Haliotide pie (Haliotis kamtschatkana) programme de rétablissement : chapitre 1


1. Contexte

1.1 Information sur l’évaluation de l’espèce provenant du COSEPAC


Date de l’évaluation : mai 2000

Nom commun (population) : haliotide pie

Nom scientifique : Haliotis kamtschatkana

Désignation du COSEPAC : espèce menacée

Raison de la désignation : Ce mollusque marin, réparti de façon inégale le long de la côte ouest, est fortement prisé par les pêcheurs. Or, son déclin se poursuit malgré une fermeture complète de la pêche en 1990, probablement en raison des niveaux élevés de braconnage qui se maintiennent. Il existe des preuves voulant que le déclin et la fragmentation de la population affectent la capacité reproductrice de l’espèce, même s’il existe encore un réservoir d’adultes reproducteurs.

Présence au Canada : Océan Pacifique

Historique de la désignation du COSEPAC : Espèce désignée en tant qu’espèce menacée en avril 1999. La situation a été réexaminée et confirmée en mai 2000. La dernière évaluation est fondée sur le rapport de situation.

1.2 Description

L’haliotide est un mollusque marin apparenté aux escargots et aux buccins. L’haliotide pie, Haliotis kamtschatkana(Jonas, 1845) est l’une des quelque 65 espèces d’haliotide (Haliotis spp.) présentes dans le monde (Geiger et Poppe, 2000). H. kamtschatkana est appelée « pinto abalone » aux États-Unis, selon la tradition qui consiste à nommer les haliotides en fonction de leur couleur. En C.-B., le terme « ormeau nordique » est également utilisé, en faisant référence au fait qu’il s’agit de l’haliotide vivant le plus au nord (Sloan et Breen, 1988).

La coquille en forme d’oreille de l’haliotide pie est relativement petite, mince, aplatie et ovale. Près de la marge étroite de la coquille, il y a de trois à six trous. La structure spiralée de la coquille présente un relief en bosses de forme irrégulière. La coquille est mouchetée de rougeâtre ou de verdâtre et comporte également des parties blanches ou bleues (McLean, 1966). Le dessus de la coquille se camoufle habituellement parmi les algues. Le nacre à l’intérieur de la coquille est moins coloré que chez beaucoup d’autres espèces (paua de Nouvelle-Zélande, H. iris, est l’espèce utilisée le plus souvent en bijouterie) et ne possède d’impression du muscle abducteur. Le pied est bordé de tentacules. Deux tentacules proéminentes marquent l’extrémité antérieure de l’haliotide. La spirale supérieure est portée vers l’arrière.

1.3 Populations et répartition

L’haliotide pie est présente au large de la côte ouest de l’Amérique du Nord, dans la zone infralittorale peu profonde, le long de côtes rocheuses, dans des eaux exposées et semi-exposées. Son aire de répartition s’étend de Yakutat, en Alaska (O’Clair et O’Clair, 1998), jusqu’à Turtle Bay, en Basse-Californie (McLean, 1966). Au Canada, l’haliotide pie n’est présente que sur la côte du Pacifique. Elle forme des groupements sur des substrats durs, dans la zone intertidale et la zone infralittorale peu profonde. La plupart des haliotides adultes sont observées dans des eaux côtières exposées ou semi-exposées d’une profondeur < 10 m.

Canada – C.-B.

Depuis 1978, la population d’haliotides pies de la C.-B. est évaluée sur des repères selon un modèle de relevés standard (Breen et Adkins, 1979). Nombre des relevés effectués entre 1978 et 1990, tout comme la plupart des pêches commerciales, ont eu lieu dans des zones longeant le sud-est d’Haida Gwaii/îles de la Reine-Charlotte (IRC) et le secteur centre de la côte de la C.-B. (Winther et al., 1995; Harbo, 1997; Campbell et al., 1998). La plupart des relevés ont été effectués dans des zones où avaient lieu d’importantes prises commerciales et où l’haliotide pie était la plus abondante (Sloan et Breen, 1988). Les quelques relevés menés dans le secteur sud de la côte de la C.-B. (Quayle, 1971; Breen et al., 1978; Adkins, 1996; Wallace, 1999) n’ont pas eu une couverture aussi étendue que ceux faits au nord.

Les relevés effectués dans le secteur sud-est des IRC et dans le secteur centre de la côte de la C.-B. révèlent des tendances chronologiques générales indiquant que l’abondance de l’haliotide pie a décliné de plus de 75 % entre 1977 et 1984. Ces relevés indiquent par ailleurs que l’abondance de l’haliotide pie est demeurée faible ou qu’elle a continué à diminuer jusqu’en 2002 (Winther et al., 1995; Thomas et Campbell, 1996; Campbell et al., 1998, 2000a; Atkins et al., 2006; Lessard et al., 2006). La densité moyenne totale des haliotides pies à des sites repères comparables a varié de 2,4 à 0,27 individus par m2dans le cas du secteur centre de la côte de 1979 à 2001; cette densité est passée de 2,2 à 0,34 individus par m2pour les IRC de 1977 à 2002. Les similitudes de la densité des haliotides pies entre de nouveaux sites échantillonnés au hasard et les sites repères nous indiquent que la densité moyenne observée pour l’ensemble des sites repères est raisonnablement représentative des haliotides pies adultes échantillonnées dans des zones du secteur centre de la côte de la C.-B. en 1997 et du secteur sud-est des IRC en 1998 (Campbell et al., 1998, 2000a). D’autres relevés effectués à l’aide d’autres modes d’échantillonnage confirment également les faibles densités d’haliotides pies observées dans le cadre des relevés menés à des sites repères situés dans les mêmes secteurs (Lessard et al., 2002; J. Lessard, Pêches et Océans Canada, Nanaimo, C.-B., V9T 6N7, comm. pers.)

L’examen des sites repères étudiés aux IRC et dans le secteur centre de la côte de la C.-B. révèle un déclin général quant au nombre de sites où on dénombre au moins une haliotide pie par m2 entre 1978 et 2002 (Campbell, 2000b, Atkins et al., 2006; Lessard et al., 2007). La proportion des sites repères où l’on trouve des haliotides pies de grande taille (longueur de coquille (LC) ³100 mm) a, en général, diminué de89 et 77 % à 27 et 25 % respectivement pour le secteur centre de la côte et les IRC. La diminution au chapitre de la densité des haliotides pies et le déclin du nombre de sites où elles sont présentes laissent croire à un épuisement des haliotides pies de grande taille.

Les relevés et les observations effectués dans le sud de la C.-B. révèlent des densités encore plus faibles d’haliotides pies (J. Lessard, comm. pers.). On a commencé à effectuer des relevés à de nouveaux sites repères sur la côte ouest de l’île de Vancouver (COIV) en 2003 et dans les détroits de la Reine-Charlotte et de Johnstone en 2004. Par ailleurs, des relevés limités ont été menés dans le bassin de Georgia en 2005. L’estimation moyenne totale de la densité était de 0,9 haliotide/m2 pour la COIV à partir de tous les sites échantillonnés, mais de 0,21 haliotide par m2 dans le détroit de Quatsino, où se trouve un habitat davantage protégé pour l’haliotide pie (Atkins et al., 2004). Les estimations moyennes totales de la densité étaient de 0,6 haliotide par m2 dans le détroit de la Reine-Charlotte et de 0,02 haliotide par m2 dans le détroit de Johnstone (Davies et al., 2006). Wallace (1999) fait état d’une abondance relativement élevée d’haliotides pies dans un secteur près du pénitencier William Head, près de Victoria, où la présence des gardiens de prison peut avoir découragé certains braconniers à s’aventurer près du rivage. Cependant, au cours des plus récents relevés effectués à William Head, en 2005, seulement trois individus ont été trouvés à deux (11 %) des 19 sites visités, et tous étaient de grande taille (LC > 100 mm). La raison la plus probable est que les haliotides de grande taille trouvées lors des relevés précédents étaient sous doute morts et que le recrutement avait été faible (J. Lessard, comm. pers.). La densité moyenne pour l’ensemble des sites étudiés dans le bassin de Georgia en 2005 était de 0,0098 individus par m2, ce qui est de beaucoup inférieur aux densités estimées en 1982 (0,73 individus par m2) et en 1985 (1,15 individus par m2) dans le même secteur. L’absence d’individus immatures et la faible densité des adultes laissent croire à un faible potentiel de recrutement dans l’avenir pour ce secteur.

Breen (1986) ainsi que Sloan et Breen (1988) indiquent que les populations d’haliotides ont probablement fluctué, et ce, même en l’absence d’une pêche commerciale. Des relevés exploratoires menés dans le secteur sud-est des IRC en 1955 par Quayle (1962) indiquent que l’haliotide pie était moins abondante en 1955 qu’en 1914 (Thompson, 1914) et qu’à la fin des années 1970 (Sloan et Breen, 1988). La disparition des loutres de mer de la C.-B. au début des années 1900 a eu un effet sur un certain nombre de populations d’invertébrés, y compris l’haliotide pie. La réintroduction et l’expansion récente de la population de loutres de mer rend donc improbable le rétablissement de la population de l’haliotide pie aux niveaux observés vers la fin des années 1970.

Monde – États-Unis

La commission de sauvegarde des espèces de l’IUCN a désigné H. kamtschatkana en tant qu’espèce menacée de disparition à l’échelle mondiale d’après la réduction observée de l’effectif de l’espèce (> 50 %). Même si les déclins observés en C.-B. et dans l’État de Washington indiquent une réduction de la population (> 80 %), l’évaluation a montré que l’élimination historique des loutres de mer avait entraîné des niveaux anormalement élevés en période de pré-exploitation [de l’haliotide] et que, par conséquent, l’espèce ne devait plus être considérée comme étant dangereusement en voie de disparition. L’évaluation indique également l’absence d’importantes populations d’haliotides pies au sud des îles San Juan, Orcas et Lopez dans l’État de Washington (IUCN, 2005).

Comparativement à ce qui a été observé en C.-B., la densité moyenne de l’haliotide pie dans l’État de Washington en 2006, aux sites repères de l’île San Juan, était de 0,032 individus par m2 et variait de 0,000 à 0,082 individus par m2; aucune haliotide n’a été observée dans deux sites sur dix (Don Rothaus, Washington Department of Fish and Wildlife, Mill Creek, WA 98012-1296, comm. pers.). L’haliotide pie a été désignée en tant qu’« espèce candidate » (State Candidate Species) dans l’État de Washington en 1998 et a été désignée en tant qu’espèce préoccupante par la NOAA (Fisheries) en 2004 afin qu’elle soit protégée en vertu de la Endangered Species Act.

Aucune estimation de la densité de la population de l’Alaska n’est disponible depuis que la pêche commerciale a été fermée en 1996 (IUCN, 2005).

1.4 Besoins de l’haliotide pie

1.4.1 Besoins en matière d’habitat et besoins biologiques

D’ordinaire, on trouve l’haliotide pie sur des substrats durs, tels que des roches, des blocs rocheux ou des roches en place, ainsi que dans des zones où l’action des vagues est d’une puissance allant de modérée à élevée, comme c’est le cas pour eaux côtières exposées ou semi-exposées. La majeure partie des haliotides pies adultes sont présentes près des côtes, dans des eaux exposées ou semi-exposées d’une profondeur  < 10 m  (Breen et Sloan, 1988).

Présentement, il y a suffisamment d’habitats disponibles pour la population d’haliotides pies sur la côte de la C.-B. Bien que la population d’haliotides ait décliné, aucune réduction importante n’a été enregistrée du côté de l’habitat disponible. En conséquence, la perte d’habitats n’est pas une préoccupation majeure pour le rétablissement de l’haliotide pie à l’heure actuelle, comparativement aux menaces relevées.

La croissance de l’haliotide pie peut varier considérablement d’une zone à l’autre, selon l’ampleur de l’exposition à l’action des vagues ainsi que selon la disponibilité et la qualité de la nourriture. La croissance des adultes tend à s’arrêter dans les zones côtières du large hautement exposées, où la nourriture peut être limitée en raison de la forte action des vagues et des courants marins (« haliotides surfeuses »). Les possibilités de trouver de la nourriture peuvent être réduites du fait que l’haliotide aurait  plus de difficulté à saisir des algues à la dérive et à s’y maintenir. Lorsque des « haliotides surfeuses » ont été transférées  dans des habitats plus calmes et plus riches en varech, leur taux de croissance était plus élevé que celui des  haliotides qui fréquentent des zones de grande énergie (Emmett et Jamieson, 1988). La croissance de l’haliotide est plus rapide dans des zones modérément exposées avec des peuplements de varech géant, Macrocystis integrifolia, ou de nereocystis de Lutke (Nereocystis luetkeana), que dans des zones fortement exposées avec des peuplements de Pterygophora californica (Sloan et Breen, 1988).  

Les haliotides pies adultes se regroupent dans des zones d’eau peu profonde et chaude pour y répandre simultanément leurs gamètes (Breen et Adkins, 1980). La reproduction au large des côtes de la C.-B. se produit généralement entre avril et juillet. Les femelles de grande taille (LC ³100 mm) contribuent beaucoup plus à la fécondité de la population que les petites femelles adultes (Campbell et al., 1992; Campbell et al., 2003). Parmi les facteurs qui peuvent provoquer une reproduction de masse chez Haliotis spp., mentionnons des facteurs environnementaux tels que les changements de température (Sloan et Breen, 1988) ainsi que des tempêtes mineures et des typhons (Sasaki et Shepherd, 1995). Les études menées sur Haliotis spp. (Clavier, 1992; McShane, 1995a,b; Shepherd et Partington, 1995; Babcock et Keesing, 1999) et sur les oursins (Levitan et al., 1992) ont fait ressortir que la dilution des gamètes en raison d’une moins grande densité d’adultes reproducteurs pouvait entraîner une baisse du succès de la fertilisation (Levitan et Sewell, 1998). Puisque le succès de la fertilisation repose sur la densité des groupements d’haliotides, les taux d’exploitation et la forte mortalité naturelle dans les groupements d’haliotides pourraient être des facteurs importants influant sur la production d’œufs (Campbell, 1997).

Dans les 48 heures suivant la fertilisation, la trochophore planctonique émerge des œufs. La phase planctonique de l’haliotide pie est courte et dépendante de la température (12 jours à 14 ºC, 13 jours à 17,5 ºC (Standley, 1987). Les larves se déposent sur des algues calcifiées (Sloan et Breen, 1988). Les petits haliotides pies juvéniles (LC < 10 mm) sont difficiles à trouver. Les haliotides pies juvéniles (LC de 10 à 70 mm) se trouvent sous ou sur des surfaces rocheuses exposées,  tandis que la majorité des adultes (LC ³ 70 mm) sont observés sur des surfaces rocheuses exposées. Le nombre d’haliotides juvéniles visibles sur les surfaces rocheuses exposées est plus élevé la nuit que le jour. Les densités d’haliotides juvéniles (LC £ 30 mm) observées sur les sites à l’étude de la réserve du Parc national Pacific Rim étaient beaucoup plus élevées (par un facteur de 15,74) la nuit que le jour (H. Holmes, Agence Parcs Canada, réserve du Parc national Pacific Rim, Ucluelet, C.-B., VOR 3A0, comm. pers.). Au fur et à mesure que les juvéniles gagnent en maturité, leur régime alimentaire passe de diatomées benthiques et de microalgues aux microalgues entraînées par la dérive présentes dans les zones moins profondes et plus exposées. Les zones fréquentées généralement par les adultes et celles fréquentées par leur progéniture seraient à proximité les une des autres. Les études laissent entendre que la dispersion larvaire chez certaines espèces d’haliotide peut aller d’aires géographiques peu étendues d’une centaine de mètres à plusieurs kilomètres (Tegner et Butler 1985a; Prince et al., 1987; McShane, 1992, 1995a,b; McShane et al., 1988).

1.4.2 Rôle écologique

Dans les zones côtières exposées ou semi-exposées, l’haliotide pie est un herbivore et une proie pour de nombreuses espèces. Le rétablissement de l’haliotide pie peut être associé à l’abondance et à la santé des peuplements de varech dans certaines zones. L’haliotide pie est en concurrence avec d’autres espèces (p. ex., oursins rouges [Strongylocentrotus franciscanus]) pour la nourriture et l’espace. L’haliotide pie est une proie pour la loutre de mer (Enhydra lutris), la loutre de rivière (Lutra canadensis), le vison (Mustela vison), le crabe (Cancer spp.), les étoiles de mer (Pycnopodia helianthoides), les pieuvres (Octopus dofleini), le loup ocellé (Anarrhichthys ocellatus), le chabot marbré (Scorpaenichthys marmoratus) et d’autres espèces de chabots (Cottidae spp.). Le rôle joué par les loutres de mer dans l’écosystème des peuplements de varech côtiers aurait un impact important sur la structure des populations d’haliotides pies lorsque les deux espèces cohabitent. Des études ont démontré que l’haliotide, dans les secteurs où les loutres de mer sont présentes, se cache dans des crevasses ou d’autres habitats cryptiques où elle est inaccessible aux loutres de mer ou cachée à leur vue (Watson, 2000).

1.4.3 Facteurs limitatifs

L’haliotide pie est vulnérable à la pêche du fait que sa répartition est inégale (groupements), qu’elle possède une courte période larvaire, que sa croissance est lente, qu’elle vit relativement longtemps et qu’elle affiche un recrutement lent et sporadique. En outre, les individus adultes, qui ont tendance à se regrouper en eau peu profonde, sont facilement accessibles aux pêcheurs.

On ne sait pas quelle abondance et quelle aire de répartition doit avoir la population d’haliotides pies pour assurer une reproduction efficace et un recrutement suffisant par la suite. En général, nos connaissances sur des espèces d’haliotides nous indiquent qu’il faut qu’il y ait des densités suffisantes d’haliotides adultes de grande taille assez proches les unes des autres pour assurer une reproduction efficaces et produire une descendance viable (Babcock et Keesing, 1999).

Le recrutement se définit comme le nombre de juvéniles qui parviennent à joindre les rangs de la population adulte. En général, il faut des densités élevées d’haliotides pies adultes pour assurer un recrutement suffisant. Shepherd et Partington (1995), à l’aide d’une courbe du recrutement du stock de Ricker, suggère l’existence d’un seuil de densité critique du stock (0,15 individu par m2) pour H. laevigata dans la baie Waterloo, en Australie méridionale, en deçà duquel le risque d’échec du recrutement est élevé. Des études ultérieures menées par Shepherd et Rodda (S. Shepherd, SARDI Aquatic Sciences, Henley Beach, Australie méridionale, comm. pers.) ont démontré l’existence de  seuils plus élevés, à environ 0,3 individus par m2. Shepherd et Brown (1993) ont constaté qu’une « population minimale viable » (de plus de 800 individus d’H. laevigata) était nécessaire à l’île Ouest, en Australie; toute abondance inférieure à ce seuil entraîne un échec du recrutement. Shepherd et Baker (1998) indiquent que le recrutement dans une pêche à l’haliotide pourrait être relativement moins élevé et plus variable chez les petites populations d’haliotides que chez les grandes populations. En pareil cas, les petites populations auraient besoin d’une plus grande production d’œufs pour éviter d’être décimées. Ces études soutiennent l’incidence de l’effet d’Allee, ou effet dépensatoire (Allee et al., 1949), selon lequel de faibles densités d’haliotides et un nombre limité de groupements réduisent le succès de la reproduction en raison du faible taux de fertilisation des gamètes.

Selon de récentes simulations effectuées avec des modèles, la mortalité devrait diminuer pour que les populations d’haliotides pies puissent s’accroître (Lessard et al., 2006).

1.5 Valeur socio-économique

Les Premières nations côtières ont pendant longtemps consommé la chair des haliotides (Haliotis spp.). Les coquilles et des morceaux de coquille de l’haliotide pie ou de l’haliotide rouge (H. rufescens) provenant d’aussi loin que la Californie étaient acquis par les Premières nations de la C.-B. qui les utilisaient pour fabriquer des leurres de pêche, des bijoux et des incrustations pour leurs sculptures (Stewart, 1977; Sloan, 2003). La présence de boutons faits de coquille d’haliotide sur des couvertures de cérémonie représentait un signe de richesse pour les Tsimshian (Reece, 2000). La récolte était en général limitée aux zones submergées par les marées les plus basses, quoique certains groupes, comme les Haida, utilisaient également un genre de trident pour avoir accès aux haliotides présentes dans les zones infralittorales, 2 m plus bas que les zones submergées par les marées les plus basses (Jones, 2000). Les Premières nations côtières de la C.-B. se disent préoccupées par le fait que la population d’haliotides pies soit menacée, les pêches pratiquées à des fins alimentaires, sociales et cérémonielles étant fermées[1]. L’intérêt manifesté à l’égard des pêches à l’haliotide à des fins de subsistance, sociales et cérémonielles a été une source de motivation pour l’établissement de programmes de reconstitution des stocks d’haliotides pies dans certaines régions. Certains de ces programmes vont au-delà des objectifs du programme de rétablissement, mais soutiennent néanmoins le rétablissement de l’haliotide pie.

En plus des préoccupations des Premières nations, les fermetures des pêches commerciales et sportives à l’haliotide ont représenté une perte importante pour les participants de ces secteurs, les industries connexes et les communautés côtières. Même si une petite pêche sportive et commerciale à l’haliotide avait lieu en C.-B. dès les années 1900, c’est en 1972 qu’une pêche en plongée commerciale dirigée à l’haliotide pie a sérieusement débuté. Prenant de l’ampleur tout au long des années 1970, la pêche commerciale a atteint un sommet en 1977, avec des débarquements de 481 t. La majorité de la pêche se déroulait dans les secteurs nord et centre de la côte de la C.-B. et dans les îles de la Reine-Charlotte (Adkins, 2000; Campbell, 2000b). La valeur de la pêche commerciale a atteint un sommet de 1,86 M$ (valeur débarquée) en 1978 (Sloan et Breen, 1988). L’haliotide pie était également considérée comme un aliment gastronomique, et les plongeurs sportifs avaient un vif intérêt pour cette espèce. Les préoccupations relatives à la conservation de l’espèce ont entraîné la fermeture complète de toutes les pêches à l’haliotide pie en C.-B. en 1990, y compris la pêche sportive, la pêche commerciale et la pêche pratiquée par les Premières nations à des fins de subsistance, sociales et cérémonielles.

Il n’existe aucune autre espèce d’haliotide sur la côte canadienne du Pacifique dont l’abondance est suffisante pour remplacer directement les pêches à l’haliotide pie. Les pêches sportive et commerciale en plongée ainsi que la pêche pratiquée à de fins de subsistance, sociales et cérémonielles par les Premières nations se poursuivent pour d’autres espèces d’invertébrés (la valeur des pêches commerciales aux invertébrés en C.-B. est importante et est estimée présentement à 122,1 M$) (2005 British Columbia Seafood Industry Year in Review).

Présentement, aucune pêche commerciale à l’haliotide pie n’est pratiquée. Il n’y a jamais eu de pêche commerciale à l’haliotide pie dans l’État de Washington, et la pêche commerciale de l’Alaska a été fermée en 1996. La pêche sportive a été fermée en 1994 dans l’État de Washington, mais il y a présentement une pêche sportive/de subsistance en Alaska. D’autres espèces d’haliotides (p. ex., haliotide rouge, H. rufescens) provenant d’exploitations aquicoles ou de pêches commerciales dans d’autres pays (y compris l’Australie, le Mexique, la Chine, le Chili et les États-Unis) sont encore disponibles en C.-B.

Des projets pilotes ont été mis de l’avant en 2000 en vertu du programme de reconstitution du stock d’haliotides (Dovetail, 1999). Ces projets visent à élaborer des techniques d’élevage pour l’haliotide pie en C.-B. Le Bamfield Huu-ay-aht Community Abalone Project (BHCAP) assure toujours un soutien au programme de rétablissement de l’haliotide (y compris la reconstitution du stock par l’ensemencement en milieu sauvage d’haliotides pies élevées en écloseries); ce programme a également comme but d’offrir des possibilités économiques à la communauté. Les activités du BHCAP sont autorisées en vertu de l’article 73 de la LEP. Les premières ventes d’haliotides pies d’élevage ont été effectuées par le BHCAP en 2006.

Les associations touristiques et les groupes de plongeurs ont exprimé un intérêt à l’égard du maintien d’environnements aquatiques de qualité, y compris de communautés d’invertébrés abondantes et en santé, ce qui en général vient soutenir les efforts de rétablissement de l’haliotide. Le grand public a également un intérêt envers la protection des espèces en péril et le maintien d’un environnement de qualité.

1.6 Menaces

1.6.1 Classification des menaces

Tableau 1.Tableau de classification des menaces
1. Pêche illégale Informations sur la menace
Catégorie de menace Exploitation non rationnelle
Envergure
Répandue
  Locale Aire de répartition
Menace générale Pêche Occurrence   Historique et actuelle
Fréquence   Continue/récurrente
Menace précise Pêche illégale Certitude causale   Élevée
Gravité   Élevée
Contrainte Effectif réduit Degré de préoccupation Élevé
2. Recrutement faible Informations sur la menace
Catégorie de menace Changements dans la dynamique écologique ou le processus naturel
Envergure
Répandue
  Locale Aire de répartition
Menace générale Recrutement faible (ou absent) Occurrence   Historique et actuelle
Fréquence   Inconnue
Menace précise Densité insuffisante de reproducteurs et causes naturelles Certitude causale Élevée Moyenne
Gravité Élevée Élevée
Contrainte Effectif réduit Degré de préoccupation Élevé
3. Ouvrages ou aménagements sur l’eau, dans l’eau ou sous l’eau Informations sur la menace
Catégorie de menace Dégradation ou perte de l’habitat
Envergure
Localisée
  Local Aire de répartition
Menace générale Ouvrages ou aménagements sur l’eau, dans l’eau ou sous l’eau Occurrence Anticipée  
Fréquence Récurrente  
Menace précise Altération des caractéristiques de l’habitat (p. ex., sédimentation) ou perte de l’habitat (p. ex., obstruction, enfouissement) Certitude causale Élevée à inconnue  
Gravité Élevée Faible
Contrainte Effectif réduit Degré de préoccupation Faible
4. Prédation par les loutres de mer Informations sur la menace
Catégorie de menace Changements dans la dynamique écologique ou le processus naturel
Envergure
Chevauchement de parties de l’aire de répartition
  Local Aire de répartition
Menace générale Prédation par les loutres de mer Occurrence Actuelle et éminente Anticipée
Fréquence Continue ou récurrente Inconnue
Menace précise Dynamique prédateur-proie modifiée (prédation) Certitude causale Moyenne Inconnue
Gravité Élevée Inconnue
Contrainte Mortalité accrue et effet inconnu sur la dynamique de la population Degré de préoccupation Moyen


1.6.2 Description des menaces

La poursuite de la pêche illégale et les faibles niveaux de recrutement qui se maintiennent ont eu un impact prédominant et généralisé et sont considérés comme étant les menaces les plus importantes qui pèsent sur le rétablissement de l’haliotide pie.

Pêche illégale

Les haliotides pies adultes, qui ont tendance à se regrouper dans les eaux peu profondes, sont facilement accessibles pour les pêcheurs. La valeur sur le marché de l’haliotide, de même que les difficultés à faire appliquer les fermetures de pêche dans une vaste zone côtière en majeure partie inhabitée, sont des facteurs qui favorisent la pêche illégale. La pêche illégale ne fait pas qu’épuiser la population d’haliotides pies qui est déjà décimée. Elle réduit également son potentiel reproducteur puisque les haliotides pies adultes de grande taille ont été prélevées, tandis que les reproducteurs qui restent sont trop éloignés les uns des autres pour pouvoir se reproduire. Des échantillons d’haliotides pies pêchées illégalement entre 1995 et 1998 laissent croire que les pêcheurs avaient prélevé sans discernement des haliotides adultes qui étaient généralement de grande taille (Campbell, 2000b). Les taux de mortalité récents estimés chez l’haliotide pie par Lessard et al. (2006) indiquent qu’ils sont trop élevés (selon toutes les sources) pour assurer la pérennité de la ressource.

En février 2006, trois activités de braconnage distinctes ont pris fin lorsque des agents des pêches ont saisi la plus grande cargaison d’haliotides pies récoltées illégalement dans l’histoire du Canada : 1 120 kg, ou environ 11 000 individus, ont été saisis. Les braconniers provenaient généralement des communautés côtières, et les haliotides étaient destinées à la vente ou à la consommation personnelle. Des condamnations pour achat ou vente d’haliotides pies ont été prononcées ces dernières années à l’endroit de détaillants de fruits de mer de Vancouver ainsi que d’un restaurateur chinois à Victoria, C.-B. Les tribunaux ont traité le braconnage avec sérieux. Ainsi, de fortes amendes, la saisie de bateaux, de véhicules et d’engins de pêche ainsi que l’interdiction de pêcher sont des sentences courantes aujourd’hui.

Sans réduction de la pêche illégale, sans protection des haliotides adultes, sans une fermeture continue des pêches et sans la mise en œuvre d’autres méthodes de rétablissement efficaces, l’abondance de la population d’haliotides pies demeurera faible ou continuera de décliner dans de nombreux secteurs.

Faible recrutement

Un faible recrutement dans une zone, lorsqu’il s’échelonne sur plusieurs années, peut contribuer à accentuer le déclin de la population d’haliotides pies en ne permettant pas le renouvellement des adultes reproducteurs  morts de cause naturelle ou pêchés illégalement. En général, de fortes densités d’haliotides pies adultes sont nécessaires pour assurer un recrutement efficace (voir la section 1.4.1, Besoins en matière d’habitat et besoins biologiques).

Bien qu’un faible recrutement provoqué par des facteurs biotiques et environnementaux défavorables ne puisse d’ordinaire être prévu ni contrôlé, en s’assurant de la présence d’un nombre suffisant d’haliotides pies adultes qui se reproduisent chaque année, on s’assure d’un recrutement élevé lorsque les conditions environnementales sont favorables.

Perte ou dégradation de l’habitat

Les travaux et les aménagements sur l’eau, dans l’eau et sous l’eau (p. ex., marinas, installations de chargement, élevages aquicoles) peuvent avoir un impact négatif sur l’habitat de l’haliotide pie et sur les effectifs de l’espèce dans de nombreuses zones localisées. Il faudra donc continuer à en faire le suivi et à réglementer de tels projets afin de maintenir l’habitat dans lequel l’haliotide pie peut se rétablir et de prévenir les pertes de groupements de reproducteurs importants. Des protocoles concernant l’autorisation et le suivi des travaux et des aménagements à proximité de l’habitat de l’haliotide ont été élaborés (Lessard et al., 2006).

Prédation par les loutres de mer

Historiquement, les loutres de mer ont été communes dans les régions côtières du Pacifique Nord. On les a chassées jusqu’à pratiquement provoquer leur extinction au milieu des années 1700 jusqu’à ce que l’on décrète leur protection, en 1911, et elles ont été réintroduites en C.-B. par les gouvernements fédéral et provincial dans le cadre de trois translocations de 89 loutres de mer en 1969, en 1970 et en 1972 (Watson, 2000). La population de loutres de mer est également considérée comme menacée en vertu de la LEP (2003). Dans les secteurs au large des côtes ouest et nord de l’île de Vancouver et dans l’archipel Goose Group, dans le secteur centre de la côte de la C.-B., où les loutres de mer sont maintenant établies, ces dernières se nourrissent d’haliotides pies, ce qui réduit la densité, la taille et la répartition des haliotides pies comparativement aux secteurs où la loutre de mer est absente (Breen et al., 1982; Watson, 1993). Même si les loutres de mer ne sont manifestement pas responsables du déclin observé au sein de la population d’haliotides pies au cours des dernières décennies, l’expansion de l’aire de répartition des loutres se traduira par le maintien des populations d’haliotides pies à de faibles niveaux.

L’haliotide pie et les loutres de mer ont coexisté dans le passé, avant la disparition des loutres de mer. Toutefois, les niveaux auxquels ces espèces coexistaient ou les fluctuations qu’ont pu afficher ces populations dans le passé demeurent inconnus. La majorité de nos connaissances sur la population d’haliotides pies correspondent à la période où la loutre de mer était absente.

L’expansion de l’aire de répartition des loutres de mer peut être préoccupante dans les secteurs où la population d’haliotides est déjà décimée et peut rendre impossible l’atteinte des objectifs de rétablissement de l’haliotide, tels qu’ils sont définis présentement en fonction des zones où la loutre de mer est absente. À la condition que les densités d’haliotides pies demeurent suffisantes pour permettre la reproduction de l’espèce, les loutres de mer peuvent, à long terme, aider l’haliotide pie à se rétablir en augmentant la biomasse de varech et d’algues et, par le fait même, en accroissant la quantité d’aliments auxquels ont accès les haliotides. Cette interaction a été mise en lumière en tant que lacune dans les connaissances (se reporter à la section 1.8). Il faudra donc raffiner les objectifs en matière de population et de répartition de l’espèce pour les secteurs où la loutre de mer est présente lorsque l’on connaîtra mieux les interactions entre ces espèces.

1.7 Mesures déjà prises ou en cours

Relevés des sites repères clés (1978-présent). Ces relevés sont effectués tous les 1 à 5 ans pour suivre l’abondance de la population et évaluer son rétablissement. Ces relevés à grande échelle sont considérés comme représentatifs puisqu’ils fournissent des tendances temporelles sur les populations d’haliotides pies.

Fermeture des pêches commerciales (1971-1990).En 1971, la pêche commerciale a été fermée dans la partie inférieure du détroit de Johnstone, dans le bassin de Georgia ainsi que dans le détroit de Juan de Fuca commerciale pour le bénéfice des pêcheurs sportifs. D’autres endroits ont été visés par un certain nombre de fermeture de la pêche commerciale pour le bénéfice des Premières nations et des pêcheurs sportifs (Farlinger, 1990).

Fermeture totale des pêches (1990-présent).En 1990, il y a eu une fermeture totale des pêches à l’haliotide pie pratiquées en C.-B. qu’il s’agisse de la pêche commerciale, de la pêche sportive et de la pêche pratiquée par les  Premières nations à des fins de subsistances, sociales et cérémonielles. Présentement, aucune pêche commerciale à l’haliotide pie n’est pratiquée en C.-B.

Statut d’espèce menacée (1999) et inscription à la liste de la LEP (2003-présent). L’haliotide pie a été désignée en tant qu’espèce menacée par le COSEPAC en 1999 et officiellement inscrite à la liste de la LEP en 2003 (avec la promulgation de la Loi). Une réévaluation du statut de l’haliotide pie par le COSEPAC est en préparation et devrait être effectuée en 2009.

Mesures d’application de la réglementation.Ces mesures ont été mises en œuvre par des patrouilles régulières à l’appui de l’interdiction de pêche et à la suite de rapports d’activités illégales. Des enquêtes et des opérations secrètes visent des activités de braconnage précises. Les pénalités et les amendes imposées par les tribunaux ont beaucoup augmenté ces dernières années.

Atelier international sur la reconstitution des populations d’haliotides en Colombie-Britannique. Cet atelier a eu lieu  en février 1999 et a réuni des participants provenant de communautés locales, de Premières nations, d’instituts de recherche internationaux ainsi que d’organismes gouvernementaux. L’accent a été mis sur l’élaboration de solutions pour rétablir les populations d’haliotides pies (coûts d’environ 100 K$). Treize documents révisés par des pairs ont été présentés (Campbell, 2000a), et un programme pour la reconstitution des populations d’haliotides en Colombie-Britannique a été préparé par Dovetail Consulting Inc. Les approches générales et les stratégies comprises dans le présent programme de rétablissement de l’haliotide sont tirées de cet atelier.

Projets pilotes pour soutenir la reconstitution de la population sauvage d’haliotides (2000-présent).En 2000, Pêches et Océans Canada, en collaboration avec plusieurs Premières nations, des communautés côtières et l’industrie de l’aquaculture, ont amorcé plusieurs projets pilotes pour soutenir la reconstitution des populations sauvages d’haliotides.

Sites de reconstitution.  Le Haida Fisheries Program et le Kitasoo Fisheries Program ont établi des sites de reconstitution à long terme de la population afin d’améliorer le recrutement par le biais du regroupement d’adultes reproducteurs adultes. En 2004, le Haida Fisheries Program et la Pacific Urchin Harvesters Association ont amorcé un projet de recherche conjoint visant l’étude des interactions entre l’haliotide pie et les oursins rouges, un concurrent potentiel de l’haliotide. Également en 2004, le Heiltsuk Abalone and Sea Otter Stewardship Project a établi des sites de reconstitution des populations où seront réalisées des études concernant les effets de la loutre de mer sur la population d’haliotides. Ces activités sont soutenues également par la mise en œuvre de programmes d’évaluation de la populations et de l’habitat (relevés), d’éducation et de sensibilisation de la communauté ainsi que de surveillance côtière (« Abalone Coast Watch »), en vue d’assurer la protection de la population d’haliotides. En 2002, Pêches et Océans Canada et l’Agence Parcs Canada ont établi des sites de recherche dans le parc national Pacific Rim afin d’étudier les besoins en matière d’habitat local pour le recrutement et de mettre à l’essai la technique de reconstitution des stocks consistant à regrouper des haliotides pies adultes à des fins de reproduction. Les travaux de modélisation et les relevés de nuit effectués présentement par l’Agence Parcs Canada ont été utilisés pour prévoir et évaluer le recrutement de juvéniles provenant des sites de regroupement. Selon les résultats préliminaires, le regroupement augmente le recrutement localisé. Les études sur le regroupement sont autorisées en vertu de la Loi sur les pêches et de l’article 73 de la LEP.

Élaboration d’une technique d’élevage et d’ensemencement. C’est en 2001 que le Bamfield Huu-ay-aht Community Abalone Project. En 2003, dans le cadre de ce projet, on a effectué les premiers ensemencements en milieu sauvage d’haliotides pies d’élevage. Depuis, deux millions de larves d’haliotides et 75 000 juvéniles ont été relâchés dans la nature. Le BHCAP a effectué les premières ventes d’haliotides pies d’élevage en 2006. Les haliotides élevées en écloseries sont disponibles pour des recherches (p. ex., maladies, alimentation, effets des élevages de poissons, interactions avec les oursins rouges) qui ne pouvaient auparavant pas être effectuées avec des haliotides sauvages. Les activités du BHCAP sont autorisées en vertu de la Loi sur les pêches et de l’article 73 de la LEP.

Équipe de rétablissement de l’haliotide (2001). Cette équipe constituée en novembre 2001 regroupe des représentants de Pêches et Océans Canada et de l’Agence Parcs Canada ainsi que du ministère de l’Environnement (auparavant de l’Eau, des Terres et de la Protection de l’air) et de la Agriculture et des Terres (autrefois de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Pêches).

Huit ateliers (2002). Ces ateliers, tenus en février 2002 pour les communautés côtières de la C.-B. (Bella Bella, Port McNeil, Powell River, Port Alberni, Victoria, Nanaimo, Prince Rupert et Skidegate), ont servi de tribunes au cours desquelles on a pu obtenir des commentaires sur le programme de rétablissement de la part de toutes les parties intéressées. Présentement, le programme de rétablissement a été révisé par sept examinateurs externes représentant les universités, le gouvernement et des organisations non gouvernementales du Canada, des États-Unis, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande.

Programme de rétablissement national pour l’haliotide pie au Canada (2002). Ce programme a été adopté en vertu de l’Accord pour la protection des espèces en péril en novembre 2002. Il s’agit de l’un des premiers programmes de rétablissement pour des espèces marines et le premier établi dans la région du Pacifique.

Sites repères dans le sud de la C.-B. (2003-2004). Ces sites ont permis de surveiller l’abondance des populations et d’évaluer le rétablissement dans les détroits de la Reine-Charlotte et de Johnstone ainsi que sur la côte ouest de l’île de Vancouver. Des relevés limités ont été effectués également dans le bassin de Georgia en 2005.

Documents et publications scientifiques. Ces documents et publications ont été produits afin d’augmenter notre base de connaissance sur l’haliotide pie (voir Références et Lectures supplémentaires).

Campagnes de communication contre la pêche illégale. Ces compagnes ont permis de réaliser de multiples activités, de diffuser du matériel produit par Pêches et Océans Canada et, enfin, de mener des projets d’intendance afin de sensibiliser le public sur la situation actuelle de l’haliotide pie et des dommages que cause la poursuite du braconnage. Parmi le matériel produit, mentionnons un site Web sur l’haliotide, des communiqués de presse, des programmes d’éducation et des présentations dans les écoles locales, des articles traduits dans la presse asiatique, des affiches, des collants, des tatouages, des t-shirts, des bouteilles d’eau et des brochures communautaires, divers autres sites Web, des formulaires de déclaration « Observe-Record-Report/Observer-Enregistrer-Rapporter », des bulletins de nouvelles et des ateliers. De nombreux articles de journaux, particulièrement ces dernières années, ont également supporté la campagne.

Recherche sur la génétique de l’haliotide (2001). La structure de la population d’haliotide pie a été identifiée en C.-B. et une technique d’analyse de l’ADN légiste a été élaborée pour que l’on puisse déterminer l’espèce à laquelle appartiennent les haliotides confisquées. Cette recherche vise à soutenir les mesures légales prises pour contrer le braconnage.

1.8 Lacunes au chapitre des connaissances

Dispersion des larves, taille des groupements et recrutement

Présentement, on en sait très peu sur la relation qui existe entre les concentrations d’haliotides pies adultes, le succès de la reproduction et la dispersion subséquente des larves et l’établissement des juvéniles. Les haliotides pies juvéniles sont cryptiques (c.-à-d. qu’ils se cachent dans les fissures et sont, de ce fait, impossibles à observer pendant les relevés) et difficiles à dénombrer tant qu’ils n’ont pas atteints leur maturité. La faible abondance et la fragmentation de la population sont des facteurs qui nuisent à la reproduction de l’haliotide pie. L’occurrence et la taille des groupements d’haliotides pies nécessaires au maintien d’un recrutement suffisant pour garder une population en santé doivent faire l’objet d’études. Même si un premier modèle stock-recrutement a été élaboré récemment pour l’haliotide pie (Lessard et al., 2006), on a toujours besoin d’une meilleure méthode de mesure des animaux cryptiques pour évaluer le recrutement.

Interactions entre les espèces

Nous devons avoir une meilleure compréhension des interactions écologiques entre l’haliotide pie et ses prédateurs (loutres de mer, etc.) et ses concurrents (oursins, etc). La loutre de mer, qui est un important prédateur de l’haliotide pie, est en train d’accroître son aire de répartition en C.-B. depuis qu’elle est disparue de la province et qu’elle y a été réintroduite Comme la plupart des études sur la population d’haliotides pies ont été effectuées alors que les loutres de mer étaient absentes, les objectifs de rétablissement de l’haliotide sont fondés sur des paramètres biologiques qui ont été déterminés sans tenir compte de l’incidence des loutres de mer. Les loutres de mer affectent la taille et la densité des haliotides pies et peuvent également avoir une incidence sur des facteurs tels que la taille à la maturité et la portion de la population qui demeure cryptique. Les loutres de mer affecteront également l’abondance et la répartition d’autres prédateurs de l’haliotide, y compris le crabe dormeur et d’autres crabes, ainsi que des concurrents de l’haliotide, particulièrement l’oursin rouge. Présentement, les facteurs qui facilitent la coexistence des loutres de mer et de l’haliotide pie demeurent inconnus. Il faut donc effectuer d’autres recherches sur ces facteurs. Il faut également établir des objectifs de rétablissement en tenant compte de la présence de la loutre de mer. Dans certaines régions, un accroissement de la prédation découlant de l’expansion de la population de loutres de mer sur une population déjà réduite et fragmentée d’haliotides pies soulève des préoccupations quant au rétablissement de l’haliotide pie.

Techniques de reconstitution des stocks

Les haliotides marquées demeurent relativement près du site où elles ont été introduites au cours de la première année (B. DeFreitas, Haida Fishery Program, Massett, C.-B., comm. pers.; J. Lessard, comm. pers.), ce qui est une période suffisamment longue pour permettre la reproduction. Une étude préliminaire menée par l’Agence Parcs Canada et Pêches et Océans Canada indique que le regroupement d’adultes reproducteurs peut contribuer de façon significative au recrutement local (Agence Parcs Canada, en préparation). L’ensemencement d’haliotides juvéniles a eu un succès limité avec d’autres espèces dans d’autres pays (Seki et Taniguchi, 2000; Shepherd et al., 2000; Tegner, 2000). Les travaux effectués récemment en C.-B. indiquent que la présence d’abris contre les prédateurs et, probablement, le choix de sites où les prédateurs sont moins abondants sont des points qu’il faut considérer au moment de l’ensemencement, particulièrement dans le cas des haliotides pies juvéniles de LC < 12 mm (Griffiths, 2006). Il faut poursuivre l’évaluation des techniques de reconstitution des stocks pour l’haliotide pie en C.-B.

Maladies/parasites

Les maladies ont gravement affecté les stocks d’haliotides sauvages de Californie (p. ex., syndrome du dépérissement du pied), mais on ignore si l’agent causal (un organisme de type Rickettsia qui infecte l’épithélium du tractus digestif) ou d’autres parasites observés en Californie (p. ex., coccidies des reins) sont présents au sein des populations d’haliotides pies de la C.-B. Comme l’échantillonnage aléatoire de l’haliotide pie sauvage en C.-B. ne peut pas être utilisé pour effectuer une étude sur les maladies en raison des faibles niveaux de population, on a échantillonné des haliotides d’élevage. Le stock reproducteur prélevé dans la population sauvage sera porteur des parasites enzootiques de la zone de prélèvement, et ces organismes peuvent être observables dans des conditions d’élevage. En outre, les haliotides d’écloseries élevées dans des installations seront porteuses d’agents pathogènes présents à proximité des installations d’élevage (étant donné les restrictions actuelles imposées sur le transfert d’haliotides entre différentes régions de la province, les haliotides d’élevage ne devraient pas développer de maladies « exotiques »). En outre, si des haliotides d’élevage sont utilisées dans le cadre d’expériences de reconstitution des stocks (ensemencement), les individus ensemencés doivent avoir fait l’objet au préalable de tests de dépistage des maladies afin de faire en sorte que seuls des individus en santé sont introduits dans la population sauvage.

Étendue de la pêche illégale

Les quantités connues d’haliotides pies de la C.-B. pêchées illégalement varient de < 45 à 4 500 kg (Jubinville, 2000). Une pêche illégale avait lieu avant la fermeture de la pêche commerciale, de la pêche sportive et de la pêche pratiquée par les Premières nations en 1900. Cette  pêche illégale s’est poursuivie par la suite à des niveaux s’exploitation qu’on ne connaît pas. Ainsi, malgré la fermeture, l’haliotide pie n’a pas donné de signes de rétablissement naturel. La densité des haliotides adultes de grande taille (LC > 100 mm) a continué de décliner aux sites repères et, selon les rapports, continue de décliner à d’autres endroits. Selon des renseignements anecdotiques, la pêche illégale se déroule à une échelle suffisamment importante pour poser un risque important pour la conservation de l’espèce.

Éclaircissement de préoccupations relatives à l’habitat

La mesure dans laquelle les ouvrages ou les aménagements sur l’eau, dans l’eau ou  sous l’eau (p. ex., élevages de poissons, camps flottants) peuvent poser une menace pour l’haliotide pie, soit par impacts directs ou par impacts indirects, dans des zones localisées demeure inconnue. Jusqu’à maintenant, une seule étude (Lessard et al., 2006) a porté de façon particulière sur les impacts indirects des élevages de poissons sur l’haliotide pie; cette étude a été effectuée avec des haliotides d’écloseries. Bien que l’on ait éprouvé certaines difficultés dans le cadre de l’étude en raison d’un faible taux de survie dans l’ensemble, la croissance était moins importante à proximité des installations d’élevage en comparaison avec les résultats obtenus pour les témoins. Le protocole pour l’autorisation de travaux et d’aménagements sur l’eau, dans l’eau et sous l’eau, aux endroits où l’haliotide est présente (Lessard et al.,[2006), utilise l’approche de précaution pour l’autorisation des sites que fréquente l’haliotide. Le protocole comporte des dispositions concernant le suivi et la collecte de données supplémentaires.

Désignation de l’habitat essentiel

Même si l’habitat de l’haliotide (section 1.4.1) n’est pas considéré comme un facteur limitatif, il peut exister certains habitats dans lesquels la survie des juvéniles est meilleure ou dans lesquels les adultes reproducteurs contribuent au recrutement total dans une plus grande proportion. La désignation de ces habitats clés est incluse dans les plans de reconstitution des stocks et de recherche sur l’haliotide.

[1] Si les populations d’haliotides se rétablissaient à des niveaux suffisants, la priorité serait accordée aux pêches des Premières nations à des fins de subsistance, sociales et cérémonielles, conformément au paragraphe 35(1) de la Constitution canadienne.

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