Mouette rosée (Rhodostethia rosea) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Biologie

Cycle vital et reproduction

On pense que la Mouette rosée atteint la maturité sexuelle au cours de sa deuxième année. Les conditions climatiques ont une incidence sur le moment de la nidification. Des éclosions se sont produites au Canada au cours de la deuxième semaine de juin, quoique celles-ci surviennent normalement à la mi-juillet (Macey, 1981). Les mauvaises conditions climatiques printanières de certaines années pourraient dissuader les oiseaux de nicher.

Les nids des Mouettes rosées mesurent environ de 10 à 15 cm de diamètre et peuvent être une dépression dans la terre ou dans la mousse ou être situés dans des buttes de carex des prés (Macey, 1981). Les nids peuvent être bordés de végétation (herbes sèches, mousses, feuilles de saule ou de bouleau, algues) (Macey, 1981) ou non (Mallory et al., 2006). Les œufs sont de couleur olive, tachetés de brun-rouge et mesurent environ 30 mm sur 43-46 mm. Les couvées comptent généralement 3 œufs (écart 1–3) (Macey, 1981; Mallory et al., 2006). Les oeufs sont couvés par les 2 parents de 21 à 22 jours et les oisillons s'envolent plus de 20 jours après l'éclosion (Ehrlich et al., 1988).

Les études réalisées sur les colonies de Mouettes rosées dans l'aire de répartition sibérienne (p. ex. Degtyarev et al., 1997) ont produit les résultats suivants. En moyenne 43 m séparaient les nids de leur plus proche voisin, et certains nids étaient séparés par 100 m ou plus (n = 85). Les colonies n'ont jamais excédé 29 couples reproducteurs, mais on comptait généralement de 2 à 8 couples. Au cinquième jour, les adultes ont visité les oisillons uniquement pour les nourrir et, après 15 jours, les oisillons étaient nourrit seulement 4 fois par jour. À partir de ce moment jusqu'à l'envol, soit à 20 jours environ, la colonie semblait avoir été désertée : les adultes étaient absents, cherchant de la nourriture ailleurs, et les oisillons étaient cachés dans le couvert végétal. Le silence régnait généralement dans les colonies, les cris étant seulement lancés pour prévenir de la présence de prédateurs.


Prédateurs

Les œufs des Mouettes rosées sont la proie du Goéland bourgmestre (L. hyperboreus), du Goéland argenté (L. argentatus), des labbes (Stercorarius spp.), du renard arctique (Alopex lagopus), des mustélidés (Mustela spp.) et de l'ours blanc (Ursusmaritimus) (Densley, 1991; Alvo et al., 1996). Les adultes sont chassés par le Faucon pèlerin (Falco peregrinus) (Burger et Gochfeld, 1996).


Alimentation

La Mouette rosée se nourrit probablement de manière opportuniste. En mer, les oiseaux cherchent leur nourriture le long de la banquise, où ils se nourrissent principalement de morues polaires (Boreogadus saida). En effet, 79 p. 100 des Mouettes rosées capturées dans la mer de Tchoukotka en septembre et en octobre avaient ingéré de la morue polaire (Divoky, 1976). La Mouette rosée se nourrit aussi fréquemment d'amphipodes, plus particulièrement d'Apherusa glacialis (Divoky, 1976), mais également d'une grande variété de proies, notamment des coléoptères, des décapodes, des polychètes, des copépodes, des euphausiacés et des mysidacés. Dans les aires de nidification de la Sibérie, l'oiseau se nourrit principalement d'insectes (Macey, 1981). Bechet et al. (2000) ont observé des Mouettes rosées adultes planant à basse altitude au-dessus de l'eau ou marchant le long du rivage, probablement à la recherche d'insectes ou de petits invertébrés, et, à Churchill, les oiseaux ont été observés en train de prendre de petites proies dans des mares (Macey, 1981). On a également observé les Mouettes rosées s'alimentant, probablement de plancton, dans l'écume amenée sur la plage par les vagues et dans des excréments de morses (Odobenus rosmarus), et se regroupant autour d'animaux morts (Burger et Gochfeld, 1996).


Recherche de nourriture

Les Mouettes rosées cherchent leur nourriture seules ou en petits groupes, et se joignent à l'occasion aux Mouettes de Sabine et aux phalaropes. Les oiseaux suivent les bateaux qui créent des ouvertures dans la glace pour y capturer des organismes. Les Mouettes rosées atteignent leur nourriture en plongeant dans l'eau du haut des airs, parfois en plantant seulement leur bec dans l'eau et en marchant sur le sol (Burger et Gochfeld, 1996).


Physiologie

Aucune étude n’a été réalisée jusqu’à présent sur la physiologie de la Mouette rosée.


Déplacements et dispersion

Oiseaux ne se reproduisant pas en été

En juillet, les Mouettes rosées non reproductrices, arrivant probablement de leurs aires de reproduction en Russie, atteignent l'océan Arctique, au nord de la Norvège et de la Russie (Hjort et al., 1997). Apparemment, les oiseaux exploitent les glaces à la dérive et le rebord de la plate-forme continentale jusqu'au pôle Nord, tant que la présence d'eaux libres le leur permet. Les mouettes s’associent au rebord de la plate-forme continentale parce qu’elles s’y alimentent des grandes quantités de nutriments qui y sont soulevées. En 1996, Hjort et al. (1997) ont observé que la Mouette rosée était l'oiseau le plus commun dans les portions centrales de l'océan Arctique jusqu'à au moins 870 30’N et que de grandes concentrations étaient présentes dans le gradient bathymétrique situé entre la bordure de la plate-forme continentale et la dépression St. Anna. Meltofte et al. (1981) ont également signalé de nombreux oiseaux dans l'océan Arctique en juillet, depuis l'archipel François-Joseph, l'archipel des Svalbard et le Groenland vers le nord jusqu'à 820 30’.


Migration

La migration automnale vers l'est, passé la pointe Barrow, sur la côte nord de l'Alaska, est connue depuis un certain temps (Fisher et Lockley, 1954; Burger et Gochfeld, 1996), et environ 20 000 oiseaux ont été observés se dirigeant vers l'est, en direction de destinations alors inconnues. Le déplacement vers l'est, de la mer Tchoukotka à la pointe Barrow, est amorcé en août et atteint son point culminant à la fin de septembre. Les Mouettes rosées se dirigent vers leurs aires d'alimentation dans la mer de Beaufort à la fin de septembre ou au début d'octobre. Les oiseaux migrent ensuite vers l'ouest à la fin d'octobre et au début de novembre, sans doute en raison du gel de l'océan et des possibilités d'alimentation le long de la banquise. Les Mouettes rosées se dirigent enfin vers le sud, en passant par le détroit de Béring pour atteindre les mers de Béring et d'Okhotsk (Zubakin et al. 1990; Degtyarev et al., 1997). On ne sait cependant que peu de choses sur les aires d'hivernage de l'espèce.


Relations interspécifiques

Pendant la saison de reproduction, les Mouettes rosées nichent souvent à l'intérieur ou à proximité de colonies de Sternes arctiques, tirant probablement avantage du comportement de harcèlement des prédateurs par les sternes. Les nids situés dans le détroit de Penny se trouvaient à proximité de colonies de Sternes arctiques et parfois de nids de Mouettes de Sabine, cette dernière espèce semblant beaucoup plus agressive envers les humains que la Mouette rosée (Mallory et al., 2006). Toutefois, la Mouette rosée défendra ses œufs et ses oisillons, malgré son apparente invisibilité (Burger et Gochfeld, 1996; Degtyarev et al., 1997), et adoptera envers les humains des comportements de défense semblables à ceux des sternes (Mallory et al., 2006).

On sait peu de choses sur le comportement de la Mouette rosée à l'extérieur de ses aires de reproduction. La présence de petits groupes dispersés s'alimentant le long de la banquise aux côtés de Mouettes de Sabine et dont les membres avaient peu d’interactions entre eux a été signalée. On rapporte que les Mouettes de Bonaparte harcèlent les Mouettes rosées lorsque les deux espèces cherchent de la nourriture à proximité l'une de l'autre (obs. pers.), mais ce harcèlement est généralement momentané.


Adaptabilité

Le niveau de tolérance de la Mouette rosée aux perturbations anthropiques est inconnu. Les perturbations causées par les ornithologues, les photographes et les touristes sont une menace potentielle pour la Mouette rosée au Canada (Macey, 1981). Les tendances qui émergent des sites de nidification de Churchill sont une indication des niveaux de tolérance de cette espèce. Au moins un nid a été abandonné à Churchill parce qu’un photographe se tenait trop près (Alvo et al., 1996). Des reproductions réussies ont toutefois été signalées à proximité de camps de chasse en Russie (Alvo et al., 1996). Ces contradictions témoignent de la nécessité d'étudier la tolérance aux niveaux de perturbations à tous les stades du cycle de reproduction de l'espèce.

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