Lamproie du ruisseau Morrison (Lampetra richardsoni var. marifuga) programme de rétablissement : chapitre 4


Les menaces

3. Les menaces

Compte tenu de sa répartition extrêmement restreinte, on peut considérer la lamproie du ruisseau Morrison vulnérable à une variété de menaces. Il existe de grandes lacunes dans les connaissances que nous possédons sur la biologie de cette variété, ce qui rend l'évaluation des menaces quelque peu difficile. Quoi qu'il en soit, il est possible d'identifier les menaces générales, comme nous nous apprêtons à le faire.

Utilisation du sol. -- Certaines activités rattachées aux ressources naturelles peuvent modifier directement l'habitat aquatique (p. ex. les répercussions sur l'habitat riverain, une modification des taux de ruissellement ou la capacité de stockage de l'eau dans les cours supérieurs) ou indirectement (p. ex. des changements à la qualité de l'eau par l'introduction de matières polluantes). On compte au nombre de ces activités la foresterie polyvalente, l'exploitation minière et l'aménagement du terrain à des fins résidentielles ou industrielles. L'exploitation forestière et l'expansion urbaine sont à l'heure actuelle les deux principales inquiétudes en regard du bassin hydrologique du ruisseau Morrison. Dans le passé, l'exploitation forestière occupait la première place des préoccupations et l'autoroute Inland Island Highway, qui coupe à travers une vaste section du haut du bassin hydrologique, pourrait également comporter sa part de conséquences. Cependant, l'expansion urbaine, qui se traduit par l'agrandissement du village de Cumberland en direction du bassin hydrologique du ruisseau Morrison, semble maintenant être au centre des préoccupations sur la question de l'utilisation du sol.

Des pressions s'exercent en faveur du développement dans la région du ruisseau Morrison et elles se sont intensifiées au cours des dernières années. La modification de la couverture terrestre, que ce soit par la construction d'habitations ou l'aménagement de routes, ont en général pour conséquence de modifier plusieurs caractéristiques de la qualité de l'eau et des tracés des écoulements fluviaux (Chilibeck et al. 1992). D'une certaine façon, le ruisseau Morrison est peut-être à l'abri des répercussions des écoulements fluviaux, vu qu'il s'alimente de façon constante à l'eau de source et à l'eau souterraine. Cependant, il y a une série de menaces associées à l'expansion urbaine qui restent préoccupantes (Chilibeck et al. 1992). L'évaluation de cette menace exigera de l'information additionnelle sur la répartition et l'utilisation des habitats de frai et des habitats d'alevinage pour les lamproies du ruisseau Morrison et le repérage des secteurs clés du bassin hydrologique, qui demeurent essentiels au maintien au débit naturel.

L'exploitation forestière a été et continue d'être une activité dominante dans les eaux du ruisseau Morrison, mais ses répercussions se feront moins sentir alors que l'industrie réduira ses activités dans le bassin hydrologique. Les autres menaces peuvent cependant être plus difficiles à réglementer parce que le bassin hydrologique est de propriété privée et qu'il est ainsi soustrait des dispositions de la loi provinciale Forest and Range Practices Act (BC). Les principales menaces potentielles à l'habitat aquatique émanant des pratiques forestières comprennent la sédimentation, la destruction de l'habitat riverain et la modification de la qualité de l'eau. Il existe une vaste documentation scientifique faisant état des effets pervers des sédiments suspendus dans l'eau, tant sur les poissons que sur la survie de leurs œufs. Des hausses modérées de sédiments fins associés à l'exploitation forestière peuvent représenter un avantage pour les ammocètes des lamproies dans les drainages faibles en sédiments parce que les ammocètes sont élevés dans des habitats sédimentaires où on retrouve de fins sédiments, des conditions qui sont souvent absentes dans les pentes d'écoulement côtières élevées des bassins hydrologiques (Beamish 1998). Cependant, une trop forte concentration de sédiments peut avoir des répercussions néfastes sur l'habitat du frai et peut-être dans d'autres habitats des lamproies. Il est peu vraisemblable que les sédiments constituent un facteur limitatif dans le bassin hydrologique du ruisseau Morrison, qui contient un niveau plutôt bas de pentes d'écoulement et possède une abondance de substrats provenant des glaciers.

Utilisation de l'eau. -- La plupart des résidents du bassin hydrologique du ruisseau de Morrison reçoivent leur eau du système d'aqueduc du district régional, qui s'approvisionne au lac Comox (J. Palmer, comm. pers.). Les exceptions comprennent un petit nombre de propriétés alimentées par des puits et Puntledge Townsite (également connue sous l'appellation de « Bevan »), qui s'approvisionnent à la source alimentant le ruisseau Supply Creek, un affluent du ruisseau Morrison. Cette source alimente 10 maisons et, pour une partie de l'année, une petite alevinière à saumon exploitée par des bénévoles (permis d'exploitation hydraulique : Courtenay and District Fish and Game Protection Association).

Une consultation des demandes de permis d'exploitation hydraulique (disponible en anglais seulement de la Land and Water BC 2005) révèle une liste de huit permis d'exploitation hydraulique sur le ruisseau Morrison et 12 sur Supply Spring. Les permis sur le ruisseau Morrison couvrent au total 8515 /an-1, mais plusieurs ne spécifient pas une limite ponctuelle à la déviation de l'eau. Les permis pour Supply Spring totalisent 143,907 /an-1, avec environ 93% de l'ensemble est alloué à l'écloserie. Les modèles actuels de consommation ne sont pas connus (Kreye et al. 1996), donc il n'est pas possible d'évaluer les conséquences du détournement de l'eau sur l'écoulement fluvial. La demande future en eau est difficile à prédire mais, puisque la principale source d'eau résidentielle reste le lac Comox, il est possible que les exigences futures pour l'eau du ruisseau de Morrison n'augmentent pas de manière substantielle.

En plus des utilisateurs autorisés, il y a vraisemblablement des utilisateurs d'eau non autorisés dans le bassin hydrologique du ruisseau Morrison. Les menaces posées à la lamproie du ruisseau Morrison par les utilisateurs non autorisés ne sont pas connues, mais il semble peu vraisemblable qu'elles excèdent les menaces posées par les utilisateurs autorisés.

Qualité de l'eau. -- La qualité de l'eau n'a pas encore été soulevée comme une menace grave jusqu'à présent bien que l'enjeu soulève plusieurs inquiétudes. L'eau souterraine contaminée provenant des sites d'enfouissements sanitaires se déverse au nord-est dans les ruisseaux Morrison et Nellie et dans le lac Conox à l'ouest. On n'a pas fait d'études d'impact des conséquences potentielles de ce phénomène sur la qualité de l'eau associée à ces sources de pollution. L'expansion du village de Cumberland vers le bassin hydrologique du ruisseau Morrison sera vraisemblablement suivie par un accroissement de l'urbanisation. Les écoulements de surface des zones de développement nouvelles devraient provoquer une chute de la qualité de l'eau du ruisseau en raison du passage de l'eau à travers les routes, les immeubles, les pelouses et les surfaces urbaines. Cette menace pourrait exiger dans le futur une évaluation additionnelle, au fur et à mesure que l'information pertinente devient disponible.

Proies de base. -- À partir des études en laboratoire, on croit savoir que le L. richardsoni var. marifuga adulte est un parasite externe d'autres espèces de poissons bien que son comportement de nutrition n'ait pas été observé sur le terrain (Beamish 1985; Beamish et al. 1999). Par conséquent, on s'attend à ce que les répercussions anthropiques sur les espèces prédatrices (p. ex. la pêche récréative et commerciale, la dégradation et la destruction de l'habitat) portent directement atteinte à l'abondance de la lamproie du ruisseau Morrison. Les ammocètes sont des organismes filtreurs, se nourrissant de détritus et de matières organiques en suspension dans le lit de la rivière et dans les sédiments mous. Les activités qui changent la productivité de la base alimentaire des ammocètes devraient également toucher l'abondance pour la lamproie du ruisseau Morrison. Il n'y a pas eu d'évaluations quantitatives des menaces aux proies de base des lamproies du ruisseau de Morrison, mais Ellefson (2003) dresse une liste de préoccupations associées avec l'exploitation forestière et l'expansion urbaine au bassin hydrologique du ruisseau Morrison et leurs répercussions sur les poissons et les habitats du poisson.

Les espèces exotiques posent une menace possible, mais non quantifiée, à la lamproie du ruisseau Morrison. Plusieurs espèces aquatiques prédatrices, y compris la truite de mer, (Salmo trutta), l'achigan (Micropterus spp.), le crapet-soleil (Lepomis gibbosus), la perchaude (Perca flavescens), le poisson-chat (Ameiurus nebulosus) et l'ouaouaron (Rana catesbeiana) ont été introduits sur l'île de Vancouver et se dispersent dans la région. Ces espèces exotiques et d'autres qui ont été introduites peuvent représenter une menace directe aux ammocètes et aux adultes ou par le biais de changements à la base des proies de la lamproie et de la communauté écologique dans son ensemble. Présentement, cette menace est jugée mineure, mais elle pourrait représenter un danger plus important dans l'avenir.

Changements climatiques. -- Il est démontré scientifiquement hors de tout doute que le climat change et que les répartitions des animaux et des plantes répondent à ces changements (Parmesan and Yohe 2003). Puisque le climat influence de bien des façons les précipitations, le débit d'eau et la température, il peut également avoir une incidence sur l'abondance et la répartition de la lamproie du ruisseau Morrison. Cette menace est préoccupante; cependant, elle présente un risque moins immédiat pour la population des lamproies que les autres menaces et, présentement, le sujet dépasse la portée du présent programme de rétablissement. La menace pourra être évaluée et abordée à des étapes ultérieures de la planification du rétablissement de la lamproie du ruisseau Morrison. La façon la plus efficace de contrer les répercussions associées aux changements climatiques revient à assurer la stabilité du flux de l'eau souterraine et du cours supérieur. L'existence d'un important apport d'eau souterrain au ruisseau Morrison indique qu'il peut être plus souple à l'augmentation des changements climatiques dans la température de l'air que les autres systèmes de la côte est de l'île de Vancouver de sorte que le bassin hydrologique pourrait devenir un refuge potentiel pour les poissons d'eaux froides dans l'avenir.

Recherche. -- Les études scientifiques en elles-mêmes peuvent avoir une incidence sur cette espèce bien qu'on n'en connaisse pas l'étendue. Les activités spécifiques qui peuvent avoir une incidence sur le statut des populations comprennent la pêche à l'électricité pour les évaluations des salmonidés (cela peut en particulier toucher les ammocètes), l'installation et l'exploitation de barrages de dénombrement des poissons (cela pourrait nuire à la migration des lamproies adultes) et la pêche d'individus pour étude (cela peut influer sur le statut de la population de lamproies si le taux de prises est élevé par rapport à l'abondance et au taux de reproduction).

Activités récréatives. -- Le bassin hydrologique du ruisseau Morrison est une zone récréative populaire pour les résidents locaux. On y pratique souvent la randonnée pédestre, le vélo de montagne et l'équitation. Il ne semble pas que la menace que représentent ces activités soit importante.

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