Mûrier rouge (Morus rubra): évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2014

Mûrier rouge
Mûrier rouge
Photo : J.D. Ambrose. © Environment Canada, 2015

En voie de disparition
2014

Table of Contents

Liste des figures

Liste des tableaux

Information sur le document

COSEPAC
Comité sur la situation
des espèces en péril
au Cananda

Logotype du COSEPAC

COSEWIC
Committee on the Status
of Endangered Wildlife
in Canada

Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :

COSEPAC. 2014. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur lemûrier rouge (Morus rubra) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. xi + 25 p. (Registre public des espèces en péril).

Rapport(s) précédent(s) :

COSEPAC. 2000. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur le mûrier rouge (Morus rubra) au Canada – Mise à jour. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. vi + 11 p. (Registre public des espèces en péril - Rapports de situation).

AMBROSE, J.D. 1999. Rapport du COSEPAC sur la situation du mûrier rouge (Morus rubra) au Canada in Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la situation du mûrier rouge (Morus rubra) au Canada – Mise à jour. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. Pages 1-11.

AMBROSE, J.D. 1987. COSEWIC status report on the red mulberry Morus rubra in Canada. Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada. 21 p.

Note de production :

Le COSEPAC remercie John Ambrose d’avoir rédigé le rapport de situation sur le mûrier rouge (Morus rubra) au Canada, aux termes d’un marché conclu avec Environnement Canada. La supervision et la révision du rapport ont été assurées par Jeannette Whitton et Bruce Bennett, coprésidents du Sous-comité de spécialistes des plantes vasculaires.

Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, s’adresser au :

Secrétariat du COSEPAC
a/s Service canadien de la faune
Environnement Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0H3

Tél. : 819-938-4125
Téléc. : 819-938-3984
Courriel : COSEPAC courriel
Site web : COSEPAC

Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Status Report on the Red Mulberry Morus rubra in Canada.

Illustration/photo de la couverture :

Mûrier rouge -- Photo : J.D. Ambrose.

COSEPAC Sommaire de l’évaluation

Sommaire de l’évaluation – novembre 2014

Nom commun
Mûrier rouge
Nom scientifique
Morus rubra
Statut
En voie de disparition
Justification de la désignation
Le nombre d'individus matures et de sous-populations de cet arbre de petite à moyenne taille des forêts caroliniennes du sud de l'Ontario a connu un déclin depuis la dernière évaluation du COSEPAC en 2000. On sait que seulement 217 individus au total sont présents au Canada, et que seulement 105 de ces individus sont considérés comme étant en âge de se reproduire. Seulement quatre sous-populations ont plus de cinq individus reproducteurs. La plus grande menace pesant sur l'espèce est l'hybridation avec le mûrier blanc non indigène. Les effets de la maladie du chancre des rameaux contribuent également aux déclins. À deux sites, la nidification par le Cormoran à aigrettes représente une menace importante.
Répartition
Ontario
Historique du statut
Espèce désignée « menacée » en avril 1987. Réexamen du statut : l'espèce a été désignée « en voie de disparition » en avril 1999. Réexamen et confirmation du statut en mai 2000 et en novembre 2014.

COSEPAC Résumé

Mûrier rouge
Morus rubra

Description et importance de l’espèce sauvage

Le mûrier rouge est un arbre de taille petite à moyenne (haut de 6 à 20 m), qui atteint à l’occasion l’étage arborescent inférieur et pousse en forêt dans les plaines inondables, les vallées et les terrains bas. L’écorce de l’arbre adulte est caractéristique, avec ses plaques lâches de forme allongée et de couleur havane grisâtre clair. Les feuilles sont alternes, non lobées, bilobées ou trilobées, longues de 9 à 24 cm, presque aussi larges que longues, longuement acuminées, grossièrement dentées, à base large ou cordiforme, à face supérieure rugueuse et mate et à sève laiteuse. Les fleurs sont réunies en chatons vert jaunâtre (ou parfois rougeâtres) et apparaissent pendant la feuillaison. L’arbre est normalement unisexué. L’espèce produit des fruits comestibles, sucrés, rouges à violet foncé, longs de 2 à 3 cm, ressemblant aux mûres du genre Rubus, mais allongées.

Répartition

Le mûrier rouge est indigène dans une bonne partie de l’est et du centre des États-Unis ainsi que dans le sud de l’Ontario, au Canada. Son aire s’étend depuis le Vermont jusqu’au sud de la Floride; vers l’ouest, elle s’étend jusqu’à l’État de New York, au sud de l’Ontario et au Minnesota dans le nord et jusqu’à la côte du golfe du Mexique et au Texas dans le sud.

Habitat

En Ontario, le mûrier rouge se rencontre dans les forêts caroliniennes du sud de l’Ontario. L’espèce se rencontre généralement dans des milieux forestiers humides à sol sableux ou calcaire, notamment dans les plaines inondables, les vallées fluviales, les versants de l’escarpement du Niagara et les dépressions des flèches de sable.

Biologie

Le mûrier rouge est une espèce pollinisée par le vent dont les individus sont unisexués ou parfois bisexués. La feuillaison est tardive dans le sud de l’Ontario, et la floraison a lieu de la fin mai à la mi-juin. Les fruits sont comestibles et arrivent à maturité entre le milieu et la fin de juillet dans le sud de l’Ontario. Ils sont dispersés par les oiseaux. Les petits mammifères pourraient également être d’importants agents de dispersion.

Taille et tendances de la population

La population canadienne connue de mûrier rouge comprend en tout 217 individus, dont seulement 105 sont considérés comme matures (plus de 10 cm de diamètre à hauteur de poitrine). Le nombre d’individus matures a donc diminué de 6,3 % depuis la dernière évaluation, malgré la découverte continuelle de nouveaux individus dans certains sites. Au Canada, le mûrier rouge compte 19 occurrences connues, donc seulement 4 renferment au moins 5 individus matures et dont seulement 5 renferment plus de 10 individus au total. De plus, 3 des 19 sous-populations semblent avoir disparu depuis la dernière évaluation du COSEPAC, réalisée en 2000, et un déclin prononcé du nombre d’individus matures a été constaté dans deux sous-populations.

Menaces et facteurs limitatifs

L’hybridation avec le mûrier blanc semble être la principale menace qui pèse sur le mûrier rouge au Canada. Des maladies provoquant l’apparition de chancres sur les rameaux ou encore une brûlure ou un dépérissement des rameaux contribuent également aux déclins observés. Le Cormoran à aigrettes et les plantes exotiques envahissantes nuisent au mûrier rouge dans le cas des sous-populations de certaines îles du lac Érié. Le broutage des jeunes gaules par le cerf de Virginie et le broutage des jeunes semis par des gastropodes réduisent le taux de recrutement du mûrier rouge dans les sous-populations où ces herbivores forment des populations nombreuses. Toutes ces menaces sont probablement exacerbées par les pertes de milieux naturels survenues dans le passé et par la dégradation continue de ces milieux, ce qui entraîne une fragmentation de l’habitat potentiel de l’espèce.

Protection, statuts et classements

En 1987, au moment de sa première évaluation par le COSEPAC, le mûrier rouge a été considéré comme une espèce menacée. En 2000 et 2014, le COSEPAC a réévalué ce statut et a jugé que l’espèce était en voie de disparition. Le mûrier rouge figure à l’annexe 1 de la LEP, et la version finale d’un programme de rétablissement national a été publiée en 2011. Le mûrier rouge est par ailleurs désigné « espèce en voie de disparition » aux termes de la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition de l’Ontario. Toutes les plus grandes populations de l’espèce se trouvent au moins en partie sur des terres publiques qui sont jusqu’à un certain point gérées à des fins de conservation.

Résumé technique

Nom scientifique :
Morus rubra
Nom français :
Mûrier rouge
Nom anglais :
Red Mulberry
Répartition au Canada :
Sud-ouest de l'Ontario

Données démographiques

  • Durée d’une génération

    • La plage indiquée prend en compte les âges moyens de première fructification (10 ans) et de fructification maximale (30 ans).
  • Y a-t-il un déclin continu observé du nombre total d'individus matures?

    • Oui
  • Pourcentage observé de réduction du nombre total d'individus matures au cours des dix dernières années.

    Les activités de recherche sont insuffisantes pour qu'on puisse estimer la réduction survenue au cours des 10 dernières années.

    • Inconnu
  • Pourcentage prévu de réduction du nombre total d'individus matures au cours des dix prochaines années.

    Les données disponibles ne permettent aucune prévision.

    • Inconnu
  • Pourcentage observé de réduction du nombre total d'individus matures au cours des 25 dernières années.

    Certaines populations ont subi une grave réduction, d'autres sont plus stables. Depuis les relevés antérieurs les plus récents (généralement vers 2000), la réduction globale a été de 6,3 % pour les individus matures et de 14,6 % pour les individus de toute taille, malgré la découverte d'individus dans des secteurs qui n'avaient pas été fouillés.

    • 6,3 %
  • Est-ce que les causes du déclin sont clairement réversibles et comprises?

    Les menaces sont connues, mais on ne sait pas exactement si des mesures de gestion pourraient éliminer le risque d'hybridation, et la maladie provoquant des chancres demeure mal caractérisée.

    • Non
  • Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d'individus matures?

    • Non

Information sur la répartition

  • Superficie estimée de la zone d'occurrence (depuis Niagara Falls jusqu'à Windsor)

    • 18 700 km²
  • Indice de zone d'occupation (IZO)

    La population totale est-elle gravement fragmentée?

    La destruction passée de l'habitat a laissé des secteurs isolés de milieux propices, séparés par des distances probablement supérieures aux distances de dispersion du pollen et des graines.

    • Oui
  • Nombre de localités

    Hybridation avec le mûrier blanc : 1 ou 2 localités
    Cormoran à aigrettes : 2 localités

    • Probablement 3 ou 4
  • Y a-t-il un déclin continu observé de la zone d'occurrence?

    • Non
  • Y a-t-il un déclin continu prévu de l'indice de zone d'occupation?

    La plupart des occurrences sont constituées de moins de 5 individus.

    • Oui
  • Y a-t-il un déclin continu observé du nombre de populations?

    Trois des sous-populations ne comprenaient plus aucun individu au moment des relevés de 2011 et sont présumées disparues.

    • Oui
  • Y a-t-il un déclin continu observé du nombre de localités?

    • Non
  • Y a-t-il un déclin continu observé de la superficie, de l'étendue ou de la qualité de l'habitat?

    La plus grande partie de la destruction de l'habitat est survenue à une époque historique, et la plupart des sous-populations restantes se trouvent dans des zones protégées. Les facteurs de dégradation de l'habitat tels que la présence du mûrier blanc et celle du Cormoran à aigrettes agissent depuis au moins trois générations, mais ils continuent de nuire à la qualité de l'habitat.

    • Oui
  • Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre de populations?

    • Non
  • Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre de localités?

    • Non
  • Y a-t-il des fluctuations extrêmes de la zone d'occurrence?

    • Non
  • Y a-t-il des fluctuations extrêmes de l'indice de zone d'occupation?

    • Non

Nombre d'individus (dans chaque sous-population)

  • Sous-population ou occurrence

    • Chatham-Kent : Parc provincial Rondeau
      • Nombre d’individus matures : 11
    • Essex : Pointe Fish
      • Nombre d’individus matures : 8
    • Alvar du chemin Stone
      • Nombre d’individus matures : 1
    • Île East Sister
      • Nombre d’individus matures : 3
    • Île Middle
      • Nombre d’individus matures : 0
    • Pointe Pelée
      • Nombre d’individus matures : 2
    • Anderson/Kingsville
      • Nombre d’individus matures : 0
    • For the Birds
      • Nombre d’individus matures : 1
    • Boisé Mailloux
      • Nombre d’individus matures : 1
    • Boisé Mitchell
      • Nombre d’individus matures : 1
    • LaSalle
      • Nombre d’individus matures : 0
    • Halton : de Clappison à Waterdown
      • Nombre d’individus matures : 5
    • Hamilton : de Berry à Rock Chapel
      • Nombre d’individus matures : 64
    • Niagara : Chutes Ball
      • Nombre d’individus matures : 2
    • Vallée et promenade du Niagara
      • Nombre d’individus matures : 4
    • St. Davids
      • Nombre d’individus matures : 2
  • Nombre total d'individus matures de plus de 10 cm de diamètre à hauteur de poitrine
    • 105
  • Nombre total d'individus (de toute classe de taille)
    • (217)
  • Nombre de sous-populations présumées disparues depuis la dernière mise à jour
    • Niagara : Pendale [INDIVIDU MORT]
      • Nombre d’individus matures : 1
    • Leawood Court [INDIVIDU NON RETROUVÉ]
      • Nombre d’individus matures : 1
    • Essex : Ojibway [INDIVIDU NON RETROUVÉ]
      • Nombre d’individus matures : 1

Analyse quantitative

  • Probabilité de disparition de l'espèce à l'état sauvage.

    • Analyse non réalisée

Menaces actuelles pour les populations et leur habitat

Hybridation avec une espèce exotique, le mûrier blanc.
Maladies provoquant des chancres dans les rameaux.
Nidification du Cormoran à aigrettes à l’île Middle et à l’île East Sister.
Destruction et dégradation de l’habitat.
Autres plantes exotiques envahissantes (outre le mûrier blanc).
Broutage des semis et des juvéniles par des herbivores, particulièrement le cerf de Virginie et les gastropodes.

Immigration de source externe (immigration de l'extérieur du Canada)

  • Situation des populations de l'extérieur
    • Dans les 35 États des États-Unis où l’espèce a déjà été signalée à l’état naturel, celle-ci est jugée en péril à vulnérable dans 4 États du nord, peut-être disparue dans 1 État, non classée dans 20 États et non en péril ou apparemment non en péril dans seulement 8 États (NatureServe, 2013). Dans ces États, l’hybridation avec le mûrier blanc et les maladies à chancres ont des impacts semblables sur les populations de mûrier rouge.
  • Une immigration a-t-elle été constatée ou est-elle possible?

    Le faible effectif des populations des États voisins (Michigan, Ohio et New York) laisse croire qu’une dispersion transfrontalière serait très improbable.

    • Elle est improbable.
  • Des individus immigrants seraient-ils adaptés pour survivre au Canada?

    Oui, s’ils proviennent de populations situées dans les États voisins.

    • Probablement
  • Y a-t-il suffisamment d'habitat disponible au Canada pour les individus immigrants?

    Il y a eu réduction de la superficie de milieux propices, mais les superficies existantes d’habitat sont occupées de manière clairsemée.

    • Une superficie limitée d'habitat est disponible.
  • La possibilité d'une immigration depuis des populations externes existe-t-elle?

    Une dispersion à longue distance est sans doute possible, mais il est très probable que les immigrants constitueraient un apport supplémentaire de sujets résultant d'une hybridation avec le mûrier blanc. De plus, le taux de recrutement est faible.

    • Non

Historique du statut

COSEPAC : Espèce désignée « menacée » en avril 1987. Réexamen du statut : l’espèce a été désignée « en voie de disparition » en avril 1999. Réexamen et confirmation du statut en mai 2000 et novembre 2014.

Statut et justification de la désignation :

Statut :
En voie de disparition
Code alphanumérique :
B2ab(ii,iii,iv,v); C2a(i); D1
Justification de la désignation :
Le nombre d’individus matures et de sous-populations de cet arbre de petite à moyenne taille des forêts caroliniennes du sud de l’Ontario a connu un déclin depuis la dernière évaluation du COSEPAC en 2000. On sait que seulement 217 individus au total sont présents au Canada, et que seulement 105 de ces individus sont considérés comme étant en âge de se reproduire. Seulement quatre sous-populations ont plus de cinq individus reproducteurs. La plus grande menace pesant sur l’espèce est l’hybridation avec le mûrier blanc non indigène. Les effets de la maladie du chancre des rameaux contribuent également aux déclins. À deux sites, la nidification par le Cormoran à aigrettes représente une menace importante.

Applicabilité des critères

Critère A (déclin du nombre total d’individus matures) :
Critère non satisfait. Les données de tendance sont insuffisantes pour qu’on puisse quantifier le déclin.
Critère B (petite aire de répartition, et déclin ou fluctuation) :
Correspond au critère de la catégorie « en voie de disparition », B2ab(ii,iii,iv,v). L’IZO est inférieur au seuil fixé, il y a moins de 5 localités, et la population est considérée comme gravement fragmentée. Il y un déclin observé de l’IZO, du nombre de sous-populations et du nombre d’individus matures ainsi qu’un déclin inféré de la qualité de l’habitat.
Critère C (nombre d’individus matures peu élevé et en déclin) :
Correspond au critère de la catégorie « en voie de disparition », D1. Le nombre total d’individus matures est inférieur à 250.
Critère D (très petite population totale ou répartition restreinte) :
Correspond au critère « espèce menacée », D1, compte tenu du nombre estimé d’individus matures (583; IC à 95 % = 444-770).
Critère E (analyse quantitative) :
Critère non satisfait. Aucune analyse n’est disponible.

Préface

Le mûrier rouge a poursuivi son déclin depuis la dernière mise à jour, faite en 2000; trois sites qui comportaient un seul individu sont disparus au cours de la période. Les plus grandes sous-populations du comté d’Essex et de la région du Niagara subissent également une diminution appréciable de leur effectif. Pour éviter la disparition de ces sous-populations situées sur des terres fédérales et provinciales, il faut prendre immédiatement des mesures de rétablissement. De telles mesures sont en cours dans la grande sous-population de Hamilton, située le long de l’escarpement du Niagara, ces mesures comprenant des relevés périodiques, des campagnes d’élimination du mûrier blanc et de premiers essais de multiplication, dans tous les cas sous la direction du personnel des Jardins botaniques royaux. Le mûrier rouge a récemment fait l’objet d’une thèse de doctorat comprenant une analyse de l’hybridation et de son impact (Burgess, 2004). L’Agence Parcs Canada a publié en 2011 un programme de rétablissement comprenant une désignation de l’habitat essentiel.

Historique du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le Comité a été créé pour satisfaire au besoin d’une classification nationale des espèces sauvages en péril qui soit unique et officielle et qui repose sur un fondement scientifique solide. En 1978, le COSEPAC (alors appelé Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) promulguée le 5 juin 2003, le COSEPAC est un comité consultatif qui doit faire en sorte que les espèces continuent d’être évaluées selon un processus scientifique rigoureux et indépendant.

Mandat du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) évalue la situation, au niveau national, des espèces, des sous-espèces, des variétés ou d’autres unités désignables qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées aux espèces indigènes comprises dans les groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, arthropodes, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.

Composition du COSEPAC

Le COSEPAC est composé de membres de chacun des organismes responsables des espèces sauvages des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (le Service canadien de la faune, l’Agence Parcs Canada, le ministère des Pêches et des Océans et le Partenariat fédéral d’information sur la biodiversité, lequel est présidé par le Musée canadien de la nature), de trois membres scientifiques non gouvernementaux et des coprésidents des sous-comités de spécialistes des espèces et du sous-comité des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit au moins une fois par année pour étudier les rapports de situation des espèces candidates.

Définitions (2014)

Espèce sauvage
Espèce, sous-espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte d’animal, de plante ou d’un autre organisme d’origine sauvage (sauf une bactérie ou un virus) qui est soit indigène du Canada ou qui s’est propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins cinquante ans.
Disparue (D)
Espèce sauvage qui n’existe plus.
Disparue du pays (DP)
Espèce sauvage qui n’existe plus à l’état sauvage au Canada, mais qui est présente ailleurs.
En voie de disparition (VD)
(Remarque : Appelée « espèce disparue du Canada » jusqu’en 2003.)
Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente.
Menacée (M)
Espèce sauvage susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitants ne sont pas renversés.
Préoccupante (P)
(Remarque : Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu’en 2000.)
Espèce sauvage qui peut devenir une espèce menacée ou en voie de disparition en raison de l'effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle.
Non en péril (NEP)
(Remarque : Appelée « espèce rare » jusqu’en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.)
Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné les circonstances actuelles.
Données insuffisantes (DI)
(Remarque :Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».)
Une catégorie qui s’applique lorsque l’information disponible est insuffisante (a) pour déterminer l’admissibilité d’une espèce à l’évaluation ou (b) pour permettre une évaluation du risque de disparition de l’espèce.

Remarque : Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu’en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999. Définition de la catégorie (DI) révisée en 2006.

Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.

Description et importance de l’espèce sauvage

Nom et classification

Nom scientifique : Morus rubra L.

Synonyme : Morus rubra var. tomentosa (Rafinesque) Bureau

Noms communs : mûrier rouge (français), red mulberry (anglais).

Famille : Moracées

Grand groupe végétal : Eudicotylédones

Galla et al. (2009) ont décrit une nouvelle espèce de mûrier, le Morus murrayana, en se fondant principalement sur la taille inhabituelle des feuilles au sein d’une population du Kentucky. Nepal et al. (2012) ont résumé les données morphologiques et moléculaires disponibles et en ont conclu que le M. murrayana fait en réalité partie de la variation naturelle du mûrier rouge. A. Reznicek, de l’Université du Michigan, considère également que cette nouvelle espèce n’est pas valide (comm. pers., 8 février 2012). Burgess doute également de la validité de cette espèce (comm. pers., 2012). Quoi qu’il en soit, la nouvelle espèce proposée n’est pas présente au Canada.

Description morphologique

Le mûrier rouge est un arbre petit à moyen, haut de 6 à 20 m, atteignant à l’occasion l’étage arborescent inférieur des forêts de feuillus mélangés de plaines inondables, de vallées et de versants humides. Chez l’arbre adulte, l’écorce présente des plaques lâches de forme allongée irrégulière et de couleur havane grisâtre clair (figure 1). Les feuilles sont alternes, minces, rugueuses, longues de 9 à 24 cm, presque aussi larges que longues, les unes non lobées et les autres bilobées ou trilobées; la base du limbe est large à cordiforme, sa pointe est longue et atténuée, sa marge est grossièrement dentée en scie, et sa face supérieure est terne; la sève est laiteuse (figure 2). Les fleurs sont réunies en chatons pendants, vert jaunâtre ou parfois rougeâtres, et elles apparaissent vers le début de la feuillaison. Les chatons sont unisexués; les chatons mâles et femelles se trouvent généralement sur des arbres différents, mais il arrive qu’ils se rencontrent sur le même arbre. Les fruits sont cylindriques, sucrés et comestibles, longs de 2 à 3 cm, constitués de nombreuses drupéoles qui passent de rouges à violet foncé à mesure qu’elles mûrissent.

Figure 1. Écorce d'un mûrier rouge adulte, à Waterdown.
Écorce d'un mûrier rouge adulte, à Waterdown
Photo : J.D. Ambrose
Description longue pour la figure 1

Photo en gros plan de l’écorce d’un mûrier rouge adulte, où on peut voir les plaques lâches de couleur havane grisâtre clair et de forme allongée et irrégulière.

Figure 2. Feuilles et fruits du mûrier rouge, dans le secteur des chutes Ball.
Feuilles et fruits du mûrier rouge
Photo : J.D. Ambrose
Description longue pour la figure 2

Photo d’une tige de mûrier rouge portant des feuilles et des fruits. Les feuilles sont alternes, entières à trilobées et presque aussi larges que longues. Le limbe est mince et rugueux, sa base est large à cordiforme, sa pointe est longue et atténuée, sa marge est grossièrement dentée en scie, et sa face supérieure est terne. La sève est laiteuse. Les fruits sont constitués de nombreuses drupéoles qui passent du vert au rouge, puis au violet foncé en mûrissant.

L’identification du mûrier rouge est compliquée par la présence d’une espèce asiatique naturalisée, le mûrier blanc (Morus alba), dans une bonne partie du sud de l’Ontario. Les deux espèces coexistent dans la plupart des sites du mûrier rouge, et les hybrides sont fréquents. Les illustrations fournies par de nombreux guides de terrain sont ambiguës et n’aident guère à distinguer les deux espèces et leurs hybrides. Des descriptions considérées comme exactes et représentatives du mûrier rouge à l’état pur sont proposées par Waldron (2003), Braun (1961), Harlow et Harrar (1969), Peattie (1950) et Tomlinson (1980) ainsi que par les sites Web de Carolina Nature (2013) et du ministère des Richesses naturelles de l’Ontario (OMNR, 2013).

Le mûrier blanc se distingue par ses feuilles plus petites et généralement plus épaisses, non rugueuses, à pointe non acuminée. Les chatons et les fruits sont plus courts, et ils sont raides plutôt que pendants. L’écorce est généralement plus ferme, avec des crêtes plus marquées. De plus, une teinte orangée caractéristique est visible entre les crêtes de l’écorce des arbres jeunes ou d’âge moyen ainsi que sur les racines, souvent exposées lorsque l’arbre pousse près d’un rivage.

Structure spatiale et variabilité des populations

Le mûrier rouge n’a probablement jamais été commun ou abondant au Canada. Les occurrences connues se concentrent dans deux secteurs du sud-ouest de l’Ontario. Le premier de ces secteurs se trouve à l’extrémité est du lac Érié, dans le comté d’Essex et la municipalité de Chatham-Kent, et l’espèce y pousse sur des flèches de sable ou parfois dans des alvars, avec quelques occurrences isolées et plus petites à l’intérieur des terres, en sol argilo-loameux calcaire. Le deuxième secteur se trouve dans la région du Niagara. Les occurrences du secteur Essex-Chatham-Kent se trouvent généralement en terrain sableux et plutôt dégagé, tandis que celles de la région du Niagara se trouvent le long des versants calcaires humides de l’escarpement du Niagara. Les deux secteurs correspondent peut-être à des voies de migration différentes à partir de l’aire de répartition principale de l’espèce, située aux États-Unis. Ils pourraient également être les restes d’une série autrefois continue d’occurrences situées le long de la rive nord du lac Érié.

La plupart des occurrences connues renferment un très petit nombre d’individus; seulement 5 des 19 sites recensés par Parcs Canada (Parks Canada Agency, 2011) abritaient plus de 10 individus de toutes les classes de taille. Si on ne compte que les individus de plus de 10 cm de diamètre à hauteur de poitrine (DHP), seulement 2 sites comprennent plus de 10 individus. Il est donc probable que seulement quelques-unes des occurrences canadiennes du mûrier rouge correspondent à des populations véritables au sens biologique, capables de se reproduire et de se maintenir, et on pourrait juger plus approprié de considérer la population canadienne comme une seule métapopulation, ayant connu localement des disparitions et des recolonisations. Quoi qu’il en soit, dans le présent rapport, nous considérons les sites séparés par une distance de plus de 1 km comme des sous-populations, car on créerait de la confusion en appelant « occurrences » des sites ne comportant que quelques individus, ou en appelant « sous-populations » des sites ayant la capacité de se maintenir par eux-mêmes.

Un autre facteur ayant un effet critique sur la structure de la population est l’hybridation fréquemment observée entre le mûrier rouge et le mûrier blanc, espèce exotique introduite d’Asie au 17e siècle. Le mûrier blanc est aujourd’hui naturalisé en Amérique du Nord, et il est même plus commun que le mûrier rouge dans de nombreuses parties de l’aire de répartition de cette espèce, notamment dans le sud de l’Ontario. Burgess et al. (2005) ainsi que Burgess et Husband (2008) ont étudié l’hybridation des deux espèces en Ontario, et on trouvera des précisions à ce sujet dans la section Relations interspécifiques.

Unités désignables

Au Canada, une seule unité désignable est reconnue. Toutes les sous-populations et tous les individus se trouvent dans l’écozone des Plaines à forêts mixtes et sont confinés à un secteur relativement petit du sud-ouest de l’Ontario, lequel secteur est appelé dans cette province « zone carolinienne ». Il existe des différences écologiques entre les sites de la région du Niagara et ceux des rives du lac Érié, mais rien n’indique qu’il y ait des différences génétiques ou écologiques entre les individus poussant dans ces deux secteurs voisins.

Importance de l’espèce

Le mûrier rouge fait partie d’un cortège d’espèces d’arbres atteignant la limite nord de leur répartition dans l’extrême sud-ouest de l’Ontario. Il possède en outre une grande spécificité d’habitat, comme l’indique le « coefficient de conservatisme » de 10 que lui a attribué le Centre d’information sur le patrimoine naturel (NHIC, 2004). Le mûrier rouge est la seule espèce de la famille des Moracées à être indigène du Canada. Sa présence au pays est si localisée qu’elle a peu d’importance comme source de nourriture pour les humains et les animaux sauvages. Comme l’espèce est difficile à implanter dans les milieux ne possédant pas les caractéristiques idéales, elle est rarement cultivée.

Autrefois, les Premières Nations utilisaient le mûrier rouge contre divers maux et principalement, sous forme d’infusion de l’écorce ou des racines, contre divers troubles digestifs. La sève a été utilisée contre des troubles de la peau. Les fruits étaient consommés à l’état frais ou séchés et conservés pour utilisation future (Moerman, 2013).

Répartition

Aire de répartition mondiale

Le mûrier rouge est indigène dans une bonne partie de l’est et du centre des États-Unis ainsi que dans le sud de l’Ontario, au Canada. Son aire de répartition s’étend depuis le Vermont jusqu’au sud de la Floride; dans le nord, elle s’étend vers l’ouest jusqu’à l’État de New York, au sud de l’Ontario et au Minnesota; dans le sud, elle s’étend vers l’ouest jusqu’à la côte du golfe du Mexique et au Texas (figure 3).

Figure 3. Aire de répartition générale du mûrier rouge en Amérique du Nord (d'après Little, 1971).
Aire de répartition générale du mûrier rouge
Description longue pour la figure 3

Carte de l’aire de répartition mondiale du mûrier rouge, dans l’est de l’Amérique du Nord. L’espèce est présente depuis le Vermont jusqu’au sud de la Floride; au nord, son aire s’étend depuis l’État de New York jusqu’au Minnesota, en passant par le sud de l’Ontario, et au sud, depuis le Texas jusqu’au golfe du Mexique.

Aire de répartition canadienne

Au Canada, le mûrier rouge est confiné à la zone carolinienne du sud de l’Ontario (figure 4; tableau 1), où il se rencontre dans la municipalité de Chatham-Kent, dans le comté d’Essex, dans de petites forêts humides reliquales des environs de Windsor, sur les flèches de sable de la pointe Pelée, de l’île Pelée et du parc Rondeau ainsi que dans les alvars boisés des îles Pelée, Middle et East Sister. Autrefois, on le trouvait dans d’autres milieux boisés de la partie continentale de la province, mais ces populations semblent avoir été détruites par le déboisement et la dégradation de l’habitat (Ambrose, 1987).

Figure 4. Aire de répartition canadienne du mûrier rouge. Les points rouges correspondent aux sous-populations ou individus existants.
Aire de répartition canadienne du mûrier rouge
Carte dressée en 2013 par le personnel technique du COSEPAC
Description longue pour la figure 4

Carte montrant la répartition des occurrences existantes de mûrier rouge au Canada. L’espèce est limitée à la zone carolinienne du sud de l’Ontario, où elle se rencontre dans la municipalité de Chatham-Kent, dans le comté d’Essex, dans de petites forêts humides reliquales des environs de Windsor, sur les flèches de sable de la pointe Pelée, de l’île Pelée et du parc provincial Rondeau ainsi que dans les alvars boisés des îles Pelée, Middle et East Sister. Des sous-populations importantes se trouvent le long de l’escarpement du Niagara et plus précisément dans la vallée du Niagara, dans les secteurs boisés plus élevés des terres de la promenade du Niagara, dans le secteur des chutes Ball ainsi que sur les versants sud de la partie de l’escarpement allant de Waterdown à Dundas.

Tableau 1. Nombre d'individus du mûrier rouge (dans chaque sous-population)
Sous-population ou occurrence PropriétéNoteadu tableau 1 Nombre d’ind. maturesNotebdu tableau 1 (nombre total d’ind.) en 2011 Nombre d’ind. maturesNotebdu tableau 1 (nombre total d’ind.) selon observation antérieure Auteur et date de l’observation antérieureNotecdu tableau 1 Changement dans le nombre d’ind. matures Changement dans le nombre total d’ind.
Chatham-Kent : Parc prov. Rondeau Parcs Ontario 11 (15) 5 (15) JA, 1999 +6 0
Comté d’Essex : île Pelée, pointe Fish Parcs Ontario 8 (17) 6 (37) JA, 1999 +2 -20
Alvar du chemin Stone OPN de la région d’Essex 1 (1) 2 (2) JA, 1987 -1 -1
Île East Sister Parcs Ontario 3 (3) 1 (9) KB, 2000 +2 -6
Île Middle Parcs Canada 0 (6) 0 (8) JA et KB, 2001 0 -2
Pointe Pelée Parcs Canada 2 (3) 10 (22) JA, 1999 -8 -19
Anderson et Kingsville Terres privées 0 (1) 0 (1) DJ, 2001 0 0
For the Birds et Colchester Terres privées 1 (2) 2 (2) DJ, 2001 -1 0
Boisé Mailloux et ruisseau Big Terres privées 1 (1) 1 (1) GW, 2000 0 0
Boisé Mitchell et rivière aux Canards Terres privées 1 (1) 1 (1) GW, 2001 0 0
LaSalle Ville de LaSalle et terres privées 0 (1) 1 (1) JA, 1999 -1 0
Ojibway [NON RETROUVÉE]Noteddu tableau 1 Inconnue 0 ? (1) DJ, 2001 0 -1
Halton : de Clappison à Waterdown Cons. Halton 5 (11) 6 (8) RBG, 2001 -1 +3
Hamilton : de Berry à Rock Chapel Cons. Halton 64 (126) 58 (113) RBG, 2001 +6 +13
Niagara : Chutes Ball OPN de la péninsule du Niagara 2 (5) 4 (8) JA, 1987 -2 -3
Vallée du Niagara et Promenade du Niagara Parcs Niagara et Hydro One 4 (22) 11 (21) JA, 1999 -7 +1
St. David’s Terres privées 2 (2) 2 (2) JA, 2004 0 0
Pendale [INDIVIDU MORT]Noteddu tableau 1 Univ. Brock 0 1 (1) JA, 1999 -1 -1
Leawood Court [NON RETROUVÉE]Noteddu tableau 1  Terres privées 0 1 (1) PC, 2010 -1 -1
Total - 105 (217)  112 (254) - -7/112
-6,3 %
-37/254
-14,6 %

On trouve des sous-populations importantes de mûrier rouge le long de l’escarpement du Niagara et plus précisément dans la vallée du Niagara, dans les secteurs boisés plus élevés des terres de la promenade du Niagara, dans le secteur des chutes Ball ainsi que sur les versants sud de la partie de l’escarpement allant de Waterdown à Dundas, avec quelques individus poussant ailleurs entre ces sites. D’autres sites de mûrier blanc et d’hybrides ont été signalés (Ambrose, 1987), ce qui laisse croire qu’on devait autrefois aussi y trouver des mûriers rouges. Un de ces sites où poussent des hybrides se trouve dans la partie ouest de Toronto, dans l’aire de répartition historique de l’espèce, qui s’est déjà étendue jusqu’à Whitby. Ce site ainsi que d’autres sites historiques ne semblent plus abriter de populations pures de mûrier rouge.

Le mûrier rouge a été signalé à titre d’espèce exotique en Colombie-Britannique (NatureServe, 2013). Les individus de cette occurrence non indigène ne sont pas considérés comme faisant partie de l’espèce sauvage au Canada et sont donc exclus de la présente évaluation.

Zone d’occurrence et zone d’occupation

Au Canada, la zone d’occurrence du mûrier rouge est estimée à 18 700 km2, et son indice de zone d’occupation est de 104 km2.

Activités de recherche

Dans le cadre des travaux de terrain menés en 2011 pour la présente mise à jour, des secteurs de l’escarpement du Niagara présentant des milieux propices à l’espèce et se trouvant à proximité de sites connus ont été fouillés par les rédacteurs du présent rapport, qui y ont trouvé quelques individus, lesquels sont pris en compte dans les totaux du tableau 1. La plupart des autres secteurs comportant de plus grandes sous-populations connues avaient déjà fait l’objet de relevés exhaustifs, mais de nouveaux individus y ont été découverts à l’occasion. Environ 23 journées-personnes ont été consacrées aux travaux de terrains menés pour la présente mise à jour. Du temps additionnel a été consacré par des employés de Parcs Ontario pour le relevé mené à l’île East Sister.

Habitat

Besoins en matière d’habitat

En Ontario, le mûrier rouge se rencontre d’une part en sol sableux, près du lac Érié, dans des milieux boisés de type micocoulier – genévrier de Virginie – érable à sucre, et d’autre part en sol calcaire, le long de l’escarpement du Niagara et dans certaines îles du lac Érié, dans des milieux boisés de type érable à sucre – tilleul d’Amérique – frêne blanc – chêne rouge – micocoulier – ostryer. Le mûrier rouge pousse généralement dans des forêts humides, notamment sur des versants et terrasses de l’escarpement du Niagara où l’humidité demeure élevée, dans des plaines inondables, dans des vallées fluviales ainsi que dans les dépressions des flèches de sable de la pointe Pelée, de la pointe Fish (à l’île Pelée) et de la pointe aux Pins (dans le parc provincial Rondeau). La répartition des sites encore existants et des mentions anciennes semble indiquer que l’espèce a déjà été plus fréquente dans les forêts humides situées au delà de l’escarpement du Niagara et des rivages du lac Érié, mais la plupart de ces sites ont été éliminés par le déboisement, qui a été extrême dans le comté d’Essex et dans la municipalité de Chatham-Kent. Une petite forêt humide située près de LaSalle est probablement constituée des restes d’une forêt qui était plus étendue dans le passé. Elle abrite actuellement un seul mûrier rouge à l’état pur, plus une variété de mûriers blancs et de mûriers hybrides.

Tendances en matière d’habitat

Les pertes de milieux naturels ont été importantes dans la zone carolinienne de l’extrême sud-ouest de l’Ontario. Dans le comté d’Essex, la couverture forestière est aujourd’hui inférieure à 5 % (ERCA, 2002), et l’Office de protection de la nature (OPN) de la région d’Essex mène une campagne pour restaurer cette couverture. Cependant, dans la municipalité de Chatham-Kent, en l’absence de réglementation effective de protection des forêts, une progression du déboisement peut être observée presque chaque année le long des routes. La plus grande des sous-populations se trouve dans un secteur où son habitat est protégé, le long de l’escarpement du Niagara.

À la suite de la première évaluation de l’espèce par le COSEPAC (Ambrose, 1987), on a entrepris une destruction du mûrier blanc dans le cadre de la gestion des sous-populations de la pointe Pelée et de la pointe Fish. Si on en juge par la vigueur actuelle de la repousse de mûrier blanc dans ces parcs, la mesure ne semble pas avoir été très appliquée au cours des dernières années.

Biologie

Le mûrier rouge est une composante mineure des forêts humides constituant son habitat. Cet arbre pousse normalement dans le sous-étage et n’atteint qu’occasionnellement l’étage supérieur. La feuillaison est tardive dans le sud de l’Ontario, et l’espèce se remarque par l’absence de feuilles vers la fin du printemps. On a observé que les feuilles et les chatons commencent à se déployer entre le 15 et le 24 mai et que le pollen est libéré entre le 27 mai et le 14 juin, alors que les feuilles sont encore en train de se déployer (Ambrose, 1987). Les fruits atteignent la maturité entre le milieu et la fin de juillet dans le sud de l’Ontario et sont dispersés par les oiseaux. Les petits mammifères peuvent également s’avérer d’importants agents de dispersion. Des semis ont été observés à la fin août le long de sentiers humides et ombragés de la pointe Pelée où des fruits étaient tombés un mois plus tôt.

On a observé de jeunes gaules de mûrier rouge dans certains milieux dynamiques où des ouvertures se forment fréquemment dans le couvert forestier, comme à la pointe Pelée et à la pointe Fish. Il semble donc que ces ouvertures favorisent le recrutement, même si l’espèce est considérée comme tolérante à l’ombre (OMNR, 2000).

Très peu d’individus de plus de 30 cm de DHP ont été observés. Diverses maladies produisant des chancres sur les rameaux (McLaughlin et Greifenhagen, 2002; voir également la section Menaces et facteurs limitatifs) provoquent souvent le dépérissement et la mort des plus grands individus. Moins de la moitié des 217 individus connus poussant en Ontario mesurent plus de 10 cm de DHP.

Cycle vital et reproduction

Le mûrier rouge est pollinisé par le vent. Chez le mûrier blanc, les anthères libèrent leur pollen de manière explosive (Taylor et al., 2010), mais on ne sait pas si un tel mécanisme existe chez le mûrier rouge. Chaque individu peut être unisexué ou (rarement) bisexué, et habituellement chaque chaton renferme uniquement des fleurs mâles ou des fleurs femelles; il arrive cependant qu’un chaton essentiellement femelle renferme quelques fleurs mâles (Sargent, 1965). Les fruits arrivent à maturité au milieu de l’été, et une partie des graines germent peu de temps après leur dispersion, vers la fin de l’été, si les conditions d’humidité sont propices. La maturité de reproduction survient vers l’âge de 10 ans, et la fructification maximale, vers l’âge de 30 ans (OMNR, 2000). Burgess et al. (2008) considéraient comme des individus reproducteurs ceux dont le DHP était supérieur à 3 cm. Des semis de 1 an ont été observés au bord de sentiers graveleux humides sous couvert forestier partiel. Aux fins du présent rapport, l’individu est considéré comme mature s’il a atteint un DHP de 10 cm, taille à laquelle il a le plus de chance de persister dans le sous-étage, même si une floraison est possible chez les individus plus petits. La durée d’une génération n’a jamais été estimée chez le mûrier rouge, mais un âge se situant entre 15 et 30 ans semble probable, étant donné les âges moyens de première floraison et de floraison maximale.

Physiologie et adaptabilité

Le mûrier rouge ne semble prospérer que dans une gamme étroite de milieux et principalement dans les milieux partiellement ombragés à sol humide ne subissant jamais de sécheresse. Cependant, l’espèce pousse à l’occasion dans des alvars, où elle peut rarement profiter d’une humidité constante.

Les graines récoltées peuvent être séchées, entreposées et mises à germer le printemps suivant sans traitement préalable (Kock, 2008). Les semis issus d’une germination printanière ont généralement un meilleur taux de survie à long terme que ceux issus de la germination de graines fraîches en juillet (Sean Fox, comm. pers., sans date); cette différence pourrait en partie expliquer le faible taux de recrutement observé dans les peuplements naturels.

Dispersion

Les oiseaux sont probablement les principaux agents de dispersion des graines, particulièrement pour ce qui est de la dispersion au-delà de la forêt où pousse l’arbre qui les a produites (Stapanian, 1982). Les mammifères contribuent probablement à la dispersion locale.

Relations interspécifiques

Hybridation avec le mûrier blanc

Le mûrier blanc a été introduit de Chine en Amérique du Nord au 17e siècle et s’est depuis naturalisé dans une bonne partie de l’aire de répartition indigène du mûrier rouge. Les deux espèces ne sont pas particulièrement apparentées (Nepal et Ferguson, 2012), mais elles peuvent se croiser et produire une descendance viable.

Burgess et al. (2005) ont analysé la variation génétique et morphologique de 6 populations de mûrier rouge, dont 4 populations sympatriques, où le mûrier rouge et le mûrier blanc poussaient à moins de 25 m l’un de l’autre, et 2 populations allopatriques (chutes Ball et Jardins botaniques royaux), où aucun mûrier blanc n’était présent à moins de 25 m du mûrier rouge. Parmi les 184 mûriers étudiés dans les 4 sites sympatriques, 53 (29 %) se sont révélés être des mûriers rouges à l’état pur, 98 (53 %) étaient des hybrides, et 33 (18 %) étaient des mûriers blancs. De plus, la plupart des hybrides (67 %) étaient génétiquement plus près du mûrier blanc que du mûrier rouge, ce qui semble indiquer qu’au moins une partie des hybrides n’étaient pas de la génération F1 du croisement, mais de générations subséquentes. Cependant, comme la stratégie d’échantillonnage des chercheurs visait à maximiser la proportion de mûriers rouges à l’état pur dans l’échantillon, il se peut que la proportion d’hybrides ait été surestimée et que celle de mûriers blancs à l’état pur ait été sous-estimée (Burgess et al., 2005). D’ailleurs, à la suite de ce travail, il a été établi que quelques-uns des individus ayant été considérés comme des mûriers rouges étaient en fait des hybrides, et ces individus ont été exclus des relevés subséquents (voir la section Taille et tendances des populations).

Pathogènes et herbivores

Dans divers sites d’Ontario, un certain nombre d’organismes opportunistes ont été trouvés dans les chancres du tronc, ce qui laisse croire que le dépérissement de ces arbres était davantage causé par des situations de stress que par un pathogène virulent en particulier (McLaughlin et Greifenhagen, 2002). Les herbivores ont également une interaction avec l’espèce (voir la section Menaces et facteurs limitatifs).

Taille et tendances de la population

Activités et méthodes d’échantillonnage

Les 19 occurrences déjà répertoriées ont fait l’objet de nouveaux relevés en 2011, selon les positions exactes indiquées par les coordonnées GPS consignées au moment des relevés antérieurs. La présence ou absence, l’état, la taille, l’identité et la position de chaque arbre ont été consignés. La présence de semis ou de mûriers blancs a également été notée. Dans le cas des sous-populations actuellement soumises à une observation périodique, comme les occurrences de l’escarpement du Niagara gérées par les Jardins botaniques royaux, il y a eu seulement un échantillonnage, et les données des Jardins ont été intégrées au rapport (tableau 1). Les individus qui poussaient dans un site donné mais n’avaient jamais été répertoriés ont été consignés à titre de nouveaux individus. Lorsqu’un milieu semblait constituer un habitat idéal pour l’espèce sans qu’aucun individu n’y ait jamais été observé, comme le long de l’escarpement du Niagara à proximité de Waterdown, ce milieu a également fait l’objet d’un relevé.

Abondance

Actuellement, il existe 217 individus connus de mûrier rouge en Ontario; seulement 105 de ceux-ci mesurent plus de 10 cm de DHP et sont donc considérés comme des individus matures. Bon nombre de ces individus étaient répertoriés pour la première fois et poussaient dans des sites qui n’avaient jamais été fouillés de manière approfondie. Certaines des sous-populations faisant depuis longtemps l’objet de relevés connaissent une grave diminution, pouvant atteindre 80 % sur 10 ans. Par exemple, la sous-population de la pointe Pelée est passée de 10 à 2 individus matures. Le plus grand des secteurs renfermant des sous-populations de mûrier rouge est aussi celui où les sous-populations sont les plus saines; ce secteur s’étend de Waterdown à Dundas, le long du versant sud de l’escarpement du Niagara (sous-populations de Halton et de Hamilton, dans le tableau 1). Ce secteur abrite 137 individus de toute taille, soit 63 % des individus connus dans la province (et 66 % des individus matures). Les Jardins botaniques royaux assurent une gestion active des sous-populations se trouvant sur le territoire de cet établissement ou à proximité.

Il existe plusieurs occurrences éparses de mûrier rouge dans le sud de l’Ontario, mais seulement 4 sous-populations renferment actuellement au moins 5 individus matures; deux autres sous-populations, celles de la pointe Pelée et de la vallée du Niagara, n’entrent plus dans cette catégorie, en raison des individus disparus depuis le dernier rapport (Ambrose, 1999). La plupart des sous-populations sont mixtes, en ce sens qu’elles renferment également des mûriers blancs et des hybrides.

Plusieurs sites historiques ne semblent plus abriter de mûrier rouge. On ne connaît pas la position précise de nombreux sites précédemment mentionnés, parce que seulement le nom de la ville la plus proche avait été consigné. On sait cependant qu’il n’y a aucune mention récente pour ces secteurs, et les milieux naturels de ces régions ont fait l’objet de relevés approfondis au cours des 30 dernières années, notamment pour le premier rapport de situation du COSEPAC (Ambrose, 1987) et dans le cadre de nombreux inventaires locaux, comme les études sur les zones écologiquement vulnérables. Bon nombre de ces sites historiques ont probablement été déboisés pour l’agriculture ou le développement urbain. Une observation faite récemment à Delaware (près de London), dans un milieu naturel reconnu, a par la suite donné lieu à un relevé, et l’espèce n’a pas été retrouvée. Deux sous-populations de la région du Niagara, chacune constituée d’un seul individu, ont récemment été consignées comme étant disparues. Dans le premier cas (Pendale), l’arbre faisait partie d’une plus grande sous-population ayant été détruite par la construction d’un centre commercial il y a plus de 25 ans. Une troisième disparition de sous-population semble être survenue dans le comté d’Essex (Ojibway).

Fluctuations et tendances

La plupart des sous-populations sont petites et localisées (tableau 1). On possède peu d’information sur la taille qu’avaient les populations avant la publication du premier rapport de situation du COSEPAC (Ambrose, 1987). Si on compare le nombre d’individus que comportent les populations selon la première mise à jour et les relevés menés peu de temps après au nombre d’individus qu’elles comportent selon les dénombrements récents, on constate que le nombre d’individus matures a fortement diminué dans la sous-population de la pointe Pelée, autrefois nombreuse, qui est passée de 10 à 2 individus matures et de 22 à 3 individus au total, ainsi que dans celle de la vallée du Niagara, qui est passée de 11 à 4 individus matures et de 21 à 22 individus au total. Selon l’ensemble des observations faites au cours des deux périodes de relevés, le déclin global serait de 6,3 % dans le cas des individus matures (de 112 à 105) et de 14,6 % pour l’ensemble des classes de taille (de 254 à 217, voir tableau 1). Il faut se rappeler que ces déclins ont été détectés malgré la découverte d’individus supplémentaires dans certains sites, dont on suppose qu’ils étaient présents mais étaient passés inaperçus au moment des relevés antérieurs. Par exemple, le secteur allant de Waterdown à Dundas n’était connu que partiellement en 1999 (Ambrose, 1999), et de nombreux individus ont été découverts par la suite le long de ce versant (O’Hara, 2000; Thuring et Smith, 2001; McGoey, 2011); par ailleurs, d’autres sites ont été découverts peu de temps après ce rapport. Si on en juge d’après la disparition de sites historiques et le déclin des sous-populations existantes connues pour lesquelles les données couvrent plusieurs décennies, il semble que l’espèce est en déclin, tant du point de vue du nombre de ses occurrences que de celui du nombre de ses individus (tableau 1).

Immigration de source externe

La dispersion sur une grande distance est sans doute possible chez le mûrier rouge, mais les populations se trouvant aux États-Unis dans les États frontaliers sont elles aussi exposées à une hybridation avec le mûrier blanc. La fréquence des descendances hybrides n’a jamais été étudiée ailleurs qu’en Ontario, mais il paraît probable qu’un grand nombre des graines qui pourraient arriver au Canada par dispersion sur une grande distance seraient hybrides. De plus, étant donné le faible taux de recrutement observé à partir des graines produites dans les conditions naturelles, les processus naturels de migration par dispersion des graines ont peu de chance d’accroître sensiblement les effectifs de la population canadienne.

Menaces et facteurs limitatifs

Destruction et dégradation de l'habitat

La perte et la dégradation de milieux naturels survenues autrefois dans la zone carolinienne (Reid, 2002) ont laissé très peu de couvert forestier, et ce qui en reste est très fragmenté. C’est probablement le premier facteur à avoir eu un impact sur la situation du mûrier rouge au Canada.

Hybridation avec le mûrier blanc

L’hybridation avec le mûrier blanc est probablement la menace qui risque le plus de compromettre la survie du mûrier rouge au Canada (Burgess et al., 2005, 2006, 2008). Comme le mûrier blanc est plus abondant que le mûrier rouge et que les deux espèces peuvent s’hybrider librement, la plus grande partie de la pluie pollinique qui atteint les fleurs femelles du mûrier rouge provient de mûriers hybrides et de mûriers blancs à l’état pur. Burgess et al. (2008) ont examiné l’effet de l’élimination du mûrier blanc sur la production d’une descendance pure de mûrier rouge ou d’une descendance hybride, dans deux des sites (sous-populations du parc Rondeau et de la pointe Fish). Ils ont estimé que le pollen de mûrier rouge à l’état pur ne représentait qu’environ 8 % du pollen produit dans les deux sites. Par ailleurs, l’élimination de tous les mûriers blancs et hybrides poussant à l’intérieur d’une parcelle circulaire de 50 m de diamètre ayant pour centre un mûrier rouge a accru de 14 % la proportion de graines de mûrier rouge à l’état pur produites par le mûrier rouge occupant le centre de la parcelle (cette proportion a atteint 37 %, par rapport à 23 % dans le cas de la parcelle témoin). Il semble donc que la présence du mûrier blanc réduit significativement la production d’une descendance pure de mûrier rouge (Burgess et al., 2008). Les employés des Jardins botaniques royaux assurent un suivi des sous-populations se trouvant à l’intérieur ou à proximité du territoire des Jardins et effectuent une gestion active du mûrier rouge dans ces sites (notamment en éliminant les mûriers blancs poussant sur le territoire des Jardins). Les employés réalisent également une multiplication des individus purs de mûrier rouge, par pollinisation contrôlée et par bouturage (Natalie Iwanycki, comm. pers., 2013; McGoey, 2011). Il serait également souhaitable d’éliminer les mûriers blancs observés sur les chemins publics et les terres privées situés à proximité des Jardins botaniques royaux. Parcs Ontario et Parcs Canada ont mené de telles activités à la suite du premier rapport du COSEPAC, mais ces activités semblent avoir ralenti par la suite. Parcs Ontario assure un suivi des diverses sous-populations se trouvant dans des parcs provinciaux et a demandé un financement pour l’élimination du mûrier blanc, mais ce financement n’a pas été approuvé (Jennifer Chambers, comm. pers., 2013). Parcs Canada concentre ses travaux d’élimination du mûrier blanc dans les secteurs du parc qui sont désignés aux fins de restauration (Valerie Minelga, comm. pers., 2013).

Maladies

On sait que diverses maladies provoquant l’apparition de chancres sur les rameaux ou encore la brûlure ou le dépérissement des rameaux touchent le mûrier rouge en Ontario (Parks Canada Agency, 2011), mais la contribution de ces maladies aux taux globaux de déclin de l’espèce n’a jamais été quantifiée dans l’ensemble des sous-populations. Des pathogènes provoquant l’apparition de chancres sur les rameaux ont dévasté des populations en Virginie-Occidentale (0. Loucks, comm. pers.,1998; Little, 1995). On a pu établir que les chancres observés sur les rameaux et le tronc à la pointe Pelée et dans d’autres sous-populations sont causés par divers organismes opportunistes (McLaughlin et Greifenhagen, 2002) et non par un seul pathogène. On a avancé que divers facteurs de stress pouvaient accroître la sensibilité des arbres à l’infection, dont la pollution, la sécheresse et la pauvreté du sol (Parks Canada Agency, 2011).

Broutage et pâturage

Le broutage et le pâturage réduisent le recrutement au sein des sous-populations là où les cerfs, les gastropodes et d’autres herbivores abondent. Huit espèces de gastropodes indigènes ont été capturées à la pointe Pelée (et ont été identifiées par T. Pearce, de l’Université du Michigan), mais on ne sait rien de leur abondance ni de leur impact dans l’ensemble de l’aire de répartition canadienne du mûrier rouge.

Le Cormoran à aigrettes provoque une grave détérioration des milieux forestiers naturels des îles du lac Érié et constitue ainsi une menace directe pour les sous-populations de mûrier rouge des îles Middle et East Sister. Parcs Canada appuie depuis un certain temps l’élimination de cormorans nichant à l’île Middle, de sorte que le nombre de cormorans nichant dans cette île n’a plus augmenté. Parcs Canada enlève également les nids de cormoran se trouvant dans des mûriers rouges et installe en outre des épouvantails (Valerie Minelga, comm. pers., 2013). Parcs Ontario assure un suivi de la situation dans la réserve naturelle de l’île Sister et a élaboré un plan de gestion en 2009, mais aucune mesure de gestion n’avait encore été prise en 2011 (M. Cairns, comm. pers., 2011).

Plantes envahissantes (autres que le mûrier blanc)

Les plantes exotiques envahissantes constituent une autre menace exigeant un suivi attentif. Divers dompte-venins (Cynanchum spp.) commencent à être observés dans le secteur de Waterdown et ont déjà été observés ailleurs le long de l’escarpement. L’alliaire officinale (Alliaria petiolata) est commune dans la plupart des milieux forestiers du sud de l’Ontario et nuit probablement à l’établissement des semis du mûrier rouge.

Nombre de localités

Comme l’hybridation constitue la plus grave menace pour le mûrier rouge, il convient sans doute de considérer toute la population canadienne de l’espèce (sauf peut-être les sous-populations des îles Middle et East Sister, dont il sera question plus loin) comme une seule localité. On pourrait faire valoir que plusieurs localités pourraient être distinguées en fonction des mesures de gestion (élimination des mûriers blancs et hybrides) appliquées dans les divers sites ou par les divers gestionnaires fonciers, mais l’abondance globale du mûrier blanc et l’absence actuelle de mesures de gestion permanentes justifient que l’on considère l’ensemble des sous-populations comme une seule localité. Une exception possible serait les deux sous-populations gérées par les Jardins botaniques royaux (celles de Halton et de Hamilton), qui pourraient être considérées comme une deuxième localité en raison des mesures de gestion prises en faveur du mûrier rouge, comme l’élimination des mûriers blancs et hybrides. Dans les îles East Sister et Middle, la nidification du Cormoran à aigrettes pourrait constituer la menace la plus importante à la survie du mûrier rouge. L’île Middle est sous la juridiction de Parcs Canada, tandis que l’île East est administrée par Parcs Ontario. Par conséquent, ces deux sous-populations pourraient être considérées comme autant de localités distinctes. En résumé, selon les meilleures données disponibles, on pourrait désigner 1 à 4 localités pour le mûrier rouge.

Protection, statuts et classements

Statuts et protection juridiques

Le mûrier rouge est actuellement inscrit à titre d’espèce « en voie de disparition » à l’annexe 1 de la LEP ainsi qu’en vertu de la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition (LEVD) de l’Ontario. Aux États-Unis, l’espèce est considérée comme « en voie de disparition » (Endangered) au Connecticut et au Massachusetts et « menacée » (Threatened) au Michigan et au Vermont (USDA, 2012).

Dix des 19 occurrences canadiennes connues, y compris 10 des 11 sites où au moins 2 individus matures ont été observés depuis 1999, se trouvent sur des terres publiques, gérées dans une certaine mesure à des fins de conservation (tableau 1). Les gestionnaires de ces terres, conscients de la présence de l’espèce, ont participé à la planification de son rétablissement. À l’heure actuelle, les Jardins botaniques royaux semblent être le seul établissement à protéger activement et efficacement les sous-populations se trouvant sur ses terres.

En 1997, le ministère des Richesses naturelles de l’Ontario a commandé au RESCAPÉ un plan de rétablissement de l’espèce pour toute son aire de répartition ontarienne (Ambrose, 1998). En 2011, l’Agence Parcs Canada a publié la version finale d’un programme de rétablissement national incluant une description de l’habitat essentiel (Parks Canada Agency, 2011).

Statuts et classements non juridiques

Le mûrier rouge a été coté S2 (en péril) à l’échelle de l’Ontario et N2 (en péril) à l’échelle du Canada. L’espèce a par ailleurs été cotée S1 (gravement en péril) au Vermont et au Massachusetts, S2 au Michigan et SH (peut-être disparue) au Minnesota (NatureServe, 2013).

Protection et propriété de l’habitat

La protection et la propriété de l’habitat sont résumées dans le tableau 1. On peut y constater que 10 sous-populations se trouvent sur des terres publiques, relevant du gouvernement fédéral (2 sous-populations), du gouvernement provincial (3 sous-populations) ou d’offices de conservation régionaux et municipaux (7 sous-populations).

Remerciements et experts contactés

En plus des personnes qui ont fourni l'information et les évaluations requises pour le rapport de situation du COSEPAC de 1987, il convient de remercier les membres de la première équipe de rétablissement, qui ont contribué à la première étude de mise à jour : Kevin Burgess, Linda Deverno, Brian Husband, Dennis Joyce, Gary Mouland, Paul Prevett, Lisa Twolan et Allen Woodliffe. En ce qui concerne la présente mise à jour, des renseignements additionnels ont été fournis par Vicki McKay, Valerie Minelga et d'autres employés du parc national de la Pointe-Pelée, par Natalie Iwanycki, des Jardins botaniques royaux, par Jennifer Chambers, Sandy Dobbyn et Melody Cairns, de Parcs Ontario, et par Scott Hughes, qui a également fourni de l'aide sur le terrain et pour la cartographie.

Le Service canadien de la faune d'Environnement Canada a fourni un soutien matériel et financer à la présente étude.

Sources d’information

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Sommaire biographique des rédactrices du rapport

John D. Ambrose a obtenu une maîtrise en botanique de l’Université du Michigan et un doctorat en botanique de l’Université Cornell. Il a commencé à étudier la biologie des plantes ligneuses à la fin des années 1970, alors qu’il travaillait à l’arboretum de l’Université de Guelph. Il est auteur de douze rapports de situation du COSEPAC et a rédigé d’autres articles portant sur la biologie et la conservation des espèces rares. Il a siégé au Sous-comité de spécialistes des plantes du COSEPAC, au conseil de la Forest Gene Conservation Association et, à titre de président fondateur, au chapitre ontarien de la Society for Restoration Ecology.

Gerry Waldron détient un baccalauréat et une maîtrise en biologie de l’Université de Guelph. Depuis ses débuts au Programme biologique international, en 1971, il a acquis 42 années d’expérience en biologie de terrain, en planification environnementale et en études d’impact. Il a travaillé pour le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, Parcs Canada, le ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, l’Office de protection de la nature de la région d’Essex, le Natural Habitat Restoration Program ainsi que Tallgrass Ontario. Il est auteur de deux manuels d’aménagement du territoire, de quatre volumes d’histoire naturelle et de nombreuses autres publications techniques et populaires.

Paul O’Hara est botaniste, concepteur d’aménagement paysager et expert en horticulture des plantes indigènes. Depuis 1991, il a travaillé à une vaste gamme de projets en horticulture, en inventaire des milieux naturels, en restauration écologique et en culture des plantes indigènes, dans les secteurs public et privé. En matière d’espèces en péril, il a été pendant 2 ans technicien des espèces en péril aux Jardins botaniques royaux, où il a notamment travaillé sur le mûrier rouge, le trichophore à feuilles plates et le pycnanthème gris. Il a participé (avec Gerry Waldron et John Ambrose) à la rédaction de rapports de situation de mise à jour sur la camassie faux-scille, le cornouiller fleuri, le micocoulier rabougri, le magnolia acuminé et le mûrier rouge. Paul O’Hara est le propriétaire-exploitant de Blue Oak Native Landscapes, entreprise vouée à la création de paysages naturels magnifiques pour nos milieux de vie, de travail et de loisirs.

Collections examinées

Des spécimens déposés dans divers herbiers régionaux avaient été examinés pour le premier rapport de situation du COSEPAC, publié en 1987, mais aucun spécimen n’a été examiné dans le cadre de la présente mise à jour.

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