Puffin à pieds roses (Puffinus Creatopus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8
Facteurs limitatifs et menaces
En ce qui concerne le Canada, il y a eu récemment des discussions concernant la levée du moratoire actuel sur l’exploration pétrolière et gazière dans les eaux de la Colombie-Britannique. Les secteurs qui pourraient être touchés par les forages comprennent le détroit de la Reine-Charlotte, des secteurs peu profonds dans le détroit d’Hécate et les eaux situées au nord de l’île de Vancouver (K. Morgan, comm. pers., 2003). Ces endroits correspondent à des secteurs utilisés par le Puffin à pieds roses. Si les forages et la mise en valeur devaient se concrétiser, il est hautement probable que le Puffin à pieds roses sera exposé au mazoutage et qu’il y aura des effets négatifs sur sa nourriture.
Les principales menaces qui pèsent sur le Puffin à pieds roses à terre sont les prédateurs introduits, les perturbations anthropiques, l’exploitation par l’être humain et la destruction de l’habitat (Schlatter, 1984). L’importance de chacun de ces facteurs diffère selon le lieu de reproduction (Guicking et Fiedler, 2000).
On pense que le coati (Nasua nasua), introduit dans l’île Robinson Crusoe dans les années 1930 (Inter-American Biodiversity Information Network, 2003), a contribué a provoquer un grave déclin de la population de Puffins à pieds roses dans le passé (Guicking et Fiedler, 2000). Bien que la population de coati soit quelque peu réduite par rapport à ce qu’elle était avant les années 1980 (Hahn et Römer, 2002), on pense que ce prédateur constitue la plus grande menace pour la population de Puffins à pieds roses dans cette île (Guicking et Fiedler, 2000). Il y a aussi des chats féraux (Felis catus) et des rats (Rattus spp.) dans l’île (Bourne et al., 1992; Hahn et Römer, 2002; Hodum et Wainstein, 2002), et il est pratiquement certain que leur présence a une incidence sur les colonies. D’après les données historiques, le chat est présent depuis le début du 18e siècle (P. Hodum, comm. pers., 2003). Dans un premier effort visant à évaluer les menaces liées à la prédation par les rats, les chats et les coatis dans l’île Robinson Crusoe, Hodum et Wainstein (2003) ont estimé qu’en moyenne, un pourcentage maximun de 6 p. 100 des nids de Puffins à pieds roses dénombrés dans les trois parcelles étudiées ont échoué à cause de la capture du poussin ou d’un adulte par un prédateur. On sait qu’il y a aussi des rats dans l’île Santa Clara, et l’on a documenté des ravages probablement dus aux rongeurs chez le Puffin à pieds roses dans cette île (Hahn et Römer, 2002).
On sait que le rat noir (Rattus rattus) et le rat surmulot (Rattus norvegicus) sont présents dans l’île Mocha, où on les a vus pénétrer dans des terriers. Des fragments de coquilles ont également été trouvés sur le sol forestier, ce qui donne à penser que les rats font des ravages. Il est probable qu’il y a aussi des chats féraux associés à la présence d’habitations humaines dans l’île. Les gens qui récoltent les poussins dans la forêt sont souvent accompagnés de chiens et ceux-ci capturent probablement les poussins qui se trouvent dans des terriers courts ou à l’extérieur de leur terrier (Guicking, 1999). Dans l’ensemble, les effets de la présence de rats, de chats et de chiens sur la taille et les tendances des populations sont inconnus (Guicking, in litt., 2001; Hodum et Wainstein, 2002).
Il est illégal de pratiquer la récolte de poussins comme aliment dans l’île Mocha, mais, à cet endroit, les poussins sont considérés comme un mets de choix et les résidents de l’île en récoltent un grand nombre chaque année, de mars à mai. La récolte de poussins a été signalée pour la première fois au début du 20e siècle, mais on n’a jamais déterminé l’ampleur de cette activité. Actuellement, on estime que 3000 à 5000 poussins sont prélevés chaque année (Guicking, 1999). L’effet de cette activité ne se limite pas à la perte de poussins : il y a aussi habituellement destruction des terriers longs ou sinueux où les poussins ne sont accessibles que par creusage. Seuls les nids placés sous des systèmes racinaires massifs ou à des endroits escarpés inaccessibles sont à l’abri de ceux qui pratiquent cette récolte (Guicking, 1999).
Schlatter (1984) a également inscrit sur la liste des menaces possibles au large de la côte du Chili les interactions entre les oiseaux de mer et les pêches, les résidus de pesticides, les déchets industriels présents dans les routes maritimes, les marées rouges et les déversements d’hydrocarbures. Cependant, on ne possède pas de données permettant de quantifier l’incidence de ces facteurs sur la taille et les tendances des populations (Schlatter, 1984). Becker (2000) a documenté des taux élevés de mercure dans les plumes d’adultes reproducteurs de l’île Mocha et, comme il fallait peut-être s’y attendre, le duvet des poussins de cet endroit contenait lui aussi des concentrations importantes de ce métal lourd. Cependant, il n’y en avait pas dans les plumes de contour des petits plus âgés. D’après cet auteur, la contamination résulterait de l’exposition à ce métal pendant la migration ou l’hivernage.
Pendant la saison de reproduction, les Puffins à pieds roses de l’île Mocha manifestent une grande préférence pour la recherche de nourriture dans des secteurs où il y a une forte activité de pêche. Il est donc très probable qu’il y ait interaction entre cette espèce et la pêche (Guicking et al., 2001). Cependant, on ne dispose pas d’information sur la nature ou l’ampleur de ces interactions pour le moment (Guicking et al., 2001).
La pêche commerciale à la palangre s’effectue en général sur la plate-forme continentale en Amérique du Nord (Wahl, 1975; J. Smith, comm. pers., 2003). Comme on l’a déjà mentionné, le Puffin à pieds roses est habituellement associé au rebord externe de la plate-forme dans cette partie de son aire de répartition (figure 3), de sorte que les risques d’interaction avec la flotte de pêche sont probablement élevés. Jusqu’à présent, le ministère des Pêches et des Océans n’a pas signalé de prise accidentelle de cette espèce dans les eaux canadiennes (L. Yamanaka, comm. pers., 2003). Cependant, il peut arriver que l’oiseau soit présent dans des zones où des pêcheurs sont actifs, ce qui constitue la menace la plus grande pour le maintien de l’espèce au Canada. Il convient aussi de noter que l’effort d’observation au sein de la flotte de pêche est faible. De 1999 à 2002, seulement 1,5 p. 100 à 18,5 p. 100 des hameçons utilisés dans la pêche du flétan à la palangre ont été examinés (Smith et Morgan, sous presse). De même, dans le cas de la pêche commerciale du sébaste à la palangre pendant la même période, seulement 0,2 p. 100 à 10,5 p. 100 des hameçons utilisés ont été examinés (Smith et Morgan, sous presse). Il est probable que des prises accidentelles de Puffins à pieds roses soient passées inaperçues, et cette situation pourrait persister si l’effort d’observation demeure faible. Comme on l’a déjà mentionné, le Puffin à pieds roses est souvent signalé en compagnie de Puffins fuligineux, espèce chez laquelle la mortalité due aux engins de pêche est élevée, particulièrement dans la partie nord-américaine du Pacifique (Guicking et al., 2001). On peut donc penser que les engins de pêche menacent aussi fortement le Puffin à pieds roses.
Le mazoutage du Puffin à pieds roses par les produits pétroliers représente aussi une menace potentielle importante dans de nombreux secteurs de l’aire de répartition marine de l’espèce, y compris aux États-Unis et au Canada. Dans le cas du Canada, de récentes discussions concernant la levée du moratoire actuel sur l’exploration pétrolière et gazière au large de la côte de la Colombie-Britannique font ressortir ce risque. Les secteurs qui pourraient être touchés par les forages comprennent les eaux peu profondes du détroit de la Reine-Charlotte et du détroit d’Hécate et les eaux situées à l’ouest et au nord de l’île de Vancouver (K. Morgan, comm. pers., 2003). Compte tenu de la répartition du Puffin à pieds roses sur la plate-forme continentale et de sa tendance à s’approcher de tous les navires (voir plus haut), il existe un risque réel de mazoutage dû à des rejets accidentels ou délibérés de produits pétroliers à partir de plates-formes côtières, de bateaux ou d’installations terrestres. Comme on l’a mentionné précédemment, la pollution par les hydrocarbures pourrait aussi avoir une grave incidence sur les habitats où cette espèce s’alimente ou sur ses proies dans les eaux canadiennes.
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