Saumon atlantique (Salmo salar) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6

Information sur l'espèce sauvage

Nom et classification

Classe : Ostéichthyens/Actinoptérygiens
Ordre : Salmoniformes
Famille : Salmonidés
Nom latin : Salmo salar L.
Unité désignable : Voir la section UD
Noms communs :
Anglais – Salmon, ouananiche (forme à cycle vital non anadrome)
Français – Saumon atlantique
Différentes formes et stades biologiques de l’espèce sont connus sous d’autres noms communs (voir par exemple Froese et Pauly, 2004).

Description morphologiquei

Scott et Crossman (1973) fournissent la description morphologique la plus complète du saumon atlantique. Ils décrivent l’espèce comme dotée d’un corps ressemblant à celui d’une truite, d’une longueur moyenne d’environ 457 mm (18 po), quelque peu comprimé latéralement et atteignant sa hauteur maximale au point d’origine de la nageoire dorsale ou légèrement en arrière. Chez la forme anadrome, le dos est bleu-vert, les flancs sont argentés et le ventre est blanc (Carcao, 1986). Plusieurs taches rondes ou en forme de X se détachent contre le fond argenté, principalement au-dessus de la ligne latérale (Carcao, 1986). Lorsqu’il revient en eau douce, le saumon marin perd sa livrée argentée de guanine et acquiert une teinte brun verdâtre ou rougeâtre et se couvre de grandes taches bordées de blanc (Scott et Crossman, 1973; Carcao, 1986). Les individus juvéniles ou tacons arborent des « marques de tacon » (bandes verticales pigmentées) séparées les unes des autres par une tache rouge le long de la ligne latérale (Scott et Crossman, 1973). Lorsque les tacons sont prêts à migrer en mer, ils sont connus sous le nom de saumoneaux. Ils perdent alors leurs marques de tacon et deviennent argentés (Scott et Crossman, 1973).

Structure spatiale des populationsii

La grande majorité des saumons atlantiques adultes matures reviennent frayer dans leur rivière natale (comportement décrit en détail récemment par Hendry et al., 2004), mais certains individus font exception à la règle et parviennent à frayer avec succès dans d’autres cours d’eau et à produire une descendance viable capable de frayer à son tour quelques années plus tard. Des analyses moléculaires de la variation génétique peuvent permettre de déterminer le degré d’isolement reproductif entre les saumons de différentes localités et, dès lors, le potentiel cumulatif des différences adaptatives (Waples, 1991). Ces mêmes analyses peuvent également permettre d’identifier des lignées fortement divergentes qui peuvent avoir cumulé des différences génétiques substantielles durant de longues périodes d’isolement reproductif (Utter et al., 1993).

Un certain nombre d’études de la variation génétique parmi et entre diverses populations de saumons atlantiques ont été menées à bien. Dans la plupart des cas, des échantillons de saumons ont été prélevés dans plusieurs cours d’eau d’une ou de deux régions, mais dans quelques cas, dans un ou deux cours d’eau de plusieurs ou de toutes les régions. Toutes ces études ont mis en évidence un certain niveau de structuration démographique et de différenciation génétique. Elles donnent également à penser que chaque cours d’eau et même, dans certains cas, chacun de leurs affluents constituent des unités démographiques relativement indépendantes.

L’analyse génétique des populations de saumons atlantiques du Québec, du Nouveau-Brunswick et du Labrador, la plus riche en renseignements effectuée à ce jour, est celle qui a été réalisée par Dionne et al. (2008). En recourant conjointement à l’analyse de la génétique du paysage et à l’analyse hiérarchique de la variance génétique, ces chercheurs ont discerné 7 groupes régionaux (1 : Ungava; 2 : Labrador; 3 : Basse-Côte-Nord; 4 : Haute-Côte-Nord; 5 : Québec; 6 : Québec méridional; 7 : Anticosti; figure 1) et montré que la variance génétique entre les cours d’eau d’une même région (2,02 %) est inférieure à celle qui existe entre les régions (2,54 %). Le niveau de différenciation génétique entre les cours d’eau de régions différentes était en moyenne le double de celui observé entre les cours d’eau d’une même région, même si les différences génétiques entre la plupart des paires de cours d’eau d’une même région demeuraient statistiquement significatives. La divergence génétique entre les populations et les régions était corrélée à la distance côtière entre les rivières (distance le long de la côte entre l’embouchure des rivières) et au niveau de différenciation des régimes de température. Dans une autre étude, Dionne et al. (2007) ont établi que les saumons semblent montrer une certaine adaptation locale s’exprimant par des variations génétiques des gènes CMH corrélées avec les variations latitudinales des régimes de température qui, à leur tour, induiraient des variations géographiques de la diversité pathogénique.

Des travaux récents dans l’île de Terre-Neuve ont révélé l’existence d’une différenciation génétique à l’échelle d’un même cours d’eau, principalement entre les formes anadromes et non anadromes, mais aussi parmi les formes anadromes associées à des bassins hydrologiques de taille relativement modeste (< 1000 km2) (Fst moyenne = 0,015 -- 0,019, P < 0,05 pour toutes les comparaisons appariées) (Adams, 2007) (figure 2). Adams (2007) a effectué des comparaisons appariées de 8 cours d’eau dans le sud du Labrador (à partir de la rivière Eagle vers le sud) et a obtenu une Fst moyenne de 0,017 (P < 0,001). Le degré de divergence entre les cours d’eau semblait dépendre de la taille de ces derniers. La divergence entre plusieurs sous-ensembles de cours d’eau (p. ex. la rivière Alexis et les rivières avoisinantes) s’est révélée plus faible que prévu, aucune différence significative n’étant relevée dans les nombreuses comparaisons appariées. Une étude de la structure démographique à l’échelle d’une même rivière réalisée par Dionne et al. (2007) donne à croire à l’existence de différences significatives à cette échelle. Le degré de structuration était toutefois extrêmement variable d’un cours d’eau à l’autre.


Palstra et al. (2007) ont également examiné les incidences de la variation temporelle, de la taille efficace de population, de l’hétérogénéité des cycles vitaux et de l’adaptation locale sur les échanges de gènes entre les cours d’eau et les régions de Terre-Neuve et du Labrador (figure 3). Ces auteurs ont mis en évidence une stabilité temporelle sur de multiples générations et émis l’hypothèse selon laquelle la dynamique des métapopulations pourrait jouer un rôle important dans le maintien de la stabilité de populations plus réduites. Selon ces mêmes auteurs, l’amplitude et la direction du flux génique entre les populations sont variables et pourraient même s’inverser le long d’un gradient d’échelles contemporaine à évolutive. Leurs travaux donnent également à croire à l’existence d’un certain niveau de corrélation entre le cycle vital, les attributs démographiques et la structure génétique de la population.

Verspoor (2005) a noté que les variations entre les loci étaient très hétérogènes au niveau de tous les loci polymorphiques parmi des échantillons prélevés en divers endroit du Canada atlantique. Cet auteur n’a toutefois fourni aucune indication précise concernant les comparaisons appariées effectuées. Dans le cadre d’une analyse hiérarchique de la diversité génétique, King et al. (2001) ont partitionné la variance entre les provinces ou les États, entre les cours d’eau d’une même province ou d’un même État et à l’intérieur d’un même cours d’eau. La part de variance associée aux comparaisons entre cours d’eau (d’une même province ou d’un même État) s’établissait à 2,99 %, alors qu’elle s’élevait à 5,28 % entre les pays européens. Ces auteurs n’ont cependant pas précisé la nature des tests appariés utilisés pour mettre en évidence des différences significatives entre les populations (cours d’eau). McConnell et al. (1997) ont utilisé des analyses « bootstrap » pour vérifier la présence de différences significatives entre des échantillons appariés provenant de différents cours d’eau pour 3 mesures différentes de la distance génétique, à savoir la distance de Rogers modifiée, la distance des allèles partagés et la distance de Goldstein (δμ)2. Toutes les estimations appariées de la distance de Rogers et presque toutes les estimations de la distance des allèles partagés étaient significatives, mais seulement quelques estimations de la distance de Goldstein (δμ)2, pour la plupart associées à la rivière Gander, à Terre-Neuve, l’étaient. Il convient de rappeler que dans le cadre de cette étude, seules quelques rivières dans chaque région ont fait l’objet de relevés.

On doit à Verspoor (2005) l’étude la plus exhaustive au plan géographique publiée à ce jour. Cette étude a porté sur de nombreuses populations (cours d’eau) réparties dans plusieurs régions (Terre-Neuve-et-Labrador, Québec, golfe du Saint-Laurent et Maritimes). La variation a été étudiée au niveau de 23 loci allozymiques, dont 15 loci informatifs (génétiquement variables). Les analyses d’échelonnement multidimensionnel (figure 4) et les arbres construits selon la méthode du plus proche voisin (figure 5), 2 outils s’appuyant sur la distance DA de Nei, ont fait ressortir 6 grands regroupements de saumons atlantiques dans l’est du Canada : Labrador et péninsule d’Ungava, golfe du Saint-Laurent, Terre-Neuve (à l’exclusion des cours d’eau du golfe), côte atlantique / hautes terres du sud de la Nouvelle-Écosse, intérieur de la baie de Fundy (IBF) et extérieur de la baie de Fundy (oBoF). Les cours d’eau du Labrador et de la péninsule d’Ungava formaient un groupe, tout comme les saumons de Terre-Neuve, à l’exception de ceux associés aux cours d’eau se jetant dans le golfe du Saint-Laurent. De façon générale, les saumons de la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse (hautes terres du sud) étaient agrégés et distincts de tous les autres échantillons analysés, tout comme les saumons de l’intérieur de la baie de Fundy. Nombre des regroupements régionaux susmentionnés ont aussi été observés dans d’autres études utilisant des marqueurs moléculaires différents. Dans plusieurs cours d’eau de l’intérieur de la baie de Fundy, Verspoor et al. (2002) ont identifié à une fréquence modérée à élevée un haplotype d’ADNmt qui était complètement absent des échantillons issus de l’extérieur de la baie de Fundy. Dans une analyse élargie encore inédite de l’ADNmt de saumons atlantiques de l’est du Canada, Verspoor a également noté l’absence totale de l’haplotype d’ADNmt de l’intérieur de la baie dans 16 cours d’eau des hautes terres du sud. Verspoor et al. (2002) ont également détecté dans pratiquement tous les cours d’eau des hautes terres du sud étudiés un haplotype d’ADNmt qui était absent des échantillons de toutes les autres populations étudiées de l’est du Canada.

Dans des études de la variation associée à des séries de microsatellites se recouvrant très largement, Spidle et al. (2003) et King et al. (2001) ont constaté que les populations de l’intérieur de la baie et des hautes terres du sud incluses dans l’étude étaient fortement distinctes de toutes les autres populations analysées (figure 6). Dans un dendrogramme UPGMA des estimations appariées par microsatellite des distances génétiques de Rogers (McConnell et al., 1997), les dix populations des hautes terres du sud étaient regroupées ensemble, tout comme les populations des rivières Sainte-Croix et Stewiacke (deux populations de l’intérieur de la baie) en Nouvelle-Écosse. La rivière Gaspereau était de nouveau isolée de toutes les autres rivières. Ce résultat témoigne vraisemblablement d’un goulot d’étranglement génétique et d’une dérive génétique récente et rapide.

Des données probantes liées aux fréquences alléliques des microsatellites (Spidle et al., 2003; King et al., 2001) et aux fréquences des haplotypes de l’ADNmt (King et al., 2000) attestent du caractère distinct des populations de Terre-Neuve par rapport aux autres populations d’Amérique du Nord. La présence d’haplotypes « européens » chez les populations de la côte nord-est de Terre-Neuve est à cet égard digne de mention et donne à croire que cette région a été l’objet d’une certaine colonisation postglaciaire par des populations réfugiées européennes.

Peu d’études comportaient des échantillons du Labrador, et un nombre encore plus restreint incluait des échantillons de la péninsule d’Ungava (mais voir à ce sujet Fontaine et al., 1997 et Dionne et al., 2008). King et al. (2001) et Spidle et al. (2003) ont décrit les populations du Labrador comme fortement distinctes des autres populations. Adams (2007) a comparé des échantillons prélevés dans 8 cours d’eau du sud du Labrador à des échantillons provenant de 4 cours d’eau du nord-est de Terre-Neuve et relevé des preuves de divergence au niveau de 10 loci microsatellites (Fst = 0,021). Cette divergence était toutefois comparable à celle mise en évidence par les comparaisons entre les cours d’eau de l’île de Terre-Neuve.

Les données non génétiques confirment dans une large mesure la structure démographique à grande échelle déduite des données génétiques. Par exemple, Chaput et al. (2006a) ont étudié la variabilité du cycle vital de l’espèce à l’échelle de son aire de répartition canadienne, notamment en ce qui a trait à l’âge à la smoltification, aux proportions de petits et de grands saumons parmi les individus qui retournent à la rivière, à la durée du séjour en mer avant la maturité, à la proportion de femelles de petite et de grande tailles et à la longueur à la fourche des petits et des grands poissons. Cette étude a fait ressortir des groupes de populations présentant des variations similaires du cycle vital. Un exemple de différenciation claire est la dominance des madeleineaux (saumons UBM) chez les populations de l’île de Terre-Neuve versus la dominance des pluribermarins chez celles des autres régions. Des regroupements de populations ont également été observés en fonction de l’âge à la smoltification et de la durée du séjour en mer avant la maturité. Schaffer et Elson (1975) et Hutchings et Jones (1998) ont également démontré l’existence d’une divergence claire dans la durée du séjour en mer avant la maturité et la taille entre les différentes régions.

Divers auteurs ont eu recours à l’analyse des caractéristiques morphologiques et méristiques pour distinguer les stocks de saumons dans l’Atlantique Nord. Claytor et MacCrimmon (1988) et Claytor et al. (1991) ont fait ressortir une différenciation régionale fondée sur des caractères morphologiques, mais obtenu des résultats plus mitigés avec les caractères méristiques. Ils ont conclu que les populations de l’île de Terre-Neuve, du Labrador/Québec et des Maritimes représentaient trois régions très distinctes. Ils ont également affirmé, avec toutefois moins de certitude, qu’une sous-structuration était probable dans les régions des Maritimes.

Figure 1 : Probabilités a posteriori pour chaque population de saumon atlantique associée à une rivière donnée appartenant à chacun des 7 groupes régionaux au Québec et au Labrador distingués par analyse de génétique du paysage

Graphiques illustrant les probabilités a posteriori pour chaque population de saumon atlantique associée à une rivière donnée appartenant à chacun des sept groupes régionaux au Québec et au Labrador.

La zone blanche indique une probabilité de 90 % à 100 % que les populations appartiennent à leur groupe régional respectif. a) Carte des populations associées à une rivière donnée incluses dans l’analyse; b) Groupe régional 1 : « Ungava » (3 cours d’eau); c) Groupe régional 2 : « Labrador » (7 cours d’eau); d) Groupe régional 3 : « Basse-Côte Nord » (4 cours d’eau); e) Groupe régional 4 : « Haute-Côte Nord » (10 cours d’eau); f) Groupe régional 5 : « Québec » (6 cours d’eau); g) Groupe régional 6 : « Québec méridional » (18 cours d’eau); h) Groupe régional 7 : « Anticosti » (3 cours d’eau) (Dionne et al., 2008).

Figure 2 : Représentation graphique d’une analyse multidimensionnelle fondée sur la distance non biaisée de Nei appliquée à de multiples échantillons prélevés dans 4 cours d’eau de Terre Neuve et 8 cours d’eau du Labrador

Représentation graphique d’une analyse multidimensionnelle fondée sur la distance non biaisée de Nei appliquée à de multiples échantillons prélevés dans quatre cours d’eau de Terre Neuve et huit cours d’eau du Labrador.

1) Saumon, rivière Northwest; 2) Ouananiche, lac Northwest (forme non anadrome); 3) Ouananiche, lac Endless; 4) Ouananiche, rivière Rocky (échantillon 1); 5) Saumon, rivière Rocky; 6) Saumoneau, rivière Rocky; 7) Saumon, rivière Little Salmonier; 8) Juvénile, rivière Little Salmonier; 9) Ouananiche, rivière Rocky (échantillon 2); 10) Saumon, lac Big de la baie Indian; 11) Ouananiche, lac Moccasin; 12) Ouananiche, lac Wings; 13) Ouananiche, lac Third; 14) Saumoneau, lac Big de la baie Indian; 15) Ouananiche, lac Big de la baie Indian; 16) Juvénile, ruisseau Hungry; 17) Rivière Eagle; 18) Rivière Sandhill; 19) Rivière St. Lewis; 20) Rivière Alexis; 21) Ruisseau Shinney; 22) Rivière Black Bear; 23) Rivière Paradise; 24) Ruisseau Reed (Adams, 2007).

Figure 3 : Représentation graphique d’une analyse multidimensionnelle appliquée à 20 cours d’eau de Terre Neuve et du Labrador, utilisant les 2 premières dimensions rendant compte de 68 % de la variation génétique

Représentation graphique d’une analyse multidimensionnelle appliquée à 20 cours d’eau de Terre-Neuve-et-Labrador, utilisant les 2 premières dimensions rendant compte de 68 % de la variation génétique.

ENR : Rivière English; WAB : Ruisseau Western Arm; TNR : Rivière Terra Nova; MIB : Ruisseau Middle; GAR : Rivière Gander; FBB : Ruisseau Flat Bay; ROR : Rivière Robinsons; HLR : Rivière Highland; CRR : Rivière Crabbes; COR : Rivière Conne; SWB : Ruisseau Southwest; SMB : Ruisseau Simmins; BDN : Rivière Baye Du Nord; NWB : Ruisseau Northwest; NEB : Ruisseau Northeast; BBR : Rivière Biscay Bay; NEP : Rivière Northeast (Placentia); NET : Ruisseau Northeast (Trepassey); STR : Rivière Stoney (Palstra et al., 2007).

Figure 4 : Variation allozymique chez les populations canadiennes de saumons atlantiques

Figure en trois parties illustrant la variation allozymique chez les populations canadiennes de saumons atlantiques. Partie A : Emplacement des 53 cours d’eau inclus dans une étude de plusieurs loci allozymiques. Partie B : Liste des cours d’eau. Partie C : Analyse multidimensionnelle fondée sur la distance génétique DA de Nei appliquée à 48 cours d’eau.

A) Emplacement des 53 cours d’eau inclus dans une étude de plusieurs loci allozymiques (Verspoor, 2005). B) Liste des cours d’eau. C) Représentation graphique d’une analyse multidimensionnelle fondée sur la distance génétique DA de Nei appliquée à 48 cours d’eau. Les regroupements à grande échelle des populations de saumon atlantique proposés par Verspoor (2005) sont indiqués. Modifié de Verspoor (2005).

Veuillez voir la traduction française ci-dessous :

A
Ungava Bay = Baie d’Ungava
Labrador = Labrador
Quebec North Shore = Côte-Nord du Québec
Gaspe = Gaspésie
Gulf of Saint Lawrence = Golfe du Saint-Laurent
Northern peninsula = Nord de la péninsule
New Brunswick = Nouveau-Brunswick
Newfoundland = Terre-Neuve
Avalon Pen. = Péninsule d’Avalon
Bay of Fundy = Baie de Fundy
Nova Scotia = Nouvelle-Écosse

B
Region = Région
River = Rivière
No. = No
Ungava = Ungava
Labrador = Labrador
Gulf of Saint Lawrence = Golfe du Saint-Laurent
Petite, de la Trinite = Petite, de la Trinité
Ste Anne = Sainte-Anne
St. Jean = Saint-Jean
Matapedia = Matapédia
Saint John = Saint-Jean
NE coast of Newfoundland = Côte nord-est de Terre-Neuve
Avalon = Avalon
South coast of Newfoundland = Côte sud de Terre-Neuve
Southern upland NS = Hautes terres du sud de la Nouvelle Écosse
Inner Bay of Fundy = Intérieur de la baie de Fundy
Outer Bay of Fundy = Extérieur de la baie de Fundy

C
Labrador / Ungava = Labrador / Ungava
Gulf of Saint Lawrence = Golfe du Saint-Laurent
Newfoundland = Terre-Neuve
Nova Scotia / Bay of Fundy = Nouvelle-Écosse / Baie de Fundy

Figure 5 : Dendrogramme de la distance génétique de Nei entre 48 cours d’eau canadiens construit selon la méthode du plus proche voisin à partir de données allozymiques

Dendrogramme de la distance génétique de Nei entre 48 cours d’eau canadiens, construit selon la méthode du plus proche voisin à partir de données allozymiques.

(Verspoor 2005). Voir la figure 4 pour les regroupements régionaux; la numérotation des cours d’eau utilisée dans les 2 figures concorde.

Figure 6 : Représentation graphique d’une analyse multidimensionnelle fondée sur des données microsatellites appliquée à 16 cours d’eau du Canada

Représentation graphique d’une analyse multidimensionnelle fondée sur des données microsatellites appliquée à 16 cours d’eau du Canada.

Terre Neuve (NF), Québec (QB), Nouvelle Écosse (NS), Nouveau Brunswick (NB) et Maine (ME, MEL). NF1 : Conne; NF2 : Gander; ME1, 2, 3 et 4 : (Maine); NS1 : Stewiacke; NS2 : Gold; QB1 : Saint-Jean; QB2 : Saguenay; NB1 : Naswaak; NB2 : Miramichi; MEL : 1, 2 (Maine, confinés aux eaux intérieures); LB1 : Sandhill; LB2 : Michaels (King et al., 2001).

Unités désignables

Selon les lignes directrices du COSEPAC pour l’identification des unités désignables, « Une population ou un groupe de populations peuvent être reconnues comme une UD si elles sont considérées "distinctes" et "importantes" dans l’évolution par rapport aux autres populations. ». Une population ou un groupe de populations peuvent être considérées comme distinctes sur la base, notamment, « de traits hérités (p. ex. morphologie, cycle vital, comportement) et/ou de marqueurs génétiques neutres (p. ex. allozymes, microsatellites d’ADN...) », ou sur la base de disjonctions importantes entre les populations et de l’occupation de différentes régions écogéographiques.

Le comportement de homing (retour à la rivière natale) bien connu du saumon atlantique, ainsi que divers traits hérités (cycle vital, morphologique, comportement) et données génétiques moléculaires susmentionnés indiquent que le caractère distinct des populations est couramment satisfait à l’échelle des cours d’eau (représentants des populations reproductrices distinctes) et même, dans certains cas, à l’échelle des affluents compris dans un même bassin hydrographique. Comme le saumon atlantique est présumé avoir frayé dans près de 700 cours d’eau au Canada, un nombre considérable d’UD pourrait être distingué sur la base de ce seul critère. Il faut cependant tenir compte également du deuxième critère, l’importance sur le plan de l’évolution. Les lignes directrices du COSEPAC proposent 4 critères permettant d’évaluer l’importance d’une population pour l’évolution, dont 3 sont applicables au saumon atlantique.

Le premier de ces critères s’appuie sur l’existence de « preuves que la population ou le groupe de populations distinctes diffèrent de façon marquée des autres en raison de caractéristiques génétiques témoignant d’une divergence phylogénétique intraspécifique relativement grande ». Ce critère est satisfait pour le saumon atlantique à l’échelle du bassin océanique. En effet, de nombreuses données génétiques moléculaires démontrent que les populations nord-américaines du saumon atlantique sont divergentes par rapport aux populations européennes (voir par exemple King et al., 2000; idem, 2001; Verspoor, 2005). Cette importante divergence entre les populations orientales et occidentales est toutefois d’une utilité limitée pour la distinction d’UD parmi les populations canadiennes, sauf peut-être dans le cas des populations du nord-est de Terre-Neuve (UD 3, voir ci-dessous), qui présentent des génotypes d’ADNmt « européens » naturellement absents chez les populations plus méridionales. La colonisation postglaciaire de cette partie de Terre-Neuve aurait donc une origine en partie européenne (King et al., 2000). Mis à part ces données d’ADNmt pour l’UD 3, on dispose de peu d’éléments probants témoignant de l’existence de distinctions génétiques profondes (sur le plan des marqueurs neutres) parmi les groupes de populations de saumon atlantique au Canada. Cette absence de preuves pourrait être due en partie au nombre restreint d’études géographiquement exhaustives de la variation génétique parmi les populations de saumons atlantiques au Canada. La plupart des études ne couvrent qu’une portion de l’aire de répartition canadienne de l’espèce. L’étude génétique couvrant la plus vaste étendue géographique jamais réalisée à ce jour est celle de Verspoor (2005), qui a examiné la variation allozymique chez 53 populations couvrant la majeure partie de l’aire de répartition canadienne de l’espèce. Selon Verspoor (2005), les données allozymiques corroboraient l’existence de 6 groupes grands groupes de populations de saumons. Toutefois, les distinctions entre ces groupes étaient ténues et non étayées par des critères statistiques (figures 4 et 5).

Le deuxième critère pertinent permettant de juger de l’« importance » d’une population réside dans « la persistance d’une population ou d’un groupe de populations distinctes dans un contexte écologique inhabituel ou unique à l’espèce ayant donné lieu à des adaptations locales connues ou probables ». Comme dans le cas du caractère distinct, de nombreuses preuves témoignent de l’existence d’adaptations locales différentes chez le saumon atlantique. Comme les saumons atlantiques passent la première année ou les quelques premières années de leur vie en eau douce, de nombreuses adaptations reflètent une variation locale ou régionale des attributs de l’habitat d’eau douce, notamment la température, la longueur de la saison de croissance et le pH. Les proportions des effectifs qui parviennent à maturité à l’état de tacons précoces ou de saumons unibermarins (UBM) ou pluribermarins (PBM) comptent également comme des variations potentiellement adaptatives. Les différentes voies de migration vers les aires d’alimentation marines éloignées peuvent également constituer des variations adaptatives additionnelles. À l’échelle moléculaire, Dionne et al. (2007) ont démontré l’existence de variations latitudinales dans la variation génétique au niveau des loci CMH, qu’ils ont interprétées comme la manifestation d’une adaptation aux assemblages de parasites variant selon la latitude.

Les tentatives passées d’amélioration artificielle de populations locales par ensemencement de saumons d’écloserie issus d’autres populations ont fourni des preuves indirectes d’une adaptation locale. Ainsi, Ritter (1975) a montré que la performance des saumons atlantiques d’écloserie ensemencés au stade de saumoneau dans des cours d’eau variait considérablement en fonction de la distance entre les populations-source (qui se trouvaient dans le golfe du Saint-Laurent) et les cours d’eau dans lesquels ces poissons avaient été ensemencés. Les prises de saumons, tant en pleine mer que dans le cours d’eau ensemencé ou son voisinage immédiat, étaient considérablement moindres lorsque les saumons avaient été ensemencés dans des cours d’eau éloignés des cours d’eau d’origine que lorsqu’ils l’avaient été à proximité de ces mêmes cours d’eau. Selon Ritter (1975), la piètre performance affichée par les saumons ensemencés à l’extérieur de leur région d’origine résultait d’une inadéquation entre les adaptations de ces poissons et les conditions locales au point d’ensemencement. De la même façon, deux rapports sur l’état des populations de saumons atlantiques dans le Maine ont démontré que des années d’ensemencement de cours d’eau du Maine par des poissons issus de plusieurs populations canadiennes n’avaient pas significativement érodé le caractère génétique distinct d’un certain nombre de populations de saumons atlantiques de cet État, probablement parce que les saumons ensemencés étaient mal adaptés aux conditions locales (Conseil national de recherches Canada, 2002; idem, 2004).

Figure 7 : Taux de rétablissement des saumons atlantiques ensemencés en fonction de la distance par rapport au cours d’eau natal

Représentation graphique des taux de rétablissement des saumons atlantiques ensemencés en fonction de la distance par rapport au cours d’eau natal.

La figure indique les taux de rétablissement totaux (pêche en mer en eaux lointaines ou pêche en estuaire dans le cours d’eau ensemencé ou à proximité) des saumons atlantiques ensemencés à l’état de saumoneau à des distances variables de leur cours d’eau natal. Les résultats pour la pêche en mer en eaux lointaines ou la pêche en estuaire dans le cours d’eau ensemencé ou à proximité sont similaires lorsqu’ils sont analysés séparément (résultats non indiqués sur la figure). Analyse des données de Ritter (1975) par C. Havie et P. O’Reilly.

Toutes les différentes sources de données susmentionnées démontrent que les populations de saumons atlantiques sont adaptées aux conditions locales et ne sont donc pas écologiquement échangeables à certaines échelles spatiales. La difficulté consiste à déterminer quelles sont ces échelles spatiales ou à établir à partir de quel point les différences entre les populations sont suffisamment importantes pour justifier la distinction d’UD. Bien qu’il ne résolve pas directement de ce problème, le troisième critère du COSEPAC applicable au saumon atlantique permettant de juger de l’importance d’une population pourrait offrir des pistes de réponse. Ce critère réfère à l’existence de « preuves que la perte d’une population ou d’un groupe de populations distinctes créerait un énorme trou dans l’aire de répartition de l’espèce au Canada ». Plusieurs des UD proposées ci-après accaparent une part appréciable de l’aire de répartition de l’espèce au Canada et présentent certains attributs distinctifs. Dans le cas des UD occupant une superficie relativement limitée, les données attestant l’existence de caractère distinct au plan génétique ou écologique sont particulièrement probantes. La perte de n‘importe laquelle de ces unités représenterait une perte de diversité importante chez cette espèce au Canada.

La divergence génétique, les variations morphométriques et du cycle vital et la séparation géographique figuraient parmi les facteurs pris en compte. Comme déjà mentionné, la distinction d’UD sur la seule base des marqueurs génétiques neutres ne se justifie pas. Ces marqueurs peuvent toutefois fournir des indications précieuses sur l’importance relative du flux génique entre les populations. Au chapitre de la variation du cycle vital, les variables prises en compte incluaient l’âge à la smoltification, la durée du séjour en mer avant la maturité, le moment de la remonte, la voie de migration, la proportion de femelles et la longueur moyenne à différents stades du cycle de vie. La séparation géographique a généralement été considérée comme significative pour des divisions géographiques importantes comme l’île de Terre-Neuve par rapport au Canada continental ou le nord et le sud du golfe du Saint-Laurent.

La délimitation des frontières des UD au Québec et au Labrador est largement fondée sur les résultats de la vaste étude effectuée par Dionne et al. (2008). En s’appuyant sur les données se rattachant à 13 loci microsatellites obtenues de saumons de 51 cours d’eau, ces auteurs ont utilisé une combinaison d’analyses hiérarchiques et d’analyses de la génétique du paysage pour discerner les incidences relatives de divers facteurs (température, latitude, distance côtière [à partir de la population de Miramichi, la plus méridionale], tactique de migration [UBM à migration plus courte vs PBM à migration longue], indice de difficulté de montaison et historique d’ensemencement) sur la structure génétique des populations de saumons atlantiques de la région Québec-Labrador. Ils ont ainsi distingué 7 groupements régionaux de saumons atlantiques qui ont été adoptés comme UD. La température et la distance, tant entre cours d’eau qu’entre la frontière sud de la région étudiée et un cours d’eau donné, se sont révélés des déterminants clés de la structure génétique des populations de saumons atlantiques. Aux dires des auteurs, l’incidence de la distance à partir de la limite méridionale de la région à l’étude constituait l’empreinte historique du processus de colonisation nord-américain à partir d’un refuge glaciaire situé au sud de l’aire de répartition contemporaine. En d’autres termes, les effets historiques datant du début de la colonisation postglaciaire demeurent perceptibles dans les structures des populations contemporaines. Des preuves de dispersion ont été décelées, tant au sein des regroupements de populations qu’entre ces regroupements, mais la différenciation génétique entre les cours d’eau était plus faible pour la dispersion au sein des groupes de populations que pour des niveaux comparables de dispersion entre ces groupes. Cette observation a amené les auteurs à émettre l’hypothèse selon laquelle le flux génique (par opposition à la dispersion) entre les groupes de populations était limité par des régimes de température différents favorisant l’acquisition d’adaptations locales au sein des groupes.

Le ministère des Pêches et des Océans (MPO) avait antérieurement distingué 28 unités de conservation (UC) pour le saumon atlantique (MPO et MRNF, 2008) (figure 8), mais 16 UD sont ici reconnues (figure 9). Malgré le fait que les nombres d’UC et d’UD diffèrent et que les UD ont été distinguées de façon indépendante, les 16 UD partagent de nombreuses caractéristiques avec les 28 UC. La majorité des frontières établies entre les UD coïncident avec celles tracées entre les UC. Au total, 9 UD (1, 3, 5, 6, 9, 11, 14, 15 et 16) correspondent à des UC (numérotées différemment). De plus, 2 UD (4 et 13) comprennent chacune 2 UC. Cependant, 1 UD (2) englobe 2 très grandes UC et 1 très petite UC au Labrador et, contrairement aux UC, s’étend jusqu’au Québec. Au Québec, 3 UD ont des frontières différentes de celles des UC de la même région et englobent collectivement 5 UC et des portions de 2 autres UC. L’UD 12 (Gaspésie-Sud du golfe du Saint-Laurent) contient 6 UC complètes et une partie d’une autre. Les similitudes entre les UD et les UC s’expliquent par la similarité de la définition utilisée pour désigner les UC (« groupes d’individus susceptibles d’afficher des caractéristiques d’adaptation uniques, qui sont largement isolés des autres groupes sur le plan de la reproduction et qui peuvent représenter une composante importante de la biodiversité d’une espèce «) (MPO et MRNF, 2008) avec les critères utilisés par le COSEPAC pour désigner les UD. Les différences entre les 2 systèmes d’unités résultent essentiellement de 2 facteurs : l’obtention de données plus récentes, en particulier celles présentées par Dionne et al. (2008), qui ont orienté les décisions relatives à la structure des UD dans la région Québec-Labrador, et l’adoption d’une stratégie opérationnelle consistant à regrouper des UC dans une même UD lorsque les données présentées à l’appui de la distinction d’unités distinctes paraissaient peu concluantes. L’UD 2 (Labrador), relativement vaste, et l’UD 12 (Gaspésie-Sud du golfe du Saint-Laurent) témoignent du processus effectué en pareil cas. Des améliorations pourraient être apportées à la structure de ces grandes UD à la lumière de nouvelles données. Dans les descriptions qui suivent, on trouvera des renvois aux UC, aux zones de pêche du saumon du MPO (ZPS) et aux zones de pêche du Québec (ZPQ). Une comparaison des caractéristiques des UD est présentée au tableau 1.

Figure 8 : Unités de conservation (UC) proposées par le ministère des Pêches et des Océans pour le saumon atlantique

Carte indiquant l’emplacement des unités de conservation proposées par le ministère des Pêches et des Océans pour le saumon atlantique.

(MPO et MRNF, 2008).

Figure 9 : Unités désignables (UD) proposées pour le saumon atlantique dans l’est du Canada

Carte indiquant l’emplacement des unités désignables proposées pour le saumon atlantique dans l’est du Canada.



Notes de bas de page

i Cette section est tirée du rapport du COSEPAC, 2006a.
ii Les éléments de cette section sont copiés, résumés ou synthétisés à partir de données du MPO et du MRNF, 2008.

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