Grue blanche (Grus americana) programme de rétablissement : chapitre 1
1. Contexte
- 1.1 Évaluation de l’espèce par le COSEPAC
- 1.2 Introduction
- 1.3 Description de l’espèce
- 1.4 Aire de répartition actuelle
- 1.5 Effectif actuel
- 1.6 Tendances démographiques
- 1.7 Besoins de la Grue blanche
- 1.7.1 Habitat de reproduction
- 1.7.2 Habitat de migration
- 1.7.3 Habitat d’hivernage
- 1.7.4 Régime alimentaire
- 1.8 Menaces
- 1.8.1 Perte et dégradation de l’habitat
- 1.8.2 Perte de diversité génétique
- 1.8.3 Perturbations
- 1.8.4 Collisions avec des lignes de transport d’énergie
- 1.8.5 Déversement de produits chimiques
- 1.8.6 Maladies et parasites
- 1.8.7 Prédation
- 1.8.8 Chasse
- 1.8.9 Autres menaces et facteurs limitatifs
- 1.9 Lacunes dans les connaissances
1.1 Évaluation de l'espèce par le COSEPAC
Date de l'évaluation : Novembre 2000
Nom commun : Grue blanche
Nom scientifique : Grus americana
Statut selon le COSEPAC : en voie de disparition
Justification de la désignation : Cette espèce, en voie de disparition à l'échelle mondiale, se trouve en très petits nombres, dans une aire de reproduction très limitée, à l'intérieur d'une partie du parc national Wood Buffalo et de la zone avoisinante. Les activités anthropiques et l'exploitation des ressources sont des menaces éventuelles pour la population, surtout pendant la migration.
Présence au Canada : Alberta, Territoires du Nord-Ouest
Historique du statut selon le COSEPAC : Espèce désignée « en voie de disparition » en avril 1978. Réexamen et confirmation du statut en novembre 2000. Dernière évaluation fondée sur une mise à jour d'un rapport de situation.
1.2 Introduction
La Grue blanche est l'une des espèces vedettes du mouvement nord-américain de conservation des espèces sauvages, et elle symbolise la lutte pour la survie qui caractérise de nombreuses espèces en voie de disparition à l'échelle mondiale. Ce grand oiseau photogénique jouit d'une grande popularité auprès du public et des médias, et il est souvent utilisé pour illustrer la documentation sur les espèces en péril.
La population, qui comptait autrefois plusieurs milliers d'individus, a frôlé la disparition dans les années 1940, époque où il ne restait plus que 21 Grues blanches à l'échelle de la planète. Heureusement, ce grand oiseau majestueux a été sauvé de l'extinction, et, en mars 2007, la population migratrice au Canada avait atteint 237 individus. Alors qu'elle est sur la voie précaire du rétablissement, la Grue blanche demeure inscrite comme espèce en voie de disparition au Canada et aux États-Unis. L'historique des déclins de la population montre qu'ils ont été causés par la chasse et la destruction de l'habitat de nidification dans les Prairies à la suite de l'exploitation agricole. Aujourd'hui, la Grue blanche demeure une espèce en voie de disparition, en raison de son effectif réduit, de son faible potentiel reproductif attribuable à une maturité sexuelle tardive et à un faible recrutement de la population, d'une voie migratoire dangereuse empruntée deux fois par année et de nombreuses contraintes anthropiques sur les territoires d'hivernage. Les menaces qui pèsent actuellement sur les populations sauvages comprennent les collisions avec des structures d'origine anthropique comme les lignes de transport d'énergie, la chasse, la prédation, les maladies, la destruction de l'habitat, le temps violent et la perte des deux tiers de la diversité génétique initiale. Les facteurs qui menacent les Grues blanches en captivité sont la maladie, les accidents et une diversité génétique limitée.
1.3 Description de l'espèce
La Grue blanche est le plus grand oiseau de l'Amérique du Nord : le mâle mesure près de 1,5 m quand il se dresse debout. Le mâle est généralement plus grand que la femelle et pèse en moyenne 7,3 kg. Les femelles en captivité pèsent en moyenne 6,4 kg. Les Grues blanches sont monomorphes sur le plan sexuel (Walkinshaw, 1973). Cependant, le cri d'alarme et les éléments du chant à l'unisson sont sexuellement distincts (Archibald, 1975; Carlson, 1991), tout comme certaines postures comportementales.
Chez les adultes, le plumage est d'un blanc éclatant, sauf les primaires qui sont noires et les plumes de la calotte et de la face qui oscillent entre le noir et le rouge (figure 1). Le long bec est gris verdâtre foncé et pâlit pendant la saison de reproduction. Les pattes et les doigts sont gris-noir. Chez les juvéniles, le plumage est d'une couleur cannelle rougeâtre. À l'âge de 120 jours, des plumes blanches apparaissent sur le cou et le dos, et le remplacement du plumage s'effectue pendant les mois d'hiver. Les juvéniles conservent leurs plumes rouille sur la tête et sur la partie supérieure du cou jusqu'au printemps (Stephenson, 1971), et ils acquièrent leur plumage d'adulte à la fin du deuxième été.

La Grue blanche est une espèce longévive. Les estimations actuelles suggèrent que la longévité maximale de l'espèce à l'état sauvage serait d'au moins 30 ans (Mirande et al., 1993). Les individus en captivité peuvent vivre jusqu'à l'âge de 35 à 40 ans (Moody, 1931; McNulty, 1966).
1.4 Aire de répartition actuelle
La Grue blanche ne vit qu'en Amérique du Nord (figure 2). Elle se rencontre à l'état sauvage à trois emplacements et en captivité à sept sites. Les populations sauvages comprennent : 1) un groupe non migrateur dans le parc Kissimmee Prairie et ses environs, dans le centre de la Floride; 2) un groupe migrateur établi en 2001 et dont l'aire de répartition se situe entre le centre du Wisconsin et la portion centrale de la côte du golfe du Mexique, en Floride; 3) la population migratrice Aransas-Wood Buffalo, qui niche au Canada et hiverne aux États-Unis.
La population Aransas-Wood Buffalo est la seule population sauvage du Canada. Elle se reproduit dans le parc national Wood Buffalo et dans les terres adjacentes. À l'automne, elle migre en passant par l'Alberta, la Saskatchewan et, occasionnellement, le Manitoba, en faisant une halte en Saskatchewan. Une fois parvenue aux États-Unis, elle traverse les Grandes Plaines centrales pour aller hiverner dans la partie centrale de la côte du golfe du Mexique, au Texas, dans l'Aransas National Wildlife Refuge et dans les environs. Des grues sous-adultes ont passé l'été à divers emplacements dans le corridor de migration et au nord des lieux de reproduction.
Des Grues blanches sont maintenues en captivité au Patuxent Wildlife Research Center, à Laurel, dans le Maryland; à l'International Crane Foundation, à Baraboo, dans le Wisconsin; au Calgary Zoo, en Alberta; à l'Audubon Species Survival Center, à Belle Chasse, en Louisiane; au San Antonio Zoo, à San Antonio, au Texas; au New Orleans Zoo, à New Orleans, en Louisiane, et au Lowry Park Zoo, à Tampa, en Floride.
Figure 2. Aires de reproduction et d'hivernage anciennes et actuelles de la Grue blanche (adapté de Meine et Archibald, 1996). ICF= International Crane Foundation; NWR = National Wildlife Refuge

1.5 Effectif actuel
En mars 2007, la population sauvage totale était estimée à 344 individus, soit 237 individus dans la seule population autosuffisante, celle de Aransas-Wood Buffalo, 45 individus élevés en captivité et relâchés dans le but d'établir une population non migratrice en Floride et 62 individus introduits dans la population de l'est des États-Unis, qui migre entre le Wisconsin et la Floride.
En mars 2007, l'effectif total de la population maintenue en captivité s'élevait à 145 individus. Les grues produisent des oisillons chaque année au Calgary Zoo, à l'International Crane Foundation, au Patuxent Wildlife Research Center et au San Antonio Zoo. La population totale de Grues blanches, à l'état sauvage et en captivité, est de 489 oiseaux.
1.6 Tendances démographiques
La Grue blanche a un taux de recrutement à long terme de 13,9 %, soit le taux le plus élevé de toutes les populations de grues en Amérique du Nord (Drewien et al., 1995). La population Aransas-Wood Buffalo augmente à un rythme de plus de 4 % par année. Jusqu'en 2000, cependant, cette croissance semble avoir été davantage le résultat d'une diminution du taux de mortalité que d'une augmentation du taux de recrutement. Le taux de mortalité annuel moyen atteignait 12,1 % avant les années 1970, mais il a depuis chuté à 7,7 % et le taux de mortalité global moyen s'élève à 9,8 % par année. Pendant la même période, le taux de recrutement a aussi diminué avec une moyenne qui est passée de 15,9 %, avant les années 1970, à 11,3 % par année.
Il est difficile de prédire l'effectif futur de la population compte tenu des grandes variations observées dans les taux de croissance annuels. Cependant, il est fort probable que la population Aransas-Wood Buffalo continuera de croître au cours des 100 prochaines années et, si les conditions environnementales actuelles ne se détériorent pas, les probabilités de disparition sont de moins de 1 % (Mirande et al., 1997; Tischendorf, 2003). Pour obtenir des renseignements plus détaillés sur l'évaluation de la viabilité de la population, le lecteur devrait consulter le plan international de rétablissement (Service canadien de la faune et U.S. Fish and Wildlife Service, 2006).
1.7 Besoins de la Grue blanche
1.7.1 Habitat de reproduction
La Grue blanche se reproduisait autrefois dans les marais isolés des Prairies et dans la tremblaie-parc. L'espèce dispose actuellement de six aires de reproduction principales situées dans le parc national Wood Buffalo et dans les terres adjacentes, entre les cours supérieurs des rivières Nyarling, Sass, Klewi et Little Buffalo (figure 3). Le territoire est mal drainé et parsemé de nombreuses cuvettes. Les terres humides varient grandement en terme de dimension, de forme et de profondeur, et la plupart possèdent un fond de marne (Timoney et al., 1997). Les terres humides sont séparées par d'étroites crêtes sur lesquelles poussent, à l'étage supérieur, l'épinette blanche (Picea glauca), l'épinette noire (P. mariana), le mélèze laricin (Larix laricina) et des saules (Salix spp.) et, à l'étage inférieur, le bouleau glanduleux (Betula glandulosa), le thé du Labrador (Ledum groenlandicum), le raisin d'ours (Arctostaphylos uva-ursi) et plusieurs espèces de lichens reposant sur de la sphaigne (Novakowski, 1966). Le scirpe (Scirpus validus 1) est l'espèce émergente dominante dans les cuvettes utilisées pour la nidification, mais la massette (Typha sp.), le carex aquatique (Carex aquatilis), le chara (Chara sp.) et d'autres plantes aquatiques y sont également communs (Allen, 1956; Novakowski, 1965 et 1966; Kuyt, 1976a, 1976b et 1981). Les sites de nidification sont principalement situés dans les mares de diatomées peu profondes où pousse le scirpe (Timoney, 1999).
Figure 3. Aires de reproduction de la population Aransas-Wood Buffalo, dans le parc national Wood Buffalo

1.7.2 Habitat de migration
La Grue blanche fréquente divers habitats pendant la migration (Howe, 1987 et 1989; Lingle, 1987; Lingle et al., 1991; Johns et al., 1997). La majorité des terres humides servant au repos font moins de 4 ha (75 %) et se trouvent à moins de 1 km d'un site d'alimentation convenable (Johns et al., 1997). Plus de 40 % des terres humides servant au repos occupent une superficie de moins de 0,5 ha (Johns et al., 1997). Les champs cultivés représentent 70 % des sites d'alimentation des individus hors famille, alors que les terres humides représentent 67 % des sites d'alimentation des groupes familiaux (Howe, 1987).
Les mosaïques de terres humides semblent être l'habitat le plus propice comme halte migratoire (Johns et al., 1997; Richert et al., 2000). La Grue blanche se repose principalement dans des bassins palustres peu profonds qui sont inondés de façon saisonnière ou semi- permanente, et elle s'alimente dans des champs cultivés et des terres humides émergentes (Johns et al., 1997; Austin et Richert, 2001;). Pendant leur traversée de la Saskatchewan et du Nebraska, les oiseaux fréquentent également des habitats fluviaux où ils se reposent sur des barres de sable submergées situées dans de larges chenaux non obstrués et isolées de toute perturbation humaine (Armbruster, 1990; Brian Johns, comm. pers.).
La migration printanière s'amorce généralement entre le 25 mars et le 15 avril, et les dernières grues quittent normalement les lieux d'hivernage avant le 1er mai. Elles effectuent le trajet en deux à quatre semaines en moyenne.
La migration automnale débute normalement à la mi-septembre, et la majorité des oiseaux atteignent les lieux d'hivernage entre la fin du mois d'octobre et la mi-novembre. Bien souvent, ils font leur première halte dans le nord-est de l'Alberta ou le nord-ouest de la Saskatchewan. La majorité des grues demeurent de deux à quatre semaines dans la région comprise entre Meadow Lake, Swift Current, Estevan et les lacs Quill, en Saskatchewan, où elles se nourrissent de restes de grain dans les champs d'orge et de blé en chaume et se reposent dans les nombreuses terres humides (Johns, 1992), dont le lac Midnight, le lac Witchekan, les lacs Blaine, le lac Radisson, le lac Buffer, le lac Muskiki, les lacs Quill, le lac Kutawagan, le lac Luck, le marais Creelman et les terres humides situées près de Tribune et de Bromhead. Voici quelques-uns des milieux fluviaux fréquentés par l'espèce : la rivière Saskatchewan Sud et ses barres de sable, entre Outlook et Saskatoon, et la rivière Saskatchewan Nord, entre les ponts de Maymont et de Petrofka.
1.7.3 Habitat d'hivernage
Les principales aires d'hivernage de la population nicheuse Aransas-Wood Buffalo se trouvent dans les quelque 9 000 ha de marais salés de l'Aransas National Wildlife Refuge et dans les îles adjacentes. Ces marais sont dominés par le distichlis en épi (Distichlis spicata), la Batis maritima, la spartine alterniflore (Spartina alterniflora), la salicorne (Salicornia sp.) et le Borrichia frutescens. Le pourtour intérieur des marais salés est dominé par le Spartina spartinae. L'intérieur du refuge est légèrement ondulé et sableux, et il se caractérise par des broussailles de chêne, des prairies, des baissières et des étangs. Parmi les plantes les plus communes, mentionnons le Quercus virginiana, le laurier rouge (Persea borbonia) et le barbon (Andropogon sp.) (Stevenson et Griffith, 1946; Allen, 1952; Labuda et Butts, 1979).
1.7.4 Régime alimentaire
La Grue blanche est omnivore (Walkinshaw, 1973). En été, elle se nourrit de grosses nymphes ou larves d'insectes, par exemple celles de la famille des Anisoptères (Aeshna spp. et Libellula spp.) et des Dytiscidés (Graphoderus occidentalis; Acilius semisulcatus; Rhantus binotatus et Dytiscus alaskanus), d'escargots (Probythinella lacustris), de ménés (Culea inconstans, Phoxinus eos, Margariscus margarita, Phoxinus neogaeus et Pimephales promelas), de graines (Potamogeton et Myriophyllum), de grenouilles (Rana sylvatica, Acris crepitans et possiblement Bufo hemiophrys) et de rongeurs (Clethrionomys rutilis et plusieurs autres) (Allen, 1956; Novakowski, 1966; Bergeson et al., 2001a; Bergeson, 2004). Le régime alimentaire de l'espèce pendant la migration est mal connu, mais on sait qu'il se compose notamment de grenouilles, de poissons, de tubercules de plantes, d'écrevisses, d'insectes et de grains d'origine agricole. Pendant la migration, la Grue blanche passe la majeure partie de son temps d'alimentation dans les champs céréaliers déjà récoltés (Johns et al., 1997). En hiver, elle se nourrit principalement d'aliments d'origine animale, plus particulièrement de crabes bleus (Callinectes sapidus) et de palourdes (Tagelus plebius, Ensis minor, Rangia cuneata, Cyrtopleura costata, Phacoides pectinata, Macoma constricta), mais également de baies de lyciet (Lycium carolinianum) (Allen, 1952; Uhler et Locke, 1970; Blankinship, 1976 et 1987; Hunt et Slack, 1987; Chavez-Ramirez, 1996).
1.8 Menaces
1.8.1 Perte et dégradation de l'habitat
La croissance de la population humaine en Amérique du Nord a eu pour effet de modifier et de détruire l'habitat de la Grue blanche. Les terres humides et les prairies ont été transformées pour la production fourragère et céréalière, de sorte que la majeure partie des habitats de nidification historiques sont devenus impropres à la Grue blanche. L'habitat a été perturbé et détruit par plusieurs pratiques, notamment le drainage, le clôturage, l'agriculture et les activités humaines connexes. En plus des modifications de l'habitat, il se peut que la colonisation du centre du continent et des prairies côtières ainsi que les perturbations connexes aient perturbé l'utilisation continue des prairies et des terres humides par les Grues blanches nicheuses. Dans la région des cuvettes des Prairies, tant au Canada qu'aux États-Unis, le drainage à grande échelle des terres humides a considérablement réduit la superficie de l'habitat de migration propice à la Grue blanche. Aux États-Unis, la construction de réservoirs en amont et les ouvrages de déviation des cours d'eau pour l'agriculture et la consommation humaine ont réduit le débit entrant des eaux côtières fréquentées par la Grue blanche.
1.8.2 Perte de diversité génétique
À la suite de la réduction importante et rapide de la population de 1941, la population actuelle est issue de six à huit individus, ce qui représente une perte de 66 % de tout le matériel génétique (Mirande et al., 1993; Glenn et al., 1999). La perte continue de matériel génétique pourrait entraîner une dépression de consanguinité et une baisse de productivité (Jimenez et al., 1994; Frankham, 1995; Lacy, 1997; Brook et al., 2002; Woodworth et al., 2002). Le plan international de rétablissement contient des renseignements plus détaillés sur cette question.
1.8.3 Perturbations
La Grue blanche est sensible aux perturbations, tant dans les lieux de reproduction que dans les territoires d'hivernage. Certaines perturbations, comme le baguage et le transfert des œufs, sont nécessaires au rétablissement et peuvent être tolérables pendant de courtes périodes. Toutefois, il faut éviter les perturbations inutiles, qui pourraient amener les oiseaux à quitter une aire donnée. Il n'y a pas de voie d'accès publique à la plupart des habitats de nidification, mais certains habitats d'hivernage sont accessibles. Les Grues blanches possèdent une certaine tolérance aux bateaux et aux véhicules terrestres qui se déplacent lentement (Mabie et al., 1989), comme le prouve leur absence d'inquiétude face aux barges qui circulent le long de la Gulf Intracoastal Waterway. Les grues sont davantage perturbées par les hydroglisseurs, les aéronefs volant à basse altitude et plus particulièrement par les hélicoptères, et l'espèce est particulièrement sensible aux humains qui se déplacent à pied (Lewis et Slack, 1992; T.E. Lewis, comm. pers.; B. Johns, comm. pers.). Le déplacement des grues entraîne à court ou à long terme une diminution de l'utilisation de l'habitat et une perturbation sociale au sein du groupe. Il limite aussi la capacité d'obtenir des ressources alimentaires, affectant ainsi l'aptitude phénotypique (« fitness » en anglais) du groupe (T.E. Lewis, comm. pers.).
1.8.4 Collisions avec des lignes de transport d'énergie
Les collisions avec des lignes de transport d'énergie sont une importante cause de mortalité pendant la migration (Brown et al., 1987; Lewis et al., 1992). Depuis 1956, au moins 36 Grues blanches ont été tuées ou blessées gravement dans une collision de ce genre. Les haubans des tours de télécommunications (radio, télévision, téléphonie cellulaire et micro-ondes) constituent une autre menace. Des tests effectués sur des dispositifs de marquage des lignes, au cours desquels des grues du Canada (Grus canadensis) ont servi d'espèce de substitution, ont permis de cerner des techniques efficaces pour réduire de 61 % les collisions (Morkill, 1990; Morkill et Anderson, 1991 et 1993; Brown et Drewien, 1995). À l'heure actuelle, il est recommandé de marquer les lignes dans les secteurs souvent fréquentés par les grues et d'éviter l'aménagement de nouveaux corridors à proximité des terres humides ou des autres milieux utilisés par les grues.
1.8.5 Déversement de produits chimiques
La seule population sauvage autosuffisante de Grues blanches demeure vulnérable aux déversements de contaminants. Le risque de déversements dans l'aire de reproduction ou pendant la migration est minime, il y a cependant d'importantes préoccupations pour ce qui est de la Gulf Intracoastal Waterway, sur la côte du Texas. Un grand nombre de puits de pétrole et de gaz ainsi que de pipelines de raccordement sont situés dans les baies et les zones sèches, à proximité des habitats d'hivernage des grues. De plus, de nombreuses barges transportant des produits toxiques dangereux passent chaque jour par la Gulf Intracoastal Waterway et traversent l'habitat d'hivernage de l'espèce. Un déversement ou une fuite pourrait empoisonner les grues, ou contaminer ou tuer leur source de nourriture (Robertson et al., 1993).
1.8.6 Maladies et parasites
Les chercheurs savent peu de choses sur l'importance des maladies ou des parasites comme facteurs de mortalité chez les Grues blanches sauvages. La perte de terres humides a eu pour effet de concentrer les oiseaux, ce qui augmente le risque de transmission des maladies. Même si les Grues blanches sauvages sont sans doute sensibles à toute une gamme de maladies infectieuses et toxicologiques (notamment la tuberculose), la mortalité liée aux maladies n'est que rarement documentée.
1.8.7 Prédation
Les Grues blanches adultes ne sont généralement pas sujettes à la prédation, sauf lorsqu'elles sont affaiblies par une maladie ou une blessure, ou lorsqu'elles sont incapables de voler, en période de mue. Les œufs et les oisillons sont cependant la proie de plusieurs prédateurs (Bergeson et al., 2001b). Dans le parc national Wood Buffalo, parmi les prédateurs possibles, il faut compter l'ours noir (Ursus americanus), le carcajou (Gulo gulo luscus), le loup gris (Canis lupus), le renard roux (Vulpes fulva), le vison (Mustela vison), le lynx du Canada (Lynx canadensis) et le Grand Corbeau (Corvus corax). L'impact global de la prédation sur le recrutement de la population Aransas-Wood Buffalo demeure incertain, mais il pourrait expliquer en partie le cycle de recrutement de dix ans de la Grue blanche (Boyce et al., 2005).
Le lynx roux (Lynx rufus) et l'alligator du Mississippi (Alligator mississippiensis) sont d'importants prédateurs des Grues blanches réintroduites en Floride. Les taux de prédation sont élevés en Floride, mais ils semblent très faibles au Texas, où les grues sauvages passent plus de temps dans les terres humides côtières.
1.8.8 Chasse
La chasse est l'une des principales causes du déclin des populations historiques de Grues blanches. L'adoption de lois protégeant l'espèce coïncide avec une réduction de la mortalité de cause anthropique. Bien que la chasse de la Grue blanche soit maintenant illégale, il arrive encore que des oiseaux soient abattus (Lewis et al., 1992).
1.8.9 Autres menaces et facteurs limitatifs
Le plan international de rétablissement aborde les autres menaces potentielles, comme les collisions avec les aéronefs, les pesticides, les marées rouges, le temps violent, les changements climatiques, le cycle biologique, la disponibilité de la nourriture et la rivalité dans la fratrie. Bien qu'il s'agisse de facteurs limitatifs potentiels, aucun ne semble menacer de façon importante la survie de l'espèce.
1.9 Lacunes dans les connaissances
1.9.1 Exigences relatives aux relevés
- Poursuivre les recensements aériens de la population dans les aires de nidification et d'hivernage.
- Identifier les habitats de nidification et d'hivernage potentiels inoccupés afin de cerner les obstacles à la croissance de la population.
- Poursuivre les relevés des niveaux d'eau dans le parc national Wood Buffalo afin de bien comprendre les changements écologiques et leurs répercussions sur les tendances démographiques.
- Mener des études sur l'abondance des proies dans le parc national Wood Buffalo afin de bien comprendre les changements écologiques et leurs impacts sur les tendances démographiques.
- Poursuivre les relevés des niveaux de salinité des eaux côtières, des débits d'eau douce entrants et des ressources alimentaires à l'Aransas National Wildlife Refuge, afin de cerner les tendances écologiques.
- Effectuer le suivi des migrations afin d'assurer la sécurité des grues et d'évaluer les changements des conditions auxquelles les oiseaux sont confrontés.
1.9.2 Exigences en matière de recherche biologique et écologique
- Continuer d'identifier les causes de mortalité chez les grues à l'état sauvage et en captivité et travailler à les contrer.
- Effectuer des suivis fréquents (repérage radio ou satellite) afin de détecter les causes de mortalité et les pertes qui y sont reliées.
- Acquérir une meilleure compréhension des caractéristiques des habitats des haltes migratoires afin d'accroître l'efficacité des mesures d'expansion et de gestion de l'habitat sur la rivière Platte et ailleurs.
- Peaufiner les méthodes employées pour créer des marais, pouvant servir d'habitat d'hivernage, avec des sédiments de dragage afin d'assurer des avantages à long terme aux Grues blanches.
- Peaufiner les techniques de prévention des maladies chez les oiseaux en captivité (notamment la vaccination contre le virus du Nil occidental et les tests de dépistage de la tuberculose), former des couples et favoriser la reproduction hâtive, gérer la génétique, améliorer l'alimentation des oiseaux en captivité et amener les grues à adopter des comportements typiques des oiseaux sauvages en prévision de leur mise en liberté.
- Améliorer les techniques de réintroduction en prévision de l'établissement d'une deuxième population migratrice, afin de favoriser la survie et l'adoption de bons comportements de migration.
- Élaborer des tests de mesure de la corticostérone dans les matières fécales afin de comparer les niveaux de stress associés à diverses techniques de gestion en captivité.
1.9.3 Exigences en matière de recherche visant à préciser les menaces
Il faudra mener des recherches pour préciser les menaces identifiées précédemment (section 1.8). Voici certains des sujets qui devront être abordés :
- impact de la réduction des débits entrants à l'Aransas National Wildlife Refuge;
- causes de mortalité chez les populations réintroduites;
- techniques de séparation des lignées afin de préserver et d'accroître la diversité génétique des oiseaux.
1 Maintenant connu sous le nom scientifique de Schoenoplectus tabernaemontani (K.C. Gmel.) Palla
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