Tortue des bois (Glyptemys insculpta) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 3

Information sur l'espèce

Nom et classification

Famille :

Emydidae

Espèce :

Glyptemys insculpta (Agassiz, 1857) (aucune sous-espèce reconnue)

Le nom commun de cette espèce est tortue des bois en français et Wood Turtle en anglais. Le nom scientifique était autrefois Clemmys insculpta, mais ce dernier a été changé afin de mieux témoigner des relations génétiques existantes entre les espèces qui étaient anciennement comprises dans le genreClemmys (Feldman et Parham, 2002; Holman et Fritz, 2001; NatureServe, 2004). L’Emys orbicularis,l’Emydoidea blandingii et la Clemmys marmorataont été placées dans un premier groupe monophylétique et laClemmys muhlenbergii et la Clemmys insculpta dans un deuxième (Feldman et Parham, 2001; Holman et Fritz, 2001). L’espèce type du genre Clemmys (Clemmys guttata) a été retenue comme seul membre de ce genre (NatureServe 2004), et la Clemmys muhlenbergii et la Clemmys insculpta ont été placées dans le genre Glyptemys (Agassiz, 1857), comme le recommandaient Feldman et Parham (2002).

Description morphologique 

La tortue des bois est une tortue de taille moyenne dont la carapace à l’âge adulte est longue de 16 cm à 25 cm (Litzgus et Brooks, 1996; Smith, 2002). La carapace de brun grisâtre à jaune est large et basse, et porte parfois des lignes et des points sombres. Chaque écaille porte des arêtes (lignes de croissance) concentriques pyramidales qui donnent à la carapace l’apparence d’une sculpture. La carapace est fortement carénée et sa bordure postérieure est dentelée (Babcock, 1971; Litzgus et Brooks, 1996). Chez les tortues plus âgées, ces arêtes peuvent avoir été relativement aplanies par l’usure. Le plastron n’a pas de charnière, est jaune et présente dans les coins extérieurs de ses écailles postérieures des taches noires dont l’organisation varie d’un individu à l’autre. La peau est généralement brune mais les jambes et le cou ont souvent une teinte jaune, orange ou rougeâtre. Les pattes sont légèrement enchevêtrées et portent de robustes griffes. L’iris de l’œil est jaune ou brun. La mâchoire supérieure forme un bec, est arquée vers le bas et surplombe une mâchoire inférieure légèrement plus courte. Les mâles sont plus gros que les femelles (Foscarini, 1994). Leur plastron est fortement dentelé et porte généralement des rainures cranio-caudales. Le plastron est plat chez les juvéniles et les femelles adultes, mais fortement concaves chez les mâles ayant atteint la maturité sexuelle. Chez les mâles adultes, le cloaque est éloigné de la bordure postérieure de la carapace alors qu’il ne l’est pas chez les femelles. La queue des mâles est plus longue et plus épaisse que celle des femelles.

Figure 1. Tortue des bois, Glyptemys insculpta (par Rosemarie Schwab) (Reproduction avec la permission du ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec).

Figure 1. Tortue des bois, Glyptemys insculpta

Description génétique

Une récente étude de la phylogéographie de la tortue des bois a analysé 750 paires de bases d’une région de référence d’ADN mitochondrial chez un échantillon de 117 tortues provenant de 29 emplacements situés un peu partout dans l’aire de répartition de l’espèce (Amato et al., sous presse). Au total, 21 haplotypes ont été identifiés et la variation génétique était très faible, ce qui est caractéristique des tortues en général et du genre Glyptemys en particulier (Avise et al., 1992; Rosenbaum et al., 2007). Les analyses des variantes nichées ont montré une dispersion postglaciaire principale vers le nord à partir d’un refuge le long de la côte est, jusqu’à la Nouvelle-Écosse, et une dispersion subséquente vers l’ouest (Amato et al., sous presse). Une analyse BEAST a montré que la population de tortues des bois a crû rapidement au cours des 12 000 dernières années. Une première variante commence sur la côte est du Canada et des États-Unis, et va vers l’ouest jusqu’aux États situés au sud des Grands Lacs. Une deuxième variante se trouve en Ontario et dans des secteurs contigus du Québec, à l’ouest du Saint-Laurent, quoique la première variante soit également présente dans cette région. Contrairement aux travaux sur l’ADN mitochondrial, les études génétiques qui ont porté sur 6 populations de tortues des bois du Québec ont montré que ces populations étaient hautement polymorphiques, chacune ayant été caractérisée en utilisant 5 locis microsatellites (Tessier et Lapointe, 2002; Tessieret al., 2005). La variabilité était grande au sein de toutes les populations, ce qui indique que les déclins putatifs passés n’ont pas encore réduit la variabilité de manière importante, bien que les populations les plus distinctes génétiquement étaient celles qui avaient les moins grandes diversités (Tessier et al., 2005). Il semble qu’il y aurait eu 3 unités génétiquement différentes, soit 2 sur la rive nord du Saint-Laurent et un groupe homogène (de 4 populations) au sud de celui-ci (Tessier et al., 2005). Malgré leur petite taille, ces populations ont montré de hauts niveaux d’hétérozygotie et de diversité allélique (H0 de 0,561 à 0,886, soit une moyenne de 10 allèles par locus par population, Tessier et al., 2005). Ces données suggèrent que ces tortues des bois présentent les variations génétiques auxquelles on s’attend des espèces relativement abondantes et que, jusqu’à tout « récemment » (vu la longue durée de génération de l’espèce), ces populations auraient existé dans des « quartiers génétiques à long terme » de plusieurs milliers d’individus reposant sur des considérations d’équilibre et sur le modèle de mutation par étape (Ohta et Kimura, 1973; P. Bentzen, comm. par courriel, novembre 2007). Ces conclusions viennent étayer l’hypothèse selon laquelle ces populations auraient connu des déclins massifs, accélérés et assez récents, à tel point qu’elles ne portent presque aucune trace génétique de consanguinité, malgré leur petite taille et leur isolement relatif.

Au Canada, la majorité des populations étant généralement associées à des bassins hydrographiques très éloignés les uns des autres, elles deviennent isolées (Foscarini, 1994; Arvisais et al., 2002, 2004; Smith, 2002; Seburn et Seburn, 2004; Wesley et al., 2004; Tessier et al., 2005; Wesley et Brooks, 2005), les tortues ayant tendance à longer les berges et à ne se déplacer que très rarement d’un cours d’eau à l’autre, même s’il ne sont séparés que par quelques kilomètres (ex. : Foscarini, 1994; Foscarini et Brooks, 1997). Les distinctions génétiques observées entre les populations voisines sont probablement attribuables à la faible vagilité de l’espèce. Par exemple, pendant une étude à long terme (> 15 ans) menée dans 2 ruisseaux ontariens séparés par moins de 5 km et se jetant dans la même rivière, aucun individu n’a jamais été enregistré dans les 2 ruisseaux, et ce, même si pratiquement toutes les tortues ont été individuellement marquées (Cameron et Brooks, 2002).

Unités désignables 

Dans son aire de répartition canadienne, la tortue des bois est exposée à des menaces de divers degrés. Dans le sud de l’Ontario et dans les environs de Montréal, au Québec, l’espèce a disparu ou a subi un déclin (tableau 1), probablement en raison d’une augmentation de la mortalité sur les routes, de la capture de tortues pour en faire des animaux de compagnie et d’une perte de caractéristiques d’habitat (Wesley 2006) attribuable à l’altération et à la pollution des cours d’eau et de leurs berges. Dans ces provinces, l’espèce n’a probablement pas subit un grand déclin dans la majeure partie de la portion la plus au nord de son aire de répartition, mais les densités sont faibles et les individus peu nombreux (Walde, 1998; Smith, 2002; Wesley, 2006), surtout en Ontario. En Nouvelle-Écosse, des données limitées laissent croire qu’il y a des populations relativement saines dans un ou deux bassins hydrographiques, que les individus y sont peut-être plus nombreux qu’ailleurs et que certaines populations sont encore relativement en sécurité.

Les différents statuts attribués à la tortue des bois dans son aire de répartition canadienne sont en quelque sorte le reflet des distinctions biogéographiques et phylogéographiques. L’aire de répartition de l’espèce en Ontario comprend (ou comprenait) les provinces fauniques du bouclier canadien, des Grands Lacs et du Saint-Laurent, et de la forêt carolinienne (Manuel des opérations et des procédures du COSEPAC, Annexe F5, p. 5). L’espèce a maintenant disparu de la province carolinienne et de la plus grande partie des secteurs situés au sud et à l’est des Grands Lacs et du Saint- Laurent (Mitchell et al., 1997; Boyd et Brooks, 1998; Galois et Bonin, 1999; Cameron et Brooks, 2002; CIPN, 2004ab; Seburn et Seburn, 2004; Équipe de rétablissement des tortues du Québec, 2005). Les populations se trouvant dans la province faunique du bouclier canadien peuvent être en déclin et menacées dans le sud, mais être plus en sécurité dans le nord (tableau 1). Les populations du bouclier canadien sont en général petites (< 200 adultes, tableau 1) et sont isolées par le relief (Wesley, 2006). Les populations du bouclier canadien étaient sans doute stables jusqu’à tout récemment (Tessieret al., 2005, voir le commentaire de P. Bentzen dans la section Description génétique, ci-dessus) mais sont de plus en plus menacées en raison de la construction de nouvelles routes et des activités y étant associées (Arvisais et al., 2002, 2004; Saumure, 2004; Seburn et Seburn, 2004; Smith, 2002; Crowley, 2006). Enfin, bon nombre des populations des Appalaches et de la côte Atlantique ne semblent pas autant menacées que celles plus à l’ouest, mais elles n’ont cependant pas été autant étudiées (voir les sections Tendances des populations et Abondance).

Malgré ces différences, aucune distinction claire n’est observée dans la structure génétique (Tessier et al., 2005; Amato et al., sous presse) des gènes microsatellites ou mitochondriaux, et surtout aucune ne pouvant être associée à des provinces fauniques spécifiques. De plus, il n’y a aucune discontinuité claire entre les populations qui soit attribuable à la province faunique et de nombreuses populations semblent traverser ces frontières (voir la carte de la figure 3). Enfin, le présumé statut de conservation ne correspond pas parfaitement à la répartition observée dans les provinces fauniques. Par conséquent, la séparation des unités désignables sur la base des critères qui servent à leur attribution (voir le Manuel des opérations et des procédures du COSEPAC, Annexe F5, novembre 2007) ne semble pas pouvoir être fiable pour l’instant.

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