Naseux de la Nooksac (Rhinichthys cataractae ssp.) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 10

Facteurs limitatifs et menaces

Au Canada, les populations sont probablement limitées par la disponibilité de rapides de grande qualité, le principal habitat de l’espèce, et par les principales menaces liées à la perte ou à la détérioration de cet habitat (McPhail, 1997, Pearson, 2004). Les sections qui suivent sont tirées d’une récente évaluation exhaustive des facteurs menaçant le naseux de la Nooksack (Pearson, 2004; Pearson et al., 2006).


Menaces imminentes susceptibles de nuire ou d’avoir une incidence sur la population

Le manque d’eau à la fin de l’été est la menace la plus grave pour la plus importante population connue, celle du ruisseau Bertrand. Les secteurs de rapides offrant les meilleurs habitats perdent de 80 à 100 p. 100 de leur eau pendant la période la plus productive de l’année (Pearson, données inédites). On estime que l’abaissement de la nappe phréatique par les puits locaux aurait réduit le débit de base de 24 p. 100 depuis 1960 (Golder and Associates, 2004), et des quantités substantielles d’eau sont tirées du ruisseau pour l’irrigation, mais celles-ci n’ont pas été quantifiées (Pearson, observation personnelle). Les débits d’eau dans la rivière Brunette pendant l’été sont également inadéquats parce qu’une grande partie du bassin hydrographique est imperméable (41 p. 100, Lavkulich et al., 1999).

La destruction physique de l’habitat a probablement été dans le passé la menace la plus grave pour le naseux de la Nooksack au Canada. Puisqu’ils constituent souvent le haut fond d’un cours d’eau, les habitats de rapides sont fréquemment altérés ou font l’objet de captage à des fins de drainage, laquelle activité est courante dans les paysages agricoles dominant ces bassins hydrographiques.Chaque année, il y a dans ces bassins des altérations autorisées et illégales (McPhail, 1997; Pearson, observation personnelle).

L’accumulation de sédiments dans les rapides encombre les espaces libres dans les substrats grossiers des rapides où le naseux de la Nooksack fraie, s’alimente et se repose. Les sédiments bloquent également l’acheminement d’oxygène vers le substrat, ce qui nuit aux œufs. Il y a enherbement aux endroits où pousse l’alpiste roseau (Phalaris arundinacea), une espèce envahissante. Cet enherbement rend les cours d’eau plus étroits, ce qui réduit la superficie des secteurs de rapides. Dans les quatre ruisseaux occupés par le naseux de la Nooksack, on observe d’importants dépôts de sédiments attribuables à l’érosion des rives, aux conduites d’eau pluviale urbaines ou à l’extraction du gravier (Pearson, observation personnelle).

La perte de rapides attribuable aux barrages de castors est une menace imminente pour une population, celle du ruisseau Pepin. Environ 600 m2 de rapides (10 p. 100 de la totalité de l’habitat disponible pour la population) ont été inondés entre 1999 et 2001 par des barrages de castors (Pearson, 2004). Les activités des castors ne menacent pas le naseux de la Nooksack dans d’autres bassins hydrographiques de l’aire de répartition canadienne. Avant d’enlever tout barrage dans le ruisseau Pepin, il faudrait tenir pleinement compte des incidences d’une telle action sur d’autres espèces, particulièrement le meunier de Salish et les populations de salmonidés, et obtenir une autorisation en vertu de la Loi sur les pêches.


Menaces imminentes dont l’incidence est incertaine

La toxicité est un problème connu dans la rivière Brunette, où les niveaux de cuivre, de plomb, de zinc et de manganèse dépassent couramment les lignes directrices fédérales pour la vie aquatique, tant dans l’eau que dans les sédiments (Hall et al., 1998). Des conditions similaires prévalent probablement dans les eaux d’amont des ruisseaux Fishtrap et Bertrand situées dans des secteurs urbanisés, mais leur incidence sur le naseux de la Nooksack est inconnue.

Une hypoxie grave a été documentée dans des segments de cours d’eau des quatre bassins hydrographiques. Dans certains segments hautement eutrophiques, les niveaux d’oxygène demeurent faibles (inférieurs à 2 mg/l) tout au long de l’année, alors que les épisodes hypoxiques ne surviennent qu’à la fin de l’été. Le niveau d’oxygène est généralement plus élevé dans les rapides pendant les épisodes d’hypoxie (en raison de la turbulence de l’eau), mais les données à cet égard sont peu nombreuses et les niveaux critiques pour l’espèce sont inconnus.

L’augmentation de la prédation par des espèces introduites est également préoccupante; tous les bassins hydrographiques accueillent des prédateurs qui y ont été introduits (voir la section Prédateurs ci-dessus). Dans certains bassins hydrographiques, ces prédateurs coexistent avec le naseux de la Nooksack depuis au moins dix ans (Pearson, 2000), mais leur incidence est inconnue. Tous ces prédateurs chasseraient sans aucun doute le naseux de la Nooksack s’ils en avaient l’occasion, mais les habitats se chevauchent peu. Ces prédateurs sont abondants dans les eaux chaudes du littoral (Scott et Crossman, 1973; Corkran et Thoms, 1996) et sont rarement observés dans les rapides. Le manque d’eau pourrait cependant pousser le naseux de la Nooksack hors des rapides et le forcer à se rabattre sur les bassins, où les risques de prédation sont beaucoup plus grands.

La fragmentation de l’habitat a sans doute des répercussions à long terme sur les populations de naseux de la Nooksack, mais leur ampleur est difficile à évaluer. Tous les cours d’eau occupés présentent des barrières physiques (p. ex. ponceaux suspendus, barrages de castors, déversoirs agricoles) et sont fragmentés, au moins sur une base saisonnière, par l’une ou l’autre des menaces mentionnées ci-dessus. À une plus grande échelle, les connexions entre les bassins hydrographiques pendant les inondations étaient sans aucun doute plus courantes avant la construction de digues et les travaux de drainage qui ont été réalisés au cours du siècle dernier. La majorité des barrières et des fragmentations d’habitat sont vieilles de 50 à 130 ans, et les populations restantes ont montré une certaine résilience (Pearson, 2004). Les conséquences de la réduction des déplacements entre les populations ou métapopulations et de la diminution de l’habileté à coloniser de nouveaux habitats peuvent cependant se faire sentir sur une plus longue période.

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