Esturgeon blanc (Acipenser transmontanus) : programme de rétablissement modifié [sect. 11 à 12]

11. Activités autorisées par le programme de rétablissement

Le paragraphe 83(4) de la LEP prévoit que certaines activités peuvent être soustraites aux interdictions générales de la Loi pourvu qu'elles soient autorisées par un programme de rétablissement, un plan d'action ou un plan de gestion, et que les personnes qui les effectuent y soient autorisées sous le régime d'une loi fédérale. Les activités, ou la somme des activités, autorisées par le présent programme de rétablissement ne doivent pas nuire à la survie ou au rétablissement de l'esturgeon blanc. Il faudra effectuer une surveillance et des évaluations de manière régulière pour qu'il n'y ait aucun risque. Les activités autorisées dans le présent programme de rétablissement seront réexaminées si elles ont des incidences négatives sur la survie ou le rétablissement, s'il est prévu d'apporter à ces activités des modifications qui pourraient avoir un impact sur la survie ou le rétablissement, ou si les conditions expliquant que ces activités ont été soustraites aux interdictions ne peuvent plus être respectées.

Bien qu'un risque soit associé aux procédures, aux activités ou aux processus courants de l'aquaculture (comme il en est question ci-après à la section 11.1), l'élevage de conservation est nécessaire pour assurer la survie de l'esturgeon blanc. Les activités de l'aquaculture de conservation qui suivent les plans annuels pertinents relatifs aux géniteurs et à l'empoissonnement approuvés par le GTT sont par conséquent autorisées par le présent programme de rétablissement, conformément au paragraphe 83(4) de la LEP, et sont soustraites aux interdictions de la LEP relatives aux impacts sur l'esturgeon blanc, pourvu que ces activités soient aussi autorisées en vertu d'une loi fédérale.

11.1 Aquaculture de conservation et justification de l'exemption

La Freshwater Fisheries Society of British Columbia (FFSBC) s'occupe en ce moment des activités de rétablissement de l'esturgeon blanc qui relèvent de la composante « aquaculture de conservation ». Voici les activités relatives à l'aquaculture de conservation de l'esturgeon blanc effectuées à l'écloserie de la FFSBC ainsi que des précisions sur les procédures d'atténuation qui réduisent les risques pour le bien-être de cette espèce.

L'aquaculture de conservation pratiquée par la FFSBC repose sur la prémisse selon laquelle ces activités sont essentielles pour la survie de l'espèce; elle peut inclure des activités qui représentent un risque à un moment ou à un autre pour tous les stades biologiques en captivité. L'essentiel de cette prémisse, c'est que les risques sont calculés et réduits selon une méthode de gestion adaptative, dans laquelle les nouvelles recherches et les nouvelles technologies sont utilisées en concomitance avec les pratiques exemplaires de l'aquaculture pour assurer des résultats optimaux. Les membres du GTT et la FFSBC ont établi des lignes de conduite et des protocoles qui réduisent les risques pour la santé du poisson. La FFSBC a un plan de gestion de la santé du poisson approuvé par la province (Fish Health Management Plan – FHMP) qui oriente les pratiques piscicoles par le truchement de procédures opérationnelles normalisées et qui vise à réduire les risques pour la santé des poissons et à optimiser leur bien-être. La FFSBC a de plus des ressources en santé du poisson, y compris un laboratoire parfaitement outillé et des professionnels de la santé du poisson compétents qui aident à repérer les pratiques en matière d'élevage et de collecte pouvant représenter un risque aux divers stades biologiques. Le GTT a également établi ou adopté des lignes directrices pour l'élevage et la manipulation du poisson afin que les normes en matière de bien-être du poisson soient respectées. Enfin, seul du personnel formé et chevronné participe à la prise, à l'élevage et à la mise en liberté de l'esturgeon blanc, à l'exception de la mise en liberté de juvéniles d'élevage par le public au cours d'événements d'intendance. La FFSBC supervise ces événements.

En aquaculture de conservation, il faut euthanasier de jeunes poissons et enlever les individus qui présentent des malformations. C'est nécessaire pour plusieurs raisons. Premièrement, des poissons sont supprimés avant la mise en liberté afin d'équilibrer les contributions génétiques (c.-à-d. que les poissons appartenant à une famille dont la contribution est excédentaire ne sont pas mis en liberté). Il s'agit d'empêcher l'« invasion génétique » chez les poissons mis en liberté et d'essayer d'atteindre une représentation génétique égale dans une large population de base. La suppression des individus est effectuée sous la direction d'organismes gouvernementaux compétents, avec l'aide technique aussi fournie par le GTT. Deuxièmement, il y a des poissons qui ont des malformations dans toutes les conditions, y compris les conditions naturelles, où ils ne survivent probablement pas dans la nature. Troisièmement, un autre cas d'euthanasie est celui des poissons après une expérience. Les poissons qui servent à des expériences soumises à l'examen et à l'approbation d'organismes gouvernementaux compétents, par exemple à des études toxicologiques, écologiques ou physiologiques, ne sont pas mis en liberté dans la nature (à moins que les organismes n'en décident autrement) et sont euthanasiés parce que leur état peut être compromis par comparaison aux cohortes élevées dans des conditions normales. Ces expériences peuvent être menées par des entrepreneurs du secteur privé qui respectent les protocoles établis et qui obtiennent les approbations requises, y compris les permis prévus à l'article 73 de la LEP. Quatrièmement, les poissons ayant peut-être des problèmes de santé peuvent être supprimés pour des raisons de biosécurité afin d'empêcher une flambée dans l'ensemble des installations et pour identifier les agents pathogènes ou les maladies dans la descendance de l'esturgeon blanc. Dans tous les cas, des registres qui mentionnent la cause de la mortalité et le nombre de poissons touchés sont rigoureusement tenus, conformément au plan de la FFSBC approuvé par la province et au document de l'initiative de rétablissement de l'esturgeon blanc du haut Columbia Suggested Protocol for Sampling White Sturgeon Mortality (Upper Columbia White Sturgeon Recovery Initiative 2009b). Les mesures prises pour euthanasier les poissons sont rigoureusement contrôlées et bénéficient à l'ensemble de la population.

Tous les esturgeons blancs produits par l'aquaculture de conservation et mis en liberté dans le fleuve Columbia ou la rivière Nechako sont marqués (enlèvement des scutelles) et munis d'un transpondeur passif intégré. Ces deux procédures sont moyennement invasives. Le marquage externe consiste à enlever les scutelles par chirurgie selon un code établi publié dans le Recovery Plan de l'initiative de rétablissement de l'esturgeon blanc du haut Columbia. Un transpondeur passif intégré est inséré dans la musculature dorsale du poisson à l'aide d'un trocart, conformément aux lignes directrices du Conseil canadien de protection des animaux (CCPA) et aux procédures décrites dans Parker et al. (1990) et Morton et al. (2003). Dans les deux procédures, l'utilisation de techniques standard réduit le traumatisme et les risques pour la santé des poissons; ces procédures sont de plus exécutées par du personnel formé et chevronné.

Des larves de poisson sont de temps à autre mises en liberté dans le cadre d'études expérimentales sur l'échec du recrutement. Bien qu'on ne marque pas ces poissons pour les identifier rapidement, ils sont traçables grâce au « marquage » génétique de leurs progéniteurs dont l'ADN a été échantillonné pendant des événements de frai.

Le transport de l'esturgeon blanc peut être effectué à quatre stades biologiques : adultes, œufs, larves et juvéniles. Dans tous les cas, le transport a lieu dans des conditions qui sont conformes aux Lignes directrices du CCPA sur : le soin et l'utilisation des poissons en recherche, en enseignement et dans les tests. De plus, les activités de la FFSBC et du GTT respectent les directives du Upper Columbia River Sturgeon Capture, Transport and Handling Manual (UC T&H), mai 2006 (Golder Associates Ltd. 2006e). Les conditions du transport sont contrôlées de manière à réduire le stress et les effets négatifs.

Il peut être nécessaire pour le frai d'enlever par chirurgie les œufs de femelles matures. Les conditions des procédures chirurgicales suivent celles qui sont présentées en détail dans le Hatchery Manual for the White Sturgeon (WSHM), (Conte et al. 1988) et sont considérées comme la méthode standard. Comme pour l'esturgeon mâle, les poissons sont manipulés et la laitance est recueillie à l'aide de techniques non invasives et de méthodes peu contraignantes (Conte et al. 1988). Le tableau 25 résume les activités qui comportent des risques, les mesures d'atténuation qui régissent ces activités et les références afférentes.

Tableau 25. Niveau de risque pour le bien-être des poissons, mesures d'atténuation et références afférentes pour la réduction des risques pendant les activités associées à l'aquaculture de conservation à la Freshwater Fisheries Society of British Columbia.
Activité Risque Atténuationa Référenceb
Transport (tout) Minime Qualité de l'eau, moment UC T&H/CCPA
Mise en liberté Minime Qualité de l'eau, moment UC T&H
Élevage - - -
Frai Minime/moyen Expérience, technique WSHM
Incubation Minime Procédures normalisées WSHM
Premier repas Minime Nourriture/alimentation optimale WSHM
Euthanasie Minime Expérience, technique FHMP
Marquage/pose d'une étiquette Minime/moyen Expérience, technique FHMP
Expérimentation Minime/moyen Examen du GTT -
  1. Les paramètres relatifs à la qualité de l'eau sont présentés en détail dans les Lignes directrices du CCPA sur : le soin et l'utilisation des poissons en recherche, en enseignement et dans les tests
  2. UC T&H : (Golder Associates Ltd. 2006e)
    CCPA : (Conseil canadien de protection des animaux 2003)
    WSHM : (Conte et al. 1988)
    FHMP : (B.C. Ministry of Agriculture and Lands 2009)

Les activités effectuées par le GTT, et la FFSBC et ses entrepreneurs sont structurées et suivies de manière à réduire les risques et les dommages aux esturgeons blancs adultes, à leurs œufs, à leurs larves et à leurs juvéniles.

La FFSBC, ou toute autre organisation faisant l'élevage de conservation de l'esturgeon blanc, est tenue d'avoir un permis conjoint du Comité fédéral-provincial sur l'implantation et le transfert d'espèces pour chacun des stocks d'esturgeons avec lesquels elle travaille. Il faut un permis de ce comité pour le transport et la garde des géniteurs, ainsi que pour le frai de l'esturgeon blanc, et il en faut un autre pour la mise en liberté des larves et pour l'élevage et la mise en liberté des juvéniles (Ron Ek, Kootenay Trout Hatchery, comm. pers.).

Le MPO est d'avis que les activités d'aquaculture décrites ci-dessus sont bénéfiques pour l'esturgeon blanc et sont nécessaires pour améliorer ses chances de survie dans la nature.

Conformément au paragraphe 83(4) de la LEP, le présent programme de rétablissement autorise les activités d'aquaculture associées au transfert des œufs, larves ou individus vivants à une écloserie, l'exploitation de l'écloserie et la mise en liberté de la progéniture ou de juvéniles dans l'habitat du poisson. Cette exemption est assujettie aux conditions suivantes :

  1. Le transfert des œufs, larves ou individus vivants à une écloserie est autorisé par un permis délivré en vertu de l'article 56 du Règlement de pêche (dispositions générales), DORS/93-53;
  2. L'exploitation de la composante aquaculture des activités associées à l'élevage de conservation est autorisée par un permis délivré en vertu de l'article 3 du Règlement du Pacifique sur l'aquaculture, DORS/2010-270;
  3. La mise en liberté d'individus vivants dans l'habitat du poisson est autorisée par un permis délivré en vertu de l'article 56 du Règlement de pêche (dispositions générales), DORS/93-53.

Les activités de capture de géniteurs, d’œufs ou de larves doivent encore être autorisées conformément à l'article 73 de la LEP, y compris toutes les conditions préalables mentionnées au paragraphe 73(3).

11.2 Récolte dirigée d'esturgeons blancs par les Premières Nations à des fins alimentaires, sociales et rituelles (ASR) – exemption ou permis possible dans l'avenir

L'article 73 de la LEP prévoit l'autorisation d'activités qui contreviendraient aux interdictions de la LEP pourvu que certaines conditions soient respectées. Comme, en vertu de l'article 73, il est impossible d'autoriser la récolte directe d'une espèce en péril, le seul mécanisme pour autoriser la prise directe de l'esturgeon blanc est l'exemption prévue au paragraphe 83(4). Les Premières Nations souhaiteront peut-être demander cette exemption pour prendre de l'esturgeon blanc à des fins alimentaires, sociales et rituelles (ASR). Compte tenu des menaces accrues qui pèsent sur le rétablissement de la population, le programme de rétablissement n'appuie pas pour l'instant la pêche directe d'esturgeons blancs à des fins ASR. Lorsque que la population pourra tolérer les impacts cumulatifs des dommages accessoires et de la récolte dirigée, le MPO envisagera de modifier le présent programme de rétablissement pour autoriser la pêche par les Premières Nations à des fins ASR conformément au paragraphe 83(4). Les conditions suivantes devront être satisfaites :

11.3 Prises accessoires alimentaires, sociales et rituelles – exemption ou permis possible dans l'avenir

La pêche au saumon pratiquée par les Premières Nations à des fins ASR peut entraîner la prise accessoire d'esturgeons blancs. Selon une évaluation du potentiel de rétablissement de l'esturgeon blanc (Wood et al. 2007), tant que des esturgeons blancs d'élevage sont mis en liberté et que des activités de restauration de l'habitat visant à rétablir les taux historiques de recrutement naturel existent, certains dommages sont peut-être admissibles pour les populations d'esturgeons blancs. Le MPO pourra donc peut-être envisager de modifier le présent programme de rétablissement pour autoriser les prises accessoires. Ou encore, les dispositions relatives aux permis de l'article 73 de la LEP pourraient s'appliquer à la pêche du saumon à des fins ASR. Le MPO cherchera à collaborer avec les Premières Nations à propos de ces diverses approches.

12. Références citées

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