Phoque commun (Phoca vitulina) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 3

Information sur l’espèce

Nom et classification

Le nom scientifique du phoque commun est Phoca vitulina (Linnaeus, 1758). Cinq sous-espèces sont actuellement reconnues (Rice, 1998; Burns, 2002; Reeves et al., 2002). Le P. v. richardsi est la sous-espèce de la côte pacifique du Canada et le P. v. concolor, celle de ses côtes atlantiques et arctiques (DeKay, 1842). La sous-espèce confinée à la région des lacs des Loups Marins, dans la péninsule d’Ungava du Québec, est le P. v. mellonae (Doutt, 1942). Les noms communs anglais et français sont harbour seal et phoque commun (loup marin). Le terme « ranger seal » est occasionnellement utilisé, notamment dans l’Arctique. Au Labrador, « ranger seal » désigne les mâles et « dotter », les femelles. En inuktitut, le phoque commun est appelé qasigiaq. Les Cris du nord du Québec appellent le P. v. mellonae « nuchimu-achikw » ou « achikunipi », ce derrnier nom étant le plus ancien ou traditionnel.

Description morphologique

La couleur du pelage des phoques communs est extrêmement variable, allant de brun ou noir presque uni à blanc jaunâtre presque uni. Entre ces deux extrêmes, il existe de nombreuses variations de taches irrégulières pâles ou foncées sur fond clair ou foncé (Allen, 1880; Doutt, 1942; Bigg, 1981) (figure 1). Les phoques communs perdent généralement leur lanugo (pelage prénatal) in utero, mais certaines exceptions ont été signalées (Boulva, 1971; Oftedal et al., 1991).

Figure 1. Phoque commun adulte.

Figure 1. Phoque commun adulte.

Dans l’est du Canada, les phoques communs mâles adultes atteignent environ 154 cm de longueur, comparativement à quelque 143 cm pour les femmes (Boulva et McLaren, 1979). La longueur moyenne à la naissance est d’environ 80 cm, et il n’y a pas de différence importante entre les sexes (Boulva et McLaren, 1979). Le poids des mâles matures atteint 90 kg en moyenne et celui des femmes, 70 kg (Boulva et McLaren, 1979). Les mâles pèsent rarement plus de 100 kg et les femelles, plus de 90 kg (Härkönen et Heide-Jørgensen, 1990). Chez les femelles matures, l’état d’engraissement change énormément de la mise bas jusqu’à la fin de la lactation. À l’île de Sable, les femelles perdaient 32 p. 100 de leur masse corporelle post partum et 62 p. 100 de l’énergie corporelle à la fin de la lactation (Bowen et al., 2001a).

La description de la sous-espèce de P. v. mellonae de Doutt (1942) se fonde en partie sur le pelage inhabituellement foncé et une apophyse coronoïde élargie de la mandibule. Bien que certains auteurs le remettent en question (Mansfield, 1967; Smith et Horonowitsch, 1987), le caractère distinctif du crâne du P. v. mellonae a été confirmé par Smith et al. (1994).

Les Cris du nord du Québec soutiennent que le P. v. mellonae est plus petit et plus foncé que les phoques communs océaniques, qu’il se comporte différemment et qu’il a un goût distinct (Atkinson, 1818; Doutt, 1942; Posluns, 1993; Petagumskum, 2005). Parmi les références historiques aux différences morphologiques entre le P. v. mellonae et les phoques communs océaniques, citons Hendry (1828), qui mentionne la grande qualité (« fine quality », p. 84) des peaux de phoques d’eau douce, et les peaux de phoques d’eau douce distinctives de la Compagnie de la Baie d’Hudson à son poste de Petite Rivière de la Baleine (Smith, 1999). Flaherty (1918) signalait que les Inuits considéraient la peau de phoques d’eau douce comme étant plus foncée, plus douce et plus brillante que celle des variétés d’eau salée. En se fondant sur son vaste travail dans les collectivités inuites, Graburn (1969) a décrit les peaux de phoques d’eau douce comme les plus douces et les plus belles de toutes.

Description génétique

Une étude des modèles de l’ADN mitochondrial (ADNmt) des phoques communs à l’échelle mondiale, à l’exception du P. v. mellonae, menée par Stanley et al. (1996), a indiqué que les populations de phoques communs des océans Atlantique et Pacifique sont grandement différenciées sur le plan génétique et qu’elles sont isolées depuis 1,7 à 2,2 millions d’années. Il existe également des preuves de différentiation entre les sous-populations de l’est et de l’ouest de l’Atlantique, et le modèle de divergence génétique donne à penser que la colonisation a eu lieu de l’ouest vers le nord puis vers l’est. Le degré de divergence entre les populations européennes et celles de l’Atlantique occidental laisse supposer que la colonisation a commencé il y a de 0,9 à 1,3 million d’années (Stanley et al., 1996).

Kappe et al. (1997) ont évalué la variation génétique des phoques communs du Pacifique oriental (P. v. richardsi), de l’Atlantique occidental (P. v. concolor) et de l’Europe (P. v. vitulina). Ils ont conclu que le P. v. richardsi était manifestement distinct des deux autres sous-espèces et qu’il était beaucoup plus hétérozygote. Deux récentes études de l’ADN microsatellite (Coltman et al., 1998a, 1998b) ont fourni des preuves d’effets semblables à la consanguinité chez des phoques communs nouveau-nés de l’île de Sable et un faible degré de polygynie chez cette population. De récentes études d’ADNmt de phoques communs menées le long de la côte ouest de l’Amérique du Nord ont indiqué une importante sous-structure géographique (voir par exemple Lamont et al., 1996; Burg et al., 1999; Westlake et O’Corry-Crowe, 2002); aucun donnée semblable n’existe pour les phoques communs de l’ouest de l’Atlantique Nord.

Smith (1999) a trouvé 14 haplotypes d’ADN mitochondrial chez 6 échantillons de P. v. mellonae et 11 de P. v. concolor (n = 17). Parmi les 480 pb examinées, le nombre de différences par paire observées entre les haplotypes variaient de 1 à 19. Les distances d’ADN corrigées à des fins de comparaison entre les 17 échantillons séquencés allaient de 0,008 à 0,05.

Aux lacs des Loups Marins, quatre haplotypes ont été trouvés; trois d’entre eux étaient similaires et ont été groupés 64,7 p. 100 des fois. Le quatrième haplotype des lacs des Loups Marins était plus différencié que ceux des autres phoques communs séquencés, avec une moyenne de 16 ± 0,6 substitutions comparativement à 6,6 ± 0,4 substitutions pour les 17 échantillons.L’échantillon de P. v. concolor contenait10 haplotypes. Aucun haplotype n’a été trouvé dans les deux groupes.

Comparés aux séquences de Stanley et al. (1996), tous les échantillons de P. v. mellonae et la majorité des échantillons de P. v. concolor examinés par Smith (1999) ont été groupés avec d’autres phoques communs de l’Atlantique occidental. Le nombre de substitutions par paire dans l’échantillon combiné de 17 séquences était très semblable à celui observé par Stanley et al. (1996) (de 1 à 23 substitutions dans 435 pb). Burg et al. (1999) et Lamont et al. (1996) ont trouvé des nombres plus élevés de substitutions par paire dans l’échantillonnage d’individus du Pacifique (moyenne de 2,6 p. 100 -± 0,29 p. 100, et de 1 à 16 parmi 320 pb, respectivement).

Unités désignables

La population de phoques communs de l’est du Canada comprend deux unités désignables (UD), que des chercheurs ont récemment attribuées à différentes sous-espèces (Rice, 1998; Burns, 2002; Reeves et al., 2002).

Une UD, le P. v. mellonae, comprend les phoques d’eau douce de la région des lacs des Loups Marins, dans la péninsule d’Ungava du Québec. Des preuves morphologiques, génétiques et comportementales tirées de sources publiées et traditionnelles autochtones soutiennent la description du P. v. mellonae comme UD (Doutt, 1942; Smith et al., 1994; Smith et al., 1996; Smith, 1999; Petagumskum, 2005; Smith et al., 2006). Cette UD est endémique au Québec et au Canada.

La seconde UD, le P. v. concolor, comprend les phoques communs présents sur les côtes atlantiques et arctiques du Canada. Elle s’étend aux eaux du sud et de l’ouest du Groenland (Teilmann et Dietz, 1994), au nord-est des États-Unis (Waring et al., 2003) et à Saint-Pierre-et-Miquelon (Ling et al., 1974; Lawson, 2006). Malgré les conclusions de Temte et al. (1991) et de Temte (1994) voulant que l’échelonnement des naissances chez le P. v. concolor semble indiquer des populations interfécondes, il est très probable que cette unité, qui est composée de groupes de phoques communs ayant une grande fidélité au site et étant répartis sur une très vaste zone, comporte une importante sous-structure géographique. Dans leur étude sur la diversité génétique des phoques communs à l’échelle mondiale, Stanley et al. (1996) laissent entendre que les femelles phoques communs sont seulement philopatriques à l’échelle régionale, ce qui soutient la notion d’unités de population ou de gestion à l’échelle de quelques centaines de kilomètres. Sur la côte pacifique de l’Amérique du Nord, d’importantes preuves de sous-structure géographique ont poussé le United States National Marine Fisheries Service à reconnaître six unités de gestion du phoque commun de la Californie à l’Alaska (Angliss et Lodge, 2004; Caretta et al., 2005). Boulva et McLaren (1979) ont émis l’hypothèse quant à l’existence d’une sous-structure géographique au sein de l’UD du P. v. concolor en se fondant sur les variations des empreintes dentaires, et des auteurs ont fourni plus récemment d’autres preuves à l’appui de chaque sous-structure (voir par exemple Lesage et al., 2004, pour les données télémétriques; Lebeuf et al., 2003, et Sjare et al., 2005, pour les analyses de profils de contaminants; Gilbert et al., 2005, et Bowen et al., 2003, pour les différences régionales dans les dynamiques de population), mais ces données ne sont pas encore suffisantes pour définir de multiples UD de P. v. concolor.

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