La désignation de structures anthropiques à titre d’habitat essentiel

Information sur le document

Référence recommandée : Gouvernement du Canada. 2019. Politique concernant la désignation de structures anthropiques à titre d’habitat essentiel. Loi sur les espèces en péril : Série de Politiques et de Lignes directrices. Gouvernement du Canada, Ottawa. 7 p.

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1.0 Introduction

La Loi sur les espèces en péril (LEP)Note de bas de page 1  du gouvernement fédéral exige que l’habitat essentiel soit désigné, dans la mesure du possible, pour toutes les espèces sauvages inscrites comme étant en voie de disparition, menacées et disparues du pays, d’après la meilleure information accessible. L’habitat essentiel est désigné afin d’atteindre les objectifs en matière de population et de répartition établis lors du processus de planification du rétablissement et conçus pour contribuer à la survie et au rétablissement des espèces au Canada. Selon l’endroit où se trouvent les espèces inscrites, le programme de rétablissement et le plan d’action fédéral sont préparés dans la mesure du possible en collaboration avec les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux compétents, les conseils de gestion de la faune, les organisations autochtones qui sont considérées comme directement touchées par le programme de rétablissement et le plan d’action, ainsi que d’autres personnes ou organisations jugées appropriées. Si possible, des consultations sur la préparation du programme de rétablissement auront également lieu avec les propriétaires fonciers et d’autres personnes considérées comme directement touchées par le programme de rétablissement et le plan d’action, y compris les locataires, les municipalités et le gouvernement de tout autre pays où l’espèce se trouve.

Certaines espèces inscrites en vertu de la LEP se sont adaptées à des structures anthropiques (c.-à-d. construites par l’homme) et en sont devenues dépendantes, à divers degrés. Les définitions d’habitat et d’habitat essentiel peuvent, lorsque nécessaire, englober des structures anthropiques et, le cas échéant, les ministres compétents aux termes de la LEP doivent adopter une approche cohérente dans la désignation de telles structures en tant qu’habitat essentiel au cours de la planification du rétablissement.

2.0 Objectif de la politique

La présente politique décrit l’approche des ministres compétents aux termes de la LEP en ce qui concerne la désignation et la protection de structures anthropiques à titre d’habitat essentiel en vertu de la LEP.

3.0 Contexte législatif

En vertu de la LEP, un programme de rétablissement ou un plan d’action qui détermine l’habitat essentiel doit être préparé pour toutes les espèces inscrites qui sont disparues, en voie de disparition et menacées. L’habitat essentiel doit être désigné autant que possible pour toutes ces espèces. La justification de la désignation de structures anthropiques en tant qu’habitat essentiel aux termes de la LEP du gouvernement fédéral est présentée ci-dessous.

Aux termes du paragraphe 2(1) de la LEP, un « habitat » pour les espèces non aquatiques est :

« … l’aire ou le type d’endroit où un individu ou l’espèce se trouvent ou dont leur survie dépend directement ou indirectement ou se sont déjà trouvés, et où il est possible de les réintroduire ».

Aux termes du paragraphe 2(1) de la LEP, l’ « habitat » pour une espèce aquatique désigne :

« … les frayères, aires d’alevinage, de croissance et d’alimentation et routes migratoires dont sa survie dépend, directement ou indirectement, ou aires où elle s’est déjà trouvée et où il est possible de la réintroduire ».

Aux termes du paragraphe 2(1) de la LEP, l’ « habitat essentiel » est :

« … l’habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce ».

Le contenu du programme de rétablissement d’une espèce dont le rétablissement est réalisable est décrit au paragraphe 41(1) de la LEP et doit comprendre :

« ... la désignation de l’habitat essentiel de l’espèce dans la mesure du possible, en se fondant sur la meilleure information accessible, notamment les informations fournies par le COSEPAC, et des exemples d’activités susceptibles d’entraîner sa destruction ».

Le contenu du programme de rétablissement d’une espèce dont le rétablissement n’est pas réalisable est décrit au paragraphe 41(2) de la LEP et doit comprendre :

« ... dans la mesure du possible, […] la désignation de [l’]habitat essentiel [de l’espèce] ».

De même, le contenu d’un plan d’action est décrit au paragraphe 49(1) de la LEP et doit comprendre :

« ... la désignation de l’habitat essentiel de l’espèce dans la mesure du possible, en se fondant sur la meilleure information accessible et d’une façon compatible avec le programme de rétablissement, et des exemples d’activités susceptibles d’entraîner sa destruction ».

Les structures anthropiques peuvent constituer une zone ou un type de site dont l’espèce dépend directement ou indirectement pour mener à bien son cycle biologique.

Ainsi, si une structure anthropique donnée est nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, sa désignation comme habitat essentiel est compatible avec l’objet de la Loi, qui inclut prévenir la disparition, de la planète ou du pays, des espèces sauvages, et à permettre le rétablissement de celles qui, par suite de l’activité humaine, sont devenues des espèces disparues du pays, en voie de disparition ou menacées. Par conséquent, s’il est déterminé, durant le processus de planification du rétablissement, que des structures anthropiques sont nécessaires à la survie ou au rétablissement de l’espèce, ces structures doivent être désignées comme habitat essentiel.

En pratique, la quantité, la répartition et les attributs de l’habitat essentiel sont les critères requis pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition décrits dans le programme de rétablissement.

4.0 Politique

4.1 Champ d’application

La présente politique s’applique aux structures anthropiques, lesquelles sont décrites pour les besoins de cette politique comme étant les structures construites par l’homme :

  1. qui n’ont pas comme objectif principal de fournir un habitat aux espèces sauvages, comme les étables, les silos, les ponts et les cheminées;
  2. qui nécessitent une intervention humaine pour maintenir les caractéristiques biophysiques d’habitat essentiel pour les espèces en péril, comme les tas de compost; ou,
  3. qui ont été construites à l’intention des espèces en péril, comme les passages fauniques ou les plateformes de nidification.

Cette politique ne s’applique pas : 1) aux habitats créés par l’homme qui ressemblent beaucoup à des entités de paysage naturel ou aux types d’habitat comme les mines (qui ont des caractéristiques semblables à celles des grottes) ou les plans d’eau créés par l’aménagement de barrages; 2) aux types d’habitat naturel convertis ou modifiés par l’activité humaine (par exemple terrains boisés aménagés ou champs agricoles), qui peuvent toutefois être désignés comme habitat essentiel sur la base de leurs caractéristiques biophysiques. Ces types d’habitats, considérés comme des habitats naturels dans la présente politique, font partie du continuum plus large des habitats d’influence anthropique dans le paysage (la plupart des habitats étant touchés dans une certaine mesure par l’activité humaine) et seront abordés dans les lignes directrices fédérales normalisées de désignation de l’habitat essentiel.

4.2 Désignation de structures anthropiques à titre d’habitat essentiel

Application de la précaution

Les praticiens du rétablissement tiendront compte de la meilleure information accessible recueillie durant le processus de planification du rétablissement pour déterminer si des structures anthropiques sont nécessaires à la survie ou au rétablissement de l’espèce.

En s’acquittant de ses responsabilités en vertu de la LEP, le gouvernement du Canada se montrera prudent, conformément au Cadre d’application de la précaution dans un processus décisionnel scientifique en gestion du risque (Gouvernement du Canada, 2003), et au préambule et à l’article 38 de la LEP qui énoncent que « … s’il existe une menace d’atteinte grave ou irréversible à une espèce sauvage, le manque de certitude scientifique ne doit pas être prétexte à retarder la prise de mesures efficientes pour prévenir sa disparition ou sa décroissance ».

Utilisation du calendrier des études visant à désigner l’habitat essentiel

Si on ne sait pas s’il y a suffisamment d’habitat naturel pour permettre la survie et le rétablissement de l’espèce, une évaluation des structures anthropiques doit être réalisée afin de déterminer si elles sont nécessaires à sa survie ou à son rétablissement. Lors de cette évaluation, les praticiens du rétablissement examineront la meilleure information accessible. Dans ces cas, le calendrier des études visant à désigner l’habitat essentiel peut servir à combler les lacunes dans les connaissances ou à dissiper les incertitudes.

4.2.1 Scénario de rétablissement réalisable

Le retour à un état rétabli au Canada devrait essentiellement reposer sur le retour à l’utilisation d’éléments d’habitats naturels plutôt que de structures anthropiques. Toutefois, certaines espèces inscrites en vertu de la LEP se sont adaptées aux structures anthropiques et elles les utilisent maintenant comme habitat, souvent en raison de la perte ou de la dégradation de l’habitat naturel, si bien que ces structures soutiennent désormais, en tout ou en partie, la pérennité de ces espèces au Canada.

4.2.2 Scénario de rétablissement non réalisable

S’il est déterminé qu’il est impossible, pour des raisons techniques ou biologiques, de remettre en état suffisamment d’habitat naturel pour soutenir le rétablissement de l’espèce dans un délai convenable du point de vue biologique, le rétablissement sera jugé non réalisable. Dans ce cas, un programme de rétablissement axé sur un scénario de rétablissement non réalisable sera élaboré conformément au paragraphe 41(2) de la LEP.

Dans un tel cas, outre tout habitat naturel existant ou susceptible d’être remis en état, il faut aussi désigner comme habitat essentiel les structures anthropiques auxquelles l’espèce s’est adaptée et desquelles elle dépend, et ce, afin d’éviter la disparition de l’espèce du Canada ou de la planète.

4.2.3 Structures anthropiques en présence d’un habitat naturel suffisant

Si, durant le processus de planification du rétablissement, il est déterminé qu’il y a suffisamment d’habitat naturel disponible pour soutenir le rétablissement ou la survie d’une espèce inscrite, et les structures anthropiques ne sont pas nécessaires pour atteindre les objectifs de population et de répartition, les structures anthropiques ne seront pas désignées comme habitat essentiel.

Lorsque les structures anthropiques ne sont pas désignées comme habitat essentiel en raison de l’existence d’un habitat naturel suffisant, la contribution potentielle de ces structures à la survie ou au rétablissement de l’espèce peut être notée dans les documents de rétablissement comme possibilité d’intendance, et une étude approfondie de la valeur de ces structures peut être décrite dans le tableau de planification du rétablissement.

Dans les cas où la description des caractéristiques biophysiques de l’habitat essentiel pourrait entraîner une confusion quant à savoir si des structures anthropiques sont désignées comme habitat essentiel, le document de rétablissement indiquera clairement si oui ou non de telles structures sont désignées comme faisant partie de l’habitat essentiel.

4.2.4 Situations d’habitats puits

Au moment de déterminer si des structures anthropiques sont nécessaires à l’atteinte des objectifs en matière de population et de répartition pour une espèce, une évaluation est réalisée pour établir si ces structures contribuent favorablement à la survie ou au rétablissement de l’espèce. Cette évaluation est nécessaire, car certaines structures artificielles peuvent attirer des individus de l’espèce, mais entraîner une perte de valeur adaptative (fitness), à l’échelle individuelle, et constituer des puits de population, compromettant ainsi le succès à long terme des efforts de rétablissement. Dans de tels cas, ces structures anthropiques peuvent être exclues de la désignation d’habitat essentiel, ce qui sera clairement indiqué dans le document de rétablissement.

4.2.5 Mesures de suivi / d’action

Comme pour toutes les espèces dont l’habitat essentiel est désigné, la quantité, l’état et la configuration de l’habitat devront être évalués périodiquement pour s’assurer qu’il reste suffisamment d’habitat pour soutenir la survie ou le rétablissement de l’espèce. Dans les cas où des structures anthropiques ont été désignées comme habitat essentiel, le programme de rétablissement et / ou le plan d’action décriront les mesures à prendre pour assurer le suivi de la quantité et de la configuration aussi bien des structures anthropiques que de l’habitat naturel disponibles pour l’espèce, afin de pouvoir évaluer dans quelle mesure celle-ci pourrait revenir à l’utilisation de son habitat naturel.

5.0 Renseignements supplémentaires

Utilisation, entretien, modification et démantèlement des structures anthropiques existantes

Il est reconnu que la désignation de structures anthropiques comme habitat essentiel soulève des questions particulières par rapport à la gestion et à la protection de cet habitat essentiel (par exemple santé et sécurité publiques, codes de construction). Le gouvernement du Canada collaborera avec les provinces, les territoires, les peuples autochtones, les propriétaires / gestionnaires de ces structures et les autres parties directement touchées pour assurer la conformité à la LEP et favoriser le rétablissement des espèces.

Lorsque des structures anthropiques sont désignées comme habitat essentiel, le Ministre aura recours aux mesures d’intendance et d’atténuation, ainsi que d’autres mesures au besoin (par exemple promotion de la conformité, accords de conservation conclus en vertu de l’article 11, programmes de financement pour les espèces en péril, codes de pratique, mesures de compensation pour l’habitat et pratiques de gestion exemplaires). Cela aura pour objectif de maximiser l’efficacité des mesures de conservation que la LEP autorise pour gérer et protéger ces habitats ainsi que de minimiser le plus possible les répercussions sur les propriétaires fonciers et les gestionnaires de biens immobiliers.

Le document de rétablissement qui désigne des structures anthropiques comme habitat essentiel fournira des exemples d’activités susceptibles d’entraîner la destruction de l’habitat essentiel, lesquels doivent obligatoirement être inclus aux termes de l’article 41 de la LEP. Bien que ces exemples ne constituent pas un énoncé réglementaire, ils informent et soutiennent les mesures de protection et de gestion de l’habitat essentiel. Ils fournissent aussi des renseignements aux Canadiens pour qu’ils puissent appuyer les efforts de rétablissement de manière proactive en évitant de nuire et de détruire l’habitat essentiel.

Dans les cas où l’habitat essentiel est protégé par règlement en vertu de la LEP, le paragraphe 83(1) de la LEP prévoit des exceptions concernant la protection de l’habitat essentiel pour les activités relatives à la sécurité ou à la santé publiques et à la sécurité nationale autorisées sous le régime de toute autre loi fédérale, ou pour les activités relatives à la santé des animaux et des végétaux autorisées sous le régime de la Loi sur la santé des animaux et de la Loi sur la protection des végétaux. Aux termes du paragraphe 83(2), la personne qui, au titre d’une des lois mentionnées ci-dessus, autorise une activité autrement interdite doit conclure que l’activité est nécessaire à la protection de la sécurité ou de la santé publiques, notamment celle des animaux et des végétaux, ou de la sécurité nationale, et respecte, dans la mesure du possible, l’objet de la LEP. Des exceptions existent également en vertu de l'alinéa 83(1)b) de la LEP lorsque des activités sont autorisées par un accord, un permis, une licence, un arrêté ou un autre document visé aux articles 73, 74 ou 78 de la LEP.

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