Sommaire scientifique : rétablissement du caribou boréal

Science à l'appui du rétablissement du caribou boréal - Sommaire scientifique no 1

Contexte

Le caribou des bois, population boréale (Rangifer tarandus caribou) (ci-après « caribou boréal »), inscrit à titre d'espèce menacée à la Loi sur les espèces en péril (LEP), a une vaste aire de répartition dans toute la forêt boréale.

Le caribou boréal a besoin d'étendues continues d'habitat non perturbé et riche en forêts conifériennes matures ou anciennes, en muskegs, en tourbières et en zones de hautes terres et de collines. Les grandes superficies dotées d'un habitat de qualité convenable permettent au caribou boréal de se disperser dans le paysage lorsque les conditions sont défavorables (p. ex. perturbations naturelles causées par des incendies de forêt, perturbations anthropiques) et de maintenir de faibles densités de population pour réduire le risque de prédation.

En 2011, Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) a publié une évaluation scientifique qui examinait la contribution des perturbations naturelles et anthropiques à la condition de l'aire de répartition du caribou boréal ainsi que la probabilité de diverses conditions soutenant des populations autosuffisantes à l'échelle du Canada (Environnement Canada, 2011). Une méta‑analyse nationale de 24 aires étudiées du caribou boréal portait sur la relation entre le recrutement de faons et un éventail de variables explicatives présumées avoir une influence sur la dynamique des populations de caribous boréaux.

Les analyses ont permis d'établir une relation négative évidente entre le recrutement et la proportion de perturbation non chevauchante totale au sein d'une aire de répartition (perturbations anthropiques avec zone tampon de 500 m et perturbations par les incendies sans zone tampon). La relation recrutement-perturbation était une composante importante du modèle mis au point pour quantifier la capacité d'une aire de répartition à maintenir une population autosuffisante en fonction de l'état de l'habitat décrite dans le Programme de rétablissement du caribou des bois (Rangifer tarandus caribou), population boréale, au Canada (Environnement Canada, 2012).

Depuis 2011, de nouvelles données démographiques recueillies par les provinces, les territoires, les universités et Manitoba Hydro ont permis aux chercheurs d'ECCC d'examiner les lacunes dans les connaissances soulignées dans le calendrier des études du programme de rétablissement en ce qui concerne la nécessité d'étudier de manière approfondie l'applicabilité du modèle de perturbation dans le Bouclier boréal de la Saskatchewan (Environnement Canada, 2012).

Le présent sommaire est une synthèse de ces deux volets scientifiques achevés par ECCC. Il décrit brièvement pourquoi chaque volet a été accompli, les résultats clés et comment les travaux se rattachent au programme de rétablissement de 2012. Pour en savoir plus, veuillez consulter l'évaluation scientifique de 2011 et le programme de rétablissement de 2012, accessibles dans le Registre public de la LEP.

Méta-analyse de 2011 de l’état de la population boréale du caribou des bois et de son habitat

Contexte

L'évaluation scientifique de 2011 visait à guider la désignation de l'habitat essentiel dans le programme de rétablissement du caribou des bois, population boréale, de 2012. L'évaluation avait pour objet de mieux comprendre les relations entre la condition de la population de caribous boréaux et la condition de l'aire de répartition en vue de déterminer la quantité d'habitat nécessaire à l'autosuffisance.

Méthodologie de la méta-analyse

Pour comprendre la relation entre la condition de l'aire de répartition et la condition de la population de caribous, ECCC a réalisé une méta-analyse de 24 aires étudiées au Canada (figure 1). Le recrutement de faons du caribou boréal (faons/100 femelles) a été choisi comme indicateur de l'état de la population aux fins d'évaluation par rapport aux variables explicatives quantifiant le degré, le type et la configuration des perturbations et des caractéristiques de l'habitat. L'analyse était fondée sur des travaux antérieurs qui avaient démontré la relation entre le recrutement de faons et des éléments de perturbation (Environnement Canada, 2008).

ECCC a élaboré et appliqué une méthode de cartographie normalisée permettant d'obtenir une couche cartographique des perturbations anthropiques, uniforme à l'échelle nationale et détaillée sur le plan géospatial, dans toutes les aires de répartition du caribou boréal. Cette couche sera prise en compte dans l'analyse (Pasher et al., 2013). La nouvelle couche, de même que d'autres ensembles de données géospatiales, ont fourni la base de l'examen d'un éventail de facteurs pouvant influer sur la condition de la population de caribous boréaux, notamment les perturbations linéaires et polygonales, les incendies, la configuration de l'habitat et la qualité élevée de l'habitat.

Une analyse de la zone d'influence additionnelle au-delà de l'empreinte visible des perturbations humaines a quantifié les effets écologiques du développement humain sur le caribou boréal (p. ex. risque accru de prédation dans les zones proches d'une perturbation). L'évaluation du modèle a révélé un ensemble de largeurs de zones tampons candidates (fourchette : de 500 à 2 000 m). La zone tampon la plus prudente du point de vue de gestion de l'utilisation des terres (500 m) a été choisie pour représenter l'empreinte écologique des perturbations humaines sur le recrutement dans les analyses ultérieures.

Figure 1. Description longue ci-dessous.
Figure 1. Carte montrant l'emplacement des 24 aires étudiées du caribou boréal dans l'ensemble de la région boréale du Canada, utilisées dans la méta-analyse de 2011
Description longue

Carte montrant l’emplacement des 24 aires étudiées du caribou boréal dans l’ensemble de la région boréale du Canada, utilisées dans la méta-analyse de 2011.

Treize modèles ont été mis au point pour tester :

  • les effets relatifs de différents types de perturbations (M0-8);
  • les effets des perturbations anthropiques et de la configuration des perturbations (M9);
  • l'influence de l'habitat non perturbé, notamment l'habitat de qualité élevée (M10-12).

Les modèles ont été exécutés à l'échelle nationale (toutes les données). L'écozone a été incluse à titre de variable explicative pour voir si des variations régionales existaient dans la relation entre la démographie du caribou et la condition de son aire de répartition.

Principaux constats

Plusieurs modèles ont été étudiés, mais la perturbation non chevauchante totale (modèle M3) a constitué le meilleur prédicteur des taux de recrutement du caribou boréal (tableau 1; figure 2). Ce modèle a expliqué près de 70 % de la variation du recrutement de faons dans l'ensemble des 24 aires étudiées. Le modèle M7 n'était pas un modèle candidat, son ∆AICc n'étant pas inférieur à 2, mais les incendies exerçaient effectivement un effet négatif sur le recrutement, tout comme les perturbations anthropiques (P = 0,01). De plus, les incendies faisaient partie intégrante des calculs de la perturbation totale.

Tableau 1. Variables explicatives et résultats des modèles des effets des perturbations sur le recrutement estimé, classés par ordre croissant des valeurs d'AICc
Modèle Variables explicatives Description Modèles de recrutement (N=24)*
R2
Modèles de recrutement (N=24)*
AICc
Modèles de recrutement (N=24)*
dAICc
Modèles de recrutement (N=24)*
w
Modèles de recrutement (N=24)*
with Ecozone
R2
Modèles de recrutement (N=24)*
avec écozone
AICc
M3 perturb_totale Pourcentage de perturbation totale sans chevauchement
(incendies et perturbations anthropiques)
(zone tampon de 500 m pour les perturbations anthropiques; effet des réservoirs éliminé)
0,69 169,81 0,00 0,44 0,70 178,70
M7 anthro +feu_excl_anthro M1 + pourcentage des incendies à l'exclusion des perturbations anthropiques 0,70 172,50 2,69 0,11 0,70 182,76
M12 perturb_totale + hqé M3 + proportion d'habitats de qualité élevée 0,70 172,56 2,74 0,11 0,70 177,83
M9 perturb_totale_ + ln_nn M3 + moyenne de la plus courte distance pondérée en fonction de la superficie
(zone tampon de 500 m)
0,69 172,66 2,85 0,11 0,70 182,72
M8 perturb_totale_ + feu_prop_perturb M3 + proportion de la perturbation totale attribuable aux incendies 0,69 172,66 2,85 0,11 0,70 182,67
M4 lnlinéaire Pourcentage de perturbation anthropique linéaire
(zone tampon de 500 m); transformé en log
0,65 173,19 3,38 0,08 0,65 182,35
M6 lnlinéaire + poly M4 + M5 0,65 175,72 5,91 0,02 0,65 186,15
M1 anthro Pourcentage de perturbation anthropique
(zone tampon de 500 m; effet des réservoirs éliminé)
0,60 176,32 6,51 0,02 0,65 182,45
M0 perturb_totale_Ph1 Pourcentage de perturbation totale sans chevauchement
(phase 1)
0,57 178,18 8,37 0,01 0,57 186,70
M11 ifl_sansfeu Proportion de paysage forestier intact à l'exclusion des perturbations anthropiques et des incendies 0,47 182,76 12,95 0,00 0,50 189,45
M10 ifl Proportion de paysage forestier intact à l'exclusion des perturbations anthropiques 0,35 187,81 18,00 0,00 0,47 190,51
M5 poly Pourcentage de perturbation anthropique polygonale
(zone tampon de 500 m; effet des réservoirs éliminé)
0,30 189,68 19,87 0,00 0,55 186,95
M2 feu Pourcentage des incendies (sans zone tampon) 0,05 196,98 27,17 0,00 0,26 193,51

*Il est à noter que ce tableau met à jour les résultats présentés dans l'analyse initiale publiée dans l'évaluation scientifique de 2011. Il est à souligner que le modèle de perturbation totale est le seul modèle candidat puisqu'aucun autre modèle ne présentait un ΔAICc inférieur à 2. Les résultats demeurent conformes à l'information utilisée pour guider la désignation de l'habitat essentiel dans le programme de rétablissement.

L'analyse révélait une certaine variabilité régionale de l'effet de différents facteurs sur le recrutement du caribou (illustrée par la différence des valeurs d'AICc entre l'analyse à l'échelle nationale et l'analyse incluant l'écozone). Certains résultats laissaient entrevoir des différences régionales en termes d'effet des incendies, des types de perturbations polygonales, de l'habitat de qualité élevé et de la proportion de forêts intactes (≥ 5 000 hectares) sur le recrutement du caribou. Toutefois, aucun modèle régional tenant compte de ces variables ne présentait un ∆AICc inférieur à 2 par rapport au modèle de perturbation totale national.

Le modèle perturbation-recrutement, qui représente les effets d'une combinaison de facteurs de la dynamique de la population de caribous dans l'ensemble de la forêt boréale, est soutenu par un vaste éventail d'études scientifiques. La perturbation totale tient compte à la fois : des effets directs de la perte d'habitat entraînant une contraction et un isolement de l'aire de répartition et des effets indirects du risque de prédation accru associé à la quantité et à la configuration de l'habitat perturbé sur la répartition et la densité d'autres proies et de leurs prédateurs communs.

Figure 2. Graphique. Description longue ci-dessous.
Figure 2. Graphique montrant les bandes de prévision de 50, 70 et 90 % que produit le meilleur modèle de régression unidimensionnelle (M3) du recrutement du caribou et de la perturbation du paysage
Description longue

Graphique montrant les bandes de prévision de 50, 70 et 90 % que produit le meilleur modèle de régression unidimensionnelle (M3) du recrutement du caribou et de la perturbation du paysage. Le recrutement diminue à mesure que la perturbation totale augmente (perturbations anthropiques avec zone tampon + perturbations par les incendies).

Décisions de gestion

Pour estimer la probabilité d'autosuffisance des populations de caribous boréaux par rapport à la perturbation totale dans une aire de répartition (l'autosuffisance étant définie comme étant une tendance démographique stable ou à la hausse sur 20 ans), la relation empirique entre la perturbation totale et le recrutement découlant du meilleur modèle (M3) a été combinée à un taux de survie moyen des femelles adultes à l'échelle nationale (survie de 85 %).

Le degré total de perturbation a été utilisé pour établir un seuil de gestion des perturbations de 65 % d'habitat non perturbé dans chacune des aires de répartition (figure 3). Ce seuil constitue le fondement de la désignation de l'habitat essentiel dans le programme de rétablissement (Environment Canada, 2012) de toutes les populations locales de caribous boréaux au Canada, sauf celle du Bouclier boréal de la Saskatchewan (SK1), où les perturbations par les incendies sont élevées (55 %), et les perturbations anthropiques, très faibles (3 %), et où les données sur le recrutement sont insuffisantes pour permettre l'évaluation de l'applicabilité de la relation recrutement-perturbation dans de telles conditions.

Figure 3. Graphique. Description longue ci-dessous.
Figure 3. Graphique montrant la probabilité d'une croissance stable ou positive de la population en fonction de la perturbation totale dans une aire de répartition (utilisée pour établir le seuil de gestion des perturbations fondé sur le risque)
Description longue

Graphique montrant comment la probabilité de croissance stable ou positive diminue à mesure que la perturbation totale d’une aire de répartition augmente. Ce graphique a servi à établir le seuil de gestion des perturbations de 65 % d’habitat non perturbé fondé sur les risques dans chacune des aires de répartition, qui sert de fondement à la désignation de l’habitat essentiel dans le programme de rétablissement de 2012.

Recherches scientifiques pour guider la désignation de l'habitat essentiel dans le Bouclier boréal de la Saskatchewan (SK1)

Contexte

L'habitat essentiel de la population locale du Bouclier boréal de la Saskatchewan (SK1) n'a pas été désigné dans le programme de rétablissement de 2012, sa taille et sa tendance étant inconnues. De plus, les fortes perturbations par les incendies (55 %) et les faibles perturbations anthropiques (3 %) n'étaient pas bien représentées dans les données utilisées pour définir le seuil de gestion des perturbations de 65 % d'habitat non perturbé dans chaque aire de répartition (figure 4). La présente section du sommaire décrit les recherches menées par les chercheurs d'ECCC depuis la publication du programme de rétablissement de 2012 en vue de combler les lacunes dans les connaissances soulignées dans le calendrier des études visant à désigner l'habitat essentiel dans SK1.

Nouvel ensemble de données national sur le caribou boréal

La méta-analyse de la démographie du caribou en fonction de la perturbation à l'échelle des aires de répartition de 2011 portait sur 24 aires étudiées du caribou boréal. Depuis, trois années de données ont été recueillies pour SK1 (tableau 2), et plusieurs autres autorités responsables ont obtenu des données additionnelles sur le recrutement et la survie des adultes, ce qui a permis aux scientifiques d'ECCC de travailler avec des partenaires provinciaux/territoriaux et universitaires à bâtir un ensemble de données fondé sur deux fois plus d'aires étudiées dans le cas du recrutement (N = 57) ainsi que sur 45 aires étudiées dans le cas de la survie des adultes (figure 5). ECCC a également mis à jour ses données sur les perturbations en se fondant sur des images de 2015, ce qui a permis d'assurer la correspondance temporelle avec les nouvelles données démographiques.

Figure 4. Carte. Description longue ci-dessous.
Figure 4. Carte montrant l'habitat essentiel du caribou boréal au Canada, tel qu'il a été désigné dans le programme de rétablissement de 2012. L'habitat essentiel n'a pas été désigné dans le Bouclier boréal de la Saskatchewan (SK1)
Description longue

Carte du Canada montrant l’habitat essentiel de 50 des 51 aires de répartition du caribou boréal, tel qu’il a été désigné dans le programme de rétablissement de 2012. Sur cette carte, les aires de répartition du caribou boréal sont classées dans trois catégories : maintenir au moins 65 % d’habitat non perturbé (17 aires de répartition), atteindre avec le temps 65 % d’habitat non perturbé (33 aires de répartition) et habitat essentiel non désigné (1 aire de répartition; il s’agit de SK1, ou Bouclier boréal de la Saskatchewan).

Figure 5. Carte. Description longue ci-dessous.
Figure 5. Carte montrant les aires étudiées du caribou faisant partie de l'ensemble de données élargi dans la région boréale du Canada
Description longue

Carte du Canada montrant l’emplacement des aires étudiées de l’ensemble de données élargi sur le caribou dans la région boréale du Canada. L’ensemble de données élargi comprend les nouvelles données sur SK1 (nord de la Saskatchewan) ainsi que plusieurs aires étudiées au Manitoba, en Ontario et au Québec qui n’étaient pas bien représentées dans l’analyse de 2011.

Ce nouvel ensemble de données élargi a facilité l'évaluation d'un sous-ensemble de modèles testés en 2011 et de pousser l'étude des différents effets potentiels des incendies et des perturbations anthropiques sur les populations de caribous. Il a également permis d'évaluer les données démographiques sur SK1 nouvellement recueillies dans le contexte des modèles nationaux de prévision du recrutement en fonction des perturbations.

L'ensemble de données actualisé avait aussi une meilleure couverture des diverses combinaisons perturbations anthropiques/perturbations par les incendies possibles – y compris la combinaison fortes perturbations par les incendies/faibles perturbations anthropiques (figure 6).

Figure 6. Graphique. Description longue ci-dessous.
Figure 6. Graphique montrant le pourcentage de perturbations anthropiques (avec zone tampon de 500 m) par rapport au pourcentage de perturbations par les incendies dans les 24 aires étudiées utilisées dans l'analyse de 2011 (●); les aires mises à jour avec les estimations du recrutement et de la survie des adultes (■); les aires mises à jour avec les estimations du recrutement seulement (□)
Description longue

Graphique montrant les diverses combinaisons perturbations anthropiques (avec zone tampon de 500 m)/perturbations par les incendies. Le graphique montre que l’ensemble de données élargi a une meilleure couverture des combinaisons où les perturbations anthropiques sont faibles que l’ensemble de données initial portant sur 24 aires étudiées de l’analyse de 2011.

Tableau 2. Données recueillies sur trois ans dans SK1 par l'Université de la Saskatchewan (McLoughlin pers. com.)
Année Taux de survie Rapport entre les âges (X) Taux de recrutement (R) λ
2014-2015 0,914 [0,851-0968] 0,207 [0,146-0,271] 0,094 [0,068-0,119] 1,009 [0,939-1,074]
2015-2016 0,961 [0,910-1,000] 0,216 [0,162-0,272] 0,097 [0,075-0,120] 1,065 [1,007-1,115]
2016-2017 0,872 [0,785-0,951] 0,144 [0,088-0,205] 0,067 [0,042-0,093] 0,935 [0,839-1,021]

Analyse du recrutement

Les chercheurs d’ECCC ont évalué cinq des modèles de recrutement de 2011 au moyen de l’ensemble de données élargi (tableau 3). L’accent a été mis sur la distinction des effets des perturbations anthropiques des effets des perturbations par les incendies. Comme pour l’analyse de 2011, les perturbations anthropiques comprenaient une zone tampon de 500 m, tandis que les perturbations par les incendies sont restées sans zone tampon.

Le modèle séparant les effets des perturbations anthropiques des effets des perturbations par les incendies (anthro + feu_excl_anthro), qui explique 39 % de la variation du taux de recrutement, a reçu le plus d’appui. Bien que les perturbations par les incendies et les perturbations anthropiques aient toutes des effets négatifs sur le recrutement du caribou (Ps < 0,05), ce sont les perturbations anthropiques qui exerçaient l’effet le plus marqué (coefficients de régression normalisés : β pour anthro. = -0,623; β pour feu = -0,221).

Tableau 3. Modèles de recrutement (N=57)
Modèle Variables explicatives R2 AICc ∆AICc w
M3 Total_dist 0,35 426,39 0,78 0,28
M7 Anthro + fire_excl_anthro 0,39 (0,36) 425,61 0 0,41
M8 Total_dist+ fire_prop_dist 0,36 (0,33) 428,21 2,60 0,11
M1 anthro 0,34 427,11 1,5 0,20
M2 fire 0,02 450 24,39 0,00

Le recrutement moyen observé dans SK1 (mis en évidence par un encadré en rouge) se situait dans l’intervalle de confiance à 95 % tant dans le modèle de perturbation totale (perturb_totale) que dans le modèle qui distinguait les perturbations anthropiques des perturbations par les incendies (anthro + feu_excl_anthro) (figure 7), ce qui indique que les deux modèles donnent des prévisions adéquates du recrutement pour SK1.

Figure 7. Graphique. Description longue ci-dessous.
Figure 7. Graphique du recrutement observé et du recrutement prévu des modèles M3 et M7 en fonction de la perturbation totale
Description longue

Graphique du recrutement observé et du recrutement prévu, selon les modèles M3 (perturbation totale) et M7 (perturbations anthropiques + perturbations par les incendies excluant les perturbations anthropiques) en fonction de la perturbation totale. Les prévisions des deux modèles sont semblables, quoique légèrement plus variables lorsque les effets des incendies sont considérés séparément des effets des perturbations anthropiques.

Les nouvelles données ont introduit une plus grande variation de la relation comparativement à l’analyse de 2011, en particulier à la limite inférieure du spectre de perturbation totale (figure 7). Plusieurs facteurs pourraient avoir contribué à la tendance observée, notamment une meilleure représentation de la diversité des conditions des aires de répartition du caribou boréal dans l’ensemble du pays (p. ex. bruit ambiant créé par la variation des conditions météorologiques, maladie, chasse, etc.). Les méthodes utilisées pour estimer le recrutement varient également à l’échelle du pays (p. ex. techniques de relevé, hypothèses sur le rapport des sexes et autres mesures différant d’une autorité responsable à l’autre). Malgré les sources de variation potentielles, la relation recrutement-perturbation est encore fortement négative. De plus, la variation réduite près de la limite supérieure du pourcentage de perturbation totale donne à penser que les perturbations deviennent le principal facteur du recrutement du caribou à mesure que les degrés de perturbation augmentent. Dans la plupart des aires de répartition du caribou, les perturbations anthropiques sont le type de perturbation prédominant, dont l’impact dépasse celui des incendies selon un rapport de 3:1. La suppression des incendies est également plus marquée dans les zones où l’empreinte humaine est plus grande.

Analyse de la survie des femelles adultes

Les cinq mêmes modèles ont servi à évaluer l’effet des éléments de perturbation de la survie des femelles adultes (tableau 4). Le modèle tenant uniquement compte des perturbations anthropiques (avec zone tampon de 500 m) a reçu le plus fort appui; il explique environ 12 % de la variation de la survie des femelles adultes. La survie des femelles adultes serait donc principalement influencée par les perturbations anthropiques, plutôt que par les perturbations dues aux incendies. D’autres analyses s’imposent pour comprendre les facteurs qui vont au‑delà des perturbations anthropiques et qui pourraient jouer un rôle dans la survie des femelles adultes; toutefois, les résultats concordent avec ceux d’autres études qui donnent à penser que les facteurs influant sur les femelles diffèrent peut‑être de ceux influant sur les faons (les femelles étant plus portées à éviter les prédateurs et plus vulnérables à un sous-ensemble de prédateurs que les faons).

Tableau 4. Modèles de survie des adultes (N=45)
Modèle Variables explicatives R2 AICc ∆AICc w
M3 Total_dist 0,060 -142,740 3,059 0,124114
M7 Anthro + fire_excl_anthro 0,124 -143,497 2,301 0,181242
M8 Total_dist+fire_prop_dist 0,093 -141,944 3,855 0,083368
M1 anthro 0,122 -145,799 0,000 0,572807
M2 fire 0,010 -140,397 5,401 0,03847

Maintenir une population autosuffisante dans SK1

Les nouvelles données démographiques sur le caribou boréal fournies par les partenaires ont été utilisées pour mettre à jour le modèle démographique de 2011 conçu pour évaluer la probabilité d'autosuffisance d'une population de caribous sur 20 ans (voir les méthodes dans Environment Canada [2011] pour connaître les détails du modèle démographique). Plus précisément, une distribution bêta a servi à caractériser la variabilité stochastique annuelle de la survie des femelles adultes et du recrutement, car elle fournissait le meilleur ajustement à l'ensemble de données mis à jour.

Le modèle démographique a été utilisé pour calculer la probabilité de maintenir une population autosuffisante dans SK1 sur 20 ans selon 5 scénarios différents. Le premier scénario a estimé la probabilité de maintenir une population autosuffisante dans les conditions de perturbation actuelles dans SK1 (58 % de perturbations par les incendies et 3 % de perturbations anthropiques, ou 60 % de perturbation non chevauchante totale en 2015) au moyen d'estimations empiriques du recrutement et de la survie des adultes recueillies sur 3 ans et fournies par l'Université de la Saskatchewan (McLoughlin, comm. pers.).

Les autres scénarios examinaient l'effet d'autres degrés de perturbations anthropiques avec zone tampon (hausses de 5 %, jusqu'à un total de 20 % de perturbations anthropiques additionnelles par rapport à l'empreinte existante) sur la probabilité de maintenir une population autosuffisante dans SK1. Les modèles nationaux de recrutement et de survie des adultes (décrits ci-dessus) ont été utilisés pour prévoir les effets de perturbations anthropiques croissantes. Tous les scénarios ont présumé une augmentation nulle du pourcentage de perturbations par les incendies à court terme.

Aux degrés de perturbation actuels, la probabilité d'autosuffisance de la population de SK1 est de 0,71. Le programme de rétablissement insiste sur le fait que certaines populations locales pourraient être plus vulnérables aux perturbations et nécessiter que celles-ci soient de moins de 35 %, tandis que d'autres pourraient être plus résilientes et capables de tolérer un taux de perturbation de plus de 35 %. Bien que l'on reconnaisse que la relation entre les perturbations et l'état des populations varie, la probabilité de 0,71 de maintenir une population autosuffisante dans SK1 ne se situe pas dans l'intervalle de confiance à 90 % du modèle (figure 8), principalement parce que les taux de survie des adultes dépassent la moyenne nationale. En fait, SK1 affiche actuellement le plus haut taux de survie moyen de caribous boréaux femelles adultes dans tout le pays.

Les résultats des scénarios étudiant les augmentations de perturbations anthropiques donnent à penser que SK1 atteindrait le seuil de rétablissement d'une probabilité de 60 % de maintenir une population autosuffisante si elle subissait une hausse de 2,6 à 2,7 % de perturbations anthropiques (figure 9). Ce résultat, combiné à d'autres facteurs, est pris en compte dans le processus de désignation de l'habitat essentiel dans SK1.

Compte tenu de la sensibilité de ce modèle à de légères hausses de perturbations anthropiques et à des baisses de la survie des femelles adultes ainsi que de l'incertitude entourant la prévision des changements futurs du paysage (c.-à-d. que les scénarios présumaient aucune perturbation additionnelle par les incendies), la population de SK1 devra faire l'objet d'un suivi étroit pour s'assurer que l'objectif de rétablissement de maintenir une population autosuffisante n'est pas compromis et que d'autres perturbations n'entraîneront pas une contraction ou un isolement de l'aire de répartition.

Figure 8. Graphique. Description longue ci-dessous.
Figure 8. Probabilité d’obtenir une population autosuffisante en fonction de la perturbation totale établie dans l’évaluation scientifique de 2011 (avec intervalles de confiance à 50, 70 et 90 %). La probabilité d’autosuffisance calculée de la population de SK1 en fonction du degré de perturbation actuel se situe hors de l’intervalle de confiance à 90 %
Description longue

Graphique tiré de l’évaluation scientifique de 2011 qui montre la probabilité d’obtenir une population autosuffisante en fonction du pourcentage de perturbation totale, avec intervalles de confiance à 50, 70 et 90 %. La probabilité d’autosuffisance calculée de la population de SK1 en fonction des degrés de perturbation actuels est illustrée par un point qui se trouve au-delà de la limite supérieure de l’intervalle de confiance à 90 %. Il en est ainsi parce que la population de SK1 dépasse la survie moyenne des femelles adultes à l’échelle nationale (0,85) utilisée pour générer le graphique.

Figure 9. Graphique. Description longue ci-dessous.
Figure 9. Graphique montrant la probabilité estimée que la population de SK1 devienne autosuffisante en fonction d’une hausse simulée des perturbations anthropiques
Description longue

Graphique montrant la baisse estimée de la probabilité d’autosuffisance de la population de SK1 en fonction d’une hausse simulée des perturbations anthropiques. La probabilité chute, passant de 0,71 à moins de 0,6 en présence d’une hausse de 3 % de l’empreinte humaine (par rapport à l’empreinte existante).

À venir

Les résultats de l'analyse scientifique visant à guider la désignation de l'habitat essentiel dans SK1 seront publiés dans une revue examinée par des pairs en 2019-2020.

D'autres sommaires scientifiques sur le caribou boréal seront affichés dans le Registre public de la LEP. Les prochains consisteront en une évaluation approfondie du modèle perturbation-recrutement utilisé pour établir le seuil de gestion ainsi qu'en une analyse améliorée qui examinera plus profondément la relation entre la réponse de la population de caribous boréaux, d'une part, et les différents types de perturbations (incendies, anthropiques, polygonaux et linéaires) ainsi que le degré et la configuration de l'habitat convenable du caribou, d'autre part.

Références

Environment Canada. 2011. Scientific Assessment to Support the Identification of Critical Habitat for Woodland Caribou (Rangifer tarandus caribou), Boreal Population, in Canada. Ottawa, ON. 115 pp. plus Appendices. [Également disponible en francais : Environnement Canada. 2011. Évaluation scientifique aux fins de la désignation de l'habitat essentiel de la population boréale du caribou des bois (Rangifer tarandus caribou) au Canada. Ottawa (Ont.). 116 p. et annexes.]

Environment Canada. 2012. Recovery Strategy for the Woodland Caribou (Rangifer tarandus caribou), Boreal population, in Canada. Species at Risk Act Recovery Strategy Series. Environment Canada, Ottawa. xi + 138 pp. [Également disponible en français : Environnement Canada. 2012. Programme de rétablissement du caribou des bois (Rangifer tarandus caribou), population boréale, au Canada. Série de Programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril, Environnement Canada, Ottawa. xii + 152 p.]

Environment and Climate Change Canada. 2018. Action Plan for the Woodland Caribou (Rangifer tarandus caribou), Boreal Population, in Canada – Federal Actions. Species at Risk Act Action Plan Series. Environment and Climate Change Canada, Ottawa. Vii + 28 pp. [Également disponible en français : Environnement et Changement climatique Canada. 2018. Plan d'action pour le caribou des bois (Rangifer tarandus caribou), population boréale, au Canada – Mesures fédérales. Série de Plans d'action de la Loi sur les espèces en péril. Environnement et Changement climatique Canada, Ottawa. vii + 32 p.]

Pasher J., E. Seed et J. Duffe. 2013. Development of boreal ecosystem anthropogenic disturbance layers for Canada based on 2008 to 2010 Landsat imagery. Can. J. Remote Sensing 39(1): 42-58.

Détails de la page

Date de modification :