Tortue peinte de l'ouest (Chrysemys picta bellii) évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2012 : chapitre 9

Taille et tendances des populations

Activités de recherche

Il y a 496 relevés de tortue peinte de l’ouest au Canada : 219 en Ontario, 129 en Colombie-Britannique, 101 en Saskatchewan, 25 au Manitoba et 22 en Alberta. Ces relevés, effectués entre 1920 et 2005, représentent environ 320 endroits (certains sites en comptent plusieurs). Le nombre élevé en Ontario et en Colombie-Britannique traduit peut-être simplement une densité de population humaine supérieure et, de ce fait, un nombre plus élevé de personnes repérant ou recherchant des tortues. En Ontario, la couverture est relativement exhaustive en raison de l’existence du Sommaire de l’herpétofaune d’Ontario (OHS) depuis 1984 (ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, 2005). Et puisqu’il existe peu de milieux humides susceptibles d’abriter des tortues en Alberta, la petite collection de cette province devrait aussi être relativement complète.

La plupart des relevés de tortue peinte de l’ouest utilisés dans la délimitation de l’aire de répartition et la compréhension des modèles de répartition au Canada découlent de recherches et de rapports non systématiques. Voici quelques exceptions à cette méthode sporadique de collecte et d’observation : 1) 16 p. 100 des relevés en Ontario sont tirés d’un inventaire plus exhaustif des milieux humides dans la province; 2) depuis plusieurs années ont lieu des activités assez systématiques de reconnaissance des zones humides de l’Okanagan sud (43 p. 100 des relevés de la Colombie-Britannique effectués par l’herpétologiste Mike Sarrell); 3) la Saskatchewan Wetland Conservation Corporation a financé des relevés de tortues en 2002 et en 2003 (26 p. 100 des relevés dans la province); 4) récemment, un relevé systématique des milieux humides essentiels a été mené le long de la rivière Souris dans le cadre d’une étude d’impact pour la Saskatchewan Watershed Authority (39 p. 100 des relevés de la province).

Bref, les relevés offrent probablement un indice raisonnable de l’aire, de la répartition et de l’abondance dans chaque province, à l’exception du Manitoba (le faible nombre de relevés ne traduit pas la profusion de milieux humides interreliés de la province).


Abondance

Les tortues peintes constituent généralement l’espèce de tortue la plus abondante peu importe l’endroit où elles sont présentes au Canada (Cook, 1984; Ernst et al., 1994), mais leur densité est passablement variable, de quelques individus à plusieurs centaines par hectare. L’abondance générale des tortues peintes de l’ouest au pays est inconnue. NatureServe (2004) estime que l’espèce n’est pas en péril au Canada ni aux États-Unis (N5) pour les raisons suivantes : elle peut être abondante dans les milieux propices, il existe beaucoup de sous-populations importantes dans toute l’aire de répartition, les populations semblent relativement stables et la menace (dégradation de l’habitat, mortalité sur les routes, augmentation de la prédation provoquée par l’homme) est modérée et souvent localisée. Toutefois, en raison de l’accroissement de la densité des routes, du drainage intensif des zones humides, de la propension des femelles à nicher près des routes et de la longévité de l’espèce, il est possible que les répercussions de ces facteurs soient plus importantes que ce que l’on pensait. Comme le mentionnait Congdon (comm. pers., 2005), ce n’est pas parce que l’aire de répartition de l’espèce est vaste qu’elle réagit de la même façon que d’autres vertébrés qui vivent longtemps.

À la lumière de la grande variation de l’abondance à l’échelle locale, il est peut-être plus utile de se pencher sur le nombre d’« occurrences » de la tortue peinte de l’ouest. Une occurrence (tel que définie par le COSEPAC) est une sous-population séparée de toutes les autres par des barrières telles que : 1) des autoroutes passantes; 2) des autoroutes qui bloquent le passage (par exemple, par des cloisons en béton); 3) des éléments du paysage impossibles à franchir (p. ex. les falaises); 4) de vastes zones urbaines ou sèches ne comportant pas de milieux humides (NatureServe, 2004). En l’absence de tels obstacles, une sous-population peut être considérée comme isolée si les relevés d’espèces se trouvent à : 1) 10 km dans des milieux propices liés de façon plus ou moins continue; 2) 3 km dans un milieu terrestre (de manière à ce que les femelles en migration de nidification entre différents étangs ne se chevauchent pas); 3) 5 km dans des situations intermédiaires (NatureServe, 2004).

Le Chrysemys picta bellii est coté S4 (non en péril) dans le nord-ouest de l’Ontario et au Manitoba parce que l’action humaine n’est pas sérieuse dans ces régions (comparativement au sud de l’Ontario), les milieux humides y sont abondants, et il existe plus de 100 occurrences dans chaque province (M. Oldham, comm. pers., 2004; J. Duncan, comm. pers., 2004).

En Saskatchewan, le C. p. bellii n’est pas en péril non plus (S4; J. Pepper, comm. pers., 2004) en raison de sa présence dans quatre vastes bassins hydrographiques. Il existe 101 relevés provenant d’environ 40 sites différents, ce qui signifie qu’il y a au moins 40 occurrences connues dans la province. La perte et la modification du milieu constituent une menace pour l’espèce en Saskatchewan (J. Pepper, comm. pers., 2004).

En Alberta, la situation duChrysemys p. bellii est précaire. On compte probablement moins de 100 individus appartenant à quelques occurrences, le cas échéant, dans les collines Cypress, la rivière Milk inférieure et les bassins de la rivière Oldman (Alberta Conservation Data Centre, 2004). On croit que les relevés de tortue peinte de l’ouest les plus au nord (p. ex. Lethbridge, Edmonton) représentent des animaux de compagnie relâchés (R. Quinlan, comm. pers., 2004).

En Colombie-Britannique, le C. p. bellii est considéré comme vulnérable (S3S4). Il y aurait quelque 100 occurrences. Cependant, dans cette province, il est fréquent que les routes divisent les sites de nidification en deux, car les zones humides propices, les tortues et les routes tendent toutes à être confinées à des vallées entre les chaînes de montagnes. L’espèce est étendue et n’est pas en péril dans l’est de la Colombie-Britannique, car 60 p. 100 des zones humides du bassin du fleuve Columbia sont protégées grâce à des mesures de conservation (Krebs, comm. pers., 2005), mais la perte, la dégradation et la fragmentation de l’habitat, ainsi que la construction et l’utilisation de routes continuent de s’accroître dans l’intérieur méridional et sur la côte sud (basses terres continentales; île de Vancouver). Dans ces régions, le nombre de tortues n’est pas important et semble en déclin (M. Sarell, comm. pers., 2005; P. Gregory, comm. pers., 2005; Bunnell, 2005).

Dans l’Okanagan, Sarell (comm. pers., 2005) et Brown (comm. pers., 2005) affirment que la perte du milieu « naturel » (perte de nombreux petits lacs et étangs en raison des récentes sécheresses prolongées) a probablement détruit non seulement ces populations de tortues, mais également les liens entre les populations restantes. En outre, on assiste à une importante perte de milieux humides en raison du remblai et du drainage visant à accroître le territoire destiné à l’agriculture et à l’expansion. Sarell a également observé que beaucoup de tortues peintes de l’ouest étaient tuées sur les routes ou mouraient à la suite de blessures par hameçon de pêche. La récente croissance de la population de ratons laveurs (Procyon lotor) a probablement réduit le taux de succès de la nidification et entraîné une hausse de la mortalité des jeunes nouvellement éclos et des femelles nicheuses.

Dans l’île de Vancouver et les basses terres continentales, les tortues peintes ont toujours été très rares (P. Gregory, comm. pers., 2005; L. Friis, comm. pers., 2005). Gregory affirme qu’il n’en a pas observé depuis des années. On se demande toujours si la tortue peinte est une espèce indigène ou introduite dans cette région. Cependant, le débat se fonde essentiellement sur l’argument voulant que l’espèce a toujours été rare. Toutefois, les relevés remontent au moins au début du xxe siècle, et il est probable que la tortue peinte de l’ouest doive être considérée comme une sous-espèce indigène (F. Cook, comm. pers., 2005).


Tendances des populations

Il n’existe pas de données sur les tendances des populations de tortue peinte de l’ouest. L’espèce semble stable dans son ensemble (K. Griffin, comm. pers., 2005; J. Krebs, comm. pers., 2005), mais elle paraît en déclin dans certaines régions de l’extrême ouest. Selon les tendances du milieu (voir par exemple Nichol et al., 2001), la tortue peinte de l’ouest a probablement subi un déclin important dans : 1) la vallée du bas Fraser (région de Vancouver); 2) la côte sud-est de l’île de Vancouver (région de Victoria); 3) les vallées de l’Okanagan et de la rivière Similkameen. Dans le cadre d’un récent relevé dans 29 zones humides de la vallée du bas Fraser, des tortues peintes de l’ouest n’ont été observées qu’à un seul site (lac Burnaby), même si l’espèce avait auparavant été signalée dans 6 des 29 sites ayant fait l’objet de relevés (Bunnell, 2005). De plus, il semble que l’espèce soit en déclin à l’échelle locale dans d’autres secteurs de son aire de répartition canadienne (voir par exemple Clark et Grueing, 2002), où les routes et l’activité humaine ont des répercussions importantes sur certaines zones humides ou certains lieux de nidification des tortues.


Effet d'une immigration de source externe

La répartition des populations de tortues peintes de l’ouest est probablement élevée en Ontario, au Manitoba et dans l’est de la Saskatchewan, où le vaste réseau de lacs et de milieux humides facilite indubitablement la dynamique des métapopulations (p. ex. le lac des Bois, en Ontario, s’écoule dans le lac Winnipeg par la rivière Winnipeg; le nombre considérable de cours d’eau de la Saskatchewan abritant des tortues sont liés au lac Winnipeg par la rivière Assiniboine).

Le sud-ouest de la Saskatchewan et le sud-est de l’Alberta comptent moins de lacs et de milieux humides, mais les sous-populations semblent liées par bassins hydrographiques aux populations sources américaines (p. ex. la rivière Frenchman en Saskatchewan rejoint les eaux d’amont de la rivière Milk, de la rivière Missouri, au Montana, et la rivière Milk coule en Alberta). La tortue peinte de l’ouest n’est pas en péril dans les États agricoles voisins du Dakota du Nord, du Montana et du Minnesota (NatureServe, 2004). La fragmentation du paysage et la dégradation des milieux humides seraient modérément faibles dans cette région des États-Unis, car la densité de peuplement va de faible à modérée (10 familles/km ou moins, selon le Hammond Atlas of Canada and the World).

Le sud-est de la Colombie-Britannique n’est pas très peuplé, et le paysage entre cette région et le nord de l’Idaho, modérément peuplé et agricole, est relativement continu. Le C. picta n’est apparemment pas en péril dans cet État (NatureServe, 2004). Par contre, l’activité humaine est intense dans le sud de l’île de Vancouver, la région des basses terres continentales (Vancouver et environs) et la vallée de l’Okanagan. La densité de peuplement est semblable de l’autre côté de la frontière américaine (Spokane, Seattle et banlieue), au moins sur le littoral du continent. Le degré de perte, de dégradation et de fragmentation de l’habitat dans la région transfrontalière signifie que la possibilité de répartition naturelle ou de recolonisation est faible. Les zones humides situées dans les régions moins peuplées de l’écoprovince de l’intérieur méridional pourraient peut-être servir de populations sources pour la vallée de l’Okanagan, mais les populations pionnières sont rares pour les sous-populations côtières.

 

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