Saumon coho (Oncorhynchus Kisutch) évaluation et rapport de situation du COSEPAC: chapitre 9

Taille et tendances de la population

Connaissances traditionnelles autochtones

Les connaissances traditionnelles autochtones (qu'on appelle parfois « savoir écologique traditionnel ») sont les connaissances accumulées par les peuples des Premières nations à propos de leur environnement immédiat, de même que les pratiques culturelles fondées sur ces connaissances (Ford et Martinez, 2000). Les collectivités qui utilisent une ressource depuis longtemps peuvent accumuler de solides connaissances qualitatives au sujet de cette ressource dont elles dépendent (Kurien, 1998).

Les cohos du Fraser intérieur retournent frayer principalement dans les territoires traditionnels du peuple Secwepemc (rivières Thompson Nord, Thompson Sud et Clearwater) et des peuples Nlaka’pmux, Sce’exmx et Okanagan (canyon du haut Fraser et vallée de la Nicola). Une partie de la fraye a également lieu dans les territoires traditionnels des St’at’imc (région des rivières Lillooet et Bridge) et des Tsilhqot’in (bassin de la Chilcotin). La Secwepemc Fisheries Commission (SFC) et la Nicola Valley Stewardship and Fisheries Authority (NWFSA) ont accumulé des connaissances en matière de pêches traditionnelles. Par ailleurs, des bandes qui n’appartiennent pas à ces organismes possèdent aussi des connaissances autochtones traditionnelles. Les connaissances autochtones traditionnelles portant sur une partie des ressources naturelles du Fraser intérieur ont été compilées (p. ex. Turner et al., 2000), mais sans qu'on examine de près celles qui concernent le saumon. Irvine et al. (2000) étudient la question du rôle des connaissances autochtones traditionnelles dans l'évaluation du saumon coho du Fraser intérieur.


Estimations de l'abondance

Nous ne possédons aucune estimation de l'abondance des saumons cohos du Fraser intérieur avant l'arrivée des Européens. Selon Northcote et Burwash (1991), l'abondance annuelle moyenne (prises plus géniteurs) des cohos du Fraser dans les années 1920 et au début des années 1930 s'élevait aux environs de 1,2 million. En supposant qu'environ le tiers de ces poissons provenaient du Fraser intérieur, on peut donc estimer à quelque 400 000 individus l'abondance des cohos de l'intérieur à l'époque; par ailleurs, en supposant un taux de capture de 50 p. 100, comme l'ont fait Northcote et Burwash, l'échappée annuelle s'établirait donc aux environs de 200 000 individus. Dans leur rapport sur les poissons du bassin du Fraser, ces mêmes auteurs (1991) estiment que l'abondance des cohos du Fraser a connu une baisse de l’ordre de 7,7 fois entre les années 1920 et la période allant des années 1950 aux années 1980. Ils soulignent toutefois que les données sur les cohos sont les moins fiables de toutes les données sur les saumons.

Il est notoirement difficile de dénombrer les cohos durant la fraye. On possède des estimations des échappées (nombre de saumons échappant à la pêche en mer et retournant en eau douce pour y frayer) pour certains cours d'eau du Fraser intérieur remontant jusqu'à 1951, mais les estimations les plus anciennes, dont on ignore le degré d'exactitude et de précision, ne sont guère utiles pour les analyses de séries chronologiques, si ce n'est que pour confirmer la présence de l'espèce dans un bassin versant.

Diverses méthodes sont utilisées aujourd'hui pour estimer les échappées des cohos dans les quelque 71 cours d'eau du Fraser intérieur. Bien que l'on évalue presque tous les cours d'eau de fraye connus du bassin versant de la Thompson, beaucoup d'autres ne font l'objet d'aucune évaluation dans le haut Fraser.

Dans les analyses de séries chronologiques, la précision importe davantage que l'exactitude, et pour obtenir une bonne précision il faut que les méthodes de dénombrement sur le terrain et d'estimation soient cohérentes dans le temps. Deux approches ont été utilisées pour examiner les tendances récentes du nombre de géniteurs : une approche par indicateur d'échappées et une autre faisant appel à une série d'échappées ajustée.

L'approche par indicateur d'échappées repose sur l'estimation des échappées dans des cours d'eau non repeuplés des bassins des rivières Thompson Nord et Sud qui font l'objet d'une surveillance raisonnablement constante. Les échappées totales vers les 10 cours d'eau indicateurs de la rivière Thompson Nord suivaient la même tendance temporelle que celles des 16 cours d'eau indicateurs de la rivière Thompson Sud (Irvine et al., 2001). Les chiffres, relativement stables durant la fin des années 1970, augmentent au début des années 1980 et atteignent un sommet dans la dernière partie de la décennie. Les échappées chutent ensuite rapidement jusqu'en 1996, puis connaissent une légère augmentation par la suite. Établie à l'aide des méthodes documentées dans Simpson et al. (2001), la série d'échappées ajustée consistait en le nombre total de cohos géniteurs revenant dans les principaux bassins du système de la Thompson, poissons issus d’écloserie compris (tableau 1). Tout comme dans la série de données sur les indicateurs pour les saumons sauvages, les estimations ajustées des échappées pour la Thompson Nord et la Thompson Sud culminent au milieu des années 1980, puis chutent jusqu'aux environs de 1996 pour se stabiliser ou augmenter par la suite (figure 6). Il a été difficile de reconstruire les séries chronologiques pour les populations du cours inférieur des rivières Thompson et Nicola et des bassins autres que celui de la Thompson. Une importante proportion des remontes dans le cours inférieur des rivières Thompson et Nicola est le fruit de la mise en valeur, et un grand nombre d'estimations ne sont pas fiables. Les échappées vers le cours inférieur de la Thompson semblent moins variables que celles qui sont faites vers d'autres parties du bassin de la rivière, mais pourraient également avoir augmenté ces dernières années (figure 6). La série chronologique pour les cours d'eau autres que la Thompson est trop brève pour permettre de dégager des tendances temporelles.

Au sommet de notre série chronologique d'estimations fiables, les échappées vers le Fraser intérieur étaient de l'ordre de 100 000 et l'abondance annuelle semble avoir deux fois dépassé 300 000 (tableau 1). Plus récemment, la taille de la population reproductrice totale a été estimée en établissant la moyenne des échappées pour chacune des cinq sous-populations (soit Thompson Nord, Thompson Sud, cours inférieur des rivières Thompson et Nicola, canyon du Fraser et haut Fraser), entre 1998 et 2000 (tableau 1). Toutes les estimations seront biaisées vers le bas dans une légère mesure, simplement parce qu'il n'est pas possible de voir tous les poissons. Le degré de biais pour les cours d'eau du haut Fraser est plus préoccupant. En effet, d'après les résultats obtenus dans le cadre d'un programme de marquage-recapture au tourniquet, ce biais pourrait être de l'ordre de 57 p. 100 (Irvine et al., 2001). La population totale des cohos du Fraser frayant chaque année au cours des dernières années se situe probablement autour de 24 000 (23 919) individus (tableau 2), dont ~15 p. 100 sont des poissons issus d’écloserie. Les populations des rivières Thompson Nord et Sud représentent un peu plus de la moitié de la population totale des cohos du Fraser intérieur.


Figure 6 : Estimations ajustées des échappées historiques des saumons cohos (sauvages et issus d’écloserie) retournant dans les bassins des rivières Thompson Sud et Nord et dans le cours inférieur de la rivière

Figure 6. Estimations ajustées des échappées historiques des saumons cohos (sauvages et issus d’écloserie) retournant dans les bassins des rivières Thompson Sud et Nord et dans le cours inférieur de la rivière (données au tableau 1).

Données au tableau 1.

 

Tableau 1 (Thompson Sud) : Estimations des prélèvements par la pêche, des échappées, des prises en mer et de l'abondance totale pour les cohos du Fraser intérieur (sauvages et issus d’écloserie combinés)
Année de
remonte
Estimations des prélèvements par la pêche échappées prises en mer abondance
totale
1975 0,68 5 864 12 490 18 354
1976 0,68 3 920 8 349 12 268
1977 0,68 8 490 18 082 26 572
1978 0,68 7 996 17 032 25 028
1979 0,68 10 198 21 720 31 918
1980 0,68 7 025 14 964 21 989
1981 0,68 4 120 8 775 12 895
1982 0,68 5 849 12 459 18 308
1983 0,68 6 196 13 196 19 392
1984 0,68 15 394 32 789 48 183
1985 0,68 16 998 36 205 53 204
1986 0,66 16 521 31 665 48 186
1987 0,54 21 087 24 478 45 564
1988 0,71 24 426 60 376 84 802
1989 0,65 17 208 31 288 48 496
1990 0,74 8 609 24 069 32 677
1991 0,68 4 160 8 737 12 896
1992 0,81 11 886 52 239 64 125
1993 0,88 1 873 13 172 15 045
1994 0,43 4 485 3 430 7 915
1995 0,56 3 622 4 639 8 261
1996 0,83 1 760 8 906 10 667
1997 0,40 2 034 1 384 3 418
1998 0,07 4 946 375 5 321
1999 0,09 3 074 305 3 379
2000 0,03 3 785 134 3 919
2001 0,07 13 239 996 14 235

Données mises à jour tirées de Irvine et al., 2001). Comme les prélèvements n'étaient pas mesurés avant 1987, on a présumé qu'ils équivalaient aux prélèvements moyens de 1987 à 1996. Les estimations pour 2001 sont des estimations préliminaires.

 

Tableau 1 (suite - Thompson Nord) : Estimations des prélèvements par la pêche, des échappées, des prises en mer et de l'abondance totale pour les cohos du Fraser intérieur (sauvages et issus d’écloserie combinés)
Année de
remonte
Estimations des prélèvements par la pêche échappées prises en mer abondance
totale
1975 0,68 22 286 47 468 69 754
1976 0,68 20 675 44 037 64 713
1977 0,68 42 804 91 171 133 975
1978 0,68 39 095 83 269 122 364
1979 0,68 47 819 101 851 149 670
1980 0,68 10 542 22 454 32 996
1981 0,68 20 615 43 909 64 524
1982 0,68 42 295 90 087 132 382
1983 0,68 35 086 74 731 109 816
1984 0,68 69 552 148 141 217 692
1985 0,68 45 160 96 188 141 349
1986 0,66 104 267 199 846 304 113
1987 0,54 54 884 63 710 118 594
1988 0,71 70 612 174 539 245 150
1989 0,65 30 677 55 779 86 455
1990 0,74 25 697 71 844 97 542
1991 0,68 14 585 30 633 45 217
1992 0,81 22 042 96 875 118 917
1993 0,88 9 669 67 999 77 667
1994 0,43 10 031 7 671 17 702
1995 0,56 22 477 28 794 51 272
1996 0,83 12 319 62 325 74 645
1997 0,40 6 722 4 573 11 295
1998 0,07 9 125 685 9 810
1999 0,09 8 916 885 9 801
2000 0,03 7 032 250 7 282
2001 0,07 26 429 1 989 28 418

Données mises à jour tirées de Irvine et al., 2001). Comme les prélèvements n'étaient pas mesurés avant 1987, on a présumé qu'ils équivalaient aux prélèvements moyens de 1987 à 1996. Les estimations pour 2001 sont des estimations préliminaires.

 

Tableau 1 (suite - Cours inférieur de la Thompson) : Estimations des prélèvements par la pêche, des échappées, des prises en mer et de l'abondance totale pour les cohos du Fraser intérieur (sauvages et issus d’écloserie combinés)
Année de
remonte
Estimations des prélèvements par la pêche échappées prises en mer abondance
totale
1984 0,68 5 155 12 050 17 205
1985 0,68 1 913 4 060 5 973
1986 0,66 2 211 4 300 6 511
1987 0,54 4 208 4 945 9 153
1988 0,71 4 013 9 830 13 843
1989 0,65 3 423 6 340 9 763
1990 0,74 4 421 12 600 17 021
1991 0,68 3 794 8 825 12 619
1992 0,81 4 905 21 000 25 905
1993 0,88 8 416 61 500 69 916
1994 0,43 5 252 3 965 9 217
1995 0,56 1 984 2 525 4 509
1996 0,83 1 209 5 900 7 109
1997 0,40 4 217 2 820 7 037
1998 0,07 2 628 200 2 828
1999 0,09 5 007 495 5 502
2000 0,03 4 459 157 4 616
2001 0,07 9 828 740 10 568

Données mises à jour tirées de Irvine et al., 2001). Comme les prélèvements n'étaient pas mesurés avant 1987, on a présumé qu'ils équivalaient aux prélèvements moyens de 1987 à 1996. Les estimations pour 2001 sont des estimations préliminaires.

 

Tableau 1 (suite - Fraser autre que Thompson) : Estimations des prélèvements par la pêche, des échappées, des prises en mer et de l'abondance totale pour les cohos du Fraser intérieur (sauvages et issus d’écloserie combinés)
Année de
remonte
Estimations des prélèvements par la pêche échappées prises en mer abondance
totale
1998 0,07 8 147 610 8 757
1999 0,09 5 389 535 5 924
2000 0,03 4 723 144 4 867
2001 0,07 13 515 1 018 14 533

Données mises à jour tirées de Irvine et al., 2001). Comme les prélèvements n'étaient pas mesurés avant 1987, on a présumé qu'ils équivalaient aux prélèvements moyens de 1987 à 1996. Les estimations pour 2001 sont des estimations préliminaires. Les sous-populations du canyon de Fraser et du haut Fraser ont été regroupées sous « Fraser autre que Thompson ».

 

Tableau 2 : Nombre moyen (pourcentage) de géniteurs remontant dans les principaux bassins du Fraser intérieur entre 1998 et 2000
Origine Th. Sud Th. Nord Cours inf.
Th./Nicola
Canyon du Fraser Haut Fraser Total
Sauvages + écloserie 3 935 (18) 8 358 (37) 4 031 (18) 4 092 (18) 1 994 (9) 22 410
Sauvages + écloserie 3 935 (16) 8 358 (35) 4 031 (17) 4 092 (17) 3 498 (15) 23 914
Sauvages seulement 3 904 (19) 7 202 (35) 1 617 (8) 4 092 (20) 3 498 (17) 20 313

Dans les deux rangées inférieures, le nombre estimatif des géniteurs du haut Fraser a été divisé par 0,57 pour tenir compte des poissons dans les cours d'eau qui n'ont pas été recensés.


Mise en valeur

La production de saumons cohos issus d’écloserie a débuté au début des années 1980 et a culminé dans la dernière moitié de la décennie, lorsque diverses stratégies de mise en valeur ont été mises à l'essai pour le coho dans les bassins versants de la Eagle, de la Salmon et de la Coldwater. Les principaux objectifs de la mise en valeur étaient à l'époque d'évaluer l'efficacité de différentes stratégies et de déterminer effet de la mise en valeur sur les stocks naturels (Perry, 1995; Pitre et Cross, 1993). Ces auteurs ont conclu que la libération d'alevins pourrait s'avérer une bonne stratégie complémentaire lorsque la progéniture issue de la fraye naturelle n'occupe pas entièrement l'habitat disponible. Il peut cependant y avoir des interactions négatives entre les cohos sauvages et issus d’écloserie, notamment lorsque les lâchers d'alevins issus d’écloserie entraînent un dépassement de la capacité de charge du cours d'eau.

Il n'y a aucun gros établissement de production de cohos dans le Fraser intérieur. On y compte environ 13 petits projets de mise en valeur en divers endroits, dans le cadre desquels on produit des cohos et on restaure l'habitat. Les activités de mise en valeur s'efforcent actuellement de rétablir les stocks affaiblis et de recueillir des données d'évaluation susceptibles de servir à la fois aux stocks sauvages et aux stocks mis en valeur. Comme les tendances temporelles pour la série d'échappées ajustée (figure 6) qui incluait les poissons issus d’écloserie étaient similaires à celles de la série des indicateurs pour les saumons sauvages, il semble que la mise en valeur n'ait eu qu'une incidence relativement mineure sur les tendances démographiques générales. Bradford et Irvine (2000) en sont d'ailleurs arrivés à la même conclusion : ils ont constaté que la présence d'écloseries n'avait aucun effet significatif sur le taux de déclin. Les activités de mise en valeur sont décrites plus en détail dans Irvine et al. (1999a, 2000).

Comme un grand nombre des saumons cohos lâchés depuis les écloseries sont marqués et qu'on contrôle les marques sur la plupart des saumons qui reviennent, on a pu estimer la proportion des échappées qui vient des écloseries. C'est ainsi que dans la période de 1998 à 2000, la part des poissons de retour dans les cours d'eau du cours inférieur des rivières Thompson et Nicola provenant des écloseries a été importante (tableau 2), alors qu'elle a été relativement faible ailleurs.


Survie et prélèvements par la pêche

On analyse souvent les tendances temporelles de l'abondance du saumon en distinguant entre la survie en eau douce et la survie en mer. On ne possède aucune estimation de la survie en eau douce pour les cohos du Fraser intérieur. Quant à la survie en mer, elle a chuté entre la fin des années 1980 et le milieu des années 1990, tendance d'ailleurs observée pour de nombreux cohos du sud de la partie septentrionale de la Colombie-Britannique (Coronado et Hilborn, 1998); si elle semble s'être améliorée ces deux dernières années, elle n'en demeure pas moins généralement inférieure à 3 p. 100, ce qui est de loin inférieur à ce qu'elle était à la fin des années 1980 (Irvine et al., 2000).

Jusqu'en 1997, les estimations des prélèvements par la pêche étaient établies au moyen du programme de marquage-recapture; depuis, on a recours à l'analyse de l'ADN d'échantillons de tissus prélevés sur des poissons capturés par les pêcheurs (Irvine et al., 2001). Les restrictions sans précédent imposées à la pêche au saumon au Canada depuis 1997, resserrées encore de 1998 à 2000, ont eu une incidence manifeste sur la série chronologique des taux de prélèvement (tableau 1). De 1998 à 2000, en effet, ces taux (c.-à-d. prises/prises plus échappées) ont été en moyenne de 6,5 p. 100 (Canada et États-Unis combinés), alors que pour la période de dix ans de 1987 à 1996, les prélèvements annuels moyens s'élevaient à 68 p. 100 (tableau 1).


Taux de déclin

Les taux de déclin ont été calculés en se fondant sur :

  1. la série chronologique des échappées comprenant les données des 10 cours d'eau indicateurs de la Thompson Nord et des 16 cours d'eau indicateurs de la Thompson Sud, pour lesquels il manque relativement peu de données et qui ne sont pas touchés par les activités issus d’écloserie4;
  2. les estimations ajustées des échappées totales pour les bassins de la Thompson Nord et de la Thompson Sud (tableau 1).

Le déclin a été estimé de deux façons. La première faisait appel aux estimations annuelles de l'abondance et à la formule standard du COSEPAC pour le calcul du déclin5. La deuxième (lissée) faisait appel aux moyennes mobiles calculées pour des périodes de 3 ans, durée de génération normale pour ces poissons. Cette approche réduisait les variations de l'abondance d'une année à l'autre, courantes chez les animaux sémelpares dont font partie les cohos, qui ne se reproduisent en général qu'une seule fois.

Avec chaque approche, on a obtenu des taux de déclin relativement importants (tableau 3). Les estimations pour la période de 10 ans allant de 1990 à 2000 variaient de 27 à 73 p. 100 (moyenne globale de 60 p. 100)6. L'estimation la plus basse a été obtenue lorsqu’on a utilisé l'approche lissée pour interpréter les données sur les indicateurs des échappées du bassin de la Thompson Nord. Les différences entre les méthodes et les ensembles de données n'étaient pas constantes.

La productivité des cohos de la Thompson a été évaluée à l’aide de la formule suivante :

ran = ln [Rt/St-3]

où Rt est le recrutement (soit les prises plus les échappées) et St-3 est l'abondance des géniteurs de la génération antérieure (soit les échappées). Ainsi, r est une mesure de la survie des géniteurs par rapport aux adultes qui reviennent (c.-à-d. avant la pêche). La série chronologique de ran pour la moyenne des 10 cours d'eau indicateurs de la Thompson Nord et des 16 cours d'eau indicateurs de la Thompson Sud est présentée à la figure 7.

 

Tableau 3 : Taux de déclin (pourcentage) pour les données sur les cohos des cours d’eau indicateurs des échappées des bassins des rivières Thompson Sud et Nord (cohos sauvages seulement) et estimations ajustées des échappées totales (cohos sauvages et issus d’écloserie) entre 1990 et 2000
Méthode Thompson S.

Indic. éch.
Thompson S.

Ajustée
Thompson S.

Moyenne
Thompson N.

Indic. éch.
Thompson N.

Ajustée
Thompson N.

Moyenne
Ensemble Moyenne
COSEPAC 56,5 61,2 58,9 56,0 72,6 64,3 61,6
Lissée 79,3 65,6 72,4 27,2 57,7 42,5 57,5

Les estimations ont été calculées à l'aide de la formule standard du COSEPAC, de même qu'avec les données lissées sur 3 ans.

 


Figure 7 : Série chronologique de ran, le taux annuel de croissance de la population des cohos de la Thompson

Figure 7 : Série chronologique de ran, le taux annuel de croissance de la population des cohos de la Thompson (tiré de Irvine et al., 2001).

Tiré de Irvine et al., 2001). Chaque point est la moyenne (±ET) de deux séries chronologiques (agrégats des cours d'eau indicateurs des rivières Thompson Nord et Sud). Lorsque r < 0, les populations sont incapables de se rétablir, même en l'absence de pêche.

On a observé une diminution globale de ran depuis le milieu des années 1980 jusqu'à 1997-1998 (figure 7). Pendant quelques années (1991 et peut-être 1995, 1997 et 1998), ran pourrait avoir été < 0, ce qui signifie que certaines populations ont été incapables de se rétablir même lorsque la mortalité par la pêche était nulle. Heureusement, le ran moyen pour les remontes de 1999 et 2000 a été positif.


Points de référence

Les points de référence biologiques sont des repères qui permettent de mesurer le statut des populations de poissons (Collie et Gislason, 2001). Nous avons utilisé ici les points de référence provisoires calculés par Irvine et al. (2001) pour les cohos du bassin de la Thompson Nord (voir également Chen et al., 2002) pour identifier des catégories d'abondance plus ou moins arbitraires. Les résultats sont présentés en nombres de femelles cohos adultes par kilomètre d'habitat accessible.

Le nombre estimatif de génitrices nécessaire pour obtenir un rendement constant maximum (24,9 femelles/km d'habitat accessible) a été choisi pour déterminer la transition entre les zones d'abondance moyenne et élevée (figure 8). La moyenne de deux points de référence faibles a été choisie comme étant la limite entre les catégories d'abondance critique et faible. L’un de ces points est l'échappée minimum à partir de laquelle la population est parvenue à se reconstituer (6,1) et l'autre, la valeur calculée comme correspondant à la probabilité théorique de 10 p. 100 d'extinction pour une génération donnée (4,3) (Irvine et al., 2001; Chen et al., 2002). La limite entre les zones d'abondance faible et moyenne était située au double de cette valeur moyenne (10,4).

Comme on peut le voir à la figure 8, à une exception près, le nombre des génitrices était de moyen à abondant entre 1975 et 1990, de faible à faible-moyen entre 1991 et 1996, et avoisinait faible-critique entre 1997 et 2000, tout en restant généralement inférieur à la limite entre ces deux zones (figure 8).


Figure 8 : Estimations annuelles du nombre de cohos adultes femelles (sauvages et issus d’écloserie) par kilomètre dans le bassin versant de la Thompson Nord

Figure 8 : Estimations annuelles du nombre de cohos adultes femelles (sauvages et issus d’écloserie) par kilomètre dans le bassin versant de la Thompson Nord (d'après Irvine et al., 2001).

D'après Irvine et al., 2001). Les lignes horizontales indiquent les limites entre les catégories d'abondance.


Scénarios futurs

L'avenir du coho du Fraser intérieur est très incertain et dépend des impacts de deux types d'activités anthropiques, la pêche et les perturbations de l'habitat, et de ceux d'un phénomène qui échappe pour une large part à notre contrôle, soit les changements dans la survie du poisson liés au climat. La population humaine du Nord-Ouest du Pacifique (y compris la Colombie-Britannique) devrait augmenter de deux à sept fois au cours du présent siècle (Lackey, 2001). Hartman et al. (2000), après analyse des effets des activités humaines sur les saumons à l’échelle locale, régionale et mondiale, concluent que la croissance démographique humaine constitue probablement la plus lourde menace pour les saumons du Pacifique.

La figure 9 donne un aperçu des prévisions pour les cohos du bassin de la Thompson Nord à partir de 2001 en fonction de trois scénarios simples. Dans le scénario le plus optimiste, on présume que la survie s'améliore et revient aux niveaux observés entre 1978 et 1997 (recrues/géniteurs [R/G] = 3,31); dans le scénario intermédiaire, la survie demeure celle de la période allant de 1998 à 2000 (R/G = 1,47); et dans le pire scénario, la survie est la même que celle enregistrée lors de la remonte de 1998, une mauvaise année sur ce plan (R/G = 0,96)7. On pose par ailleurs l'absence d'effet supplémentaire de l’urbanisation sur l'habitat et la stabilisation de la pêche au faible niveau de 1998 à 2000 (soit ~7 p. 100). On présume en outre que les géniteurs ont tous trois ans et que leur nombre ne peut dépasser 50 femelles par kilomètre, niveau qui n'a été atteint qu'une seule fois au cours des 25 dernières années (figure 8).

Pour les populations de cohos de la Thompson Nord, comme sans doute aussi pour les autres, un retour aux taux de survie historiques, allié à une faible pression exercée par les pêches et à une absence d'effet supplémentaire sur l'habitat, devrait en théorie entraîner une rapide augmentation des échappées et se traduire par le rétablissement des populations en l’espace de deux générations. Par contre, si la survie se maintient aux taux moyens récents, il faudra de cinq à six générations pour atteindre la catégorie abondante. Enfin, si la survie est aussi faible qu’en 1998, l'effectif diminuera et le saumon finira par disparaître (figure 9).

Ces prévisions sont simplistes et probablement trop optimistes pour plusieurs raisons : la capacité du milieu de produire des saumons cohos a sans doute diminué ces dernières années à cause des changements apportés à l'habitat, ce dont ne tient pas compte le modèle; par ailleurs, vu le coût socio-économique élevé que cela implique, il pourrait être difficile de maintenir la pression halieutique au niveau extrêmement faible posé comme hypothèse; enfin, le modèle ne prévoit aucune variabilité de la survie. Routledge et Irvine (1999) ont constaté que toute augmentation, même légère, du degré de variation aléatoire du recrutement peut réduire de beaucoup le taux de survie des populations.




Notes de bas de page

4 Les cours d'eau indicateurs du bassin de la Thompson Nord sont les suivants : Barriere, Blue, Cook, Barriere Est, Fennel, Lion, Thompson Nord, Raft, Reg Christie et Tumtum; ceux du bassin de la Thompson Sud sont les suivants : Adams (cours inférieur), Adams (cours supérieur), Bessette, Blurton, Bolean, Canoe, Hunakwa, Kingfisher, Scotch, Shuswap (cours inférieur), Shuswap (cours moyen), Pass Sud, Tappen, Trinity, Wap et Sinmax.
5 Formule fournie par le COSEPAC (http://www.cosewic.gc.ca/COSEWIC/authors/).
6 Les estimations préliminaires des échappées pour 2001 sont sorties au moment de la révision du présent rapport. Avec l'approche lissée utilisée pour calculer les diminutions entre 1991 et 2001 à l'aide de la série de données ajustées sur les échappées, les estimations pour les agrégats de la Thompson Sud et de la Thompson Nord étaient respectivement de 12 et 34 p. 100. Ces estimations étaient plus positives que celles pour 1990 à 2000 pour deux raisons : les échappées de 2001 ont été supérieures ces dernières années et l'ensemble de données pour 1991 à 2001 excluait les échappées relativement importantes de 1990 (par rapport à 1991).
7 Les données sur le recrutement des géniteurs proviennent toutes de l'ensemble de données des cours d'eau indicateurs de la Thompson Nord.

 

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