Truite fardée versant de l'ouest évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6
Biologie
Généralités
Les truites fardées présentent des phénotypes et des cycles vitaux remarquablement diversifiés dans l’ensemble de leur aire de répartition. L’ampleur de cette diversité et les phénomènes biologiques qui la sous-tendent demeurent cependant peu étudiés et mal connus par rapport à d’autres espèces de salmonidés. Il ressort clairement que, comparativement à d’autres espèces proches parentes, la truite fardée versant de l’ouest occupe des cours d’eau de plus petite taille, moins productifs et plus froids. Les populations sont généralement petites, fortement philopatriques et de structure clairement définie (voir les sections précédentes). Elles paraissent sensibles aux perturbations de leur habitat et à l’introduction de poissons non indigènes. La dégradation de l’habitat peut accroître les risques que les populations soient délogées par les espèces introduites ou hybridées avec elles. Par conséquent, les populations occupant des habitats détériorés sont sujettes au déclin, et leur haut degré d’isolement démographique porte à croire que toute disparition aurait peu de chances d’être compensée à court terme par une immigration à partir de populations voisines.
Diversité des cycles vitaux
La truite fardée est probablement le salmonidé le plus diversifié d’Amérique du Nord. Ses populations présentent une grande variation phénotypique en termes de taille, de coloration et de cycle vital (résumé dans Trotter, 1987; Behnke, 2002). Cette diversité est en grande partie de nature adaptative et a évolué en réponse aux conditions environnementales locales (au sens de Taylor, 1991). Il existe plusieurs types de cycles vitaux à l’intérieur de l’aire de répartition de la truite fardée versant de l’ouest; les populations fluviales et sédentaires sont communes à l’ensemble de l’aire de répartition canadienne (les populations adfluviales le sont peut-être moins), et une seule et même population peut emprunter différentes stratégies. Les relations entre les populations se distinguant par leur cycle vital et l’ampleur des interactions entre elles sont peu connues, en particulier en ce qui a trait au partage des ressources et à l’utilisation de l’habitat (la plupart des informations sur les différents types de cycles vitaux ont été réunies aux États-Unis). À l’intérieur d’une région, il semble que les populations qui diffèrent par leur cycle vital soient plus apparentées que les populations ayant un cycle vital semblable mais occupant des régions différentes (voir p. ex. Johnson et al., 1999). Chaque type de cycle vital propre à une région semble avoir évolué indépendamment par un phénomène de succession écologique portant à réduire la compétition pour l’obtention des ressources; ces types n’auraient donc pas une origine commune. Différents segments d’une population se distinguant par leur cycle vital partagent parfois certains habitats (p. ex. habitat d’hivernage ou d’estivage) tout en fréquentant des habitats de frai différents. Les différences de taille entre les individus de cycle vital différent pourraient ouvrir la porte à une ségrégation spatiale/temporelle dans les frayères : les individus occupant les ruisseaux dépassent rarement une longueur à la fourche de 25 à 30 cm, tandis que les individus fluviaux et adfluviaux peuvent dépasser 30 cm de longueur à la fourche et avoir un poids de 0,9 à 1,4 kg (Shepard et al., 1984; McIntyre et Rieiman, 1995).
Reproduction
Les truites fardées ont un comportement reproducteur typique des salmonidés (résumé dans Fleming, 1998). Les individus reproducteurs migrent vers leur petit cours d’eau natal, où les femelles entrent en compétition pour se disputer les meilleurs sites de frai (généralement à la sortie de fosses profondes) alors que les mâles entrent en compétition pour l’accès aux femelles (quoique des stratégies plus « furtives » soient employées par les mâles dans les petits ruisseaux). Brown et Mackay (1995b) ont observé que les truites fardées versant de l’ouest fluviales de la rivière Ram, en Alberta, conservent des territoires d’environ 400 m dans le ruisseau natal. À l’intérieur de ce territoire, les femelles creusent plusieurs nids et les mâles tentent de s’accoupler avec toutes les femelles des environs. Le rapport des sexes dans les frayères semble varier considérablement et pourrait partiellement correspondre au type de cycle vital. Par exemple, Downs et al. (1997) ont découvert que le rapport des sexes favorisait les mâles chez les populations sédentaires d’amont (1,3:1). Les estimations publiées sur les populations migratrices examinées par Downs et al. (1997) étaient généralement inférieures, variant de 0,2 à 0,9 mâle par femelle. Les rédacteurs proposent de considérer qu’une partie des mâles (plus vulnérables à la pêche en raison de leur comportement territorial agressif) seraient capturés avant le frai dans les grands systèmes. Les populations occupant les eaux d’amont, lesquelles sont généralement moins accessibles, sont moins susceptibles de subir une telle pêche.
L’âge et la taille des individus sexuellement matures varient également entre les populations et les types de cycles vitaux. Downs et al. (1997) indiquent que les mâles des populations isolées d’amont au Montana commencent à atteindre la maturité à l’âge de deux ans et que tous étaient matures à l’âge de quatre ans. La femelle mature la plus jeune était âgée de trois ans, tandis que la plupart d’entre elles avaient atteint la maturité à l’âge de cinq ans. La maturité sexuelle est davantage corrélée à la longueur qu’à l’âge; la maturité sexuelle est atteinte à une longueur à la fourche de 110 à 160 mm chez les mâles et de 150 à 180 mm chez les femelles. La fécondité moyenne (±ET) était de 227 œufs (±41,1) chez les individus de 150 à 174 mm, 346 (±85,6) chez les individus de 175 à 199 mm et de 459 (±150,8) chez les individus de 200 mm et plus. Les individus migrateurs, qui ont généralement une plus grande taille à la maturité, ont une fécondité plus élevée qui correspond à leur taille. Les grandes femelles migratrices d’une longueur à la fourche de 350 mm peuvent porter de 1 000 à 1 500 œufs (Liknes et Graham, 1988).
Le frai se déroule généralement de mai à août au Canada (selon l’endroit) et est probablement déclenché par la hausse de la température de l’eau (environ 5 à 6,5 °C). Son déclenchement coïncide avec la crue nivale dans plusieurs régions de l’intérieur, ce qui rend la sous-espèce susceptible de subir des échecs reproducteurs d’une cohorte là où la dégradation de l’habitat accentue l’érosion et la sédimentation près des nids. La période de frai peut être relativement courte; par exemple, des truites fardées versant de l’ouest fluviales de la rivière Blackfoot, au Montana, ont occupé des affluents de frai de 4 à 63 jours, mais les activités de frai comme telles ont été relativement brèves (de un à trois jours), les individus reproducteurs passant moins de temps dans les plus petits ruisseaux (Downs et al., 1997). Les œufs incubent généralement dans le gravier pendant six ou sept semaines, selon la température de l’eau. Dans le bassin de la rivière Flathead (tout juste au sud de la frontière entre la Colombie-Britannique et le Montana) des œufs ont mis environ 310 unités de température (degrés-jours) à atteindre un développement complet. Après l’éclosion, les alevins sont demeurés dans le substrat jusqu’à l’absorption du sac vitellin (soit 100 à 150 unités de température de plus; Shepard et al., 1984). Les alevins mesurent environ 20 mm de longueur au moment d’émerger du substrat entre le début de juillet et la fin d’août, et migrent rapidement vers des habitats périphériques de faible courant.
La truite fardée est itéropare et certains individus peuvent se reproduire chaque année ou tous les deux ans, mais la mortalité post-reproductrice peut être élevée, en particulier chez les mâles. Très peu d’individus semblent se reproduire plus d’une fois (de 0,7 à 2,9 p. 100 selon Schmetterling, 2001), bien que cette proportion soit plus élevée ailleurs (Shepard et al., 1984; McIntyre et Rieman, 1995). Comme la fécondité des femelles augmente avec la taille (Giger, 1972; Downs et al., 1997), il importe de conserver tout particulièrement ces individus itéropares dans le cas des petites populations sujettes à une dégradation de leur habitat. Non seulement les plus grandes femelles produisent davantage d’œufs, mais ceux-ci sont de plus grande taille et produisent de plus gros alevins, dont les chances de survie sont également supérieures. Malheureusement, même s’il existe souvent des limites de taille des prises et d’autres règlements sur la pêche, les grosses femelles sont fortement appréciées des pêcheurs et peuvent faire l’objet d’une forte récolte ou encore d’une prise accessoire dans le cadre d’autres pêches.
Survie
Les taux de survie des truites fardées sont extrêmement difficiles à déterminer étant donné qu’un grand nombre de facteurs affectent la survie de l’espèce à différentes étapes de son cycle vital (voir p. ex. Johnston et Mercer, 1976). Il est probable que ce soit aux premières étapes du cycle vital (du stade d’œuf au stade juvénile) que les taux de mortalité soient les plus élevés. Les œufs et les alevins nouveau-nés sont très sensibles à la dégradation de leur milieu, en particulier la sédimentation et l’assèchement. Les blessures corporelles et la compétition pour l’habitat de croissance sont probablement des facteurs importants là où l’habitat est peu abondant. En ce qui concerne les alevins et les juvéniles de grande taille, la compétition intraspécifique et avec des espèces sympatriques pour l’obtention de nourriture et de refuges peut être importante. De plus, ils pourraient faire l’objet d’une prédation intensive par les poissons piscivores (p. ex. cottidés, omble à tête plate (Salvelinus confluentus), omble de fontaine, sauvagesse du Nord (Ptychocheilus oregonensis) et autres salmonidés). Les adultes sont vulnérables à quelques prédateurs terrestres (accipitridés, mustélidés, etc.) là où le couvert est déficient. La pêche récréative peut également représenter une source importante de mortalité chez les adultes, même là où des restrictions sur les pêches ont été mises en œuvre (voir la section Facteurs limitatifs et menaces).
Déplacements et dispersion
Les truites fardées présentent l’une des gammes de comportement migratoire les plus variées parmi les salmonidés, peut-être en raison de la diversité des types de cycles vitaux adoptés par l’espèce et des habitats qu’elle occupe (Northcote, 1997; Hilderbrand et Kershner, 2000a). Les truites fardées entreprennent une série de déplacements différents durant leur vie : déplacements saisonniers (recherche de nourriture, hivernage), migration de frai et déplacements associés au franchissement d’étapes du cycle vital. Les stratégies migratoires mixtes pour différents types de cycles vitaux représentent probablement une adaptation pour compenser les perturbations environnementales périodiques (voir p. ex. Rieman et Clayton, 1997).
Durant leur première année de vie, les alevins se dispersent vers des secteurs de moindre densité; généralement dans des habitats périphériques disposant d’un couvert suffisant. Les juvéniles demeurent dans leur ruisseau natal d’un an à quatre ans, selon la productivité de celui-ci et le type de cycle vital de la population. Durant cette période, les juvéniles peuvent être relativement sédentaires, demeurant dans les environs du même bras de ruisseau ou de la même fosse. Les juvéniles les plus âgés et les sous-adultes peuvent aller plus loin selon les variations du niveau et de la température de l’eau ou de l’abondance de la nourriture. On a constaté par exemple, dans des ruisseaux d’amont du Montana, que les individus se déplaçaient sur moins de 1 km (Jakober et al., 1998), tandis que des truites fardées versant de l’ouest fluviales et adfluviales peuvent migrer sur de grandes distances (plus de 100 km) pour trouver des aires d’alimentation ou des habitats d’hivernage convenables (Schmetterling, 2001). De récentes études de télémétrie menées dans le bas de la rivière Elk (sud-est de la Colombie-Britannique) donnent à penser que le domaine vital de la truite fardée versant de l’ouest dans ce système est de 11 km en moyenne. Les domaines vitaux dans le cours supérieur de la rivière ont près du double de cette taille (environ 23 km en moyenne), phénomène probablement attribuable au manque de fosses convenables dans le haut de la rivière pour l’hivernage (Prince et Morris, 2003). Chez les formes migratrices, l’âge de dispersion tourne généralement autour de deux à trois ans (de 95 mm à 170 mm de longueur à la fourche; McIntyre et Rieman, 1995). Encore une fois, le déclenchement dépend des conditions locales, mais un pic est atteint entre le début et le milieu de l’été, alors que les migrants quittent leur ruisseau natal la nuit. Les déplacements estivaux sont souvent interrompus lorsqu’un habitat d’alimentation convenable a été découvert.
À la fin de l’été et au début de l’automne, les truites fardées versant de l’ouest commencent à chercher des sites d’hivernage convenables en réponse à la baisse de la température de l’eau et de l’apparition de glace. Encore ici, certains individus peuvent parcourir des distances considérables pour trouver un habitat convenable, mais d’autres peuvent demeurer sédentaires tout l’hiver dans des segments exempts de glace fixe. Dans les cours d’eau ayant des conditions de glace dynamiques, certains déplacements peuvent se poursuivre durant l’hiver (Brown et Mackay, 1995b; Schmetterling, 2001; Prince et Morris, 2002). Stimulées par l’allongement des jours et la hausse de la température de l’eau, les truites fardées quittent souvent rapidement leur habitat d’hivernage à la fin de l’hiver et au début du printemps afin de retourner à leurs petits affluents natals pour frayer. Ce phénomène peut se produire de mars à juillet, mais plus souvent entre mai et juin. Une fois arrivés dans leurs eaux natales, les individus effectuent généralement un grand nombre de petits déplacements à l’intérieur d’un court segment de cours d’eau (p. ex. à l’intérieur du territoire de reproduction). À la suite du frai, on assiste parfois, mais pas toujours, à un déplacement soudain vers l’habitat d’estivage (selon son emplacement ou sa disponibilité), suivi de peu de mouvements subséquents pendant l’été.
Alimentation et relations interspécifiques
Les truites fardées ont un mode d’alimentation très opportuniste, se nourrissant souvent avec voracité des proies en situation d’abondance saisonnière. Contrairement à la variété côtière, la truite fardée versant de l’ouest n’est pas très piscivore et tend à se spécialiser dans la prédation des invertébrés, même là où des poissons dont elle pourrait se nourrir sont abondants (Shepard et al., 1984). Ce phénomène est probablement le résultat de son évolution sympatrique avec deux espèces extrêmement piscivores, l’omble à tête plate et la sauvagesse du Nord (Behnke, 1992). Les larves de chironomidés sont une importante source de nourriture pour les alevins de l’année dans les habitats périphériques. Les juvéniles les plus âgés et les adultes se nourrissent d’insectes terrestres et d’invertébrés planctonophages : diptères (mouches communes, espèces autres que des chironomidés comme la tipule, la drosophile, etc.) et éphéméroptères (éphémères communes) constituent les parts les plus importantes de la diète. Les trichoptères (phryganes) tiennent une place importante dans la diète des individus de 110 mm ou plus (résumé dans Liknes et Graham, 1988). Les insectes ailés prennent peu de place dans la diète des petits individus, mais la variété des proies augmente avec l’accroissement de la taille. Chez les formes adfluviales, le zooplancton est une source importante de nourriture, en particulier durant l’hiver (Shepard et al., 1984).
Les truites fardées possèdent des caractéristiques qui semblent réduire au minimum les relations interspécifiques avec d’autres salmonidés. Leur petite taille à maturité leur permet d’occuper des cours d’eau plus petits que ceux généralement occupés par les plus grands salmonidés. Platts (1974) a observé que la densité des truites fardées versant de l’ouest atteint un maximum à un gradient de chenal d’environ 10 p. 100, ce qui est plus élevé que chez l’omble à tête plate, la truite arc-en-ciel et l’omble de fontaine. Notons toutefois que cette distribution de la densité pourrait s’expliquer par le fait que de tels gradients ne sont pas optimaux pour les autres salmonidés, plutôt que par le fait qu’ils sont privilégiés par la truite fardée versant de l’ouest. La prédilection de la truite fardée versant de l’ouest pour les eaux froides semble toutefois en faire un compétiteur supérieur dans les cours d’eau en altitude et corrobore l’hypothèse d’un « refuge de température et d’altitude » pour la sous-espèce (Griffith, 1988; Fausch, 1989; Paul et Post, 2001). Il semble cependant que les populations de truites fardées versant de l’ouest soient moins susceptibles de coexister avec l’omble de fontaine introduite qu’avec d’autres salmonidés indigènes (Griffith, 1988). Dans le parc national Yellowstone, l’introduction de l’omble de fontaine s’est presque toujours soldée par la disparition de la truite fardée versant de l’ouest (Varley et Gresswell, 1988). L’omble de fontaine dispose d’un avantage compétitif dans des températures plus chaudes (De Staso et Rahel, 1994) et arrive à maturité avant la truite fardée versant de l’ouest. Il est possible que celle-ci soit d’abord marginalisée par d’autres mécanismes, comme la dégradation de l’habitat ou la surpêche, pour être ensuite remplacée par l’omble de fontaine. Une fois qu’une population a été remplacée par une autre espèce de salmonidé, il est peu probable que l’habitat soit recolonisé un jour par la truite fardée versant de l’ouest (voir p. ex. Moyle et Vondracek, 1985).
Les truites fardées versant de l’ouest sont sujettes à une hybridation introgressive lorsque des espèces proches parentes (p. ex. la truite arc-en-ciel ou d’autres sous-espèces de truites fardées) sont introduites dans leur territoire. Plusieurs facteurs semblent contribuer au franchissement des barrières entre les espèces. Premièrement, la truite arc-en-ciel et diverses sous-espèces de truites fardées de l’intérieur semblent avoir évolué dans un isolement relatif l’une par rapport à l’autre (Behnke, 2002). Ainsi, peu de mécanismes comportementaux ont évolué pour maintenir une ségrégation entre les différentes espèces. Deuxièmement, de par leur nombre égal de chromosomes, les différentes espèces peuvent, dans bien des cas, engendrer des hybrides fertiles (Thorgaard, 1983; Allendorf et Leary, 1988).
La valeur adaptative relative des hybrides demeure incertaine, mais, compte tenu de la progression incessante de l’introgression chez les populations sauvages (voir p. ex. Rubidge et al., 2001; Hitt et al., 2003), il semblerait qu’au moins quelques hybrides soient en mesure de survivre et de se reproduire avec succès. Quelques hydrides de premières génération (F1) ont été identifiés, mais la plupart des hybrides semblent appartenir à des générations subséquentes ou être des individus rétrocroisés (Rubidge, 2003; Hitt et al., 2003; Janowicz, 2004). La majorité des hybrides rétrocroisés semblent provenir d’un croisement entre des truites arc-en-ciel mâles et des truites fardées versant de l’ouest femelles, bien que l’inverse ait également été observé. L’apparente absence de sélection contre les hybrides donne à penser que les génotypes issus de l’introgression sont capables de persister dans les populations sauvages et pourraient mener à la formation de bancs d’hybrides. Ces bancs constituent une menace importante pour la persistance des espèces indigènes et sont perçus comme un risque d’« extinction génomique » ou d’« extinction passive », puisque les génotypes uniques propres aux espèces parentales génétiquement intactes sont perdus à jamais une fois que des bancs d’hybrides reproducteurs sont formés (Leary et al., 1995; Allendorf et al., 2003).
Comportement et adaptabilité
Toute l’information disponible tend à démontrer que la truite fardée est très vulnérable aux perturbations de son habitat, en particulier les processus affectant la qualité et la température de l’eau, ainsi que la structure des cours d’eau (Liknes et Graham, 1988; Reeves et al., 1997; Porter et al., 2000). Plusieurs études à long terme ont montré que toute altération du tampon riverain se traduit généralement par un déclin précipité de la biomasse de truites, et que les populations demeurent en déclin pendant une période de 5 à 20 ans, jusqu’à ce que la zone riveraine se soit régénérée (Hartman et al., 1996; Reeves et al., 1997). De telles perturbations de l’habitat enclenchent une succession complexe de changements qui perturbent les processus naturels de croissance des populations et causent une augmentation de la mortalité chez certaines catégories d’âge (Hartman et al., 1996). Elles perturbent également la ségrégation normale de l’habitat, ce qui entraîne une compétition accrue pour les ressources. La truite fardée versant de l’ouest pourrait être particulièrement sensible aux modifications des régimes hydrologiques naturels (Brown et MacKay, 1995a; Downs et al., 1997). Dans les régions agricoles ou urbanisées, où l’eau est puisée pour l’irrigation ou la consommation domestique, les populations de truites fardées versant de l’ouest ont connu des déclins précipités, car ces ponctions d’eau ont des répercussions sur tous les stades du cycle vital (voir l’exemple du ruisseau Joseph dans la section Tendances en matière d’habitat).
Poisson populaire auprès des pêcheurs récréatifs de l’Ouest canadien, la truite fardée se classe probablement au deuxième rang derrière la truite arc-en-ciel en termes de popularité auprès des pêcheurs dans l’ensemble de son aire de répartition. Cela pourrait être en partie dû au fait que la truite fardée est plus facile à prendre que d’autres poissons (MacPhee, 1966, Paul et Post, 2001; Paul, 2003). Sa façon parfois vorace de se nourrir et l’accessibilité des petits cours d’eau font en sorte que la truite fardée peut être surexploitée (Giger, 1972; Varley et Gresswell, 1988). Une récente enquête menée auprès des pêcheurs de la rivière Elk a révélé que les truites fardées versant de l’ouest constituent jusqu’à 94,5 p. 100 de la récolte totale de 98 031 poissons (Heidt, 2002). Même si ces chiffres pourraient tout simplement témoigner d’une grande abondance relative, il est probable que les mêmes individus peuvent être capturés plusieurs fois en une saison et souvent plus d’une fois le même jour. Dans le parc national Yellowstone, par exemple, des études ont montré que les truites fardées étaient prises en moyenne 9,7 fois durant une saison de pêche de 3,5 mois dans une section de la rivière Yellowstone où une pêche intensive avec remise à l’eau est pratiquée (Schill et al., 1986).
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