Perce-tige d’Aweme (Papaipema aweme) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Avant la capture du spécimen de 2005, aucun contemporain n’avait vu de perce-tige d’Aweme vivant. De plus, les lieux précis des collectes et les habitats des spécimens étaient inconnus. En effet, la localité d’Aweme, mentionnée sur la fiche des spécimens récoltés par Norman Criddle, désignait une zone distante de plus de 10 km d’Aweme, le nom de la propriété des Criddle, et comprend la majeure partie de la BFC Shilo et du parc provincial Spruce Woods adjacent (Roughley, 2000). Le seul spécimen historique au sujet duquel l’on dispose de renseignements raisonnablement précis est celui de l’île Beaver (Michigan), qui aurait été récolté sur les lumières d’un bateau ancré au large (K. Stead, comm. pers., novembre 2004).

On croyait que le perce-tige d’Aweme favorisait les habitats de dunes. Il était presque assurément associé aux dunes des Grands Lacs et des rives disparues de lacs, ou peut-être aux baissières formées entre ces dunes (Schweitzer, 1999). Quatre des cinq lieux de collecte se trouvent le long du littoral des Grands Lacs; le cinquième (Aweme) est situé dans les dunes de Brandon, formées par les sédiments glaciolacustres du Lac Agassiz (David, 1977).

Plusieurs indices soutiennent l’hypothèse que le perce-tige d’Aweme occupe des habitats de dunes. Norman Criddle a récolté ses 3 spécimens sur une période de 3 jours (tableau 1). Ce fait semble indiquer que les spécimens n’auraient pas été capturés près d’Aweme, sa résidence, qui fut son terrain de collecte pendant plus de 30 ans, mais au cours de l’une de ses expéditions moins fréquentes dans la région. La couleur pâle du perce-tige d’Aweme suggère également qu’il vient d’un habitat sablonneux aride. On trouve des plages et des dunes à proximité de tous les lieux de collecte sauf le dernier. La présence d’une espèce non décrite de Papaipema sur l’île de Sable (Nouvelle-Écosse), qui n’est guère plus qu’une barre de sable dans l’Atlantique, indique que des espèces de Papaipema peuvent occuper un habitat de dunes (E. Quinter, comm. pers., août 2004).

Les habitats de dunes restants, y compris ceux situés dans les deux localités au Canada où l’on a déjà trouvé des perce-tige d’Aweme, abritent de nombreuses espèces de papillons nocturnes récoltés très rarement, dont l’Acronicta albafufa Grote, le Pyla areaeola Balogh et Wilterding, le Loxocrambus awemensis McD., un certain nombre d’espèces de Schinia et d’autres espèces (Lafontaine, 1996; D. Schweitzer, comm. pers., 2004).

Le spécimen le plus récent de perce-tige d’Aweme a été capturé dans une prairie-parc de chênes à gros fruits sur l’île Manitoulin. On n’a vu aucun dépôt de sable dans les environs du lieu de collecte. On trouve également des prairies-parcs de chênes dans les environs de la plupart des lieux de collecte historiques (D. Lafontaine, comm. pers.), mais on ne croit pas qu’elles soient associées au perce-tige d’Aweme. À la lumière du récent signalement, il se pourrait que le perce-tige d’Aweme préfère les habitats de chênes dégagés aux prairies de sable, ou qu’il soit confiné aux milieux arides ouverts, mais qu’il puisse vivre dans des prairies de sable et des prairies-parcs de chênes. Tant que les plantes hôtes n’auront pas été identifiées et que les chenilles n’auront pas été trouvées, il sera difficile de déterminer les besoins exacts du perce-tige d’Aweme en matière d’habitat.

Aweme est sise dans la zone écologique des Prairies, et les autres sites de collecte sont dans la zone écologique des plaines des Grands Lacs (COSEPAC, 2003). La région d’Aweme est située dans l’écorégion de la prairie-parc à trembles (Gauthier et al., 2001); les sites de Grand Bend et de Manitoulin se trouvent dans l’écozone des Plaines à forêts mixtes (Lafontaine, 1996). Bien qu’elles soient aujourd’hui séparées par un vaste habitat non herbeux, ces 2 zones étaient autrefois reliées, pendant un réchauffement post-glaciaire qui a culminé il y a 7 000 ans environ et qui a entraîné l’expansion des prairies dans le nord-est de l’Amérique du Nord. Il reste des îlots de cette « péninsule herbeuse » dans tout le nord-est des États-Unis et le sud de l’Ontario, où les perce-tige d’Aweme ont été récoltés. Des collectes de lépidoptères réalisées dans une prairie résiduelle du sud de l’Ontario (comme la prairie près de Windsor et le parc provincial Pinery) indiquent que les espèces des prairies ont accompagné cette expansion post-glaciaire vers l’est; beaucoup habitent encore ce qui reste d’habitats de dunes (Lafontaine, 1996) et de prairies, y compris des prairies de savane de chênes.


Tendances en matière d’habitat

Manitoba: Au cours du siècle dernier, l’habitat indigène de la région englobant d’Aweme, la base de Shilo et le parc provincial Spruce Woods a subi plusieurs changements naturels et anthropiques. La plupart des praires indigènes de la région ont été transformées en surfaces agricoles, notamment pour la production irriguée de pommes de terre et de fourrage (figure 3). Il reste quelques petites zones de praires indigènes de fétuque dans la région immédiate d’Aweme (Roughley, 2000). Les arbres indigènes, en particulier le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides) et le chêne à gros fruits (Quercus macrocarpa), ont remplacé la plupart des prairies originelles non transformées pour l’agriculture, particulièrement dans le parc provincial Spruce Woods. Il reste cependant d’assez grandes zones de terres herbeuses indigènes et de savane de peupliers et de chênes à la BFC Shilo et au parc provincial Spruce Woods (figures 4 et 5). Presque toutes les dunes mobiles restantes se trouvent dans les dunes Spirit dans le parc provincial Spruce Woods (figures 6 et 7).

Il semble que les exercices militaires à la BFC Shilo aient provoqué de nombreux feux sur les terrains de la BFC Shilo, ce qui a eu pour effet de maintenir les prairies dans une grande partie de cette zone. Dans le parc provincial Spruce Woods adjacent, les forêts de trembles et de chênes remplacent peu à peu les prairies originelles (Portman, 2004). Depuis les années 1920, la végétation stabilise graduellement le déplacement des dunes Spirit du parc provincial Spruce Woods (figure 6). Sur des photographies aériennes prises en 1928, on peut voir que les dunes mobiles recouvraient environ 45 ha; depuis, cette superficie s’est continuellement rétrécie pour atteindre de 15 à 25 ha dans les années 1960, et est restée assez stable depuis (Commission géologique du Canada, 2001).


Figure 3 : Aweme (Manitoba), site type du perce-tige d’Aweme. Habitat de terres herbeuses indigènes transformé pour la culture fourragère (à l’avant-plan) et terrain boisé (à l’arrière-plan)

Figure 3 : Aweme (Manitoba), site type du perce-tige d’Aweme. Habitat de terres herbeuses indigènes transformé pour la culture fourragère (à l’avant-plan) et terrain boisé (à l’arrière-plan), 29 juillet 2004.

29 juillet 2004.


Figure 4 : Prairie-parc de trembles et de chênes sur des dunes stabilisées, parc provincial Spruce Woods

Figure 4 : Prairie-parc de trembles et de chênes sur des dunes stabilisées, parc provincial Spruce Woods, 26 août 2004.

26 août 2004.


Figure 5 : Piège à noctuelles dans un îlot de Liatris sp., plante hôte potentielle du perce-tige d’Aweme, poussant dans une clairière herbeuse ouverte sur des dunes colonisées par la végétation dans le parc provincial Spruce Woods

Figure 5 : Piège à noctuelles dans un îlot de Liatris sp., plante hôte potentielle du perce-tige d’Aweme, poussant dans une clairière herbeuse ouverte sur des dunes colonisées par la végétation dans le parc provincial Spruce Woods, 26 août 2004.

26 août 2004.


Figure 6 : Premiers stades de stabilisation des dunes par la végétation indigène et non indigène, dunes Spirit, parc provincial Spruce Woods

Figure 6 : Premiers stades de stabilisation des dunes par la végétation indigène et non indigène, dunes Spirit, parc provincial Spruce Woods, 26 août 2004.

26 août 2004.


Figure 7 : Dunes mobiles, dunes Spirit, parc provincial Spruce Woods

Figure 7 : Dunes mobiles, dunes Spirit, parc provincial Spruce Woods, 4 août 2004.

4 août 2004.

Ontario : La région de Grand Bend, qui englobe le parc provincial Pinery, est située sur des sols sablonneux sur lesquels poussait autrefois une vaste prairie-parc de chênes. Peu de temps après la création du parc provincial Pinery en 1957, plus de 3 000 000 pins ont été plantés (Invista, 2004). Depuis ce temps, les brûlages dirigés et les programmes de coupe de pins ont largement restauré l’habitat de prairie-parc de chênes. Auparavant, tous les habitats du parc avaient été sérieusement dégradés, voire complètement détruits, par la croissance incontrôlée de la population de cerfs (Schweitzer, 1999). La croissance de la population de cerfs est maintenant gérée par des éliminations périodiques, et la végétation de savane est entretenue par le brûlage dirigé. Il semblerait ainsi que l’habitat situé dans les terres adjacentes des Premières nations soit dans un état plus naturel que les habitats situés dans le parc provincial Pinery, qui ont été touchés par la construction de chalets et d’autres aménagements récréatifs (Ken Stead, comm. pers., novembre 2004).

Le site de l’île Manitoulin est une grande île calcaire de faible altitude. Le site de la collecte est un îlot (lopin) de prairie-parc de chênes ou de prairie. Les prairies-parcs de chênes à gros fruits étaient autrefois assez répandues sur l’île Manitoulin, mais la majeure partie de cet habitat a été transformée par l’agriculture ou l’exploitation. Il reste de nombreux îlots de prairies-parcs de chênes sur l’île, mais beaucoup sont graduellement remplacés par le processus de succession des forêts (D. Lafontaine, comm. pers.).


Protection et propriété

Aweme est le nom de la première propriété Criddle, composée de deux quarts de section. Elle est devenue le parc provincial Criddle-Vane et relève maintenant du gouvernement manitobain. La plus grande partie de la région à l’est se trouve à l’intérieur de la Base des Forces canadiennes (BFC) Shilo, souscompétence fédérale. Le parc provincial Spruce Woods englobe le gros des dunes mobiles et une grande zone de dunes stabilisées, ainsi que des terres humides, des forêts de chênes et de trembles et des terres herbeusesindigènes, qui dépendent donc de l’autorité provinciale. Ces terres sous autorité gouvernementale sont protégées contre la plupart des utilisations agricoles. En outre, toute modification importante des habitats des parcs désignés est généralement soumise à un examen du public plus strict que lorsqu’il s’agit de terrains privés.

En Ontario, l’habitat se compose de propriétés privées, de terrains provinciaux et de terres des Premières nations (Ipperwash). Le parc provincial Pinery est sous compétence provinciale. La prairie-parc de chênes de l’île Manitoulin pousse surtout sur des propriétés privées. Toutefois, Conservation de la nature en possède aussi un lopin (J. Jones, comm. pers.). Le plus récent spécimen capturé a été prélevé sur un terrain privé (J. Morton, par l’entremise de D. Lafontaine, comm. pers.).

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