Paruline orangée (Protonotaria citrea) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Facteurs limitatifs et menaces

Au Canada, il semble que l’aire de reproduction de la Paruline orangée soit restreinte principalement par le climat approprié et par la disponibilité de l’habitat (Tischendorf, 2003). À en juger par la carte d’abondance tirée du Relevé des oiseaux nicheurs (Sauer et al., 2005), l’aire de reproduction septentrionale de la Paruline orangée serait influencée également par les densités de son principal compétiteur, le Troglodyte familier, pour l’obtention des sites de nidification. Les principales aires de reproduction des deux espèces se chevauchent peu.

i) Perte et dégradation de l’habitat de nidification

Aux États-Unis, le déclin des populations de Parulines orangées est attribuable à la perte et à la dégradation de son habitat de terres humides (Petit, 1999). Les pertes d’habitat sont similaires dans l’aire de reproduction de l’espèce au Canada, où presque toutes les forêts caducifoliées marécageuses ont été asséchées à divers degrés ou déboisées (voir la section « Tendances en matière d’habitat »). Le drainage des forêts marécageuses, que ce soit par excavation de fossés, drainage agricole, drainage municipal ou irrigation, a pour conséquence d’abaisser le niveau phréatique et d’évacuer les eaux stagnantes. Cette dégradation de l’habitat de reproduction constitue l’une des menaces les plus importantes, les plus étendues et les plus continues avec lesquelles l’espèce doit composer au Canada.

Les effets négatifs des inondations et des sécheresses ont été signalés. Dans les habitats riverains, les inondations à court terme représentent une importante cause de l’échec de nidification de la Paruline orangée (Walkinshaw, 1953; Flaspohler, 1996; Knutson et Klaas, 1997). D’un autre point de vue, cependant, Knutson et Klaas (1997) ont formulé l’hypothèse selon laquelle des inondations périodiques importantes peuvent entraîner des effets positifs sur les Parulines orangées, car elles permettent de conserver un habitat de plaines inondables propice en cas de compétition entre les Parulines orangées et les Troglodytes familiers pour les sites de nidification. Toutefois, dans la forêt marécageuse, un niveau d’eau élevé pendant une longue période peut entraîner un dépérissement massif d’arbres, ce qui rendrait l’habitat inapproprié (Page, 1996). En outre, l’espèce ne persiste pas longtemps aux sites où des sécheresses successives assèchent l’habitat de forêt marécageuse (McCracken et al., 2006).

Il est probable que la Paruline orangée soit sensible aux changements climatiques, en particulier à la périphérie septentrionale de son aire de répartition. Les niveaux d’eau élevés de façon périodique dans les Grands Lacs semblent bénéfiques pour l’espèce (McCracken et al., 2006; Wormington, 2006). La plupart des modèles de changements climatiques dans le bassin des Grands Lacs prévoient la réduction de la quantité de précipitations, l’évaporation accrue de l’eau de surface et la diminution des réserves d’eaux souterraines (voir p. ex. Smith et al., 1998; Environnement Canada, 2001). Comme l’espèce est si dépendante de l’accès à l’eau, il semble probable que les effets négatifs découlant de la baisse des niveaux d’eau freinent tout élargissement de l’aire de répartition vers le nord qui pourrait se produire à la suite d’une hausse des températures (voir Matthews et al., 2004).

Les activités d’aménagement contribueraient également à la perte de l’habitat. Un site de nidification régulièrement utilisé par la Paruline orangée (Turkey Point) a été détruit à la suite de la construction d’une marina à la fin des années 1970 (McCracken, 1984). Puisque certaines compétences du sud de l’Ontario ne disposent d’aucun règlement concernant l’abattage d’arbres, il est possible que des activités d’aménagement entraînent également l’enlèvement de larges couloirs de forêt et l’assèchement de marécages. Par exemple, une proposition visant à aménager en terrain de golf une vaste forêt marécageuse qui, croit-on, accueillait une ou plusieurs Parulines orangées a finalement été suspendue, mais le site avait déjà été gravement fragmenté par le creusage et le défrichage d’allées (McCracken et Mackenzie, 2003). De plus, les projets d’aménagement adjacents aux forêts marécageuses risquent d’augmenter artificiellement les populations locales de prédateurs de nids (p. ex. les ratons laveurs) et de compétiteurs (p. ex. les Troglodytes familiers).

De même, les coupes de bois qui ont lieu dans les habitats occupés créent des ouvertures et des habitats en lisière qui risquent d’augmenter le nombre de compétiteurs et de prédateurs, et d’intensifier le parasitisme des nids. L’excès de récolte en raison de la coupe de bois réduit également la quantité d’eaux libres ouvertes dans les forêts marécageuses par l’augmentation de l’évaporation. De plus, la pénétration accrue de la lumière peut entraîner la croissance rapide d’espèces envahissantes (p. ex. Phragmites). En outre, l’enlèvement des arbres morts encore debout entraîne la perte de cavités pouvant servir à la nidification.

ii) Perte d’habitat d’hivernage

La déforestation qu’entraînent la production de matériaux de construction, la production de charbon de bois et la construction de centres de villégiature menace grandement les mangroves côtières en Amérique latine (Terborgh, 1989; Petit et al., 1995; et examiné par McCracken, 1998a). L’élevage commercial de crevettes augmente également de plus en plus la pression exercée sur l’habitat de mangroves (voir p. ex. Arendt, 1992). On croit que la perte et la dégradation de cet habitat ont une incidence importante sur la Paruline orangée en hivernage (Lefebvre et al., 1994; Warkentin et Hernández, 1996; McCracken, 1998a) et qu’elles contribuent probablement au déclin de la population de l’espèce à l’échelle continentale. Le degré relativement élevé de fidélité au site sur les territoires d’hivernage accroîtrait la vulnérabilité de l’espèce à la perte et aux perturbations de l’habitat (voir p. ex. Holmes et Sherry, 1992; Warkentin et Hernández, 1996).

iii) Insectes forestiers envahissants

Les infestations d’insectes sont capables de tuer un grand nombre d’arbres. Bien que ces infestations puissent être bénéfiques à court terme pour la Paruline orangée parce qu’elles créent davantage de souches d’arbres morts, on estime que leurs conséquences à long terme seront graves si une grande proportion du couvert forestier est touchée. Tout événement qui ouvre considérablement le couvert forestier risque d’entraîner une importante dégradation de l’habitat, que ce soit par la croissance d’espèces envahissantes ou par l’augmentation du nombre de troglodytes et de vachers.

L’agrile du frêne (Agrilus planipennis) est de plus en plus préoccupant dans le sud de l’Ontario, le frêne y étant souvent un arbre sous-dominant dans les forêts marécageuses (McCracken et al., 2006). Le longicorne asiatique (Anoplophora glabripennis) présente une autre nouvelle préoccupation importante étant donné sa capacité à s’étendre au-delà de sa zone de confinement actuelle dans la région de Toronto et son affinité avec l’érable argenté et l’érable rouge, des arbres généralement dominants dans les habitats marécageux de la Paruline orangée.

iv) Plantes envahissantes

Deux espèces de plantes envahissantes, le Phragmites et l’aulne glutineux (Alnus glutinosa), ont la capacité de grandement détériorer les habitats de reproduction de la Paruline orangée, particulièrement lorsque le niveau d’eau est bas ou lorsque le couvert forestier est réduit.

Au cours des 10 dernières années, le Phragmites s’est répandu de manière fulgurante dans de nombreuses forêts marécageuses du parc provincial Rondeau, en particulier dans les grands marécages ouverts, et dans les secteurs où le couvert forestier a diminué en raison du déracinement catastrophique d’arbres par le vent (voir plus bas; McCracken et al., 2006). Les eaux libres ouvertes essentielles à la Paruline orangée qui sont propices à cette plante envahissante ne conviennent plus à l’espèce, car les habitats de nidification deviennent inappropriés. L’aulne glutineux est un arbuste très envahissant capable de détériorer considérablement l’habitat de nidification de la Paruline orangée dans les forêts marécageuses, de la même façon que le Phragmites. Il est de plus en plus abondant dans une aire de reproduction importante (McCracken et al., 2006).

v) Catastrophes météorologiques

On prévoit que les changements climatiques augmenteront l’intensité et la fréquence des tempêtes (y compris des ouragans) dans les lieux d’hivernage et de reproduction. L’aire de répartition canadienne de la Paruline orangée étant concentrée et restreinte, les désastres associés aux catastrophes météorologiques le long de la rive nord du lac Érié constituent une grave menace pour l’espèce. Un tel événement s’est produit au parc provincial Rondeau en juillet 1998 et a modifié de façon dramatique la structure forestière (Larson et Waldron, 2000). Depuis ce temps, le nombre de Parulines orangées nichant au parc Rondeau a sensiblement diminué, car l’ouverture accrue du couvert a probablement favorisé les populations de Troglodyte familier (Dobbyn et McCracken, 2005; McCracken et al., 2006). Un événement climatique violent et similaire à la pointe Pelée à la fin des années 1970 a déraciné beaucoup d’arbres et a peut-être rendu l’habitat moins convenable pour les Parulines orangées à cet endroit (D.A. Sutherland fide V. McKay et A. Wormington).

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