L’otarie de Steller (Eumetopias jubatus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Biologie

Généralités

Les premières observations sur des otaries de Steller nous viennent de Scammon (1874), Allen (1880), Elliot (1882) et Rowley (1929). Comme on ne faisait pas la récolte de l’espèce à des fins commerciales et qu’on ne disposait d’aucun spécimen, la biologie générale de l’otarie de Steller nous est demeurée à peu près inconnue jusqu’aux années 1960. Plus récemment, Schusterman (1981), Loughlin et al. (1987), Hoover (1988) et Loughlin (1998, 1999) ont publié des études sur le sujet. L’otarie de Steller est actuellement l’un des mammifères marins les plus intensivement étudiés au monde (voir NMFS, 1992; Strick, 1993; Hunter et Trites, 2001).

En Colombie-Britannique, la première étude sur l’otarie de Steller a été menée par Newcombe et Newcombe (1914) et Newcombe et al. (1918). Bien que l’espèce ait fait l’objet de programmes intensifs de lutte contre les prédateurs pendant la première moitié du 20e siècle, on ne lui a guère consacré de recherches avant que G. Pike et ses collègues n’examinent des spécimens récoltés à des fins commerciales au cours des années 1960 (Pike et Maxwell, 1958; Pike, 1961; Spalding, 1964a, b). Des études du comportement ont été réalisées à partir des années 1970 aux roqueries et aux échoueries par H.D. Fisher et ses élèves (Harestad et Fisher, 1975; Brenton, 1977; Edie, 1977; Harestad, 1977; Fisher, 1981). On a évalué l’abondance, la répartition et la situation de l’otarie de Steller en Colombie-Britannique pendant les décennies 1980 (Bigg, 1984, 1985, 1988) et 1990 (Olesiuk, 2003; Olesiuk et al., 2003).


Cycle vital

Seules les otaries de Steller ayant atteint leur maturité sexuelle reviennent aux roqueries (ainsi que quelques jeunes qui dépendent encore de leur mère). Les mâles sont les premiers à arriver, au début de mai, pour affronter les autres mâles adultes et établir leur territoire (Gisiner, 1985). Les femelles pleines commencent à arriver aux roqueries au cours de la deuxième quinzaine de mai et mettent bas un seul petit dans les quelques jours qui suivent leur arrivée (Gentry, 1970). Les mères resteront à terre avec leur petit pendant environ une semaine, avant de partir régulièrement se nourrir au large pendant un jour en moyenne, chaque sortie d’alimentation étant suivie d’un jour à terre (Higgins, 1984; Merrick, 1987; Hood et Ono, 1997; Milette et Trites, 2003). La copulation se produit généralement avant la première sortie d’alimentation.

Les nouveau-nés sont précoces : leurs yeux sont ouverts et ils sont capables de ramper dès la naissance. Ils commencent à fréquenter les bâches et les zones intertidales à environ 2 semaines et nagent en eau libre vers l’âge de 4 semaines, quand les mères commencent à déménager leurs petits des roqueries aux échoueries avoisinantes (Sandegren, 1970; Gentry, 1974). À la fin août, il ne reste que quelques animaux sur les roqueries.

Les échoueries permanentes sont fréquentées par les animaux immatures, les femelles non gravides et celles qui allaitent encore des petits nés les étés précédents, qui ne retournent pas aux roqueries. Certains mâles fréquentent aussi des échoueries estivales, y établissent leur territoire et, parfois, s’accouplent avec des femelles adultes (Trites, données inédites). Après la saison estivale de reproduction, les otaries de Steller fréquentent les échoueries permanentes ainsi que des échoueries hivernales qui sont parfois à une distance considérable de leur roquerie. Les femelles avec des petits dépendants peuvent séjourner à une seule échouerie ou voyager avec leurs petits d’échouerie en échouerie. La durée moyenne des sorties d’alimentation des femelles en lactation pendant l’hiver est d’environ deux jours, suivis d’un jour à terre (Trites et Porter, 2002). Pendant la période internuptiale, des individus des deux sexes et de tous âges partagent les mêmes échoueries. Cependant, les otaries sans jeune à nourrir peuvent prolonger leurs séjours en mer.


Reproduction

Les otaries de Steller vivent selon un régime d’accouplement polygyne qui semble synchronisé dans toute l’aire de répartition de l’espèce (Bigg, 1985). Les mâles commencent à produire du sperme à l’âge de 3 à 7 ans (Calkins et Pitcher, 1982), mais d’après ce qu’on en sait, seuls ceux qui détiennent un territoire s’accouplent. La plupart des mâles qui défendent un territoire ont entre 9 et 13 ans (Thorsteinson et Lensink, 1962) et peuvent le faire plusieurs années de suite (de 1 à 7 ans) (Gisiner, 1985). Le ratio entre le nombre de femelles adultes et de mâles territoiriaux est généralement de 10 à 15 pour 1 (Pike et Maxwell, 1958; Merrick, 1987). Les mâles qui réussissent à établir leur territoire le conservent généralement pendant 40 jours en moyenne (de 20 à 68 jours) sans se nourrir (Gentry, 1970). Les avantages que confère une forte corpulence pour l’acquisition et la défense du territoire et pour les réserves d’énergie et peut-être d’eau qu’elle procure pendant l’occupation explique probablement le dimorphisme sexuel quant à la taille chez l’otarie de Steller (Fisher, 1958; Repenning, 1976).

Les femelles ont leur première ovulation à l’âge de 3 à 6 ans. Après la fécondation, le développement embryonnaire est interrompu pendant environ 3 mois, jusqu’à ce que l’implantation se fasse en septembre ou octobre (implantation retardée), pour une période de gestation d’environ 8 à 9 mois(Vania et Klinkhart, 1967; Calkins et Pitcher, 1982). La majorité des femelles adultes conçoivent chaque année, mais le taux d’infécondité et d’avortement semble élevé. Pitcher et al. (1998) rapportent que 97 p. 100 des femelles prélevées dans le golfe d’Alaska étaient gestantes au début de la période de gestation, mais que le taux de gravidité a baissé jusqu’à 67 p. 100 et 55 p. 100 vers la fin de la période de gestation au cours des décennies 1970 et 1980, respectivement. Personne n’a encore estimé les taux de gravidité chez l’otarie de Steller en Colombie-Britannique.

La période de lactation est extrêmement longue pour un Pinnipède. On a vu quelques petits rester avec leur mère pendant 3 ans, mais on croit que la plupart sont sevrés avant leur premier anniversaire (Calkins et Pitcher, 1982; Trites et al., 2001). Il arrive qu’une femelle séjournant à une roquerie allaite à la fois un nouveau-né et un petit d’un an.


Survie

Outre l’être humain, le principal prédateur de l’otarie de Steller est l’épaulard (Morton, 1990; Baird et Dill, 1995; Ford et al., 1998), qui peut s’attaquer sélectivement aux petits et aux juvéniles (Barrett-Lennard et al., 1995). De grands requins peuvent aussi s’attaquer à l’otarie de Steller dans la partie sud de son aire de répartition (Stroud, 1978; Ainley et al., 1981). On a déjà vu des ours s’attaquer à des petits sur des roqueries en Russie (T. Loughlin, National Marine Mammal Laboratory, Seattle, Washington, comm. pers.).

La mortalité des nouveau-nés au cours du premier mois de leur vie paraît généralement élevée; elle est liée à des facteurs tels que les tempêtes (Pike et Maxwell, 1958; Orr et Poulter, 1967). La principale cause de décès des petits est la noyade – non qu’ils ne sachent pas nager, mais parce qu’ils sont incapables de revenir à terre (Orr et Poulter, 1967; Edie, 1977). Les morsures, les bousculades ou l’écrasement par un animal plus âgé font aussi des victimes chez les petits, tout comme l’abandon ou la séparation d’avec la mère (Orr et Poulter, 1967; Gentry, 1970; Sandegren, 1970; Sandegren, 1976).

Il est difficile d’estimer le taux de mortalité juvénile, à cause des biais possibles dans l’échantillonnage, mais il semble assez élevé pour les deux sexes. Calkins et Pitcher (1982) et York (1994) estiment qu’environ 48 p. 100 des femelles et 26 p. 100 des mâles survivent jusqu’à l’âge de 3 ans. Le taux de mortalité est nettement plus faible chez les adultes (~10-15 p. 100 par an chez les femelles et ~13-25 p. 100 chez les mâles). Le taux de mortalité plus élevé chez les mâles fait progressivement pencher le ratio mâles : femelles en faveur des femelles. Les records de vieillesse observés en milieu naturel sont d’environ 18 ans chez les mâles et de 30 ans chez les femelles (Calkins et Pitcher, 1982). Cependant, la longévité (définie selon le 99e percentile des individus d’âge connu) est d’environ 14 ans chez les mâles et de 22 ans chez les femelles (Trites et Pauly, 1998). Il faut souligner que les seules tables de survie dont on dispose sont dérivées de spécimens prélevés dans le golfe d’Alaska juste avant de forts déclins de la population (voir « Taille et tendances des populations »), et que les paramètres du cycle vital et des populations (l’espérance de vie et la durée de génération, entre autres) peuvent varier avec la situation des populations. Chez les mammifères marins, il est généralement admis que ce sont principalement les paramètres qui influent sur le taux de reproduction, en particulier celui des jeunes animaux (âge au premier accouplement, taux de fécondité, taux de survie des juvéniles), qui dépendent de la densité (Eberhardt, 1985; Fowler, 1987).

Les tables de survie de l’otarie de Steller (Calkins et Pitcher, 1982; Trites et Larkin, 1992; York, 1994) indiquent que l’âge moyen des femelles ayant atteint la maturité sexuelle (durée de génération) est d’environ 10 ans, et que les individus adultes (mâles et femelles) capables de se reproduire forment environ 40 p. 100 de la population totale (petits inclus).


Physiologie

Les besoins alimentaires de l’otarie de Steller varient en fonction du type et de la qualité des proies disponibles (Perez, 1994; Rosen et Trites, 1999, 2000b, c). En captivité, les femelles adultes ayant une alimentation mixte composée de divers poissons en consomment en moyenne de 10 à 12 kg par jour et les mâles adultes, 20 kg par jour (Kastelein et al., 1990; Perez et al., 1990). Cependant, selon les prévisions obtenues par des modèles bioénergétiques, les besoins alimentaires quotidiens de l’otarie de Steller en milieu naturel (où elle est plus active, se reproduit et tend à avoir un régime alimentaire de qualité moindre) se rapprochent davantage de 15 à 20 kg pour une femelle adulte et de 30 à 35 kg pour un mâle adulte (Winship et al., 2002). Chez les femelles, les besoins énergétiques quotidiens correspondent à environ 14 p. 100 du poids corporel pour une femelle de 1 an et à 7 p. 100 pour une adulte. Les otaries qui consomment en proportion plus élevées des poissons faibles en gras, comme des Gadidés, doivent s’alimenter nettement plus que celles qui consomment des poissons plus gras, comme le hareng (Trites et Donnelly, 2003; Winship et Trites, 2003).

L’otarie de Steller est capable de plonger au moins jusqu’à 310 m de profondeur (Andrews, 1999) et de rester sous l’eau pendant plus de 8 minutes (Swain et Calkins, 1997); la plupart des plongées se font à une profondeur de 15 à 50 m et durent de 1,5 à 2,5 min (Merrick et Loughlin, 1997; Swain et Calkins, 1997; Loughlin et al., 1998; Andrews, 1999; Swain, 1999). L’aptitude à plonger s’acquiert pendant la première année de vie. Les petits de moins de 1 mois ne plongent pas à plus de 10 m, mais la profondeur de plongée atteint presque 100 m à l’âge de 5 mois et dépasse les 200 m à 10 mois (Merrick et Loughlin, 1997; Rehberg et al., 2001).


Déplacements et dispersion

L’otarie de Steller revient généralement s’accoupler à sa roquerie natale, certains échanges entre roqueries voisines étant possibles (Calkins et Pitcher, 1982, 1996). Au moins un animal marqué comme petit sur l’île Forrester, dans le sud-est de l’Alaska, a été vu à l’âge adulte avec un nouveau-né à 400 km de là, à la roquerie du cap St. James (Raum-Suryan et Pitcher, 2000). Dans certains cas, la population d’une roquerie s’augmente de femelles reproductrices venues d’autres roqueries, comme en témoigne de toute évidence l’expansion rapide de plusieurs nouvelles roqueries observée dans le sud-est de l’Alaska depuis les années 1980 (Calkins et al., 1999; Pitcher et al., 2003).

La télémétrie et les études de marquage démontrent que ces animaux sont très mobiles : ils peuvent parcourir des centaines de kilomètres et fréquenter plusieurs échoueries en quelques semaines ou quelques mois (Merrick et Loughlin, 1997; Loughlin et al., 1998, 2003; Raum-Suryan et al., 2002). Un petit étiqueté à l’île Sugarloaf, dans le golfe d’Alaska, a été observé 4 ans plus tard dans le chenal Douglas, sur la côte centrale de la Colombie-Britannique, soit, en suivant le rivage, à 1 700 km au sud-est de son lieu de naissance (Loughlin, comm. pers.; Olesiuk, données inédites). À l’inverse, on a observé des petits étiquetés au cap St. James rendus au stade subadulte au cap St. Elias, dans la baie Prince William, en Alaska, soit 1 500 km plus au nord-ouest en suivant le rivage (Calkins, 1981; Fisher, 1981). Le nombre d’animaux aux échoueries permanentes est relativement constant pendant toute l’année, mais le nombre d’individus aux échoueries hivernales diminue pendant la saison de reproduction, soit de mai à août, alors que les animaux se rendent aux roqueries (Bigg, 1985).

Bien que l’espèce soit considérée comme non migratrice, on constate des déplacements saisonniers bien définis dans certaines portions de son aire de répartition. Après la saison de reproduction, on voit des otaries de Steller et des otaries de Californie mâles migrer vers le nord le long de la côte de l’Oregon (Mate, 1975), observation qui coïncide avec une forte croissance du nombre d’animaux qui hivernent au large du sud de l’île de Vancouver (Bigg, 1985).

Il semble qu’avant leur sevrage, les petits (âgés de 0 à 3 ans) restent relativement près des échoueries pendant que leur mère s’alimente au large (Trites et Porter, 2002). Une fois sevrés, les jeunes mâles semblent se disperser plus largement que les femelles; on en a vu à plusieurs centaines de kilomètres de leur roquerie natale (Raum-Suryan et al., 2002). Cependant, les mâles comme les femelles semblent revenir à la roquerie où ils sont nés quand ils ont atteint leur maturité sexuelle.

Les animaux qui séjournent aux roqueries tendent à aller davantage à terre pendant la journée; le nombre maximum d’individus à terre étant observé entre 10 h et 18 h (Withrow, 1982; Higgins, 1984; Milette, 1999). On n’a noté aucune tendance dans l’utilisation journalière des échoueries en hiver, où la durée du jour est nettement réduite (Porter, 1997). Certains facteurs environnementaux, notamment l’état de la mer, la température de l’air, la vitesse et la direction du vent, la couverture de brume et de nuages, la pression barométrique, la hauteur de la houle et les marées, sont corrélés avec le comportement d’échouement des animaux et pourraient influer sur celui-ci (Withrow, 1982; de Blois, 1986; Kastelein et Weltz, 1990; Porter, 1997; Calkins et al., 1999). L’influence de ces facteurs est probablement plus importante aux échoueries, qui tendent à être plus exposées et à offrir moins de protection, qu’aux roqueries.

En mer, on voit les otaries de Steller seules ou en groupes de plusieurs animaux (Bonnell et al., 1983). Cependant, les animaux qui se nourrissent de petits poissons vivant en bancs semblent s’alimenter en coopération, leurs groupes pouvant réunir jusqu’à 100 animaux qui plongent et font surface en synchronie (Fiscus et Baines, 1966; Loughlin et al., 1983; Olesiuk, obs. pers.; Loughlin et DeLong, 1983). La recherche de nourriture semble se faire surtout la nuit, d’après la télémétrie par satellite (Loughlin et al., 1998; Loughlin et al., 2003) et la tendance qu’a l’animal à aller à terre le jour (Withrow, 1982; Higgins, 1984; Milette, 1999). De plus, les prises accidentelles dans les pêches se font surtout entre 20 h et 5 h (Loughlin et Nelson, 1986).

Les activités de recherche de nourriture sont plus localisées pendant la saison de reproduction. En revanche, les déplacements saisonniers des animaux en dehors de la saison de reproduction (de septembre à mai) sont beaucoup plus importants et sont probablement liés à la répartition des poissons dont ils se nourrissent. Les principales zones d’hivernage des otaries au large du sud de l’île de Vancouver varient en fonction de la répartition des harengs pré-génésiques. Les otaries se rassemblent également dans des estuaires à l’automne à l’époque de la fraye du saumon et à l’embouchure du fleuve Fraser au printemps pour la montaison de l’eulakane (Bigg, 1985; Bigg et al., 1990; Olesiuk, données inédites). Les sorties d’alimentation de femelles adultes suivies par satellite en Alaska se faisaient en moyenne sur une distance de 17 km en été et de 153 km en hiver (Merrick et Loughlin, 1997). Au large de la Californie, en été, les otaries de Steller sont concentrées dans un rayon de 1 à 13 km (7,0 km en moyenne) des roqueries et sortent en mer moins souvent qu’en automne, saison où elles s’éloignent de 7 à 59 km de leurs échoueries (28,2 km en moyenne) (Bonnell et al., 1983). La superficie de l’aire d’alimentation des animaux immatures non reproducteurs semble se situer entre les superficies des aires d’alimentation estivale et hivernale des adultes (Merrick et Loughlin, 1997).


Nutrition et relations interspécifiques

On a identifié plus de 50 espèces de poissons et d’invertébrés dans le régime alimentaire d’otaries de Steller (Wilke et Kenyon, 1952; Pike, 1958; Spalding, 1964b; Pitcher, 1981; Sinclair et Zeppelin, 2002). À l’échelle régionale, le régime semble varier en fonction des proies les plus abondantes ou les plus accessibles, selon l’endroit et la saison. La proie de premier choix serait le poisson de taille petite ou moyenne vivant en bancs, soit, en Colombie-Britannique, des espèces telles que le hareng, le merlu, le lançon, les saumons, l’aiguillat, l’eulakane et la sardine (Pike, 1958; Spalding, 1964b; Olesiuk et Bigg, 1988; Trites et Olesiuk, données inédites). Les poissons de fond tels que les sébastes, les poissons plats et les raies peuvent aussi assurer une bonne part du régime alimentaire (Trites et Olesiuk, données inédites). Outre le poisson, les calmars et les pieuvres sont des proies occasionnelles, dont on a cependant probablement exagéré l’importance dans les premières études parce que les becs de céphalopodes peuvent s’accumuler sur de longues périodes dans l’estomac des otaries (Bigg et Fawcett, 1985). On trouve parfois des crabes, des bivalves et d’autres invertébrés dans l’estomac et les fèces, mais il pourrait s’agir de proies secondaires consommées auparavant par les animaux dont l’otarie se nourrit. On a aussi vu des otaries de Steller se nourrir d’oiseaux de la famille des Laridés (O’Daniel et Schneeweis, 1992) et d’autres Pinnipèdes, notamment de nouveau-nés de phoques à fourrure (Gentry et Johnson, 1981) et de phoques communs (Pitcher et Fay, 1982; E. Mathews, Université de l’Alaska, Juneau, comm. pers.). La prédation d’autres Pinnipèdes semble plutôt rare, mais elle pourrait être plus importante à certains endroits.

Le passage d’un régime alimentaire à base de poisson gras (le hareng par exemple) à un régime à base de poisson maigre (comme la goberge de l’Alaska) a contribué au déclin de l’otarie de Steller dans le golfe d’Alaska et les Aléoutiennes (Alverson, 1992; Alaska Sea Grant, 1993; DeMaster et Atkinson, 2002; Trites et Donnelly, 2003). Les variations à grande échelle des conditions climatiques et océaniques peuvent se répercuter sur la dynamique des organismes marins (Benson et Trites, 2002), tout comme la pêche sélective et la surpêche (Pauly et al., 1998); ces facteurs pourraient avoir un impact sur la quantité ou la qualité des proies de l’otarie de Steller. Des études d’alimentation contrôlée ont permis de démontrer que les otaries, en particulier les jeunes animaux, qui consomment de grandes quantités de poisson faible en gras comme la goberge n’arrivent pas toujours à maintenir leur masse corporelle (Rosen et Trites, 2000c; Azana, 2002). Ainsi, les interactions entre le climat, la pêche et les proies peuvent exercer une influence notable sur l’état nutritionnel des otaries de Steller, voire sur leur survie.


Adaptabilité

Si on se fie aux observations réalisées depuis un siècle, il est peu probable qu’une roquerie soit de nouveau colonisée si tous les animaux reproducteurs sont tués ou forcés de quitter les lieux. Il semble plutôt que des échoueries permanentes puissent devenir des roqueries si un nombre suffisant de femelles réussissent à y mettre bas. On a observé ce phénomène à plusieurs sites du sud-est de l’Alaska et à un site du golfe d’Alaska, mais nulle part ailleurs (Calkins et al., 1999). Étant donné la rigidité et la nature traditionnelle des sites de reproduction, ainsi que la sensibilité des otaries aux perturbations (Lewis, 1987; Porter, 1997), il semble peu probable que de nouvelles roqueries puissent s’établir grâce à une intervention humaine. On a réussi à faire naître ou grandir des otaries de Steller en captivité (notamment au Hardervijk Dolphinarium des Pays-Bas et au Marine Science Centre de l’aquarium de Vancouver), mais on ignore si ces individus pourraient survivre d’eux-mêmes si on les relâchait dans la nature. Une éventuelle recolonisation de la Colombie-Britannique se ferait probablement par l’immigration venue de roqueries d’Oregon ou du sud-est de l’Alaska.

L’otarie de Steller peut tolérer une large gamme de températures de l’air et de l’eau. Elle consomme des groupes de proies très variés, allant du poisson de fond aux espèces grégaires nageant entre deux eaux. Elle devrait donc être raisonnablement capable de s’adapter à des variations périodiques de la qualité et de la quantité des proies disponibles. Cependant, l’otarie de Steller tend à continuer de fréquenter les mêmes sites nombre d’années après que la répartition des proies semble avoir changé (Olesiuk, obs. pers.). Ainsi, les variations de l’abondance des proies associées à des régimes océaniques différents peuvent influer sur la quantité d’otaries que le milieu peut soutenir.

 

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