Violette jaune des monts (Viola praemorsa) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Facteurs limitatifs et menaces

Le tableau 2 donne une estimation de la gravité des principales menaces qui pèsent sur les différentes populations de violette jaune des monts.

Tableau 2. Sommaire des menaces pesant sur les populations actuelles de violette jaune des monts3,4
Populations Herbacées envahissantes Arbustes exotiques envahissants Modification des régimes de brûlage Piétinement Phénomènes stochastiques (imminents) Herbivorie
Victoria 1 grave modérée faible modérée faible faible
Victoria 2 grave grave faible modérée faible faible
Oak Bay 1 grave grave modérée grave grave faible
Saanich 1 grave grave modérée modérée modérée faible
Saanich 2 grave modérée faible modérée faible faible
Saanich 4 grave grave faible grave grave faible
Saanich 5 grave grave modérée grave modérée faible
Saanich 7 modérée grave faible faible grave faible
Duncan 1 grave grave modérée modérée modérée faible
Duncan 2 grave grave modérée faible modérée faible
Duncan 3 grave grave grave faible modérée faible
Duncan 4 modérée faible faible modérée grave faible
Saltspring 1 grave modérée faible faible grave faible
Saltspring 2 grave modérée faible modérée faible grave

3 D’après les recherches sur le terrain réalisées pour le présent rapport par le rédacteur lui-même ou les observations des biologistes consultés.
4 Il s’agit des menaces de disparition imminente; l’effondrement démographique est à craindre à moyen terme pour la population Duncan 3 (et peut-être la population Duncan 2).

Menaces liées aux plantes envahissantes

Roemer (comm. pers., 2006) mentionne une localité où 42 p. 100 des espèces vasculaires ont été introduites et 88 p. 100 de la couverture herbacée se compose d’espèces exotiques. Bien que les espèces introduites varient d’une localité à l’autre, le degré d’envahissement mentionné par Roemer s’observe dans de nombreux secteurs où pousse la violette jaune des monts. Parmi les principales espèces envahissantes observées dans une ou dans plusieurs localités où la violette jaune des monts est présente se trouvent des graminées (Agropyron repens, Anthoxanthum odoratum, Bromus hordeaceus, B. sterilis, Cynosurus echinatus, Dactylis glomerata, Lolium perenne, Poa pratensis et Vulpia bromoides) et, dans une moindre mesure, des herbacées à grandes feuilles (Erodium cicutarium, Geranium molle, Lychnis coronaria, Trifolium repens et Vicia hirsuta). Le broutage du bétail a probablement contribué dans une large mesure à la dispersion des graminées les plus envahissantes; cependant, l’importance de ce facteur est apparue pleinement seulement une fois que la pression du broutage eut cessé et que les espèces envahissantes eurent le temps de former un peuplement plus haut et plus dense. Sur les terres où le broutage a cessé, la violette jaune des monts est rare, voire absente, dans les milieux à couverture importante de graminées touffues ou d’arbustes envahissants. Il est possible qu’autrefois elle y ait été commune, mais que sa rareté actuelle soit attribuable à un rétrécissement de sa niche écologique dû à la concurrence.

Une des principales espèces menaçant la violette jaune des monts et son habitat est le genêt à balais (Cytisus scoparius), arbuste très envahissant. Le Daphne laureola, autre arbuste envahissant, n’est pas abondant dans les localités pour lesquelles la violette jaune des monts est répertoriée, mais son effectif augmente et son aire s’étend rapidement. Le Daphne laureola affectionne les mêmes types de milieux que la violette jaune des monts au sein des chênaies de Garry et peut y occuper plus de 75 p. 100 de la surface du sol.

Menaces liées à la modification des régimes de brûlage

Les régimes de brûlage pratiqués dans la zone côtière sèche du sud-est de l’île de Vancouver avant l’arrivée des colons européens étaient probablement plus complexes qu’on ne le croit généralement. Il ne fait aucun doute que les Premières nations établies dans la région brûlaient périodiquement certains secteurs afin de stimuler la croissance d’espèces alimentaires, en particulier la camassie, dont les bulbes sont source d’amidon. Ces peuples avaient peut-être également recours au brûlage pour améliorer les aires d’alimentation du gibier (wapiti et cerf) (Turner et Bell, 1971).

Les feux fréquents mais peu intenses éliminaient les jeunes pousses d’aulne rouge et de douglas et freinaient la croissance du peuplier faux-tremble et de la plupart des arbustes, notamment le Symphoricarpos albus et le Rosa nutkana. Il en résultait un niveau accru d’éclairement au sol et un amoindrissement de la concurrence, favorables à la croissance d’espèces herbacées, dont la violette jaune des monts. Ce régime modifiait la composition même de la strate herbacée puisqu’il freinait la croissance de nombreuses espèces très compétitives.

Le brûlage pratiqué par les Premières nations a également joué un rôle important dans le développement, donc la fertilité, des sols. Un feu de faible intensité ne réduit pas sensiblement la teneur en matière organique de l’horizon minéral supérieur; l’accumulation de matière organique dans cet horizon provient de la décomposition des racines. Par contre, la matière organique se trouvant à la surface du sol brûle complètement en libérant ses éléments constitutifs. Comme les plantes herbacées plutôt que les conifères constituaient la principale source de matière organique, l'horizon minéral supérieur demeurait relativement neutre comparativement aux sols à acidité élevée des forêts de douglas (Broersma, 1973). Enfin, les feux fréquents ont pu maintenir des lieux exempts de litière organique et faciliter ainsi la germination des graines, petites, de la violette jaune des monts.

Dans certaines localités, notamment le site Duncan 3, qui compte pour 30 à 40 pourcent de l’effectif canadien de la violette jaune des monts, le Symphoricarpos albus, arbuste indigène, semble occuper une grande partie des milieux autrefois disponibles pour la violette jaune des monts. Le Symphoricarpos albus abonde dans de nombreux secteurs qui ne sont plus soumis au brûlage ni au broutage.

Piétinement

Les populations de violette jaune des monts sont souvent concentrées le long de sentiers où le passage fréquent de piétons empêche la progression des plantes ligneuses. Qu’elles soient ou non menacées par des plantes ligneuses, les populations traversées par un sentier pédestre subissent généralement des dommages dus au piétinement, qui touche souvent une grande partie de la population.

Phénomènes stochastiques

Certaines des populations de violette jaune des monts sont menacées simplement en raison de leur faible effectif et de la faible superficie qu’elles occupent, facteurs les rendant vulnérables à des phénomènes stochastiques. Six populations de l’espèce comptent au plus 50 individus matures, et la plupart d’entre elles occupent moins de 50 . Les populations Saanich 4, Saanich 7 et Duncan 4 comptent moins de 10 individus matures et semblent particulièrement vulnérables.

Herbivores

On ne connaît pas bien la menace que présentent les herbivores pour les populations de la Colombie-Britannique actuelles de la violette jaune des monts. Deux des principales populations (Duncan 2 et Duncan 3), qui réunissent à elles seules environ 40 p. 100 de l’effectif de la Colombie-Britannique, se trouvent dans des secteurs qui étaient jusqu’à récemment pâturés. La population de la Colombie-Britannique la plus abondante (Saltspring 2) a été si broutée par des ongulés indigènes que les individus ne dépassent pas une petite taille, et leurs fleurs sont souvent manquantes. Le fait que cette population demeure abondante en dépit d’un broutage intense donne à croire que les populations abondantes ne sont pas gravement menacées par le broutage des grands mammifères. Dans certains cas, les dommages directs infligés à la violette jaune des monts par les herbivores semblent compensés par l’élimination d’espèces concurrentes plus hautes.

Dans les jardins et leur voisinage, il arrive que la violette jaune des monts soit fortement endommagée par des limaces exotiques (obs. pers.). Les jardins offrent aux limaces une abondance de jeunes pousses et de plantes, qui sont pour elles une source alimentaire de qualité. Ils leur offrent également de nombreux abris, sous des planches ou des rognures d’herbe. Les populations de violette jaune des monts poussant à proximité de jardins risqueraient donc d’être attaquées par des limaces. Toutefois, il ne faut pas accorder trop d’importance à ce facteur, car les cas observés de dommages graves causés par les limaces sont rares, même pour les relevés effectués en milieu urbain (obs. pers.).

MacDougall (comm. pers., 2006) a observé qu’un nombre considérable de graines pouvaient être endommagées par de petits insectes foreurs. On ne sait pas si ce phénomène est commun ou même s’il se produit ailleurs que dans la population Duncan 2.

 

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