Onagre à fruits tordus (Camissonia contorta) programme de rétablissement : chapitre 3

Habitat essentiel

7. Habitat essentiel

Aux termes de la Loi sur les espèces en péril, l’habitat essentiel est défini comme étant l’« habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce. ». Le présent programme de rétablissement propose une désignation de l’habitat essentiel nécessaire à la survie et au rétablissement des populations existantes de l’onagre à fruits tordus. Cette désignation est fondée sur les meilleures données scientifiques disponibles et sera mise à jour à mesure que d’autres informations seront amassées. Cette désignation ne vise que la survie immédiate et l’expansion limitée de sept des huit populations existantes de l’espèce au Canada et n’est pas suffisante pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition.

L’habitat essentiel de la population 6 ne peut être désigné pour l’instant en raison de l’incertitude qui se rattache à l’emplacement des plantes à ce site. L’aménagement d’un terrain de golf a entraîné la disparition de la population entre 2004 et 2006, mais quelques individus ont été découverts en 2007 (tableau 1). On ignore toutefois si ces individus ont recolonisé des parcelles d’habitat intact de l’emplacement original ou des parcelles avoisinantes. D'autres parcelles d'habitat propice se trouvent au sud du site occupé par la population 8, sur des terres comprises dans la réserve indienne de la Première nation de Tsawout. Ces données ne peuvent toutefois être utilisées aux fins de la désignation de l'habitat essentiel, car la permission de les utiliser n'a pas encore été accordée. De la même façon, il est actuellement impossible de désigner l'habitat essentiel nécessaire au ré-établissement de la population 9, car la dernière observation de cette population est si ancienne (1893) qu'on ignore l'emplacement exact du site original. Les recommandations visant à combler les lacunes dans les connaissances entravant la désignation de l'habitat essentiel sont présentées au tableau 7.

7.1 Désignation de l’habitat essentiel de l’espèce

Tel que désigné dans le présent programme de rétablissement, l’habitat essentiel de l’onagre à fruits tordus comprend l’habitat occupé et non occupé satisfaisant aux critères suivants :

  • Habitat occupé – comprend tout l'habitat reconnu comme actuellement occupé ainsi que les zones adjacentes requises pour protéger les attributs de l'habitat décrits ci-dessous.
  • Habitat disponible pour une éventuelle expansion – habitat additionnel contigu à l’habitat occupé pouvant assurer le maintien de l’espèce en l’absence d’intervention ou en présence d’un seuil d’intervention minimal (pour l’expansion des populations et/ou flux saisonnier dans l’habitat occupé) mais actuellement inoccupé. L’inclusion de l’habitat contigu inoccupé est proposée à titre de précaution pour fournir, dans la mesure du possible, une quantité d’habitat suffisante permettant aux populations d’atteindre les objectifs en matière de population et de répartition à chaque site. Bien que la taille minimale d’une population viable à long terme estimée pour cette espèce demeure approximative à ce stade-ci, aucune des populations existantes au Canada n’atteint cette valeur (voir la section 3.3). En conséquence, tout l’habitat propice ou potentiellement propice adjacent à l’habitat occupé est considéré comme faisant partie de l’habitat essentiel de l’espèce. À mesure que de nouvelles informations permettant de préciser la taille minimale d’une population viable deviendront disponibles, la taille des polygones sera agrandie ou réduite en conséquence. Tel que désigné dans le présent programme de rétablissement, l’habitat disponible pour une éventuelle expansion des populations n’est pas nécessairement suffisant pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition.

7.1.1 Attributs de l’habitat essentiel

La figure 3 montre l’habitat typique de l’onagre à fruits tordus au Canada. Les caractéristiques tant physiques que biologiques importantes pour la conservation de l’espèce ont été prises en compte lors de la désignation de l’habitat essentiel de l’onagre à fruits tordus. Ces attributs de l’habitat incluent l’espace nécessaire à la croissance des populations et des individus qui les composent, ainsi que les quantités d’eau, de minéraux, de lumière et d’autres éléments permettant de combler les besoins nutritionnels ou physiologiques de l’espèce et les sites requis pour la germination ou la dispersion des graines.

Figure 3. Habitat typique de l’onagre à fruits tordus au Canada.


© Matt Fairbarns

Habitat typique de l'onagre à fruits tordus au Canada

Site et sol : Les sites occupés se trouvent à 1 à 30 m au-dessus du niveau de la mer, mais la plupart des individus poussent à moins de 2 m au-dessus du niveau de la mer. L’inclinaison des sites varie entre 0 et 35 %, mais la plupart des individus se trouvent sur des plans présentant une inclinaison de moins de 3 %. Les plans occupés plus inclinés sont généralement exposés à l’ouest ou au sud. Aucune tranchée d’observation n’a été creusée en raison des dommages qui auraient pu être ainsi infligés à l’onagre à fruits tordus et aux autres espèces de plantes rares présentes dans les sites occupés et milieux similaires avoisinants. Les sols se drainent rapidement et sont constitués d’une couche profonde (≥ 30 cm) de sable et habituellement d’une quantité négligeable de fragments grossiers, de fines particules de sol ou de matière organique. Au début de la saison de croissance (février et mars), les sols demeurent généralement humides pendant de longues périodes, mais ils s’assèchent progressivement durant la saison de croissance et présentent des déficits hydriques importants durant de longues périodes au moment du développement des fruits et de la sénescence des plantes. La surface comporte une forte proportion de sol minéral exposé et un couvert végétal ou une couche de litière négligeable.

Communauté végétale : L’onagre à fruits tordus est confinée aux écosystèmes de dunes et d’arrière-plages sableuses exempts d’arbres et d’arbustes de grande taille. Ces écosystèmes n’abritent habituellement aucun arbuste indigène de petite taille, quoique le mahonia à feuilles de houx (Mahonia aquifolium) soit parfois présent en faible densité en périphérie de certaines populations. Le couvert herbacé est habituellement clairsemé, et l’onagre à fruits tordus occupe les espaces vides entre les autres espèces d’herbacées, la compétition y étant réduite. Les herbacées indigènes sont généralement peu communes, quoique certaines espèces basses associées au milieu sableux comme la renouée paronyque (Polygonum paronychia), le lomatium à tige nue (Lomatium nudicaule) et l’abronie à feuilles larges (Abronia latifolia) s’y rencontrent parfois en abondance. Le polytric pilifère (Polytrichum piliferum) est également souvent présent.

Processus biologique : La sécheresse estivale entraîne souvent le dépérissement de la végétation herbacée en juin et en juillet. La compétition pour l’eau est donc probablement un facteur de stress critique, et les adaptations des plantes au stress hygrométrique ont par conséquent un impact déterminant sur la compétition qui oppose les différentes espèces en place. Grâce à sa racine pivotante moyennement longue, l’onagre à fruits tordus peut atteindre l’eau qui se trouve sous la rhizosphère de certaines des herbacées qui partagent son habitat, mais elle meurt généralement vers le milieu de l’été.

Processus physiques : L’onagre à fruits tordus ne semble pas dépendre de facteurs empêchant l’empiètement par les espèces ligneuses comme la saturation en eau des sols, les embruns salés ou le vent. La sécheresse estivale, dont les effets sont souvent exacerbés par la bonne capacité de drainage du sol, joue probablement à cet égard un rôle plus important en limitant la compétition exercée par les espèces tolérant moins bien la sécheresse. Les feux de friche ont probablement déjà joué historiquement un rôle important dans le maintien des propriétés et des fonctions de l’écosystème, mais l’adoption de politiques privilégiant la suppression des incendies a considérablement réduit leur impact.

7.1.2 Emplacement de l’habitat essentiel

La présente section précise l’emplacement des parcelles d’habitat essentiel de l’espèce. Une liste des sites existants et la superficie des polygones par régime foncier sont présentées au tableau 5. Les polygones comportant des parcelles d’habitat essentiel ont été établis d’après les données de terrain recueillies récemment (2004 à 2010) aux huit sites actuellement occupés et les attributs généraux de l’habitat observés à tous les sites canadiens ainsi qu’au site occupé par l’importante population de l’île San Juan (État de Washington), à environ 20 km à l’est de la population canadienne la plus proche. Les polygones intègrent également les incertitudes spatiales associées aux techniques d’échantillonnage (p. ex. erreurs spatiales associées aux appareils GPS). Toutes les valeurs sont exprimées en NAD83 / UTM zone 10. Les limites de l’habitat essentiel ont été déterminées à l’aide d’un appareil GPS portable (Garmin E-TREX). Durant la saison de croissance, les attributs de l’habitat des populations connues ont été documentés à l’aide de formulaires d’inspection sur le terrain selon les méthodes décrites dans “Describing Ecosystems in the Field” (Luttmerding et. al., 1990). Aucun travail n’a été effectué sur le terrain en hiver, car l’onagre à fruits tordus ne dépend pas de la saturation en eau des sols en hiver.

Population 1 (Metchosin)

La population 1 se trouve dans le parc régional Witty’s Lagoon (district régional de la capitale). L’habitat essentiel inclut l’habitat occupé et l’habitat disponible pour une éventuelle expansion (figure 4, tableau 5). Cette population compte moins de 300 individus (tableau 1; Fairbarns, obs. pers., 2004).

Population 2 (Saanich A)

La population 2 se trouve dans le parc régional Island View Beach (district régional de la capitale). L’habitat essentiel inclut l’habitat occupé et l’habitat disponible pour une éventuelle expansion (figure 5, tableau 5). Cette population compte moins de 600 individus (tableau 1; Fairbarns, obs. pers., 2008).

Population 3 (île Savary A)

La population 3 se trouve dans une emprise appartenant au ministère des Transports et des Infrastructures (MOTI) de la Colombie-Britannique, à la plage Sutherland, sur l’île Savary. L’habitat essentiel inclut l’habitat occupé et l’habitat disponible pour une éventuelle expansion (figure 6, tableau 5). Cette population compte environ 200 individus (tableau 1; Fairbarns, obs. pers., 2004).

Population 4 (île Savary B)

La population 4 se trouve sur une terre privée, sur l’île Savary. L’habitat essentiel inclut l’habitat occupé et l’habitat disponible pour une éventuelle expansion répartis dans trois secteurs de la propriété (pointe Beacon, pré Death Camas et baie Duck; figure 7, tableau 5). Cette population compte environ 700 individus (tableau 1; Fairbarns, obs. pers., 2004; C. Cadrin, comm. pers.).

Populations 5 (Saanich B)

La population 5 se trouve sur l’île James, propriété privée. L’habitat essentiel se limite à l’habitat occupé, parce qu’aucune parcelle d’habitat disponible pour une éventuelle expansion n’a été trouvée à cet endroit (figure 8, tableau 5). Cette population n’a pas été étudiée récemment, mais elle comptait entre 500 et 600 individus en 2007 (tableau 1).

Population 7 (Saanich D)

La population 7 se trouve sur des terres de la Réserve de parc national des Îles-Gulf et de l'Agence de la Garde côtière canadienne, sur la flèche nord de l'île Sidney. Les terres de l'Agence de la Garde côtière sont en voie d'être transférées officiellement à l'Agence Parcs Canada (R. Walker, comm. pers.). L'habitat essentiel inclut l'habitat occupé et l'habitat disponible pour une éventuelle expansion (figure 9, tableau 5). Cette population compte moins de 100 individus (tableau 1; Fairbarns, obs. pers.).

Population 8 (Saanich E)

La population 8 se trouve dans le parc municipal Cordova Spit (district de Central Saanich). L’habitat essentiel inclut l’habitat occupé et l’habitat disponible pour une éventuelle expansion (figure 10, tableau 5). Cette population compte moins de 300 individus (tableau 1; Fairbarns, obs. pers., 2007).

Tableau 5. Superficie approximative (en hectares) de l’habitat essentiel de l’onagre à fruits tordus, par catégorie de régime foncier.
Population Provincial Fédéral Régional Municipal Privé Total
*MOTI *AGCC
*APC
*DRC Central Saanich  
Population 1 - Metchosin (occupé)     0,17     0,17
Population 1 – Metchosin (expansion)     0,41     0,41
Population 2 – Saanich A (occupé)     0,41     0,41
Population 2 – Saanich A  (expansion)     0,54     0,54
Population 3 – Île Savary A (occupé) 0,28         0,28
Population 3 –  Île Savary A (expansion) 1,08         1,08
Population 4 –  Île Savary B (occupé)         0,38 0,38
Population 4 –  Île Savary B (expansion)         2,18 2,18
Population 5 – Saanich B (occupé)         4,07 4,07
Population 7 – Saanich D (occupé)   0,20       0,20
Population 7 – Saanich D (expansion)   0,03       0,03
Population 8 – Saanich E (occupé)       0,20   0,20
Population 8 – Saanich E (expansion)       5,07   5,07
Superficie totale par régime foncier 1,36 0,23 1,53 5,27 6,63 15,02

*MOTI = Ministère des Transports et des Infrastructures de la Colombie-Britannique; AGCC = Agence de la Garde côtière canadienne; APC = Agence Parcs Canada; DRC = District régional de la capitale.

Figure 4. Habitat essentiel au site occupé par la population 1 (Metchosin) au parc régional Witty’s Lagoon.


© Agence Parcs Canada

Emplacement de l'habitat essentiel de la population 1 (Metchosin) au parc régional Witty's Lagoon

Figure 5. Habitat essentiel au site occupé par la population 2 (Saanich A) au parc régional Island View.


© Agence Parcs Canada

Emplacement de l'habitat essentiel de la population 2 (Saanich A) au parc régional Island View

Figure 6. Habitat essentiel au site occupé par la population 3 (Île Savary A) à la plage Sutherland, sur l’île Savary.


© Agence Parcs Canada

Emplacement de l'habitat essentiel de la population 3 (île Savary A) à la plage Sutherland, sur l'île Savary

Figure 7. Habitat essentiel au site occupé par la population 4 (Île Savary B) à la pointe Beacon, au pré Death Camas et à la baie Duck, sur l’île Savary.


© Agence Parcs Canada

Emplacement de l'habitat essentiel de la population 4 (île Savary B) à la pointe Beacon, au pré Death Camas et à la baie Duck, sur l'île Savary

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