourriture sous l’eau où lorsqu’elle se laisse flotter sur le dos à la surface de l’eau. Sa queue plate dorso-ventrale lui sert d’aviron et de gouvernail lorsqu’elle se repose (Kenyon, 1969) (figure 1). Cette espèce peut atteindre une vitesse de nage en surface allant de 1 km/h à 1,5 km/h (Kenyon, 1969). Lorsque la loutre plonge à la recherche de nourriture, sa vitesse de déplacement peut atteindre plus de 5 km/h (Bodkin et al., 2004). Sur terre, la loutre de mer est disgracieuse et maladroite (Estes, 1980).


Figure 1 : Loutre de mer (Enhydra lutris)

Figure 1. Loutre de mer (Enhydra lutris).

Photo de B. Gisborne.

Les puissants membres antérieurs de l’espèce sont bien adaptés pour les soins du pelage et pour capturer des proies invertébrées; ils ne sont pas utilisés pour la nage (Kenyon, 1969). Grâce à un amas de peau lâche situé dans la région axillaire (aisselle) de ses membres antérieurs, la loutre transporte ses proies à la surface de l’eau pour les manger (Estes, 1980). Au lieu de dents coupantes propres à la plupart des carnivores, elle possède des molaires bunodontes adaptées pour briser la coquille dure des proies invertébrées (Riedman et Estes, 1990).

La loutre de mer a peu de graisse corporelle. Elle a un rythme métabolique exceptionnellement élevé, et une couche d’air emprisonnée sous sa fourrure épaisse lui sert d’isolant. Sa fourrure est constituée d’une couche extérieure de jarres protecteurs et d’un duvet comptant environ 100 000 poils par centimètre carré (Kenyon, 1969). La loutre de mer fait fréquemment sa toilette pour conserver l’intégrité de sa fourrure et sa capacité à garder une couche d’air emprisonnée comme isolant (Riedman et Estes, 1990).


Description génétique

En Colombie-Britannique, la loutre de mer a subi au moins deux effets d’étranglement génétique : le premier, à l’échelle mondiale, a provoqué la quasi-disparition de l’espèce par suite du commerce maritime de la fourrure au XVIIIe et au XIXe siècles; le deuxième a été causé par l’introduction d’un petit nombre d’individus dans la province.

En raison du commerce de la fourrure, la taille des populations avait été réduite dans toute l’aire de répartition, en 1911, à moins de 2 000 individus, ce qui représente environ 1 p. 100 ou 2 p. 100 de sa taille avant l’exploitation (Kenyon, 1969). Cet effet d’étranglement a entraîné une diminution importante de la diversité génétique parmi les populations actuelles de loutres de mer comparativement à celle des populations avant le commerce de la fourrure, c’est-à-dire une perte chez les loutres de mer d’aujourd’hui d’au moins 62 p. 100 des allèles et de 43 p. 100 de l’hétérozygotie (Larson et al., 2002a).

Il semble que la loutre de mer avait disparu de la Colombie-Britannique en 1929 (Cowan et Guiguet, 1960). L’espèce y a été réintroduite entre 1969 et 1972, grâce à des individus capturés sur l’île Amchitka et dans le golfe du Prince William, en Alaska; elle a également été réintroduite au cours de la même période dans des habitats inoccupés dans le sud-est de l’Alaska, dans l’État de Washington et en Oregon. Toutes ces réintroductions ont réussi à l’exception de celle de l’Oregon (Jameson et al., 1982). En ce qui concerne le deuxième effet d’étranglement découlant du transfert de petits groupes d’individus, les études génétiques semblent indiquer qu’il n’y a aucune différence importante dans le nombre de variations génétiques entre les populations reliques de l’espèce (qui ont connu un effet d’étrangement) et celles transférées (qui ont connu deux effets d’étranglement) (Bodkin et al., 1999; Larson et al., 2002b). La perte de la diversité génétique parmi les populations réintroduites avec succès a peut-être été pratiquement évitée, du moins parmi les populations qui sont issues d’au moins 20 à 30 individus, car l’effet d’étranglement a eu lieu pendant une période relativement courte et la croissance des populations a été rapide (à défaut de restrictions alimentaires) (Bodkin et al., 1999; Larson et al., 2002b).

En 1989, des femelles accompagnées de leur petit ont été signalées pour la première fois sur la côte centrale de la Colombie-Britannique, à plus de 235 km de distance de la population réintroduite sur l’île de Vancouver (British Columbia Parks, 1995). L’origine de ces loutres était inconnue (Watson et al., 1997), mais l’analyse génétique récente de 18 spécimens de loutres de mer recueillis le long de la côte centrale de la Colombie-Britannique en 2003 a révélé deux haplotypes d’ADNmt correspondant à ceux des loutres provenant de l’île Amchitka et du golfe du Prince William, ce qui laisse entendre que les loutres sur la côte centrale de la Colombie-Britannique sont des descendantes de celles, en provenance de l’Alaska, qui ont été réintroduites (Barrett-Lennard, comm. pers., 2003). Les loutres de mer dans le sud-est de l’Alaska et dans l’État de Washington ont la même origine (Bodkin et al., 1999; Larson et al., 2002b).

Il n’existe qu’une seule population ou unité désignable de la loutre de mer en Colombie-Britannique.

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