Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur le panache au Canada-2006
- Table des Matières
- Sommaire de l’évaluation
- Résumé
- Information sur l'espèce
- Répartition
- Habitat
- Biologie
- Taille et tendances des populations
- Facteurs limitatifs et menaces
- Importance de l'espèce
- Protection actuelle ou autres désignations de statut
- Résumé technique
- Remerciements et experts contactés
- Sources d'information
- Sommaire biographique du rédacteur du rapport
- Collections examinées
Table des Matières
Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :
COSEPAC. 2006. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur le panache (Pseudevernia cladonia) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. vii + 32 p. (http://www.registrelep-sararegistry.gc.ca/sar/assessment/status_f.cfm).
Note de production :
Le COSEPAC aimerait remercier Stephen R. Clayden qui a rédigé le rapport de situation sur le panache (Pseudevernia cladonia), en vertu d’un contrat avec Environnement Canada. René Belland, coprésident (mousses et lichens) du Sous-comité de spécialistes des plantes et lichens du COSEPAC, a supervisé le présent rapport et en a fait la révision.
Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Status Report on the Ghost Antler Pseudevernia cladonia in Canada.
Illustration de la couverture :
Panache -- Photo par S.R. Clayden
©Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2006
No de catalogue CW69-14/478-2006F-PDF
ISBN 0-662-71762-7
Sommaire de l’évaluation
Nom commun: Panache
Nom scientifique: Pseudevernia Cladonia
Statut: Espèce préoccupante
Justification de la désignation: Cette espèce de macrolichen finement ramifié et d'un blanc crayeux se trouve sur les ramilles des conifères des forêts d'épinettes et de sapins des zones montagnardes et côtières froides de l'est de l'Amérique du Nord. Sa répartition est très sporadique au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, probablement en raison d'une capacité de dispersion limitée, et, dans le sud-est du Québec, elle est restreinte à quelques sommets de montagne dispersés ayant une altitude de plus de 800 m et à la ligne de partage des eaux longeant la frontière des États-Unis. Dans les endroits montagnards où se trouve l'espèce, la construction de tours de transmission, l'aménagement de pentes de ski alpin et l'exploitation forestière ont causé certaines diminutions de la superficie et de la qualité de l'habitat. Dans les Maritimes, certaines pertes de populations sont attribuables à l'exploitation forestière et à l'aménagement résidentiel. La gravité des menaces est compensée par l'abondance de l'espèce sur une grande aire et la découverte potentielle d'importantes populations sur certains sommets de montagne au Québec.
Répartition: Québec, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse
Historique du statut: Espèce désignée « préoccupante » en avril 2006. Évaluation fondée sur un nouveau rapport de situation.
Résumé
Information sur l’espèce
LePseudevernia cladonia est un macrolichen de couleur blanc crayeux à gris pâle poussant sur les arbres, dont les lobes étroits bifurquent de façon symétrique. Bien que ces lobes soient aplatis en coupe transversale et que leur face inférieure soit canaliculée et tachetée de noir, le thalle, de façon générale, a un aspect fruticuleux qui ressemble en surface à celui d’une cladonie des rennes. Il est dépourvu de sorédies, d’isidies ou d’autres propagules végétatifs spécialisés et ne forme que très rarement des apothécies.
Répartition
LeP. cladonia croît principalement dans les forêts montagnardes d’épinette et de sapin des Appalaches, dans l’est de l’Amérique du Nord, à partir des Great Smokies (35° N) jusqu’au mont Katahdin (46° N). Dans la partie nord-est de son aire de répartition, l’espèce se retrouve également à de basses altitudes, le long ou à proximité des côtes de la baie de Fundy et de l’Atlantique du Maine, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. On compte aussi une population très isolée dans les hautes montagnes de la République dominicaine, dans les forêts de Pinus occidentalis, une espèce endémique. Dans les provinces maritimes, 9 des 17 sites connus ont été découverts après 1990. Au Québec, avant 2004, le P. cladonia n’a été enregistré qu’une seule fois, soit en 1959, sur le mont Orford. Toutefois, un récent travail sur le terrain a démontré que l’espèce est relativement bien répandue dans les forêts matures de sapins baumiers, à des altitudes supérieures à 800 m, dans une petite région du sud-est du Québec, contiguë aux montagnes de l’ouest du Maine et du nord du New Hampshire.
Habitat
En Amérique du Nord, le P. cladonia croît dans les forêts fraîches et humides de conifères dominées par l’épinette rouge et le sapin baumier (sapin de Fraser dans le sud des Appalaches) des régions montagnardes ou côtières. Une caractéristique importante, commune à ces peuplements côtiers et montagnards, est leur immersion fréquente et souvent prolongée dans le brouillard ou les nuages. Au Canada, le P. cladonia a été vu poussant sur du sapin baumier, de l’épinette rouge et de l’épinette noire. Il pousse principalement au niveau des rameaux et des branches et, moins fréquemment, sur le tronc de ces espèces d’arbres ou sur les débris ligneux du tapis forestier.
Biologie
Le P. cladonia est dépourvu de propagules végétatifs spécialisés et ne forme que très rarement d’apothécies et d’ascospores. Cette espèce se reproduit donc principalement par fragmentation du thalle. Toutefois, contrairement à celui de nombreux lichens épiphytes fruticuleux (par exemple les espèces de Bryoria), le thalle de cette espèce n’est pas particulièrement cassant. Ainsi, sa capacité à se disperser sur de grandes distances, ou même à se disperser à l’intérieur d’un même peuplement, semble limitée lorsque les peuplements sont, de prime abord, colonisés par un seul ou un petit nombre de fragments. Souvent, on ne retrouve que très peu de lichens d’autres espèces sur les rameaux colonisés par le P. cladonia. Cette observation suggère que ce dernier est peu compétitif et donc exclus des branches dont la surface est plus fortement colonisée par les autres espèces, ou qu’il tolère un certain nombre de caractéristiques du microhabitat du rameau qui seraient inhospitalières aux autres espèces de lichens.
Taille et tendances des populations
On connaît 20 sites colonisés par le P. cladonia au Canada : 3 au Québec, 10 au Nouveau-Brunswick et 7 en Nouvelle-Écosse. Dans la plupart des sites des provinces maritimes, moins de 50 thalles ont été dénombrés, à l’exception remarquable d’un site du Nouveau-Brunswick où plus de 2 000 thalles sont présents. Sur 5 populations des provinces maritimes découvertes avant 1990, 3 n’ont pas été retrouvées en 2003 et 2004. Deux de celles-ci ont manifestement été détruites par le développement résidentiel. La population connue du Québec, qui contenait au départ un nombre indéterminé d’individus colonisant un seul petit site et enregistrée pour la dernière fois en 1959, s’élevait à plus de 3 000 000 de thalles en 2004. Ces thalles sont essentiellement présents dans deux sites comportant une importante superficie d’une altitude supérieure à 800 m. Il est probable que d’autres occurrences à haute altitude seront découvertes dans une petite région montagnarde du sud-est du Québec contiguë aux États-Unis.
Facteurs limitatifs et menaces
Les régions côtières du sud du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse se situent à la périphérie nord-est de l’aire de répartition du P. cladonia. Son absence de ces régions, malgré que de nombreux sites semblent offrir un habitat propice, est vraisemblablement une conséquence de sa capacité limitée à se disperser. Manifestement, chacune des occurrences connues représente un cas isolé d’établissement au moyen de la dispersion sur de grandes distances. Une fois établi dans un peuplement forestier, le P. cladonia semble incapable de se disperser rapidement ou sur une grande superficie. Ceci s’explique encore par le fait que le thalle ne se fragmente pas facilement et qu’il ne produit pas d’autres propagules. L’exploitation des forêts humides d’épinette et de sapin détruira vraisemblablement les sites les plus susceptibles de contenir des populations. L’occurrence contenant plus de 75 p. 100 de la population connue dans les provinces maritimes se situe dans un vieux peuplement présentement menacé par l’exploitation forestière et le développement résidentiel. À plus long terme, l’importante population présente dans le sud-est montagnard du Québec est potentiellement menacée par la modification progressive dans l’altitude moyenne de la base des nuages. Des recherches révèlent que cette altitude a augmenté d’environ 4 m par année au cours des 30 dernières années, possiblement en raison du réchauffement climatique. Si ce phénomène persiste, cette modification pourrait entraîner une réduction graduelle mais importante de l’aire occupée par la sapinière montagnarde humide (d’influence nuageuse), propice au P. cladonia. Une des populations «protégées» des sommets montagneux d’un parc national québécois est menacée par un projet de ski alpin. Cette même population pourrait également avoir vu sa taille réduite par la construction de plusieurs grandes tours de télécommunication.
Importance de l’espèce
Le P. cladonia fait partie d’un petit groupe de lichens limités aux forêts de conifères des régions montagnardes et des régions côtières fraîches de l’est de l’Amérique du Nord. Les occurrences côtières de l’espèce se trouvent majoritairement au Canada. Dans les sites montagnards, l’espèce pourrait s’avérer un indicateur utile des changements climatiques.
Protection actuelle ou autres désignations de statut
Des 17 sites des provinces maritimes, 3 sont situés dans des parcs provinciaux tandis qu’un autre se trouve dans un parc national. Le P. cladonia semble toutefois disparu de ce dernier site en raison de perturbations naturelles dans l’habitat. Au Québec, 2 des sites connus jusqu’à maintenant se trouvent dans des parcs nationaux québécois. Toutefois, dans un de ces parcs, la population est menacée par des activités de développement sur les sommets montagneux. Le troisième site connu au Québec, situé dans une zone d’exploitation contrôlée (ZEC), bénéficie d’une protection plus limitée.
Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le Comité a été créé pour satisfaire au besoin d’une classification nationale des espèces sauvages en péril qui soit unique et officielle et qui repose sur un fondement scientifique solide. En 1978, le COSEPAC (alors appelé Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) promulguée le 5 juin 2003, le COSEPAC est un comité consultatif qui doit faire en sorte que les espèces continuent d’être évaluées selon un processus scientifique rigoureux et indépendant.
Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) évalue la situation, au niveau national, des espèces, des sous-espèces, des variétés ou d’autres unités désignables qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées aux espèces indigènes comprises dans les groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, arthropodes, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.
Le COSEPAC est composé de membres de chacun des organismes responsable des espèces sauvages des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (le Service canadien de la faune, l’Agence Parcs Canada, le ministère des Pêches et des Océans et le Partenariat fédéral d’information sur la biodiversité, lequel est présidé par le Musée canadien de la nature), de trois membres scientifiques non gouvernementaux et des coprésidents des sous-comités de spécialistes des espèces et du sous-comité des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit au moins une fois par année pour étudier les rapports de situation des espèces candidates.
Espèce sauvage: Espèce, sous-espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte d'animal, de plante ou d'une autre organisme d'origine sauvage (sauf une bactérie ou un virus) qui est soit indigène du Canada ou qui s'est propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins cinquante ans.
Disparue (D): Espèce sauvage qui n'existe plus.
Disparue du pays (DP): Espèce sauvage qui n'existe plus à l'état sauvage au Canada, mais qui est présente ailleurs.
En voie de disparition (VD)*: Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente.
Menacée (M): Espèce sauvage susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitants ne sont pas renversés.
Préoccupante (P)**: Espèce sauvage qui peut devenir une espèce menacée ou en voie de disparition en raison de l'effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle.
Non en péril (NEP)***: Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné les circonstances actuelles.
Données insuffisantes (DI)****: Une catégorie qui s'applique lorsque l'information disponible est insuffisante (a) pour déterminer l'admissibilité d'une espèce àl'évaluation ou (b) pour permettre une évaluation du risque de disparition de l'espèce.
* Appelée « espèce disparue du Canada » jusqu'en 2003.
** Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu'en 2000.
*** Appelée « espèce rare » jusqu'en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.
**** Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».
***** Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu'en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999. Définition de la catégorie (DI) révisée en 2006.
Environnement Environment
Canada Canada
Service canadien Canadian
de la faune Wildlife Service
Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.
Information sur l'espèce
Nom et classification
Pseudevernia cladonia (Tuck.) Hale et Culb.
Bryologist 69 : 165 (1966)
Basionyme : Evernia furfuracea var. cladonia Tuck., Proceedings of the American Academy of Arts and Sciences 1 : 204 (1847); type : États-Unis, « sapins et autres arbres, sur les montagnes du nord de la Nouvelle-Angleterre », Tuckerman (FH – holotype).
Autres synonymes : Parmelia furfuracea var. cladonia (Tuck.) Howe, Bryologist 16 : 35 (1913); Parmelia cladonia (Tuck.) Du Rietz, Svensk Botanisk Tidskrift 18 : 390 (1924); Evernia ceratea var. cladonia (Tuck.) Fink, The Lichen Flora of the United States, 340 (1935).
Classification: Conventionnellement, le lichen Pseudevernia cladonia porte le nom de sa composante fongique (mycobionte). Le genre Pseudevernia fait partie de la famille des Parmeliacées, dans l’ordre des Lécanorales, division des Ascomycètes. La composante photosynthétique (photobionte) est une algue verte cocciforme appartenant à l’espèce morphologique Trebouxia jamesii (Kroken et Taylor, 2000). Plusieurs espèces cryptiques non encore nommées à ce jour, identifiables par les variations dans la séquence d’ADN, se retrouvent dans l’espèce T. jamesii (Kroken et Taylor, 2000). Il est possible que le P. cladonia soit lichénisé par plus d’une de ces espèces phylogénétiques.
À ce jour, aucun taxon infraspécifique au P. cladonia n’a été identifié. Le Pseudevernia est un petit genre, constitué de seulement quatre ou cinq espèces dans le monde. Hale (1968) a reconnu six espèces, dont deux [le P. olivetorina (Zopf) Zopf et le P. soralifera (Bitt.) Zopf] sont maintenant communément identifiées comme étant l’espèce P. furfuracea (L.) Zopf (par exemple Santesson et al. 2004). Le P. furfuracea est largement réparti dans les régions tempérées à boréales de l’Eurasie occidentale et de l’Afrique du Nord, et des populations marginales éloignées sont présentes au Mexique, en Amérique centrale et du Sud ainsi qu’en Afrique orientale. Le P. cladonia, le P. consocians (Vainio) Hale et W. Culb. et le P. intensa (Nyl.) Hale et W. Culb. sont endémiques au Nouveau Monde et diffèrent les uns des autres par leur morphologie, leur aire de répartition géographique et leur écologie.
Nom commun : Le nom commun anglais est Ghost Antler Lichen (Brodo et al., 2001). Le nom Antler Lichen semble avoir été proposé par Nearing (1947). Le déterminant ghost (« fantôme ») fait référence à la pâleur du thalle, qui est presque blanc. Cette coloration est parfois intensifiée dans le sous-étage ombragé de son habitat de forêt de conifères. Aucun nom français ou autochtone n’a été proposé. Les noms « panache », « petits bois » ou « petits bois blancs » sont des possibilités.
Descriptionmorphologique et chimique
Le P. cladonia est un macrolichen épiphyte qui se remarque facilement. Son thalle, de coloration blanc crayeux à gris pâle et de texture mate, se ramifie en bifurquant de façon symétrique et répétitive à partir de la base (Figure 1). Les angles intérieurs des ramifications sont généralement de 70° à 110°, chacun se recourbant légèrement vers l’intérieur après l’embranchement, qui prend la forme d’une fourchette à deux dents. Les branches nouvelles ou jeunes sont rondes ou légèrement aplaties en coupe transversale et d’environ 0,2 mm de diamètre. Graduellement, elles prennent la forme plus distincte d’un ruban, avec une face inférieure canaliculée formée par le rabaissement et l’épaississement des bords du lobe. Parce que la ramification se fait sur différents plans, le thalle a une croissance cespiteuse (fruticuleuse). Ce caractère est mentionné dans le nom de l’espèce, cladonia, un homonyme du nom du genre des cladonies des rennes, peu apparentés au P. cladonia.
Figure 1. Thalle du Pseudevernia cladoniacolonisant un rameau de Picea rubens, au lac Wolsely, Nouveau-Brunswick (photographie : S. R. Clayden).
Les thalles luxuriants du P. cladonia peuvent atteindre un diamètre de 12 cm et une hauteur (épaisseur) de 4 cm. Dans les parties basales des gros thalles, qui sont plus vieux, les branches peuvent être aussi larges que 2,5 mm. Leurs faces inférieures canaliculées deviennent grises (ou brunes par endroits), grises tachetées de noir ou noires, quoique ces zones de pigmentation foncée développent parfois une mince « pruine » d’un blanc cendreux et finement texturée. Avec le temps, le changement d’orientation de certaines branches, en fonction de la luminosité, entraîne une modification partielle et irrégulière dans le développement des attributs des faces supérieures et inférieures. Par conséquent, ces branches deviennent plus irrégulières (moins aplaties) en coupe transversale et peuvent montrer des crêtes longitudinales avec des sillons et des alvéoles noircis en alternance.
Les isidies, les sorédies ou les autres propagules végétatifs spécialisés sont absents. Les contraintes forment de fines fissures orientées transversalement à l’axe de la branche et peuvent être éparses ou denses. Toutefois, ces fissures s’étendent seulement vers le bas (vers l’intérieur), soit vers la base du cortex. La dense médulle cotonneuse est, quant à elle, résistante au déchirement. Le thalle n’est ainsi donc pas enclin à la fragmentation. Les pycnides sont rares sur la face supérieure des jeunes branches; de l’extérieur elles ont l’apparence de taches noires mesurant de 0,05 à 0,08 mm de diamètre. Les apothécies sont extrêmement rares et, dans les populations canadiennes du P. cladonia, elles n’ont été observées que sur un thalle.
Le cortex et la médulle contiennent respectivement les produits chimiques secondaires atranorine et acide lécanorique.
Il existe une excellente photographie en couleur de l’espèce dans le livre Lichens of North America (Brodo, Sharnoff et Sharnoff, 2001).
Descriptiongénétique
Il n’y a pas de données sur la structure génétique de la population de cette espèce au Canada ou ailleurs.
Unités désignables
Aucune. Justification : Les populations montagnardes du sud-est du Québec et les populations côtières de faible altitude des provinces maritimes du P. cladonia sont séparées par plus de 300 km. Toutefois, entre ces deux régions, il existe des populations éparses dans l’ouest et le centre montagnard du Maine ainsi que dans les comtés de Hancock et de Washington, situés dans l’est côtier du Maine, qui est contigu au Nouveau-Brunswick. Il n’y a donc pas de vides majeurs dans l’aire de répartition de l’espèce entre le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Malgré les différences évidentes dans les emplacements topographiques des populations montagnardes et côtières, le climat et la végétation de ces régions partagent de nombreuses caractéristiques. En effet, elles sont toutes deux situées dans l’écozone maritime de l’Atlantique (Groupe de travail sur la stratification écologique, 1995).
Répartition
Aire de répartition mondiale
LeP. cladonia se retrouve principalement dans les forêts de conifères montagnardes des Appalaches, dans l’est de l’Amérique du Nord, du 35° N au 46° N (Figure 2). Aux États-Unis, l’espèce est présente dans les Great Smokies (Tennessee et Caroline du Nord), les Alleghany (Virginie et Virginie-Occidentale), les Catskills et les Adirondacks (New York), les montagnes Vertes et les montagnes Blanches (Vermont et New Hampshire) ainsi que les montagnes de l’ouest et du centre nord du Maine (Hale, 1955; Hale, 1968; Hinds et Hinds, 1998). Une population très isolée croît dans les forêts de Pinus occidentalis des hautes montagnes de la République dominicaine situées à environ 19° N (Hale, 1968). L’occurrence la plus septentrionale dont l’enregistrement soit fiable est à Big Reed Pond (46° 21’ N), à environ 50 km au nord-nord-ouest du mont Katahdin dans l’État du Maine (Selva, 1994). Les occurrences montagnardes connues dans le nord du Vermont et du New Hampshire ainsi que dans l’ouest du Maine sont contiguës, ou presque, avec d’autres occurrences montagnardes relevées dans une petite portion du sud-est du Québec, au Canada. Dans la partie nord-est de son aire de répartition, le P. cladonia se trouve également à de basses altitudes, le long du Golfe du Maine et des côtes de la baie de Fundy et de l’Atlantique du Maine, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, ou à proximité (Figure 3). Une mention du P. cladonia dans l’État de Oaxaca au Mexique (Yoshimura et Sharp, 1968) origine vraisemblablement d’une confusion avec le P. intensa. En effet, cette espèce se trouve dans le sud des Rocheuses, situées dans l’ouest de l’Amérique du Nord et du Mexique (Nash et Elix, 2002).
Figure 2. Aire de répartition mondiale du Pseudevernia cladonia.Les étoiles indiquent des occurrences isolées et, dans certains cas, représentent des sites rapprochés (deux ou plus).
Figure 3. Aire de répartition canadienne du Pseudevernia cladonia.
Dans les Appalaches, du sud au nord, la moyenne de la limite inférieure d’altitude des forêts montagnardes d’épinette et de sapin, qui est à environ 1 500 m dans les Great Smokies, diminue à environ 760 m dans la région frontière montagnarde entre le New Hampshire/Maine et le sud-est du Québec (Marcotte et Grandtner, 1974; Gauvin et Bouchard, 1983; Cogbill et White, 1991). Au mont Katahdin, la limite équivalente s’élève à environ 550 m (Cogbill et White, 1991). La diminution dans l’altitude de l’écotone montagnard de la forêt de feuillus/conifères, entre le sud-est du Québec et le mont Katahdin, semble refléter un gradient d’augmentation de l’océanité (diminution de la continentalité) d’ouest en est (voir Cogbill et White, 1991). L’écotone montagnard de feuillus/conifères est aussi corrélé avec une température estivale (juillet) moyenne de 17 °C (cf. Cogbill et White, 1991; White et Cogbill, 1992). Le long de la baie de Fundy, la transition de la forêt côtière d’épinette et de sapin à des forêts intérieures mixtes et de feuillus est aussi corrélée avec cet isotherme (Clayden, 2000).
La répartition montagnarde et côtière du P. cladonia reflète, en grande partie, ces gradients de latitude/altitude, température, continentalité et végétation forestière. Dans les Great Smokies, l’espèce est « commune dans la ceinture forestière composée de conifères […] à des altitudes de 1 540 m et plus » (Degelius, 1941). Sur les versants des montagnes du sud-est du Québec, près de la frontière américaine, les occurrences connues se situent à des altitudes minimales de 790 à 840 m (S. R. Clayden, comm. pers.; Tableau 1). Sur les versants du mont Katahdin, la zone d’altitude du P. cladonia n’est pas connue en détail; les collectes bien documentées varient seulement entre environ 880 à 915 m (J. W. Hinds, comm. pers.). Toutefois, entre le mont Katahdin et la côte du Maine, des populations dispersées sont présentes dans les vieux peuplements situés à des altitudes intermédiaires. Environ 15 occurrences du P. cladonia sont connues dans l’État du Maine (Degelius, 1940; Sullivan, 1996; Hinds et Hinds, 1998; J. W. Hinds, comm. pers.; S. B. Selva, comm. pers.) : le comté de Somerset (Sandy Bay Mountain), le comté de Piscataquis (mont Katahdin; Big Squaw Mountain; Big Reed Pond), le comté de Penobscot (Orono), le comté de Cumberland (Prince Point), le comté de Hancock (Lead Mountain; Black Mountain; Acadia National Park) et le comté de Washington (Steuben).
*x: population n’ayant pas été retrouvée dans les relevés de 2003 et 2004
On peut inférer que la limite supérieure d’altitude du P. cladonia, le long des Appalaches, coïncide avec la limite des forêts denses d’épinette et de sapin. Tout comme pour la limite inférieure de ces peuplements, l’altitude de l’écotone forêt/toundra diminue avec l’accroissement de la latitude. Toutefois, la limite forestière, influencée par le climat, n’est dépassée que sur de hauts sommets dispersés, tels que le mont Marcy, le mont Washington et le mont Katahdin.
Aire de répartition canadienne
Au Canada, le P. cladonia est présent dans une petite région des Appalaches du sud-est du Québec, où il est restreint à des altitudes supérieures à 790 m. Il est aussi présent, de façon dispersée, dans des sites côtiers ou près des côtes, le long des côtes de la baie de Fundy et de l’Atlantique du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse (Figures 3, 4 et 5; Tableau 1). Il a fallu beaucoup de temps avant que n’émergent d’informations précises et valables concernant l’occurrence de l’espèce au Canada. Torrey (1935) signale l’espèce aux monts Chics-Chocs, en Gaspésie, au Québec, « à 2 500 à 3 000 pieds ». Toutefois, à New York, là où sont maintenant entreposées les collections de R. H. Torrey, il n’existe pas de spécimens de référence correspondants (R. C. Harris, comm. pers.). De plus, sur les monts Chics-Chocs, il n’existe pas de signalements subséquents de l’espèce et ce, bien que des lichénologistes d’expérience aient effectué un relevé de la région. Toujours au Québec, Lepage (de 1947 à 1949) signale la présence du P. cladonia en s’appuyant sur un spécimen provenant de Cap-aux-Corbeaux, dans la région du Bic [Lepage 1835 (QFA, NBM)]. Ce spécimen a par la suite été examiné par S. R. Clayden (comm. pers.), qui l’a identifié comme étant plutôt de l’espèce Anaptychia setifera Räsänen. Lepage (de 1947 à 1949) signale également la présence du P. cladonia en Nouvelle-Écosse, mais cette mention n’est appuyée par aucune donnée concernant le lieu ou le spécimen. Auparavant, l’espèce n’avait jamais été signalée ou récoltée dans cette province. Il existe un signalement erroné en Ontario (Yoshimura et Sharp, 1968) en raison d’une étiquette de spécimen mal interprétée.
Des 20 sites canadiens vérifiés ou acceptés dans le présent rapport de situation, un seul a été cité dans une publication. Dans celle-ci, Gowan et Brodo (1988) signalent la présence du P. cladonia dans le parc national Fundy, au Nouveau-Brunswick, comme une première mention de l’espèce au Canada. Toutefois, les plus anciennes collectes canadiennes connues datent de 1959 et ont été effectuées par Fabius LeBlanc près du sommet du mont Orford au Québec [LeBlanc 11589, 11622 (QFA)]. LeBlanc (1960) signale cette occurrence dans sa thèse de doctorat portant sur la phytosociologie des bryophytes et des lichens épiphytes du sud du Québec. Son principal article sur ce sujet identifie le P. cladonia comme une composante d’un assemblage d’espèces rares (« union à Parmelia furfuracea ») retrouvée « dans les montagnes où l’atmosphère est humide » (LeBlanc, 1963, pages 619 et 626). Toutefois, aucun lieu spécifique n’est mentionné. Par ailleurs, il n’existe aucune autre collecte ou observation du P. cladonia, sur le mont Orford ou ailleurs au Québec, qui soient antérieures à la reconnaissance entreprise par S. R. Clayden en 2004 pour documenter les occurrences de cette espèce.
Durant les années 1970 et 1980, pendant qu’il effectuait des recherches sur l’aire de répartition des espèces d’Erioderma et d’autres cyanolichens épiphytes rares dans le Canada atlantique, Wolfgang Maass a découvert 6 petites populations de P.cladonia en Nouvelle-Écosse et une autre au Nouveau-Brunswick. Les détails concernant un des sites de la Nouvelle-Écosse ainsi qu’une brève mention des autres sites découverts se trouvent dans un rapport non publié (Maass, 1997). Dans ce rapport, la population du Nouveau-Brunswick a été localisée par erreur sur l’île Campobello, mais elle était plutôt située sur l’île voisine, l’île Deer (W.S.G. Maass, comm. pers.). Au Nouveau-Brunswick, 8 des 10 sites actuellement connus du P. cladonia ont été découverts après 1990 et 4 de ceux-ci ont été découverts en 1991 ou ultérieurement (voir le résumé technique et le Tableau 1). Deux des sites de la Nouvelle-Écosse, tels que cartographiés sur la Figure 4 (NS1) et la Figure 5 (NS6), contiennent deux populations séparées par moins de 1 km (voir le Tableau 1).
Figure 4. Répartition côtière et près des côtes du Pseudevernia cladonia le long de la baie de Fundy.Les chiffres correspondent aux sites décrits dans le texte.
Figure 5. Occurrences du Pseudevernia cladonia dans le comté d’Halifax et le comté de Lunenburg sur la côte de l’Atlantique de la Nouvelle-Écosse.Les chiffres correspondent aux sites décrits dans le texte et au Tableau 1.
On croit que la zone d’occurrence du P. cladonia au Québec est de plus de 4 060 km2; toutefois, la superficie documentée est inférieure à 1 150 km2. La plus élevée de ces deux estimations a été obtenue en s’appuyant sur l’hypothèse que des populations non encore enregistrées seront, selon toute vraisemblance, découvertes au mont Sutton (972 m, à environ 35 km au sud-ouest du mont Orford), au mont Sainte-Cécile (885 m, à environ 30 km au nord-est du mont Mégantic) et le long de la frontière entre le Québec et le Maine, au mont Sandy Stream (950 m, à environ 65 km au nord-est du mont Gosford). Dans le polygone qui englobe ces sommets et les autres sites connus colonisés par le P. cladonia, il y a d’étroits segments discontinus d’une sapinière non encore explorée qui s’élève à plus de 800 m le long des frontières du New Hampshire et du Maine. La longueur totale de ces segments est d’approximativement 40 km.
La zone d’occupation du P. cladonia au Québec est inférée être d’environ 3,6 km2. Cette estimation très approximative s’appuie sur la superficie de forêt mature dominée par le sapin baumier située à des altitudes supérieures à 800 m au sud du 46° N et à l’est de la vallée du fleuve Saint-Laurent. Deux zones supplémentaires de présence potentielle, situées dans le sud du Québec à des latitudes inférieures au 47° N, ont été localisées dans une analyse préliminaire au moyen du Système d’information géographique (SIG)*: (i) mont Tremblant (931 m) et environs, à environ 100 km au nord-ouest de Montréal et (ii) mont du Midi (915 m) et environs, à environ 60 km à l’est-sud-est de Québec. Les lichens de ces régions ont été peu inventoriés, voire pas du tout. Il est possible que le P. cladonia soit retrouvé au mont du Midi, mais il semble peu probable de le retrouver au mont Tremblant. En effet, cette région se situe bien en dehors de la chaîne des Appalaches et son climat est probablement plus continental que celui des régions montagnardes de l’est du Saint-Laurent.
La zone d’occurrence au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse est d’environ 3 450 km2. Cette estimation exclut les grandes zones marines et les autres zones mesurables d’habitat non propice. Dans ces provinces, la zone d’occupation ne totalise qu’environ 0,00114 km² (0,114 ha). Pour obtenir cette dernière estimation, un minimum de 10 m2 a été arbitrairement attribué à chacun des sites, même si certaines populations se composent de moins de dix individus colonisant un seul arbre ou une petite quantité de très petits arbres (moins de 2 m de hauteur et projection du couvert inférieure à 1,5 m2).
*Cette analyse a été effectuée par le personnel de géomatique de la Direction du patrimoine écologique et du développement durable, ministère de l’Environnement, Québec, avec l’aimable collaboration et les directives de Line Couillard (chef d’équipe, Service de la biodiversité). L’analyse a produit des estimations de la superficie du territoire située au-dessus de 800 m d’altitude ainsi que de la superficie des forêts dominées par le sapin au-dessus de cette altitude, qui sont comprises dans un rectangle déterminé par les coordonnées 45° à 47°N et 70° à 75° O. En s’appuyant sur les données de couverture du système d’information forestière par tesselle (SIFORT), la superficie totale de forêts de sapin d’une altitude supérieure à 800 m dans ce rectangle a été estimée à 17,86 km2 (1 786 ha). Toutefois, cette valeur semble sous-estimer de façon considérable la superficie réelle. On sait que les données du SIFORT ne sont pas aussi précises que celles des cartes écoforestières traditionnelles (L. Couillard, comm. pers.). La zone montagnarde de peuplements de sapins dans les régions du mont Mégantic et du mont Gosford dépasse à elle seule 18 km2. Les estimations données ici pour la zone d’occupation n’incluent pas les régions du mont Tremblant et du mont du Midi.
Habitat
Besoins en matière d’habitat
Le P. cladonia occupe principalement les forêts de conifères fraîches et humides dominées par le sapin (Abies balsamea, A. fraseri) et l’épinette rouge (Picea rubens) des régions montagnardes ou côtières (ou situées près des côtes). Il est absent des forêts boréales d’épinette et de sapin plus septentrionales, dans lesquelles l’épinette rouge est remplacée par l’épinette noire (P. mariana) et l’épinette blanche (P. glauca). Toutefois, l’épinette noire est présente dans certains sites mal drainés du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Dans la plupart de ces peuplements, on retrouve également, de façon dispersée, des bouleaux à feuilles cordées (Betula cordifolia) et des sorbiers (Sorbus americana etS. decora). Dans le sud des Appalaches, le sapin baumier est remplacé par le sapin de Fraser (A. fraseri), une espèce étroitement apparentée. En République dominicaine, le P. cladonia est présent dans les forêts de haute altitude de Pinus occidentalis.
Les habitats côtiers et montagnards du P. cladonia se caractérisent principalement par des températures fraîches et une immersion fréquente et souvent prolongée dans le brouillard ou les nuages. Dans l’est de l’Amérique du Nord, le long des Appalaches, la base moyenne des nuages est située à une altitude d’environ 800 m. Au-dessus de cette altitude, les versants et les sommets du nord des Appalaches baignent dans les nuages de 30 à 50 p. 100 du temps (Mohnen, 1992). Le long du golfe du Maine et de la baie de Fundy, d’avril à octobre, un brouillard d’advection marin, formé par le refroidissement de masses d’air humides passant au-dessus de la surface océanique froide, tapisse la région côtière de 12 p. 100 à plus de 27 p. 100 du temps (Cox et al., 1989). La fréquence de brouillard augmente d’ouest en est, de la côte du Maine central jusque dans la baie de Fundy (Jagels et al., 1989). Cette fréquence atteint ses plus hauts niveaux près de Saint John (Cox et al., 1996) puis décline vers le fond de la baie. Des zones localisées d’incidence de brouillard plus élevée, y compris le cap Chignecto (site NS1 du P. cladonia), pourraient indiquer la présence d’eaux de surface plus froides près de la côte. Ces eaux de surface plus froides s’expliquent, quant à elles, par les courants de marée et les profils de mélange. La côte sud de la baie de Fundy, du mont Nord à l’isthme de Digby, semble sujette à des brouillards moins fréquents que la côte Nord (voir Cox et al., 1996). Ceci pourrait expliquer l’absence apparente du P. cladonia à cet endroit (Figures 3, 4). La fréquence et la durée du brouillard, le long de certaines parties de la côte de l’Atlantique de la Nouvelle-Écosse, sont comparables ou supérieures à celles que l’on retrouve dans la baie de Fundy. Toutefois, une cartographie détaillée du brouillard dans les provinces maritimes n’est pas disponible.
Près des côtes, le P. cladonia croît dans l’intérieur humide des forêts, mais pas dans les zones littorales exposées aux vents. Ailleurs, la structure et la topographie des habitats du P. cladonia au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse sont assez variables. Certains habitats sont des forêts matures ou vieilles dominées par l’épinette rouge et se caractérisant par un couvert élevé et par de nombreux arbres probablement âgés de plus de 100 ans. Bien que ces peuplements puissent se retrouver sur des sites mal drainés qui contiennent, en conséquence, beaucoup de dépressions tourbeuses (par exemple NB9 et NS1), d’autres peuplements (NB4, NB7, NB8 et NB10) sont présents sur les versants et les basses crêtes adjacentes exposés à l’ouest ou au nord-ouest qui sont frais et bien drainés. Le site NB8, qui contient de loin la plus importante population de P. cladonia connue dans les provinces maritimes (environ 85 p. 100 de tous les individus dénombrés), est une exceptionnelle et minuscule relique d’un vieux peuplement d’épinette rouge dont certains arbres sont probablement âgés de plus de 200 ans. Il est probable que, en s’éloignant de la côte, le P. cladonia soit de plus en plus confiné aux vieux peuplements dans lesquels l’humidité relative élevée contrebalance la fréquence plus faible de brouillard. À cet égard, il est significatif que l’occurrence plutôt isolée du P. cladonia à Big Reed Pond, dans le nord du Maine, soit située dans la plus grande parcelle de vieille forêt d’épinette rouge qui subsiste dans cet État et que ce site contienne de nombreuses autres espèces de lichens épiphytes rares (Selva, 1994).
Bien que le P. cladonia soit un lichen épiphyte fréquent dans les sapinières montagnardes des Adirondacks (Schmull et al., 2002), des montagnes Blanches (Lang et al., 1980) et du Québec méridional voisin, sa présence ou son absence ainsi que son abondance relative, du moins au Québec, sont clairement déterminées par l’âge du peuplement, la continuité et l’humidité (S. R. Clayden, comm. pers.). Un âge d’environ 80 ans est généralement considéré comme étant l’intervalle moyen où de tels peuplements de sapins sont perturbés par les épidémies de tordeuse des bourgeons de l’épinette, la sénescence et les chablis (par exemple, Lang et al., 1980). De telles perturbations (ou la récolte équivalente pour le bois de pâte) surviennent à des échelles très variables, générant à la fois des zones importantes de peuplements équiennes et des mosaïques de parcelles forestières beaucoup plus petites, l’âge étant uniforme dans une parcelle, mais variable entre parcelles voisines. Au Québec, dans ce contexte de dynamique forestière, le P. cladonia est fortement restreint aux peuplements matures ou ayant dépassé la maturité formant des petites parcelles d’une superficie inférieure à 0,1 ha à des parcelles plus ou moins continues dont la superficie approche peut-être 50 ha. Le P. cladonia est aussi plus fréquent sur les versants exposés au nord que sur les versants autrement orientés et, sur un sol horizontal, il est plus fréquent dans les sites ayant un drainage ralenti plutôt qu’un bon drainage. Au site le moins élevé du Québec (790 m), l’espèce se retrouve sur le versant exposé au nord (mais non sur celui exposé au sud) d’un petit ravin boisé aux bords escarpés et contenant encore dans son fond, rempli de rochers couverts de mousses, une quantité importante de glace, bien la région ait été recensée au milieu du mois de juin 2004.
Dans certains des sites côtiers du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse où le P. cladonia est présent, les forêts sont plutôt de petite stature (hauteur d’arbre maximale de 10 à 12 m). Ces peuplements peuvent comporter une structure plutôt claire en raison du déracinement par le vent des arbres morts ou dépérissants (par exemple, NB5). Toutefois, dans ces peuplements, l’humidité relative reste élevée en raison du mauvais drainage et de la présence généralisée, bien que mince, d’un tapis de sphaignes. La série d’espèces de sphaignes retrouvée dans ces sites comprend le S. russowii, le S. girgensohnii et le S. magellanicum. Il y a un recouvrement considérable dans la végétation de sous-étage des habitats côtiers et montagnards d’épinette et de sapin du P. cladonia. Les espèces communes incluent les bryophytes Pleurozium schreberi, Bazzania trilobata et plusieurs espèces de Dicranum (les sites côtiers, mais non montagnards, contiennent parfois le D. majus) et les plantes vasculaires Dryopteris campyloptera, Oxalis montana, Coptis groenlandica, Clintonia borealis, Cornus canadensis, Maianthemum canadense et Gaultheria hispidula. La couverture des arbustes de petite à grande taille, qui comprend le Nemopanthus mucronata et le Vaccinium myrtilloides, est généralement très faible.
Le P. cladonia est un spécialiste des rameaux et des branches. Il est beaucoup moins commun sur les troncs d’arbre ou sur les débris ligneux grossiers du tapis forestier. Tous les thalles épiphytes observés au Canada étaient situés sur l’A. balsamea, le P. rubens ou le P. mariana. LeBlanc (1960) mentionne la présence de l’espèce sur un Betula alleghaniensis situé sur le mont Orford, mais il n’existe pas de spécimens de référence pour cette mention de substrat. Dans le sud des Appalaches, le P. cladonia se retrouve principalement sur l’A. fraseri et le P. rubens, mais aussi, moins fréquemment, sur des feuillus et sur l’arbuste éricacée Menziesia pilosa et, plus rarement encore, sur la roche (Degelius, 1941; Dey, 1978).
Dans la plupart des sites du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, les thalles croissent principalement sur les fins rameaux morts, souvent décortiqués, de petits sapins effilés et opprimés par l’ombre et, moins communément, sur des épinettes. Ces gaulis sont généralement d’une hauteur aussi faible que 1 à 3 m et sont situés au-dessous d’un couvert d’arbres d’une hauteur de 10 à 20 m. La seule exception notable à cette tendance dans les sites des provinces maritimes est le vieux peuplement (NB8), qui contient plus de 2 000 thalles. À cet endroit, le P. cladonia est présent non seulement sur les petits sapins et les débris ligneux, mais aussi sur les fûts de grosses épinettes rouges de même que les branches inférieures mortes et étalées, à environ 6 à 10 m au-dessus du sol, de certains de ces gros arbres. Dans chacun des peuplements étudiés, un effort a été fait pour inspecter le couvert d’arbres de plus grosse taille, en partie avec des jumelles, mais aussi en recherchant les arbres récemment déracinés par le vent et, lorsque possible, en y grimpant. Dans son habitat de sapinière montagnarde du Québec méridional, le P. cladonia se retrouve régulièrement depuis les branches étalées les plus basses jusqu’à la cime des sapins. Il semble plus abondant entre 1,5 et 4 m au-dessus du sol et, ici encore, plus commun sur les branches mortes de même que sur les branches vivantes dépourvues d’aiguilles. À un degré limité, il peut aussi s’étendre sur les aiguilles vivantes.
Généralement, on retrouve peu d’autres espèces de lichens sur les rameaux et les branches colonisés par le P. cladonia. En effet, le plus souvent, on n’y retrouve que des thalles peu denses des lichens crustacés Fuscidea arboricola et Scoliciosporum chlorococcum ainsi que des petits thalles dispersés d’Hypogymnia. Cependant, la couverture et la diversité des lichens des autres espèces sont souvent plus importantes sur les branches ou les arbres voisins et comprennent un assemblage d’espèces communes typique des forêts humides d’épinette et de sapin du nord-est. Parmi les espèces les plus fréquentes dans les peuplements côtiers matures, comparativement aux peuplements pionniers (présence ou absence du P. cladonia) des provinces maritimes, on retrouve l’Alectoria sarmentosa, l’Everniastrum catawbiense, l’Hypogymnia krogiae et l’Usnea subscabrosa. L’E. catawbiense croît dans la plupart des sites colonisés par le P. cladonia situés le long de la baie de Fundy. Cette espèce, qui est appalachienne aussi bien que subtropicale-montagnarde, est, dans l’ensemble, plus rare que le P. cladonia. Elle n’est toutefois pas rare dans la région côtière brumeuse de la baie de Fundy. Fait significatif, une occurrence fortement isolée de l’E. catawbiense a été découverte, en compagnie du P. cladonia, dans la région du mont Mégantic. Ceci représente la première mention de l’espèce au Québec et dans tous les sites montagnards situés dans le nord des Appalaches.
On ne sait pas si le P. cladonia a tendance à être exclus par la compétition interspécifique des branches qui présentent un couvert plus abondant de lichens foliosés ou fruticuleux. Toutefois, de leur côté, les macrolichens épiphytes communs qui se retrouvent avec le P. cladonia au niveau du peuplement sont peut-être moins aptes que cette espèce à coloniser les fins rameaux morts ou à se développer sur ceux-ci. Il est aussi possible que le thalle du P. cladonia exige une bonne aération (pour favoriser un séchage rapide ?) malgré l’humidité présente dans le sous-étage d’épinette et de sapin. Si tel est le cas, cette exigence pourrait être mieux satisfaite dans le microhabitat de la branche et du rameau. Aux sites du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, la répartition des thalles de P. cladonia au sein du peuplement est fortement groupée. Cette tendance est examinée plus en détail dans la section Taille et tendances des populations.
Tendances en matière d’habitat
L’aire totale de l’habitat du P. cladonia au Canada semble stable. La succession et la maturation des sapinières montagnardes dans des régions autrefois exploitées mais aujourd’hui protégées du sud-est du Québec pourraient favoriser l’augmentation graduelle des populations à l’intérieur de ces régions. Toutefois, de tels gains pourraient être annulés par des pertes résultant de l’exploitation potentielle des forêts montagnardes ainsi que du développement supplémentaire de tours de communication ou de l’industrie du ski alpin dans les sites des sommets. L’incidence néfaste potentielle de l’augmentation progressive de l’altitude moyenne de la base des nuages (qui a un impact sur les bilans d’humidité) sur les forêts montagnardes du nord des Appalaches reste à déterminer.
Dans les provinces maritimes, au cours des 150 dernières années, l’exploitation des forêts humides matures d’épinette et de sapin situées sur les côtes ou près de celles-ci pourrait avoir réduit l’habitat propice. Toutefois, cela ne peut être démontré avec certitude,, car les relevés approfondis des lichens épiphytes présents dans de telles forêts ont seulement débuté au cours des années 1970 et 1980. Il pourrait être significatif, tel que mentionné précédemment, que la population la plus importante de P. cladonia connue dans cette région se situe dans un vieux peuplement d’épinette rouge et que l’occurrence la plus nordique du Maine soit vraisemblablement une relique exceptionnelle d’une vieille pessière. Les pertes ou altérations locales documentées d’habitats qui soutenaient autrefois des populations de P. cladonia résultaient soit de perturbations naturelles et de la succession forestière soit de l’activité humaine, y compris le développement résidentiel.
Protection et propriété
Dans les provinces maritimes, 2 des 17 occurrences connues du P. cladonia se situent dans des parcs provinciaux : le parc provincial New River Beach au Nouveau-Brunswick (NB5) et le parc provincial Cape Chignecto, en Nouvelle-Écosse (NS1). Une autre occurrence se trouve dans le parc national Fundy, au Nouveau-Brunswick (NB10), mais l’espèce semble avoir disparu de ce site en raison de modifications naturelles dans l’habitat du site. Au Nouveau-Brunswick, l’occurrence du mont Douglas (NB7) se trouve dans l’enceinte de la base des Forces canadiennes de Gagetown, une importante base d’entraînement militaire appartenant au ministère fédéral de la Défense nationale. Une des occurrences de la Nouvelle-Écosse (NS6) croît dans un refuge de gibier provincial. Cette désignation n’accorde toutefois pas de protection à la végétation. Dans les provinces maritimes, toutes les autres occurrences du P. cladonia semblent situées sur des terres privées.
Au Québec, deux des sites connus se trouvent dans des parcs nationaux québécois : le parc national du Mont-Mégantic et le parc national du Mont-Orford. Dans le parc national du Mont-Orford, la protection y a été minime, puisque la population est restreinte au petit plateau du sommet. À cet endroit, le développement de l’industrie du ski alpin et la construction de tours de télécommunication ont probablement eu des conséquences néfastes majeures sur la superficie occupée par la population et sur le nombre d’individus présents. Le troisième site connu du Québec bénéficie d’une protection limitée au sein d’une zone d’exploitation contrôlée (la ZEC Louise-Gosford). Tout porte à croire que le P. cladonia peut se retrouver dans les sapinières montagnardes du mont Sutton, une butte-témoin des montagnes Vertes du Vermont située à environ 35 km au sud-ouest du mont Orford. Une grande partie (environ 6000 hectares) du massif de Sutton a récemment été acquise par la Société canadienne de protection de la nature dans le cadre de la protection du corridor appalachien (ACA) qui chevauche la frontière canado-américaine.
Biologie
Cycle vital et reproduction
Le P. cladonia forme très rarement des apothécies et des ascospores. Un seul thalle fertile, portant une seule apothécie, a été observé au Canada, soit dans un site de haute altitude du sud-est du Québec (QC3). Par conséquent, la reproduction sexuée du mycobionte est vraisemblablement négligeable dans la reproduction de la symbiose P. cladonia-Trebouxia. Les pycnides, c’est-à-dire les structures portant les conidies, sont également rares, ce qui va de soi puisque la fonction principale des pycnides est la production de gamètes. Chez le Pseudevernia intensa, une espèce endémique du sud des Rocheuses, la formation de pycnides et d’apothécies est fréquente.
Les sorédies, les isidies ou les autres propagules végétatifs spécialisés sont aussi absents chez le P. cladonia. Le lichen doit donc se reproduire principalement par la fragmentation du thalle. Toutefois, ce thalle n’est pas particulièrement cassant. Le cortex peut porter de nombreuses fissures orientées transversalement à l’axe de la branche, mais les parties adjacentes du thalle sont, en grande partie, maintenues fermement ensemble par la médulle cotonneuse bien développée.
Herbivores
L’herbivorie ou le parasitisme des thalles du P. cladonia n’ont pas été décelés.
Physiologie
Il existe très peu de renseignements sur la physiologie du P. cladonia qui s’appuient sur des études expérimentales et quantitatives. Ses besoins et ses tolérances peuvent toutefois, dans une certaine mesure, être déduits de son aire de répartition géographique mondiale et de son occurrence dans les communautés. Sa présence restreinte aux forêts côtières brumeuses et montagnardes suggère qu’il a besoin de climats frais et humides. Plus on s’éloigne des zones côtières fraîches, plus le P. cladonia est restreint, à des altitudes non montagnardes, à de vieux peuplements de milieu humide. Selon toute vraisemblance, les substrats que sont les rameaux, les branches et les troncs des conifères sont modérément à très fortement acides. Ainsi, l’espèce est beaucoup moins affectée que les cyanolichens épiphytes par les polluants acidifiants, en particulier le dioxyde de soufre. Ceci est compatible avec sa persistance à l’intérieur des limites d’Halifax et de Saint John. À Saint John, sa présence au lac Wolsely est située sous le vent d’une usine de pâtes et papiers située à environ 10 km et d’une importante raffinerie de pétrole se trouvant dans la trajectoire des vents sud-ouest qui dominent du printemps à l’automne.
Déplacements et dispersion
Le vent et les animaux, en particulier les oiseaux, sont les principaux vecteurs de dispersion potentiels du P. cladonia entre les peuplements ou sur de plus grandes distances. Toutefois, sa dispersion est vraisemblablement limitée car son effort reproductif est très modeste. En effet, il est dépourvu de propagules végétatifs spécialisés, ne se fragmente pas facilement et ne produit que très rarement des apothécies et des ascospores. Pour toutes ces raisons, le P. cladonia ressemble en quelque sorte au lichen fruticuleux de la forêt boréale Alectoria sarmentosa. Il pourrait aussi partager certaines caractéristiques de la dynamique des populations de cette espèce. Dettki (1998) et Dettki et al., (2000) ont démontré qu’en Scandinavie, l’A. sarmentosa a une capacité très limitée à se disperser à partir des vieilles pessières, son habitat optimal, jusque dans les coupes à blanc et les peuplements en régénération voisins. Ceci pourrait s’expliquer en partie par un besoin de conditions microclimatiques humides présentes dans les vieux peuplements, mais aussi par sa production très limitée de propagules (fragments de thalle). À l’opposé, certaines espèces de Bryoria se fragmentent facilement et sont donc des agents de dispersion et des colonisateurs efficaces des jeunes forêts. Bien que dans un des sites du Nouveau-Brunswick le P. cladonia soit localement abondant dans un petit peuplement restant de vieilles épinettes rouges, il est absent des forêts avoisinantes, qui sont plus jeunes. De façon générale, la répartition très sporadique de ses occurrences dans les provinces maritimes de l’est du Canada suggère des cas rares et fortuits de dispersions sur de grandes distances dans des peuplements matures d’épinette et de sapin.
Relations interspécifiques
Souvent, très peu d’autres espèces de lichens sont présentes sur les rameaux colonisés par le P. cladonia. Ceci pourrait indiquer qu’il est peu compétitif et donc exclus des branches dont la surface est plus fortement colonisée par les autres espèces ou, plutôt, qu’il tolère un certain nombre de caractéristiques, chimiques ou autres, du microhabitat du rameau qui seraient inhospitalières aux autres espèces de lichens.
Adaptabilité
Dans les zones où ses populations sont fortement fragmentées, le P. cladonia est peu adapté pour se rétablir suite à des perturbations majeures au niveau du peuplement, y compris l ’exploitation forestière, en raison de sa capacité limitée à se disperser sur de grandes distances. Comme mentionné précédemment, durant neuf années d’observation dans un vieux peuplement d’épinette rouge du Nouveau-Brunswick (NB8), l’espèce n’a montré aucune preuve de dispersion dans les peuplements avoisinants, plus jeunes. Toutefois, il reste fréquent là où il est déjà établi.
Taille et tendances des populations
Activités de recherche
Le P. cladonia est une espèce qui se repère et qui s’identifie facilement. Il est donc peu probable que les collectionneurs spécialistes ou même plus généraux ne le remarquent pas. Ainsi, sa rareté dans les provinces maritimes est concrète. À l’opposé, antérieurement à cette étude, sa rareté apparente dans le sud-est du Québec était visiblement attribuable au manque relatif de recherches lichénologiques dans les sapinières montagnardes de cette région. Les trois populations du Québec décrites dans ce rapport ont été localisées et dénombrées sur trois jours de recherches intensives. Toutefois, comme mentionné précédemment, il existe plusieurs sites montagnards n’ayant pas encore été fouillés intensivement et où la probabilité de retrouver le P. cladonia est élevée.
Les zones d’occurrence potentielle situées le long des côtes de la baie de Fundy du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse de même que de la côte de l’Atlantique de la Nouvelle-Écosse ont été étudiées durant de nombreuses années, notamment par S. Clayden, S. Gowan, W. Maass et F. Anderson. L’ensemble des collections de lichens dans ces zones totalise au moins 7 000 spécimens et il n’y a pas de larges secteurs de la région côtière dans lesquels des relevés de lichens n’ont pas été entrepris. En 2004, un groupe de travail formé de plus de 20 experts lichénologistes de l’Amérique du Nord et de l’Europe a effectué, durant quatre jours, des collectes intensives dans quatre grandes zones protégées le long de la côte de la baie de Fundy, en Nouvelle-Écosse, entre le parc provincial Cape Chignecto et la rivière Portapique. Un certain nombre de forêts humides d’épinette et de sapin, comprenant des peuplements de succession normale et des peuplements anciens ont été étudiées, mais aucune population de P. cladonia n’a été découverte. La redécouverte subséquente d’une population dans le parc provincial Cape Chignecto, précédemment enregistrée par W. Maass en 1983, et la découverte par F. Anderson d’une autre population située à proximité, en octobre 2004 (cartographiées ensemble comme NS1 dans la Figure 4), fait ressortir la difficulté d’entreprendre des recherches ciblées pour le P. cladonia. Ainsi, à l’intérieur de ses larges zones d’occurrence potentielle, déterminées par les conditions de climat et de végétation, les emplacements actuels du P. cladonia représentent des cas de colonisation fortuits.
Il est possible, mais très peu probable, que des populations de P. cladonia plus extensives que ce que suggèrent les données actuelles soient présentes dans la strate supérieure du couvert des forêts côtières d’épinette et de sapin et que ces populations n’aient pas été trouvées lors de recherches au sol. Dans la plupart des peuplements, on trouve à l’occasion des arbres récemment déracinés par le vent peuvent. Les espèces épiphytes présentes sur ces arbres ont donc toujours été examinées minutieusement. Par ailleurs, si des populations bien établies de P. cladonia avaient été présentes dans le couvert d’un peuplement, quelques thalles auraient du être présents dans la litière. Ceci est effectivement le cas, notamment, au site NB8. L’absence de thalles de P. cladonia dans la litière de nombreux peuplements d’épinette et de sapin examinés minutieusement peut donc être considérée comme une preuve de l’absence de populations dans le couvert dans ces peuplements.
Abondance
Vingt sites colonisés par le P. cladonia sont connus au Canada: 3 au Québec, 10 au Nouveau-Brunswick et 7 en Nouvelle-Écosse (Tableau 1). Le nombre d’individus présents au Québec est estimé à plus de 10 000 000 et, dans les provinces maritimes, à plus de 2 600. Dans la plupart des sites des provinces maritimes, moins de 50 thalles ont été dénombrés. Une exception notable est à un site du Nouveau-Brunswick (NB8 : Figure 4, Tableau 1) où plus de 2 000 thalles sont présents. Des estimations plus détaillées de la taille de la population pour chacun des sites se retrouvent au Tableau 1.
Dans les peuplements, particulièrement dans les provinces maritimes, le P. cladonia est souvent très groupé. La plupart des thalles (quelquefois des douzaines ou des centaines) sont soutenues par un ou quelques arbres tandis que des arbres avoisinants, qui sont similaires, n’en soutiennent que très peu ou pas du tout. Cette tendance résulte vraisemblablement de la façon dont l’espèce colonise initialement un arbre, débutant près de l’apex puis disséminant et établissant ses fragments vers le bas, avec une faible dispersion latérale d’arbre en arbre.
Fluctuations et tendances
La population canadienne totale du P. cladonia est probablement stable. En 2004, une reconnaissance de trois jours dans les zones montagnardes de la région la plus méridionale du Québec a fait augmenter la population connue, qui était, lors du dernier enregistrement de 1959, d’un nombre indéterminé d’individus dans un seul petit site, à plus de 3 000 000 de thalles se retrouvant principalement dans deux zones situées à des altitudes importantes, soit au-dessus de 800 m. La probabilité de retrouver d’autres occurrences montagnardes dans cette petite région du sud-est du Québec contiguë aux États-Unis est très élevée. Des cinq populations des provinces maritimes découvertes jusqu’à 1980 et recherchées en 2003 et 2004, trois n’ont pas été retrouvées et deux de celles-ci (NS3 et NS4) sont probablement disparues en raison du développement résidentiel. Une autre population (NB10) est vraisemblablement disparue depuis sa découverte en 1980 en raison de perturbations naturelles dans l’habitat, soit une épidémie de tordeuse des bourgeons de l’épinette ayant créé une ouverture dans un vieux peuplement et donc entraîné une régénération dense de l’épinette.
Effet d’une immigration de source externe
Les populations de P. cladonia présentes dans la région la plus méridionale du Québec croissent, en partie, en continuité avec les populations des sapinières montagnardes de l’est du Maine et du nord du New Hampshire. L’immigration d’individus au Canada est possible et a probablement cours dans cette région. Les populations situées dans les Adirondacks de New York et dans les montagnes Vertes du Vermont pourraient également être une source de propagules se dispersant aux populations isolées de la sapinière montagnarde du sud-est du Québec, telles que celles qui se trouvent sur les sommets du mont Orford et (selon toute probabilité) du mont Sutton. Toutefois, l’immigration dans les régions côtières du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse à partir du Maine est possible, mais probablement rare. Les populations côtières du Maine les plus à proximité, sont, comme celles des provinces maritimes, petites et très fragmentées.
Facteurs limitatifs et menaces
Les régions côtières du sud du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse se situent à la périphérie nord-est de l’aire de répartition du P. cladonia. Son absence de ces régions, bien que de nombreux sites semblent offrir un habitat propice, est vraisemblablement une conséquence de sa capacité limitée à se disperser. Manifestement, chacune des occurrences connues représente un cas isolé d’établissement au moyen de la dispersion sur de grandes distances. Une fois établi dans un peuplement forestier, le P. cladonia semble incapable de se disperser rapidement ou sur une grande superficie. Ceci s’explique encore par le fait que le thalle ne se fragmente pas facilement et qu’il ne produit pas d’autres propagules. L’exploitation des forêts humides d’épinette et de sapin détruira vraisemblablement les sites les plus susceptibles de contenir des populations. L’occurrence contenant plus de 75 p. 100 de la population connue dans les provinces maritimes se situe dans un vieux peuplement présentement menacé par l’exploitation forestière et le développement résidentiel. La dynamique des perturbations naturelles dans les forêts d’épinette et de sapin, y compris les épidémies périodiques de tordeuse des bourgeons de l’épinette, entraîne des fluctuations, à l’échelle locale, dans les populations de P. cladonia. Les nouveaux pathogènes forestiers, tels que le longicorne de l’épinette (Tetropium fuscum), un insecte introduit, pourraient représenter une menace plus importante.
À plus long terme, l’importante population présente dans le sud-est montagnard du Québec est potentiellement menacée par la modification progressive dans l’altitude moyenne de la base des nuages. Des recherches révèlent que cette altitude a augmenté d’environ 4 m par année au cours des 30 dernières années, probablement en raison du réchauffement climatique (Richardson et al., 2003). Si le phénomène persiste, cette modification pourrait entraîner une réduction graduelle mais importante dans l’aire occupée par la sapinière montagnarde humide (d’influence nuageuse), propice au P. cladonia. Une des populations « protégées » des sommets montagneux d’un parc national québécois est menacée par le développement du ski alpin. Cette même population pourrait également avoir vu sa taille réduite par la construction de plusieurs grandes tours de télécommunication.
Importance de l'espèce
Le P. cladonia fait partie d’un petit groupe de lichens restreints aux forêts de conifères des régions montagnardes et des régions côtières fraîches de l’est de l’Amérique du Nord. Les occurrences côtières de l’espèce se trouvent majoritairement au Canada. Des modifications dans sa répartition altitudinale ou dans la fréquence de ses populations côtières pourraient s’avérer être des indicateurs utiles des changements climatiques.
Protection actuelle ou autres désignations de statut
Des 17 sites des provinces maritimes, 3 sont situés dans des parcs provinciaux tandis qu’un autre se trouve dans un parc national. Le P. cladonia semble toutefois avoir disparu de ce dernier site en raison de perturbations naturelles dans l’habitat. Au Québec, deux des sites relevés jusqu’à maintenant sont dans des parcs nationaux québécois. Toutefois, dans un de ces parcs, la population est menacée par des activités de développement sur les sommets montagneux. Le troisième site connu au Québec, situé dans une zone d’exploitation contrôlée (ZEC), bénéficie d’une protection plus limitée.
L’organisme NatureServe (www.natureserve.org) a accordé à l’espèce la désignation mondiale G2/G4 (dernière modification en mai 2002). Au niveau des États américains et des provinces canadiennes, l’espèce est classée comme suit : Pennsylvanie SNR; Québec SNR.
Résumé technique
Pseudevernia cladonia
Panache Ghost Antler
Répartition au Canada : Québec, Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse
Information sur la répartition
· Superficie de la zone d’occurrence (km2) au Canada
< 4 600 km² (connue)
> 7 510 km² (inférée)
La somme des estimations séparées pour le Nouveau-Brunswick (2 890 km2), la Nouvelle-Écosse (560 km2) et le Québec (connue : < 1 150 km2; inférée : > 4 060 km2). Les occurrences du Québec sont séparées de celles du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse par l’État du Maine. Les occurrences du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse sont séparées par de grandes zones d’habitat non propice. Les grandes zones marines se trouvant dans les polygones de la zone d’occurrence du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse ont été exclues des estimations de la zone d’occurrence.
Préciser la tendance (en déclin, stable, en expansion, inconnue). Probablement stable
Y a-t-il des fluctuations extrêmes dans la zone d’occurrence (ordre de grandeur > 1)? Probablement pas
· Superficie de la zone d’occupation (km2)
Qc : 3,6 km² (y compris l’habitat potentiel*)
N.-B. et N.-É. : 0,00114 km²
La zone d’occupation estimée pour le Québec représente 20 % de la zone approximative (18 km2) de la forêt dominée par l’Abies qui se trouve au-dessus de 800 m d’altitude dans le sud-est du Québec (à l’est de la vallée du Saint-Laurent et au sud du 46° N) et est basée en partie sur des visites aux sites et en partie sur une analyse du SIG effectuée par le ministère de l’Environnement (Direction du patrimoine écologique et du développement durable) et le ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs du Québec; les estimations de la zone d’occupation pour le N.-B. et la N.-É. s’appuient sur des visites aux sites, avec un minimum de 10 m2 désigné à chacun des sites.
· Préciser la tendance (en déclin, stable, en expansion, inconnue).
Qc : inconnue, mais possiblement en augmentation en raison du vieillissement des sapinières montagnardes situées dans des zones protégées.
N.-B. et N.-É. : quelques preuves de déclin.
· Y a-t-il des fluctuations extrêmes dans la zone d’occupation (ordre de grandeur > 1)? Inconnu
· Nombre d’emplacements actuels connus ou inférés.
Pour l’ensemble : 21 ou 22 connus ou inférés (excluant les 4 sites dans lesquels l’espèce est vraisemblablement disparue).
Qc : 3 connus; au moins 3 autres sites isolés sur des sommets de montagne et 2 ou 3 autres zones montagnardes d’occurrence continue inférée le long de la frontière Qc-Maine.N.-B. et N.-É. : 13 sites connus.
· Préciser la tendance du nombre d’emplacements (en déclin, stable, en croissance, inconnue).
Dans l’ensemble : probablement stable.
Qc : probablement stable; toujours présent au site enregistré pour la première fois en 1959.
N.-B. et N.-É. : incertain; 4 des 17 sites n’existent plus, mais des recherches intensives continuent afin de découvrir des petites populations dans des sites dispersés et jusqu’ici inconnus (5 sites découverts depuis 2000).
· Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’emplacements (ordre de grandeur > 1)? Non
· Tendance de l’habitat : préciser la tendance de l’aire, de l’étendue ou de la qualité de l’habitat (en déclin, stable, en croissance ou inconnue).
Dans l’ensemble : probablement stable.
Qc : la superficie et la qualité de l’habitat augmentent probablement dans les zones protégées en raison de la maturation de sapinières préalablement exploitées; toutefois, il y a sans doute des déclins à d’autres sites montagnards en raison de l’exploitation forestière et de la construction de tours de télécommunication ou du développement du ski alpin. L’incidence négative potentielle de l’augmentation de l’altitude de la base des nuages reste à déterminer.
N.-B. et N.-É. : quelques pertes ou perturbations locales de l’habitat en cours, de causes naturelles et anthropiques; étendue des habitats potentiels probablement stable, mais la disponibilité est compensée par la faible capacité de dispersion de cette espèce.
Information sur la population
· Durée d’une génération (âge moyen des parents dans la population :indiquer en années, en mois, en jours, etc.). Incertaine, mais probablement < 10 ans
· Nombre d’individus matures (reproducteurs) au Canada (ou préciser une gamme de valeurs plausibles)
Qc : > 10 000 000
N.-B. et N.-É. : > 2 600 (dont >2 000 sont dans un même site du N.-B.)
Il n’y a aucune mesure objective de la « maturité » pour cette espèce. Tous les thalles supérieurs à quelques cm sont aptes à se fragmenter. La fragmentation est probablement le seul moyen de reproduction, à l’exception de cas extrêmement rares de reproduction consécutive à la production et à la dispersion d’ascospores. Les estimations s’appuient sur le nombre d’individus = 1 cm de diamètre.
· Tendance de la population quant au nombre d’individus matures en déclin, stable, en croissance ou inconnue. Probablement stable
· S’il y a déclin, % du déclin au cours des dernières/prochaines dix années ou trois générations --
· Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus matures (ordre de grandeur > 1)? Non
· La population totale est-elle très fragmentée (la plupart des individus se trouvent dans de petites populations, relativement isolées [géographiquement ou autrement] entre lesquelles il y a peu d’échanges, c.-à-d. migration réussie de < 1 individu/année)?
Qc : Oui, les sommets des montagnes sont des îlots isolés
N.-B. et N.-É. : Non, bien que l’espèce soit présente de façon sporadique, l’habitat propice est plus ou moins continu.
Préciser la tendance du nombre de populations (en déclin, stable, en croissance, inconnue).
Dans l’ensemble : probablement stable.
Qc : probablement stable.
N.-B. et N.-É. : incertain; 4 des 17 populations enregistrées n’existent plus, mais des recherches intensives continuent afin de découvrir des petites populations dans des sites dispersés et jusqu’ici inconnus (5 sites découverts depuis 2000).
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre de populations (ordre de grandeur > 1)? Non
Menaces (réelles ou imminentes pour les populations ou les habitats)
Développement résidentiel, activités de développement sur les sommets des montagnes (tours de communication, pistes de ski alpin et infrastructures), exploitation forestière, changements climatiques? (plus spécifiquement, l’augmentation de l’altitude moyenne de la base des nuages dans l’est de l’Amérique du Nord)
Effet d’une immigration de source externe
· Statut ou situation des populations de l’extérieur?États-Unis : aucun statut n’est attribué au niveau national ou dans les différents États
· Une immigration a-t-elle été constatée ou est-elle possible? L’immigration dans des sites du Qc est possible et a probablement cours en raison de la continuité avec les sites américains voisins; l’immigration dans les sites du N.-B. et de la N.-É. est possible, mais probablement rare
· Des individus immigrants seraient-ils adaptés pour survivre au Canada? Oui
· Y a-t-il suffisamment d’habitat disponible au Canada pour les individus immigrants? Oui
· La possibilité d’une immigration de populations externes existe-t-elle?
N.-B. et N.-É. : Non
Qc : Oui
Analyse quantitative
Statut existant
COSEPAC« espèce préoccupante » (2006)
*NOTE : Cette zone d’occupation de 3,6 km2 est vraiment la zone d’occupation « potentielle » puisqu’elle comprend l’habitat non recensé par le rédacteur.
Statut et justification de la désignation
Statut: Espèce préoccupante
Critère final: s.o.
Historique de la désignation :
Justification de la désignation :Cette espèce de macrolichen finement ramifié et d’un blanc crayeux se trouve sur les ramilles des conifères des forêts d’épinettes et de sapins des zones montagnardes et côtières froides de l’est de l’Amérique du Nord. Sa répartition est très sporadique au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, probablement en raison d’une capacité de dispersion limitée, et, dans le sud-est du Québec, elle est restreinte à quelques sommets de montagne dispersés ayant une altitude de plus de 800 m et à la ligne de partage des eaux longeant la frontière des États-Unis. Dans les endroits montagnards où se trouve l’espèce, la construction de tours de transmission, l’aménagement de pentes de ski alpin et l’exploitation forestière ont causé certaines diminutions de la superficie et de la qualité de l’habitat. Dans les Maritimes, certaines pertes de populations sont attribuables à l’exploitation forestière et à l’aménagement résidentiel. La gravité des menaces est compensée par l’abondance de l’espèce sur une grande aire et la découverte potentielle d’importantes populations sur certains sommets de montagne au Québec.
Critère A (Population globale en déclin) : Le critère ne s’applique pas.
Critère B(Petite aire de répartition, et déclin ou fluctuation) : Toute la série de critères n’est pas atteinte. Les critères sont atteints pour la zone d’occupation « en voie de disparition ou menacée » ainsi que pour les critères b (ii, iii) puisque des déclins continus dans la zone d’occupation de même que dans la superficie et la qualité de l’habitat sont observés ou inférés en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick et sont inférés au Québec. Toutefois, il n’y a pas de fluctuation extrême (critère c) et l’espèce a été enregistrée dans plus de 10 sites (critère a). Le critère traitant de la fragmentation extrême ne s’applique pas puisque l’espèce est considérée fragmentée uniquement dans la portion québécoise de son aire de répartition.
Critère C (Petite population globale et déclin) : Le critère n’est pas atteint. Le nombre de thalles dans la population canadienne est supérieur à 10 000.
Critère D (Très petite population ou aire de répartition limitée) : Le critère n’est pas atteint. Bien que la zone d’occupation soit estimée à 3,6 km², le critère D2 « menacé » n’est pas atteint entièrement, car les menaces n’entraîneront pas une disparition à court terme. Les occurrences situées au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse sont majoritairement très petites et localisées; ces populations pourraient être sujettes à disparaître en raison des activités humaines ou des modifications naturelles dans l’habitat impliquant les perturbations ou la succession forestière. Les sites plus importants du Québec sont potentiellement menacés par l’exploitation forestière des sapinières montagnardes (lorsque ces forêts ne sont pas protégées dans des parcs). L’incidence des changements climatiques sur l’altitude des nuages est documentée et pourrait entraîner une disparition à une période indéterminée. Si l’altitude moyenne des nuages continue d’augmenter au même rythme que la tendance actuelle, des déclins du P. cladonia sont aussi possibles à ces sites.
Critère E (Analyse quantitative) : Le critère ne s’applique pas.
Remerciements et experts contactés
Pour leur aide sur le terrain, nous remercions Matto Mildenberger, Bruce Bagnell, David Thompson, Dwayne Sabine et Vince Zelazny. Wolfgang Maass nous a indiqué les emplacements proches de Halifax où il a découvert des populations de P. cladonia et a eu l’amabilité de nous faire part de ses observations générales sur l’écologie de l’espèce. Frances Anderson et Martha Maxfield nous ont généreusement permis d’utiliser les données soigneusement enregistrées de leurs récentes découvertes de populations de P. cladonia. Richard Harris (NY), Claude Roy (QFA), Pak Yau Wong (CANL), Marian Zinck (NSPM) et Ruth Newell (ACAD) ont examiné les collections à leur disposition afin d’y retrouver les spécimens canadiens de P. cladonia, tandis que les herbiers lichéniques du TRTC et d’Orono ont été examinés respectivement par Matto Mildenberger et James Hinds. Pour les informations plus complètes concernant la répartition du P. cladonia dans le Maine, nous sommes reconnaissants à James Hinds et Steve Selva. Le travail dans les zones protégées a été facilité par plusieurs personnes : Art Lynds et Don Fletcher (parc provincial Cape Chignecto, Nouvelle-Écosse), René Wissink et Alain Caissie (parc National Fundy, Nouveau-Brunswick), Patrick Graillon (parc national du Mont-Mégantic), Pierre Dépelteau (parc national du Mont-Orford, Québec) et Claude Gosselin à la ZEC Louise-Gosford. Nous remercions tout spécialement Jean Gagnon (Direction de la planification des parcs, ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Québec) d’avoir fourni de nombreuses cartes et d’autres documents utiles sur les parcs et aux autres espaces naturels du sud-est du Québec. Il nous a également conduit, en compagnie de Patrick Graillon, Samuel Larivée et Geoffrey Hall, à un certain nombre de sapinières montagnardes de cette région qui contenaient des populations de P. cladonia. Line Couillard (Direction du patrimoine écologique et du développement durable, ministère de l’Environnement, Québec) a gracieusement dirigé son personnel dans l’exécution d’une évaluation SIG préliminaire sur l’étendue des sapinières montagnardes dans le sud du Québec. Pour leur encadrement dans la préparation de ce rapport de situation et pour leurs commentaires sur les ébauches préliminaires, nous remercions Ruben Boles, Irwin Brodo, Trevor Goward, Michele Piercey-Normore et John Sheard. Le financement a été accordé par le Service canadien de la faune, Environnement Canada.
Les experts suivants ont fourni de l’information sur des occurrences spécifiques ou les habitats potentiels du P. cladonia dans l’est du Canada :
Frances Anderson. Research Associate, Nova Scotia Museum of Natural History, Halifax.
Irwin M. Brodo (Ph. D.). Chercheur, Musée canadien de la nature, Ottawa.
Line Couillard. Direction de la conservation et du patrimoine écologique, ministère de l'Environnement du Québec.
Jean Gagnon. Direction de la planification des parcs, Société de la faune et des parcs du Québec.
Patrick Graillon. Responsable de la conservation, Parc national du Mont-Mégantic.
Richard C. Harris (Ph. D.). Curator of Lichens, New York Botanical Garden.
James W. Hinds (Ph. D.). Research Associate, Department of Biological Sciences, University of Maine, Orono.
Art Lynds. Ecologist/Planner, Parks and Recreation Branch, Department of Natural Resources de la Nouvelle-Écosse.
Wolfgang S. G. Maass (Ph. D.). Research scientist, Chebucto Head (Nouvelle-Écosse).
Martha Maxfield. Lichenologiste, Holliston (Massachusetts).
Claude Roy. Conservateur des lichens et des bryophytes, Herbier Louis-Marie, Université Laval (Québec).
Steven B. Selva (Ph. D.). Professor of Biology and Environmental Sciences, University of Maine à Fort Kent.
Sources d'information
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Sommaire biographique du rédacteur du rapport
Stephen Clayden est conservateur de botanique au Musée du Nouveau-Brunswick. Il est naturaliste depuis toujours et a commencé à s’intéresser aux lichens au cours de ses études de premier cycle à la Mount Allison University. Durant sa maîtrise ès sciences à l’Université de Montréal, il a étudié la dynamique des communautés riches en lichens d’affleurements rocheux dans la région de l’Abitibi, au Québec. Il a obtenu un doctorat du King’s College de Londres pour son étude des cycles biologiques et des systématiques d’espèces de Rhizocarpon jaunes (les lichens « géographiques »). Il récolte et étudie depuis longtemps les lichens du Canada atlantique et du Québec et est coauteur, avec Trevor Goward et Irwin Brodo, du livre The Rare Lichens of Canada: a Review and Provisional Listing (COSEPAC, 1998).
Collections examinées
Tous les spécimens récoltés et/ou examinés au cours de la préparation de ce rapport se trouvent dans le Tableau 1.
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