Tortue luth (Dermochelys coriacea) programme de rétablissement : chapitre 2b


2. Information de base (suite)

2.6 État et tendances de la population

2.6.1 Le monde

Les estimations de la population des tortues luths s'appuient sur le nombre de femelles couvant, d'où notre approximation relative plutôt qu'absolue, donnée qui peut par ailleurs être faussée par le rapport mâle femelle.  Quoiqu'il en soit, les tendances sont évidentes. Quand on tient compte des stocks du Pacifique et de l'Atlantique, le nombre global de tortues luths femelles couvant est tombé à 115 000 en 1980, estime Pritchard (1982). Une étude datant de 1995 (Spotila et al. 1996) évaluait que la population globale, calculée à partir de 28 plages de nidification connues, était d'environ 34 500 femelles couvant. Bien que les deux études aient utilisé des calculs et des hypothèses différents pour leurs estimations, il n'en demeure pas moins que la tendance mondiale à la baisse est alarmante. Les données mettent en évidence un déclin plus accentué dans la région du Pacifique, où on enregistre sur certaines plages des taux de mortalité aussi élevés que 33% (Spotila et al. 2000). Un grand nombre de tortues a été tué en haute mer au cours d'opérations de pêche (Wetherall 1993; Eckert et Sarti 1997), tandis que la récolte des œufs, l'élimination des femelles couvant et la destruction de l'habitat des plages de nidification ont également constitué des facteurs importants (Chan and Liew 1996). L'activité de nidification dans l'Atlantique semble être plus stable mais elle a également des périodes de hausse et de baisse, rendant la tendance encore plus difficile à saisir.

La tortue luth est classée par l'IUCN comme « sérieusement en péril » (80% de baisse de population en dix ans ou trois générations). Elle se trouve également sur la liste de CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction), une entente internationale qui garantit que le commerce des animaux et des plantes sauvages ne menace pas leur survie et à l'Annexe 1 de la Convention sur la conservation des espèces migratrices, qui classe l'espèce comme menacée d'extinction.

Les sections suivantes présentent la situation et les tendances des populations de l'Est et de l'Ouest du Pacifique, cette dernière peut être plus directement pertinente aux eaux canadiennes.

Les populations de nidification de l'Est du Pacifique

Jusqu'à tout récemment, la plus importante population de tortues luths nidifiaient sur la côte du Pacifique au Mexique. Le nombre de ces tortues, dont les aires marines d'approvisionnement incluaient le sud au large du Pérou et du Chili, a radicalement chuté au cours des dernières années. Mexiquillo Beach, une plage de référence sur la côte mexicaine, a enregistré un affaissement du nombre de nids, qui sont passés de 5 000 dans les années 1980 à moins de 100 et cet effondrement est considéré comme représentatif de la population entière de l'Est du Pacifique (Sarti 2002). On croit que ce recul est attribuable surtout à la récolte des œufs et à la pêche accidentelle des tortues.

Les populations de nidification de l'Ouest du Pacifique

La population de tortues luths de l'Ouest du Pacifique, qu'on présume être la source de la plupart des adultes en quête de nourriture au large des côtes canadiennes du Pacifique, comprend les populations qui pondent en Malaisie, en Indonésie (Papoua), en Papouasie-Nouvelle-Guinée et aux Îles Salomon, avec une contribution plus modeste des plages du Vanuatu, de Fidji, de Chine et d'Australie. Les sites les plus importants sont l'Indonésie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Malheureusement, les tendances de la population ne sont pas aussi bien connues que pour les populations de l'Est du Pacifique et les rapports écrits sont peu nombreux et contradictoires.

Trengganu, un des États côtiers de l'Est de la Malaisie, fut jadis un des principaux secteurs de nidification de la tortue luth mais il a amorcé une glissade dramatique.  La population de Rantau Abang a chuté d'environ 10 000 nids dans les années 1950 à moins de 20 dans les dernières années (Liew 2002). Ce déclin semble s'être produit en deux temps, le premier coïncidant avec le développement rapide de l'industrie de la pêche au Trengganu au milieu des années 1970, et le deuxième avec le lancement, en 1978, par les Japonais, de la pêche aux calmars en haute mer avec des filets dérivants dans le Nord du Pacifique. Les plages de nidification ont également été la cible, à partir des années 1940, d'un excès de récolte d'œufs, souvent atteignant les 100%. Depuis ces événements, la chute annuelle a été en moyenne de 16%.

Les autres principaux sites de nidification dans l'Ouest du Pacifique sont les plages de la Papouasie (l'ex-Irian Jaya), une partie de l'archipel de l'Indonésie qui partage une masse terrestre avec la Nouvelle-Guinée. Dans les années 1980, de petits secteurs de nidification en Indonésie ont été observés dans l'Ouest de Sumatra et le Sud-est de Java (Suarez and Starbird 1996). La plupart des tortues dans les nids de Papoua à la plage de Jambursba Medi (Hitipeuw 2002; Putrawidjaja 2000), où plus de 80% des nids ont été la cible des braconniers, des prédateurs que sont les cochons sauvages et de l'érosion (Hitipeuw 2002; Suarez et Starbird 1996).

On a fait état que de 1993 à 1996, le nombre des couvées de tortues luths déposées à la plage de Jambursba Medi était stable (Hitipeuw 2002; Dermawan 2002); cependant, les tendances à long terme sont imprécises et possiblement à la baisse (Hitipeuw 2002).

2.6.2 Les eaux canadiennes du Pacifique

L'information sur les observations sur les eaux côtières du Canada du Pacifique est extrêmement parcellaire et il n'est présentement pas possible de se prononcer sur les tendances de la population.

2.7 Les exigences générales de l'habitat

Les habitats qui ont besoin d'être pris en considération couvrent la nidification, la reproduction et l'alimentation. On en connaît trop peu sur les modèles de distribution quant aux habitats d'approvisionnement, les voies de migration et le nombre d'années entre la naissance et la maturité sexuelle.  

Dans l'habitat de nidification, les femelles ont besoin d'une plage sablonneuse avec une approche en eaux profondes, pratiquement dépourvue d'obstacles comme des rochers ou du corail (Pritchard 1971; Ernst et Barbour 1989). Les exigences de l'habitat pour les nouveau-nés et les juvéniles semblent presque exclusivement un climat tropical jusqu'à ce que la carapace des tortues dépasse les 100 cm de longueur (Eckert 2002a). Les juvéniles plus imposants et les jeunes adultes partagent probablement des habitats avec des luths adultes. 

Les adultes fréquentent les eaux plus froides, incluant les plateaux continentaux au large du Canada et du Nord-ouest des États-Unis (Bowlby et al. 1994; Stinson 1984). Ils suivent les systèmes océaniques de fronts où la productivité est élevée, ce qui se traduit par des concentrations considérables de proies (Lutcavage 1996). La côte du Pacifique au large de la Colombie-Britannique fournit un habitat d'alimentation; cependant, aucune étude n'a vérifié les secteurs d'habitat d'approvisionnement spécifique qui sont importants pour les luths.   Par conséquent, il est impossible de repérer l'habitat présentement occupé par les tortues luths dans les eaux du Canada du Pacifique ou la superficie de l'habitat essentiel nécessaire pour rétablir et soutenir une population viable.  

2.7.1 L'habitat essentiel

Au paragraphe 2, la LEP définit l'habitat essentiel comme « L'habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d'une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d'action élaboré à l'égard de l'espèce ». Il est difficile de définir l'habitat essentiel pour les tortues luths puisque chaque étape de leur cycle biologique requiert différentes exigences qui se répartissent sur un vaste bassin océanique. Bien que la base de connaissances pour aider à déterminer l'habitat essentiel augmente avec les nouveaux projets de recherche, il n'est pas possible pour l'heure d'identifier un habitat essentiel pour cette espèce. Comme le prévoit la loi, si l'information est incomplète et ne permet pas d'identifier l'habitat essentiel dans le cadre du Programme de rétablissement, il faut alors préparer un calendrier d'études. Une fois mis en œuvre, le calendrier livrera de nouveaux renseignements qui aideront à identifier l'habitat essentiel de l'espèce.

Vous retrouverez à l'Annexe 1 l'échéancier d'études, c'est-à-dire une liste de projets de recherches sur l'habitat, qui recommandait d'identifier l'habitat essentiel important au rétablissement des tortues dans les eaux canadiennes du Pacifique. Une fois ces projets terminés, on espère que les résultats permettront à Pêches et Océans Canada d'être en mesure de préciser dans un plan d'action l'habitat essentiel pour cette espèce.

2.8 Le rôle écologique

Les tortues luths adultes se régalent des méduses et autres invertébrés pélagiques au corps flasque, qui consomment de vastes quantités de zooplanctons et de larves de poisson. Ainsi, elles occupent une position importante dans la chaîne alimentaire marine. On peut présumer que les tortues luths jouent un rôle important dans l'écosystème en aidant à maintenir un équilibre entre le nombre de proies et les organismes qui se nourrissent de ces proies. Elles forment également une composante importante de l'écosystème terrestre en fournissant des substances nutritives à savoir leurs œufs non éclos ou fendus et les coquilles elles-mêmes dont se nourrissent les animaux terrestres qui les transportent à l'intérieur des terres (Eckert 2002c).

2.9 Les facteurs sociaux et économiques

Il y a très peu de pêches directement axées sur les tortues luths adultes partout dans le monde parce que la peau du reptile est généralement considérée comme peu savoureuse. Bien que les Premières nations vivant près des côtes connaissent la tortue, il existe très peu d'anecdotes sur cet animal dans la région de Clayoquot Sound, situé au centre de l'aire d'alimentation dans la région du Pacifique du Canada, ce qui porte à croire qu'il n'y a pas de preuve d'utilisation spéciale ou de signification (Webster, A. 2002, pers. comm.). Cependant, les habitants de l'île de Kai Kecil en Indonésie pratiquent une chasse rituelle à la tortue luth adulte (Suarez and Starbird 1996). Plusieurs habitants vivant près des secteurs de nidification mangent et vendent les œufs des tortues luths.

Dans les eaux canadiennes du Pacifique, les luths ont une ne se rapprochent probablement pas assez, et en nombre suffisant, de la terre ferme pour avoir une quelconque importance pour le tourisme.  Bien que les Premières nations côtières connaissent la luth, de l'information anecdotique très limitée provenant de la baie Clayoquot, située au centre de l'aire d'alimentation du Canada du Pacifique, ne présente aucune utilité ou importance spéciale (Webster, A. 2002, comm. pers.). Si une étude ethnographique portant sur l'importance des tortues luths pour les Premières nations côtières devait être effectuée, elle devrait inclure des groupes couvrant tout le territoire de l'aire connue des observations. 

2.10 Les facteurs biologiques limitatifs

Il est difficile d'identifier des facteurs biologiques qui pourraient limiter le rétablissement d'une espèce quand on possède si peu de connaissances biologiques de base sur cette dernière. Parce que le cycle biologique et l'âge de la maturité des tortues luths demeurent une inconnue, il est hasardeux de leur affecter un risque spécial à l'une ou l'autre caractéristique. Si, comme le croient certains chercheurs, la tortue luth est d'une grande longévité et qu'elle est lente à venir à maturité, elle est clairement à plus haut risque que les espèces venant rapidement à maturité.  L'écart entre les périodes de nidification peut également jouer contre le rétablissement de l'espèce puisque ces tortues semblent nidifier seulement aux deux ou trois ans. 

Des comportements à risque élevé autres que la reproduction comprennent la préférence des luths pour la nage long distance tout juste sous de la surface de l'eau (risque de collision avec les navires); sa propension à absorber des objets flottants; sa préférence pour les plages sablonneuses qui attirent également l'expansion urbaine; et l'attirance des nouveau-nés vers la lumière, qui peut les désorienter et les éloigner de l'océan.

2.11 Les menaces

La liste des menaces aux tortues luths est longue et laisse paraître les comportements uniques et la répartition géographique du reptile.  Bien que plusieurs de ces menaces ne soient pas présentes le long des côtes canadiennes du Pacifique et que le rétablissement de la tortue luth nécessitera une concertation internationale signifie que le plan de rétablissement du Canada ne peut pas passer outre aux menaces actuelles à l'extérieur des eaux canadiennes. Dans l'exposé qui suit, les menaces sont classées selon l'endroit où elles surviennent (environnement d'approvisionnement c. environnement de nidification). Les menaces dans l'environnement d'alimentation comprennent celles qui sont bien connues et celles dont l'importance, en particulier au large de la Colombie-Britannique, reste à identifier. Un des principaux objectifs du programme de rétablissement vise à évaluer les menaces décrites précédemment.

Les menaces dans les eaux canadiennes du Pacifique surviennent seulement dans l'environnement d'alimentation et sont difficiles à quantifier parce qu'elles peuvent se présenter sur une vaste superficie et mettent en présence un petit nombre de luths. Ces deux facteurs rendent l'observation et la consignation au dossier beaucoup plus difficile qu'une plage de nidification. Quoi qu'il en soit, en raison de l'état précaire des populations de tortues luths dans le Pacifique, la disparition de même quelques adultes, peu importe où ils se trouvent dans le monde, y compris dans les eaux côtières au large de la Colombie-Britannique,  peut être importante pour la pérennité du stock du Pacifique. Les adultes en quête de nourriture dans les eaux canadiennes sont les plus imposants, les plus résistants au froid et les plus féconds des tortues luths et, donc, ils sont plus importants pour la pérennité de l'espèce que leur nombre seul voudrait le suggérer.

2.11.1 Les menaces dans l'environnement d'alimentation

Les menaces connues
La pêche accidentelle et les enchevêtrements

Les tortues luths se font prendre accidentellement dans les filets et sur les lignes de pêche, en particulier les pêches effectuées dans les secteurs d'alimentation pélagique et côtier et les voies de migration.  Les luths sont particulièrement vulnérables aux enchevêtrements dans les engins de pêche en raison de leurs nageoires avant massives (James 2001); elles sont vulnérables non seulement aux engins de pêche en service (en particulier les engins non surveillés), mais aussi aux engins abandonnés. Les tortues enchevêtrées se noieront si elles n'arrivent pas à se dégager mais elles perdront aussi des membres, devenant ainsi plus vulnérables pour les prédateurs.  Les tortues qui se libèrent peuvent traîner avec elles des morceaux d'engins de pêche (NMFS 2001).

Les risques de pêche accidentelle dans les eaux canadiennes du Pacifique sont présentement inconnus en raison du nombre limité d'observations recensées dans cette région. La pêche au crabe et la pêche au casier peuvent représenter une menace d'enchevêtrement dans les lignes verticales et tant les petits que les grands maillages des filets maillants peuvent piéger la tortue luth. La principale période d'interception de la pêche se situe probablement entre juillet et septembre, lorsque les chaluts pélagiques utilisés pour la pêche au merlu et les filets maillants pour la pêche du saumon et les pêches à la traîne coïncident avec l'arrivée des tortues luths dans les eaux au large de la Colombie-Britannique. Cependant, la portée de la menace des pêches accidentelles provenant de ces eaux de la Colombie-Britannique est vraisemblablement faible en raison de la rareté de l'espèce mais demeure actuellement impossible à quantifier en raison d'observations limitées.

L'information provenant d'autres régions du Pacifique indiquent que plusieurs types de pêche représentent une menace, particulièrement la pêche pélagique à la palangre flottante, les filets maillants et les filets dérivants dominants utilisés dans la pêche en haute mer, maintenant interdits mais certains filets maillants continuent d'être utilisés illégalement. Les tortues luths sont prises dans les palangres flottantes pour la pêche pélagique (McCracken 2000) et peuvent être attirées par les prises ou simplement déchirées. Il existe de grandes palangres pour la pêche pélagique que pratiquent plusieurs nations des deux côtés du Pacifique et dans le sud de la mer de Chine, quoique cela n'existe pas actuellement en Colombie-Britannique. Les palangres pélagiques pour la pêche à l'espadon, au requin et au thon se traduisent en retour par d'importantes prises accessoires de tortues luths adultes bien que le pourcentage de mortalité ne soit pas toujours rapporté (Balazs and Pooley 1994) et peut être reporté après que les tortues aient été relâchées (Witzell 1984).

La réduction mondiale des prises accidentelles à la palangre constitue une priorité et de nouvelles approches sont passées rapidement à l'étape de l'élaboration.  Le risque pour les tortues luths semble actuellement être le plus élevé quand les palangres sont jetées à la mer pendant la nuit dans les eaux peu profondes et que la lumière sert à attirer les espèces cibles, plus souvent les espadons et les requins. Bien qu'il y ait des manifestations d'intérêt à pratiquer la pêche au thon avec la palangre pélagique au large des côtes de la  Colombie-Britannique, l'Équipe de rétablissement croit que cette forme de pêche constituerait une menace pour les tortues luths.

Aux États-Unis, la pêche aux crevettes au palangre produit également un nombre important de prises accessoires de tortues luths. Le « Dispositif d'exclusion des tortues (TED) » peut réduire le nombre de tortues luths prises dans les filets à palangre pour la pêche à la crevette en leur donnant une voie d'échappement (US Environmental Protection Agency 1999), et la réglementation américaine TED a été modifiée en 2003 pour accroître la dimension de l'ouverture, un changement qui profitera aux tortues luths.

L'ingestion de débris

Dans les eaux au large des côtes de la Colombie-Britannique, les débris proviennent de plusieurs sources, incluant le développement côtier et le trafic des navires. Les tortues luths mangeront des objets non comestibles, notamment les sacs en plastique, les ballons et le goudron qui peuvent ressembler aux méduses, leur proie de prédilection (Mrosovsky 1981). Elles mangeront aussi des filets de pêche (Starbird 2000). Fritts (1982) a analysé les conséquences de l'ingestion de sacs de plastique sur la physiologie de la tortue luth, qui peut entraîner la surcharge et la mort.

Les collisions avec les bateaux

Les tortues peuvent être blessées ou tuées lorsqu'elles entrent en collision avec un bateau ou des hélices.  Les tortues luths peuvent être particulièrement vulnérables en raison de leur habitude de nager juste sous la surface de l'océan. Dans le Canada du Pacifique, la plus grande inquiétude se rapporte peut-être aux navettes maritimes. On ne sait pas si des collisions en pleine mer avec de gros navires surviennent. Cependant, compte tenu de la lenteur des déplacements de la luth et de la haute vitesse des navires, ces types d'impact peuvent provoquer la mort.

Les tortues luths ont été vues dans plusieurs lieux populaires de pêche, de transport maritime et de secteurs de navigation de plaisance au large des côtes de la Colombie-Britannique, incluant près des eaux du rivage. En 1999, une tortue luth a été frappée par un bateau de pêche sportive (L. Spaven, 2003, comm. pers.). Aucun dommage ne semble avoir été causé à l'une ou l'autre des parties; quoiqu'il en soit, l'incident suggère un potentiel de collisions avec des bateaux dans ces eaux, en particulier pendant la période achalandée des mois d'été et de la saison de la pêche.  

Les menaces potentielles

En plus des menaces que nous venons d'évoquer, il existe un certain nombre d'autres menaces additionnelles. La gravité des menaces qui suivent pourra seulement être attribuée après de plus amples recherches. Elles comprennent :

Des maladies et des parasites

On sait très peu de choses sur les maladies et les parasites de la tortue luth, incluant dans les eaux canadiennes. La fibropapillomatose est une maladie néoplastique qui touche surtout les tortues vertes. On n'a  pas encore isolé ou fait le portrait de l'agent étiologique (la cause de la maladie). Les tumeurs de la fibropapillome ont récemment été observées chez des tortues luths au Mexique (Huerta et al. 2002;  Murakawa and Balazs 2002).

La prédation

On a fait état d'attaques de tortues luths par des requins et des épaulards (Sarti et al. 1994; Caldwell et Caldwell 1969).

L'exploration et l'extraction pétrolière

L'extraction pétrolière des fonds marins comporte des risques de déversements, d'explosions et d'accroissement du trafic maritime. L'exploration pétrolière peut également représenter des menaces indirectes à l'habitat d'alimentation, incluant les répercussions du forage, l'ancrage, les explosifs, la pollution, et le bruit.

La contamination de l'environnement

Les tortues luths croissant dans les eaux canadiennes du Pacifique sont exposées aux mêmes polluants que toutes les autres formes de vie marine. En Colombie-Britannique,  elles comprennent les eaux d'égout et les produits chimiques agricoles et industriels. La concentration biologique de polluants chimiques dans les proies des tortues luths n'a pas été étudiée et leur incidence demeure inconnue.  L'accumulation de métaux lourds et de PCB a été démontrée chez les tortues luth (Davenport et al. 1990).

L'aquaculture

La pisciculture de saumon et l'aquaculture des mollusques et crustacés sont concentrées dans le passage intérieur entre l'île de Vancouver et la terre ferme.  Les menaces environnementales que posent les fermes d'élevage du saumon comprennent le bruit émis par les appareils destinés à éloigner les prédateurs, la pollution fécale, l'enchevêtrement dans les parcs de filets et les systèmes d'ancrage et la possibilité de transmission de parasites.  Cependant, on ne peut pas évaluer, sans un dossier plus complet des observations, la possibilité pour les tortues luths d'interagir avec les activités d'aquaculture des fermes d'élevage du saumon.

2.11.2 Les menaces dans l'environnement de nidification

Les menaces dans l'environnement de nidification sont pertinentes pour les projets internationaux et les conventions dont le Canada est signataire. En dépit de leur éloignement du Canada, les menaces à l'environnement de nidification peuvent dépasser celles des secteurs d'alimentation et, ainsi, peuvent être décisives pour toutes les actions canadiennes de collaboration. La population de tortues luths la plus probable à fréquenter les eaux au large des côtes de la Colombie-Britannique, nidifie dans les tropiques de l'Ouest de l'océan Pacifique. Cependant, il est possible que les tortues luths de la population de l'Est du Pacifique se rendent également dans les eaux au large des côtes de la Colombie-Britannique.

La pêche des adultes et des juvéniles

La nidification des tortues luths adultes en Malaisie et en Indonésie est la cible de prises accidentelles dans des pêches variées d'un bout à l'autre de leur habitat et, possiblement, de prises directes par les villageois des îles Kai Kecil qui ont par tradition chassé la tortue luth à des fins alimentaires et rituelles (Suarez and Starbird 1996). Cependant, la pêche aux tortues luths adultes et juvéniles est limitée et on ne connaît pas dans quelle mesure les populations peuvent être touchées.

La récolte des œufs

À l'exemple des autres tortues marines, les œufs des tortues luths sont récoltés énergétiquement à des fins de subsistance et pour le commerce. La poursuite de la récolte d'œufs garantit une réduction du repeuplement. Par exemple, en Malaisie, des décennies de collecte excessive d'œufs ont décimé les populations de tortues luths et la récolte d'œufs de luths à Trengganu, l'État le plus productif, est désormais illégale (Liew 2002). Il est possible de contrôler la récolte des œufs grâce à des programmes sociaux et à la protection des plages, comme cela se pratique par exemple au Mexique (Sarti 2002).

La prédation des nids et le parasitisme

Les œufs de tortue sont recherchés par plusieurs prédateurs naturels tels les rats, les mangoustes, les oiseaux, le Varan, les serpents, les crabes et d'autres invertébrés.  D'autres espèces domestiques représentent également une menace : les chats, les chiens et les cochons.  La destruction des nids par des cochons sauvages constitue un des plus graves problèmes des populations de tortues luths dans l'Ouest du Pacifique, en particulier en Papouasie (NMFS 2000). Les nombreux parasites des plages de nidification (c.-à-d. les insectes tels les larves d'insectes et les grillons) constituent par ailleurs une menace naturelle.

L'accroissement de la présence humaine

Les activités anthropiques sur les plages de nidification peuvent déranger les femelles et leurs œufs. Les femelles peuvent avorter leurs tentatives de nidification, changer d'endroit de nidification, reporter la ponte et choisir des sites médiocres. La compaction du sable par les promeneurs marchant au-dessus des nids peut ralentir l'éclosion des œufs.

Les sources de lumière, notamment les lampes de poche et les feux de camp, peuvent désorienter les femelles et leurs petits, qui ont plus de difficultés à s'orienter vers la mer. Les véhicules en circulation sur la plage tapent le sable et les nids, déterrent les nids et créent des sillons dans lesquels les nouveau-nés demeurent piégés dans leur migration vers la mer.

La perte de l'habitat

Une variété d'activités produit une élimination ou une dégradation de l'habitat. Ils comprennent :

  • La construction et l'exploitation minière: Édifices, digues, jetées, etc. sont tous des obstacles pour les tortues et peuvent accroître l'érosion naturelle. Le sable et l'enlèvement des coraux et autres exploitations des sables de plages perturbent gravement une plage de nidification.
  • Le blindage des plages : Les remparts de cordon littoral, les murs de soutènement, les perrés, les sacs de sable, les épis et les jetées, tous ces remparts entre la plage et la mer ont des répercussions sur les lieux de nidification et peuvent piéger ou reporter le retour à la mer des nouveau-nés et des femelles, accroissant leur vulnérabilité face aux prédateurs. Le blindage peut également augmenter l'érosion de la plage.
  • La plage d'accumulation: Des tentatives de remplacer la plage perdue par l'érosion peuvent causer des problèmes pour les nids des tortues luths.  Les nids peuvent se retrouver enfouis trop profondément. Le nouveau sable peut ne pas être convenable pour la nidification. La machinerie lourde utilisée pour nettoyer et râteler les plages peut détruire les nids. La machinerie utilisée pour remorquer et répartir le sable compacte la plage, détruit les nids et crée des difficultés pour en creuser de nouveaux.
Éclairage artificiel

Les nouveau-nés et les adultes, une fois sur terre, se fient à la lumière pour s'orienter vers la mer. L'éclairage provenant des immeubles, des rues et des véhicules peut amener les tortues luths à migrer vers l'intérieur des terres plutôt que la mer.  Whitherington (1992) a découvert que la lumière à vapeur  de mercure blanche (MV) et d'autres lumières à large spectre pouvaient déranger la nidification des tortues luths et des tortues vertes et a recommandé d'utiliser un éclairage à la vapeur de sodium à basse pression (LPS) comme solution de rechange. Ces mêmes recommandations s'appliquent aux tortues luths.

Végétation exotique

Des plantes exotiques peuvent déloger la végétation naturelle et proliférer sur les plages à nidification. L'ombre grandissante de ces nouvelles plantes peut faire chuter les températures à l'intérieur des nids et provoquer une modification de la proportion des sexes des nouveau-nés (voir Section 2.4.2). Les racines peuvent entremêler les œufs et les nouveau-nés. Les femelles couvant peuvent également être prises par la végétation, ralentissant ou empêchant leur retour à la mer.

Contamination et pollution

Les plages ont tendance à concentrer les mêmes types de débris et de pollution que les dangers en pleine mer. Les exemples comprennent le plastique, les filets abandonnés et les hydrocarbures.

Sharma (2000) a fait état dans un récent exposé de la destruction d'un habitat de nidification dans la péninsule de Malaisie, incluant la roquerie jadis importante à Rantau Abang.

2.12 Les lacunes du savoir

À l'intérieur de l'aire de répartition de la tortue luth dans le Canada du Pacifique, les principales lacunes du savoir touchent l'observation de la tortue, sa répartition, son comportement et sa vulnérabilité face à des menaces précises. Un modèle de prévision devrait produire un résultat important de la recherche, qui comblera les lacunes et aidera à établir les objectifs de gestion et à en établir les priorités (Chaloupka 2003, comm. pers.).

2.12.1 Échantillonnage

Les rapports sur les tortues luths au large des côtes de la Colombie-Britannique sont peu nombreux et relèvent souvent de l'anecdote. Les rapports existants ont dû être réunis et analysés et les nouveaux rapports doivent être systématiquement rassemblés (se reporter à la Section 3, Rétablissement). Il nous faut collaborer à la recherche au plan international pour confirmer ou infirmer l'hypothèse voulant que la plupart des tortues luths au large des côtes de la Colombie-Britannique proviennent des roqueries de l'Ouest du Pacifique. Un des résultats d'une telle recherche pourrait générer un modèle de prévision de l'observation de la tortue luth. Voici les questions portant sur l'abondance et la migration :

  • Où, quand et pendant combien de temps les tortues luths peuvent-elles se retrouver dans le Canada du Pacifique?
  • Combien de tortues luths utilisent les eaux canadiennes du Pacifique et quelle proportion de la population totale cela représente-t-il?
  • Quelles voies de migration les tortues luths empruntent-elles pour entrer et quitter le Canada du Pacifique?
  • Est-ce que les tortues luths du Canada du Pacifique contribuent de manière importante à la pérennité des populations auxquelles elles appartiennent?

2.12.2 Recherche biologique et écologique

C'est à partir d'hypothèses sur la répartition des âges et du cycle biologique que reposent les conclusions sur le taux de mortalité, l'importance relative de la nidification par rapport aux dangers marins et les prédictions touchant les tendances de la population. Des conclusions sur des éléments aussi fondamentaux que le cycle biologique sont présentement entravées par une pénurie de données.  Voici les lacunes de notre savoir sur le cycle biologique de la population :

  • l'espérance de vie;
  • le potentiel de reproduction durant le cycle de vie (l'âge de la première nidification, la fréquence de la nidification, la fécondité et la survie des œufs);
  • l'évaluation de la pérennité de la population : Combien d'individus une population peut-elle perdre et malgré tout être en mesure de se rétablir?

Pour déterminer l'habitat essentiel de la tortue luth dans les eaux canadiennes, nous devons enquêter sur :

  • les endroits où se produit l'activité d'approvisionnement;
  • la vitesse de son métabolisme et les besoins alimentaires;
  • les rapports avec les principales proies de l'espèce : répartition, les espèces dévorées et leur valeur calorique;
  • la qualité de l'eau dans les secteurs d'alimentation.

2.12.3 Recherche pour cibler les menaces

La collecte systématique et l'analyse des observations serviront à définir l'habitat essentiel de la tortue luth, à clarifier les menaces à l'espèce dans les eaux canadiennes du Pacifique et contribuer à une compréhension globale du cycle biologique de cette population.  À l'heure actuelle, il y a très peu d'information sur les observations ou des prises accidentelles de tortues de mer au large des côtes de la C.-B. Des études doivent être réalisées pour déterminer :

  • le nombre et le type d'interactions avec les pêches et les activités maritimes dans le Canada du Pacifique;
  • le taux de mortalité provoquée par l'interaction avec les pêches et les activités maritimes;
  • la possibilité de collisions avec les bateaux et les dommages qui en résultent;
  • les répercussions potentielles de la pollution du pétrole et du gaz (déversements, fuites, etc.);
  • les menaces de maladies (information provenant des autopsies);
  • le potentiel d'interaction avec l'exploitation de l'aquaculture.

2.12.4 L'habitat essentiel

Se reporter à la Section 2.7, Habitat, et à l'Annexe 1.

Détails de la page

Date de modification :