Bar rayé (Morone saxatilis) : programme de rétablissement et plan d’action 2021

Titre officiel : Programme de rétablissement et plan d’action du bar rayé (Morone saxatilis), population du fleuve Saint-Laurent, au Canada

Loi sur les espèces en péril
Série des programmes de rétablissement
Série des plans d’action

Bar rayé
Bar rayé
Information sur le document

Citation recommandée : Pêches et Océans Canada. 2021. Programme de rétablissement et plan d’action du bar rayé (Morone saxatilis), population du fleuve Saint-Laurent, au Canada. Série de Programmes de rétablissement et série de Plans d’action de la Loi sur les espèces en péril. Pêches et Océans Canada, Ottawa. vii+ 70 p.

Pour obtenir des exemplaires du rapport d’étape ou de plus amples renseignements sur les espèces en péril, y compris les rapports de situation du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), les programmes de rétablissement, les descriptions de résidence, les plans d’action et d’autres documents liés au rétablissement, veuillez consulter le Registre public des espèces en péril.

Illustration de la couverture : Espace pour la vie, Biodôme de Montréal

Also available in English under the title:

“Recovery Strategy and Action Plan for the Striped Bass (Morone saxatilis), St. Lawrence River Population, in Canada ”

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de Pêches et Océans Canada, 2021. Tous droits réservés.

ISBN 978-0-660-38578-5
No de catalogue. En3-4/105-2021F-PDF

Le contenu du présent document (à l’exception des illustrations) peut être utilisé sans permission, mais en prenant soin d’indiquer la source.

Préface

En vertu de l’Accord pour la protection des espèces en péril (1996), les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux signataires ont convenu d’établir une législation et des programmes complémentaires qui assureront la protection efficace des espèces en péril partout au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (L. C. 2002, ch. 29) (LEP), les ministres fédéraux compétents sont responsables de l’élaboration d’un programme de rétablissement et d’un plan d’action pour toute espèce inscrite comme étant disparue du pays, en voie de disparition ou menacée. Ils sont également tenus de rendre compte des progrès réalisés cinq ans après la publication du document définitif dans le Registre public des espèces en péril, puis aux cinq ans.

Le présent document a été préparé de manière à être conforme aux exigences de la LEP concernant les programmes de rétablissement et les plans d’action. Ainsi, il fournit l'orientation stratégique pour le rétablissement de l'espèce, y compris les objectifs de population et de distribution pour l'espèce, et détaille les mesures de rétablissement nécessaires pour soutenir cette orientation stratégique et atteindre ces objectifs. La LEP exige qu’un plan d’action comprenne également une évaluation de ses coûts socio-économiques et des avantages découlant de sa mise en œuvre. Il est important de noter que l’établissement d’objectifs relatifs aux populations et à leur répartition, de même que la désignation de l’habitat essentiel, sont des exercices de nature scientifique, et que les facteurs socio-économiques n’ont pas été pris en considération lors de leur élaboration. L’évaluation socio-économique ne s’applique qu’aux mesures de rétablissement plus détaillées (c’est-à-dire, aux mesures du plan d’action).

Le ministre de Pêches et des Océans et de la Garde côtière canadienne est le ministre compétent en vertu de la LEP pour la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent et a élaboré ce programme et ce plan combinés, conformément aux articles 37 et 47 de la LEP. Pour l’élaboration de ce programme de rétablissement et plan d’action combinés, le ministre compétent a tenu compte, selon l’article 38 de la LEP, de l’engagement qu’a pris le gouvernement du Canada de conserver la diversité biologique et de respecter le principe selon lequel, s’il existe une menace d’atteinte grave ou irréversible à l’espèce inscrite, le manque de certitude scientifique ne doit pas être prétexte à retarder la prise de mesures efficientes pour prévenir sa disparition ou sa décroissance. Dans la mesure du possible, le programme de rétablissement et plan d’action a été préparé en collaboration avec l’Agence Parcs Canada, le gouvernement du Québec (le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs), les experts du milieu académique, des partenaires autochtones, et des représentants des pêches sportives et commerciales ainsi que des organisations non gouvernementales, conformément aux paragraphes 39(1) et 48(1) de la LEP.

Conformément à ce qui est énoncé dans le préambule de la LEP, la réussite du rétablissement de cette espèce dépendra de l’engagement et de la collaboration d’un grand nombre de parties concernées qui participeront à la mise en œuvre des directives formulées dans le présent programme de rétablissement et plan d’action. Cette réussite ne pourra reposer uniquement sur Pêches et Océans Canada, ou sur toute autre compétence seule. Les coûts de conservation des espèces en péril sont partagés entre les différentes instances. Tous les Canadiens et toutes les Canadiennes sont invités à appuyer ce programme et ce plan et à contribuer à sa mise en œuvre pour le bien du bar rayé du fleuve Saint-Laurent et de l’ensemble de la société canadienne. La mise en œuvre du présent programme et plan d’action est assujettie aux crédits, aux priorités et aux contraintes budgétaires des autorités et organisations participantes.

Remerciements

Pêches et Océans Canada (MPO) souhaite remercier Marthe Bérubé (MPO), Myriam Bourgeois (MPO) et Alexandra Valentin (MPO), qui ont rédigé ce document avec la précieuse collaboration de l’équipe de rétablissement (voir l’annexe B), ainsi que celle de Brigitte Lévesque (MPO) et Sarah Jacques (MPO) pour la préparation des cartes, Florence Boucher-Boisclair (MPO) pour la section sur l’évaluation des répercussions socioéconomiques et des avantages et, finalement, Renée Langevin (Environnement et Changement climatique Canada) pour les informations relatives aux réserves nationales de faune et refuges d’oiseaux migrateurs. Dans la mesure du possible, le présent document a été préparé en collaboration avec l’Agence Parcs Canada, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, les experts du milieu académique, des partenaires autochtones, des représentants des pêches sportives et commerciales et des organisations non gouvernementales. Pêches et Océans Canada aimerait remercier toutes les personnes et organisations qui contribuent au rétablissement de la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent.

Sommaire

Au Canada, cinq populations indigènes de bar rayé ont existé dans trois secteurs distincts qui correspondent aux trois unités désignées par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), soit la baie de Fundy, le sud du Golfe du Saint-Laurent et le fleuve Saint-Laurent.

La population de bar rayé (Morone saxatilis) du fleuve Saint-LaurentNote de bas de page 1 a été inscrite en tant qu’espèce en voie de disparition en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) en 2019. Le présent programme de rétablissement et plan d’action est une mise à jour et une bonification du programme de rétablissement de 2011 (Robitaille et al. 2011). Il fait partie d’une série de documents interdépendants portant sur cette espèce. Ces documents forment un tout et comprennent notamment le rapport sur la situation de l’espèce du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC 2012), une évaluation du potentiel de rétablissement (MPO 2006) et un avis scientifique à l’appui de la désignation de l’habitat essentiel (MPO 2017a).

La population de bar rayé qui fait l’objet du présent programme de rétablissement et plan d’action est celle qui est présente actuellement dans le fleuve Saint-Laurent (population contemporaine). Cette population a été introduite dans le fleuve Saint-Laurent à partir de 2002, dans le cadre d’un programme de réintroduction comprenant la reproduction en pisciculture de bars rayés issus de la rivière Miramichi. Il a été déterminé que le rétablissement de la population contemporaine est faisable sur le plan biologique et technique. La population historique du fleuve Saint-Laurent a disparu dans les années 1960, en raison de la surpêche et de la destruction de son habitat.

Le bar rayé doit son nom à sept ou huit bandes horizontales foncées qui marquent ses flancs pâles. Le bar rayé est une espèce anadrome qui fraie en eau douce et se développe jusqu’à maturité en mer. Il est associé aux estuaires et aux habitats côtiers du nord-est américain. La fraie, l’incubation et le développement initial de l’alevin ont lieu en eau douce ou légèrement saumâtre. À partir du stade juvénile, le bar rayé tolère mieux les changements des conditions environnementales. Il peut combler ses besoins alimentaires en se déplaçant dans les milieux estuariens ou côtiers.

Depuis la réintroduction du bar rayé dans le fleuve, il se reproduit naturellement et on a enregistré une certaine augmentation de l’abondance de sa population et de sa répartition. Il est bien établi dans une aire de répartition qui s’étend, en amont, de l’entrée du lac Saint-Pierre (à la hauteur de Sorel et incluant la rivière Richelieu) à, en aval, Rivière-du-Loup sur la rive sud et le fjord du Saguenay (incluant celui-ci) sur la rive nord. Le bar rayé est susceptible d’être observé aussi bien en amont qu’en aval de cette aire principale de répartition, mais de manière variable selon les années. En été, un certain chevauchement géographique semble exister entre la population du fleuve et la population du sud du golfe du Saint-Laurent. Ce chevauchement est documenté dans les eaux du golfe, de l’estuaire maritime et de la rivière Saguenay. Il est toutefois dynamique, difficile à définir géographiquement et variable entre les années.

Les menaces auxquelles fait face l’espèce sont décrites dans la section 5 et comprennent : le développement d’infrastructures; l’entretien de la voie maritime du Saint-Laurent; l’entretien des quais, marinas et chenaux d’accès; la modification locale du milieu riverain; le batillage; l’implantation d’obstacles temporaires ou permanents; les espèces aquatiques envahissantes; les maladies et parasites; les captures accidentelles sportives et commerciales; les captures illégales; les fuites et déversements d’hydrocarbures lors de leur transport; les fuites qui pourraient survenir lors de l’exploration et l’exploitation gazières et pétrolières; la pollution agricole (charge en nutriments et sédiments, pesticides) et les effluents municipaux et industriels.

Les objectifs en matière de population et de répartition établissent, dans la mesure du possible, le nombre d’individus et leur répartition géographique  nécessaires au rétablissement de l’espèce. En absence de données suffisantes pour établir des objectifs précis et spécifiques, les objectifs en matière de population et de répartition fixés pour la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent sont inspirés des critères du COSEPAC et sont ceux qui permettraient à la population de passer du statut d’espèce en voie de disparition selon la LEP, à celui d’espèce préoccupante. Des travaux sont en cours pour préciser ces objectifs et les rendre plus spécifiques à la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent.

La section 7 décrit les différentes mesures à prendre en termes d’inventaires, de suivis et d’ensemencements; de recherches; de gestion et de coordination; et d’intendance et de sensibilisation, qui fournissent les meilleures chances d’atteindre les objectifs en matière de population et de répartition.

L’habitat essentiel (section 8) est défini aussi précisément que possible, à l’aide des meilleurs renseignements disponibles; il fournit les fonctions et les caractéristiques nécessaires pour appuyer les processus du cycle biologique de l’espèce et atteindre les objectifs en matière de population et de répartition de l’espèce. L’habitat essentiel de la population du fleuve Saint-Laurent est composé d’un assemblage d’emplacements géographiques, situés dans l’estuaire fluvial ou moyen du fleuve Saint-Laurent, où le bar rayé accomplit les fonctions essentielles à son cycle de vie, ce qui inclut (i) l’alimentation des adultes (mai-octobre; deux secteurs), (ii) l’hivernage des adultes (novembre-avril; deux secteurs) , (iii) la reproduction (mai-juin ; deux secteurs) et (iv) la croissance et l’alimentation des larves et des juvéniles (juin-novembre; un secteur).  L’ensemble de l'habitat essentiel désigné doit être protégé tout au long de l'année afin de garantir qu’il puisse remplir ses fonctions essentielles auprès de l'espèce lorsqu'elle en a besoin. Le présent programme de rétablissement et plan d’action désigne l’habitat essentiel du bar rayé du fleuve Saint-Laurent comme étant un assemblage d’emplacements géographiques situés dans l’estuaire fluvial ou moyen du Saint-Laurent. Faute d’information suffisante, certains habitats qui pourraient être importants ne peuvent pas être désignés dans le présent programme de rétablissement et plan d’action. Le calendrier des études décrit les recherches nécessaires pour éventuellement désigner d’autres aires d’habitat essentiel qui pourraient être requises pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition de l’espèce.

Il est prévu que la protection de l’habitat essentiel de l’espèce contre la destruction prendra la forme d’un Arrêté visant la protection de l’habitat essentiel pris en vertu des paragraphes 58(4) et 58(5) de la LEP, qui invoquera l’interdiction, prévue au paragraphe 58(1), de la destruction de l’habitat essentiel désigné.

Dans le présent document, la section portant sur le plan d’action expose en détail la planification du rétablissement à l’appui des orientations stratégiques énoncées dans la section consacrée au programme de rétablissement. Le plan d’action décrit ce qui doit être réalisé pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition, notamment les mesures à prendre pour contrer les menaces et surveiller le rétablissement de l’espèce, ainsi que les mesures requises pour protéger l’habitat essentiel. Une évaluation des coûts socio-économiques de la mise en œuvre du plan d’action et des avantages à tirer de sa mise en œuvre est présentée à la section 9.

Résumé du caractère réalisable du rétablissement

Le rétablissement du bar rayé du fleuve Saint-Laurent est considéré comme réalisable tant sur le plan biologique que technique. La faisabilité du rétablissement est déterminée d’après quatre critères établis par le gouvernement du Canada (2009)Note de bas de page 2:

  1. Des individus capables de se reproduire sont disponibles. Le suivi démontre que le bar rayé se reproduit naturellement dans le fleuve Saint-Laurent ; il révèle également des augmentations de l’abondance et de la répartition de la population (MPO 2017a). Compte tenu de la variabilité naturelle du recrutement et pour éviter qu’une succession de mauvaises années ne compromette les efforts investis, la capacité de procéder à des ensemencements sera maintenue dans les prochaines années.
  2. Des habitats adéquats sont disponibles pour soutenir l’espèce. Les données biologiques recueillies démontrent que des habitats adéquats pour la croissance et la reproduction du bar rayé du Saint-Laurent sont disponibles (MPO 2017a).
  3. Il est possible d’atténuer ou d’éviter les principales menaces suivantes :
    1. Les captures accidentelles : Aucune pêche au bar rayé n’est autorisée. Les spécimens capturés fortuitement doivent être remis à l’eau et les pêcheurs sportifs et commerciaux sont sensibilisés à la remise à l’eau obligatoire des bars rayés capturés accidentellement. De plus, toute pêche sportive peut être interdite dans certains secteurs importants de regroupement de bars rayés, à tout le moins pendant la période nécessaire à la reproduction.
    2. Les opérations de dragage : L’entretien des havres, ports, marinas et voies de navigation est encadré. Les sites de dépôts des sédiments de dragage sont choisis de manière à en minimiser les impacts. De plus, dans le cas où les sédiments dragués seraient contaminés, ils devraient plutôt être déposés dans des sites de dépôts terrestres.
    3. La perturbation et la destruction des habitats : Étant donné le cadre réglementaire existant, il est possible de modifier les activités et les pratiques de manière à éliminer ou réduire leurs incidences.
  4. Des techniques et des mesures efficaces existent pour rétablir l’espèce. Lorsque les conditions sont propices, l’établissement ou la restauration d’une population de bar rayé peut se faire rapidement (Field 1997). Les mesures de rétablissement nécessaires pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition applicables à cette espèce sont indiquées dans le présent programme de rétablissement et plan d’action.

1. Introduction

Le bar rayé (Morone saxatilis) a disparu du fleuve Saint-Laurent dans les années 1960 (population historique). En 2004, lors de sa première évaluation par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), la « population du fleuve Saint-LaurentNote de bas de page 3  »  a été désignée « disparue du pays ». En 2011, elle a été inscrite comme étant « disparue du pays » sur la liste des espèces en péril en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP).

La réintroduction du bar rayé a été amorcée dans le fleuve Saint-Laurent en 2002, dans le cadre d’un programme québécois de réintroduction, comprenant la reproduction en pisciculture au Québec. Les bars rayés utilisés pour la reproduction étaient issus de la population du sud du golfe du Saint-Laurent; ils ont été capturés dans la rivière Miramichi. En 2012, le COSEPAC a réévalué la situation du bar rayé au Canada, en intégrant les données relatives à la population issue du programme de réintroduction (population contemporaine), et a désigné la « population du fleuve Saint-Laurent » comme étant « en voie de disparition ». Son statut en vertu de la LEP a été modifié en conséquence; depuis 2019, « la population du fleuve Saint-Laurent » est  inscrite comme étant « en voie de disparition » sur la liste de la LEP.

Peu après, le COSEPAC (2019) a revu l’application de ses critères et modifié sa façon de définir la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent. Il considère désormais que la population issue du programme de réintroduction (population contemporaine) n’appartient pas à la population sauvage (population historique) et que, par conséquent, la « population du fleuve Saint-Laurent » est « disparue ». Le présent document traite de la population contemporaine de bar rayé. Celle-ci correspond à la « population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent » actuellement inscrite sur la liste de la LEP en tant qu’espèce « en voie de disparition », sur la base de l’évaluation du COSEPAC de 2012Note de bas de page 4 .

Bien que la population de bars rayés du fleuve Saint-Laurent ne soit pas pêchée, l’espèce est généralement prisée par les pêcheurs sportifs. Historiquement, plusieurs communautés autochtones du Québec l’ont pêchée, de Trois-Rivières au Nouveau-Brunswick, lui attribuant tour à tour les noms de ji'gaw (Mi’gmaq), nokahkehke (Wolastoqiyik) ou etionnonson (Huron-Wendat). Les Abénakis, les Hurons-Wendat, les Wolastoqiyik, les Mi’gmaq et les Innus continuent à s’y intéresser dans un contexte contemporain de pêche et de conservation (Richard 2016, AGHAMM 2017, AMIK 2017, Arsenault 2017, Lechasseur 2018).

Le présent document combine un programme de rétablissement et un plan d’action pour la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent. Un programme de rétablissement est un document de planification qui établit les mesures à prendre pour mettre un terme au déclin d’une espèce ou le renverser. Il établit des objectifs et indique les principales activités à entreprendre pour favoriser le rétablissement de l’espèce. Quant au plan d’action, il expose en détail la planification du rétablissement à l’appui des orientations prises dans le programme de rétablissement de l’espèce. La planification de mesures de rétablissement pour une espèce en péril est un processus itératif. Le calendrier de mise en œuvre des mesures du présent programme de rétablissement et plan d’action pourrait être modifié à l’avenir selon les progrès accomplis vis-à-vis du rétablissement. Le présent programme de rétablissement et plan d’action fournit aussi des renseignements de base sur l’espèce, les menaces qui pèsent sur elle et des informations sur son habitat essentiel.

Le présent programme de rétablissement et plan d’action fait partie d’une série de documents concernant la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent. Ces documents, qui doivent être considérés comme un ensemble, incluent le rapport de situation du COSEPAC (COSEPAC 2012), un document de recherche sur les habitats de l’espèce (Valiquette et al. 2017) et un avis scientifique à l’appui de la désignation de l’habitat essentiel (MPO 2017a). Ces deux derniers documents sont le résultat d’un processus d’examen par les pairs sous l’égide du Secrétariat canadien de consultation scientifique (SCCS) de Pêches et Océans Canada. Ce processus vise à fournir l’information et les avis scientifiques requis pour mettre en œuvre la LEP en s’appuyant sur les meilleures données scientifiques disponibles, sur l’analyse des données ainsi que sur les opinions d’experts. Le rapport de L’Italien et al. (2020) a aussi été  utilisé pour compléter le programme de rétablissement et plan d’action présenté ici dans sa forme finale. La version finale du document  prend également en compte les commentaires et informations fournis par différents intervenants depuis la version proposée du document qui avait été publiée sur le Registre public des espèces en péril pour commentaires (MPO 2019b).

2. Information sur l’évaluation de l’espèce par le COSEPAC

Date de l’évaluation : novembre 2012

Nom commun de l’espèce (population) : bar rayé (population du fleuve Saint-Laurent)

Nom scientifique : Morone saxatilis

État : En voie de disparition

Justification de la désignation : Cette population a été évaluée comme étant « disparue du pays » en 2004 et fait l’objet d’un effort de réintroduction, par l’utilisation d’individus de la rivière Miramichi, ce qui a entraîné une reproduction naturelle, une certaine augmentation de l’abondance et une augmentation de la répartition. Il est toutefois difficile de déterminer si la population est autosuffisante sans l’apport supplémentaire continu. La population est vulnérable aux prises accessoires dans les pêches commerciales, et bien que la menace liée au dragage ait été réduite, elle est toujours présente.

Répartition au Canada : Québec, Océan Atlantique

Historique du statut (COSEPAC) : Espèce désignée « disparue du pays » en novembre 2004, sur la base des informations relatives à la population historique qui avait disparu du fleuve à la fin des années soixante. L’espèce a été désignée « en voie de disparition » en novembre 2012, sur la base des informations relatives à la population introduite dans le fleuve à partir de 2002. En novembre 2019, le COSEPAC a publié un addenda à son rapport de 2012 dans lequel il revient sur l’évaluation de la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent et lui attribue le statut d’espèce « disparue ». En conséquence d’une modification de ses critères, le COSEPAC considère désormais que la population introduite n’appartient pas à la population sauvage et que, par conséquent, cette dernière a disparu. Une nouvelle évaluation de toutes les populations de bar rayé au Canada (incluant les bars rayés actuellement présents dans le fleuve Saint-Laurent) est attendue en 2022.

3. Information sur la situation de l’espèce

Tableau 1. Résumé de la protection actuelle et d’autres statuts attribués au bar rayé. L’information est détaillée pour la population contemporaine de bar rayé (introduite à partir de 2002), qui fait l’objet du présent programme de rétablissement et plan d’action, et pour la population historique.
Instance Administration / Organisation Niveau de désignation Situation / Description Année(s) d’évaluation / d’inscription
Canada COSEPAC Population
(contemporaine)
En voie de disparition 2012
Canada NatureServe Population
(contemporaine)
En péril - Vulnérable (N2N3) 2012
Canada COSEPAC Population
(historique)
Disparue 2019
Canada Loi sur les espèces en péril (LEP) Population
(contemporaine)
En voie de disparition 2019
Canada NatureServe Population
(historique)
Présumée disparue (SX) 2020
International NatureServe Espèce En sécurité (G5) 2020

Le bar rayé de la population du fleuve Saint-Laurent bénéficie d’une protection conformément à l’article 32 de la LEP :

 « Il est interdit de tuer un individu d’une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée, de lui nuire, de le harceler, de le capturer ou de le prendre » (paragr. 32[1])

« Il est interdit de posséder, de collectionner, d’acheter, de vendre ou d’échanger un individu – notamment partie d’un individu ou produit qui en provient – d’une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée.  » (paragr. 32[2])

En vertu de l’article 73 de la LEP, le ministre compétent peut conclure un accord autorisant une personne à exercer une activité touchant une espèce sauvage inscrite, tout élément de son habitat essentiel ou la résidence de ses individus, ou lui délivrer un permis à cet effet.

4. Information sur l’espèce

4.1 Description

Le bar rayé (Morone saxatilis) est un poisson au corps allongé, comprimé latéralement, et à la tête triangulaire (figure 1). Il possède deux nageoires dorsales séparées, dont la première est épineuse. Sa nageoire caudale est fourchue. Les trois premiers rayons de la nageoire anale sont épineux. Les nageoires pelviennes se trouvent en position thoracique. Des écailles recouvrent les joues et les opercules. La coloration du dos varie de vert olive foncé à noir et le ventre est blanc. Les flancs, pâles ou argentés, sont marqués de sept ou huit bandes horizontales foncées, épousant le contour des rangées d’écailles. Aucune de ces bandes ne se prolonge sur la tête.

Ilustration de bar rayé
Figure 1. Bar rayé (Morone saxatilis). Source : Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs (FédéCP).
Description longue

C’est une photo de bar rayé adulte. La source de la photo est la Fédération québécoise des chasseurs pêcheurs (FédéCP).

Ce poisson anadrome est étroitement associé aux estuaires et aux eaux côtières. Il s’y déplace en bancs compacts d’individus de même taille, s’alimentant d’invertébrés et de poissons (voir la section 4.3 Besoins du bar rayé). Dans le Saint-Laurent, le bar rayé peut vivre une vingtaine d’années et atteindre 90 cm de longueur totale (Vladykov 1953)

4.2 Abondance et répartition de la population

Le bar rayé est réparti dans des cours d’eau de l’est de l’Amérique du Nord, du fleuve Saint-Laurent jusqu’au nord de la Floride. Il a disparu de plusieurs endroits au Mexique et aux États-Unis et a été introduit en d’autres endroits, en Afrique, en Europe et aux États-Unis. Au Canada, cinq populations indigènes de bar rayé ont existé dans trois secteurs distincts qui correspondent aux trois unités désignables identifiées par le COSEPAC (2012), soit la baie de Fundy, le sud du golfe du Saint-Laurent et le fleuve Saint-Laurent. Historiquement, le bar rayé du fleuve Saint-Laurent se trouvait depuis le lac Saint-Pierre jusqu’à Baie-Saint-Paul sur la rive nord, et à L’Isle-Verte sur la rive sud  (COSEPAC 2004). Aujourd’hui, l’aire de répartition (figure 2) s’étend au-delà de ces limites, en incluant la rivière Saguenay (MPO 2017a).

Carte. Voir description ci-dessous.
Figure 2. Aire de répartition principale de la population contemporaine du bar rayé du fleuve Saint-Laurent. On note aussi des observations au-delà de cette aire clairement établie, notamment en amont jusqu’aux environs de Montréal, et en aval, jusqu’en Basse-Côte-Nord et le long des côtes gaspésiennes. Les limites de la répartition historique apparaissent aussi sur la carte. (Source de l’information : Valiquette et al. 2018; L’Italien et al. 2020; Équipe de rétablissement 2019; É. Valiquette, comm. pers.)
Description longue

La figure est constituée d’une carte qui indique l’aire où le bar rayé du fleuve Saint-Laurent est clairement établi, soit l’aire principale de répartition. L’aire principale de répartition se situe entre Sorel et Rivière-du-Loup sur la rive sud, et va jusqu’à Tadoussac sur la rive nord. Les rivières Richelieu et Saguenay sont aussi incluses. Il faut noter que des observations sont faites au-delà de cette aire clairement établie, notamment en amont jusqu’aux environs de Montréal, et en aval, jusqu’en Basse-Côte-Nord et le long des côtes gaspésiennes. Les limites de la répartition historique apparaissent aussi sur la carte. La limite historique ouest se situe juste en amont du lac Saint-Pierre. La limite est se situe de part en part du fleuve, entre l’Isle-Verte et Tadoussac. L’information provient de Valiquette et al. 2018; L’Italien et al. 2020; Équipe de rétablissement 2019; É. Valiquette, comm. pers.

En 2002, à la suite de l’avis favorable quant à la faisabilité de rétablir une population de bar rayé dans le fleuve (Comité aviseur sur la réintroduction du bar rayé 2001), un programme de réintroduction a été mis en œuvre. Entre 2002 et 2019, 3 372 géniteurs, plus de 35 000 000 de larves et au-delà de 25 634 bars rayés juvéniles, produits à partir de géniteurs de la population du sud du golfe, ont été ensemencés dans le fleuve Saint-Laurent. Plusieurs méthodes de suivi (par exemple, captures accidentelles, télémétrie, suivi standardisé du recrutement) ont été mises en place afin d’évaluer les paramètres de la population contemporaine, de documenter la survie et l’établissement de l’espèce, de caractériser ses déplacements et de déterminer les habitats de fraie et d’alevinage. Depuis, il a été mis en évidence que les bars rayés adultes se reproduisaient naturellement dans l’estuaire où les premiers signes de reproduction naturelle (depuis le début du programme de réintroduction) ont été observés en 2008 (Bourget et al. 2008; Pelletier 2009). À l’heure actuelle, les résultats des suivis des reproducteurs, de la capture d’œufs et de larves ainsi que des jeunes de l’année indiquent qu’il existe deux zones de fraie qui contribuent activement au rétablissement et au maintien de la population. Ces deux zones de fraie sont situées à l’embouchure de la rivière du Sud à Montmagny et à l’extrémité est des installations portuaires à Beauport, dans la ville de Québec (figure 3; Côté 2012, L’Italien et al. 2020).

Les informations recueillies à ce jour permettent de situer l’aire de répartition principale du bar rayé du fleuve Saint-Laurent entre Sorel, en amont, et une ligne tirée en aval entre Rivière-du-Loup, sur la rive sud, et Tadoussac, sur la rive nord (Valiquette et al. 2018; L’Italien et al. 2020; Équipe de rétablissement de 2019; É. Valiquette, comm. pers.). Cette aire de répartition principale inclut les rivières Richelieu (jusqu’en aval du barrage de Saint-Ours) et le Saguenay (figure 2). Des observations de bar rayé ont été recensées de façon plus marginale en amont de cette zone, jusqu’aux environs de Montréal (dans la rivière des Mille Îles et la rivière Saint-François, ainsi que dans le fleuve jusqu’à la hauteur de Verdun) (MFFP données non publiées; FédéCP comm. pers.). Le bar rayé du fleuve est aussi observé en aval de l’aire de répartition principale, sur la Côte-Nord et le long des côtes gaspésiennes jusque dans la baie des Chaleurs, mais avec une variabilité saisonnière et annuelle (MFFP, données non publiées; Valiquette et al. 2018).

La recherche a montré que les saisons jouent un rôle majeur dans la répartition spatio-temporelle du bar rayé du fleuve Saint-Laurent. Au printemps, des regroupements d’individus adultes se forment dans ou à proximité des zones de fraie de l’estuaire fluvial et de l’estuaire moyen du Saint-Laurent (L’Italien et al. 2020). En 2019, de tels regroupements ont aussi été observés dans l’archipel du lac Saint-Pierre et dans la rivière Richelieu (MFFP, données non publiées; FédéCP comm. pers.). Après la période de fraie, en juin, les bars se dispersent en aval, vraisemblablement pour s’alimenter. Alors que la plupart demeurent dans l’estuaire moyen, d’autres se déplacent jusque dans l’estuaire maritime et dans le golfe du Saint-Laurent. Il pourrait s’agir ici de deux contingents dont serait minimalement composée la population du fleuve, soit un groupe à déplacements plus restreints et un groupe à déplacements plus extensifs. Des analyses devront être menées pour définir et documenter davantage les contingents migratoires (MPO 2017a). À l’automne, les adultes entament une migration vers les secteurs d’hivernage, en eaux douces ou saumâtres (MPO 2017a). Deux de ces secteurs sont situés près de la ville de Québec et au sud de l’Île aux Grues (voir les détails dans la section 8.1.3 sur l’habitat essentiel). Entre les deux secteurs, le chenal des Grands Voiliers serait minimalement utilisé comme une voie hivernale de déplacement (MPO 2017a). Les plus récentes données et observations indiquent que le bar rayé hiverne dans un secteur qui englobe le lac Saint-Pierre, son archipel et la rivière Richelieu (MFFP, données non publiées). Le bar rayé au stade subadulte adopte aussi un comportement migratoire saisonnier et pourrait constituer des contingents migratoires (Morissette 2016). Il demeure à proximité des habitats de reproduction au printemps, se dispersant ensuite vers l’aval, dans la zone oligohaline de l’estuaire et probablement majoritairement dans la zone mésohaline de l’estuaire du Saint-Laurent pour hiverner (Morissette 2019).

L’ensemble des informations disponibles indiquent que la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent n’est pas isolée géographiquement de la population voisine du sud du golfe du Saint-Laurent. En particulier, il existe un chevauchement dans l’aire de répartition estivale des deux populations, dans les eaux du golfe du Saint-Laurent, de l’estuaire maritime du Saint-Laurent et de la rivière Saguenay. Toutefois, ce chevauchement est dynamique, difficile à définir géographiquement et variable entre les années (Valiquette et al. 2018; MFFP données non publiées). Comme les efforts de réintroduction du bar rayé sont relativement récents, la situation de l’espèce évolue encore sur le terrain. Un suivi devra être fait au cours des prochaines années afin de vérifier si les aires utilisées actuellement par la population demeureront les mêmes à l’avenir (MPO 2017a).

4.3 Besoins de l’espèce

L’espèce est caractérisée par un recrutement irrégulier qui dépend des conditions rencontrées par les jeunes stades de vie. La variabilité du recrutement pourrait être amplifiée dans les populations canadiennes, puisqu’elles se trouvent à la limite septentrionale de l’aire de répartition de l’espèce. Les conditions climatiques plus rudes auxquelles sont exposées ces populations pourraient entraîner la mortalité des jeunes de l’année qui n’auraient pas atteint une taille suffisante (estimée à 10 cm) pour survivre au jeûne de leur premier hiver (COSEPAC 2012 et références incluses). Par ailleurs, les conditions de croissance dans les eaux canadiennes feraient en sorte que la taille maximale des bars rayés plafonne à moins de 1 m, bien que très peu d’individus survivent assez longtemps pour parvenir à cette taille. Le plus gros spécimen connu, capturé en Caroline du Nord en 1891, pesait 56,8 kg et mesurait 1,82 m (Raney 1952).

De tous les habitats fréquentés par le bar rayé au cours de son cycle vital, les plus importants pour le maintien de la population semblent être les habitats dans lesquels se déroulent la fraie et ceux dévolus aux premiers stades de développement (Albrecht 1964 ; Auld et Schubel 1978 ; Dudley et Black 1978 ; Kernehan et al. 1981 ; Jessop 1990, 1991 ; Melvin 1991 ; Van den Avyle et Maynard 1994). La fraie commence en général lorsque la température de l’eau dépasse 10 °C et peut continuer jusqu’à ce que l’eau atteigne une température de 19 °C, en mai et juin (COSEPAC 2012). Les femelles, extrêmement fécondes, produisent en moyenne 50 000 ovules par kilogramme de poids corporel (COSEPAC 2012). Les œufs de bars rayés sont lâchés directement dans le courant et demeurent en suspension dans la colonne d’eau. L’éclosion des œufs a généralement lieu dans les trois jours après leur fécondation. Pendant l’incubation, la survie des œufs dépend étroitement des paramètres abiotiques du milieu, particulièrement de la température, de la salinité, de l’oxygène dissous et de la présence d’un courant modéré occasionnant un peu de turbulence et permettant de maintenir les œufs en suspension dans la colonne d’eau pendant l’incubation (Cooper et Polgar 1981; Greene et al. 2009; MPO 2011). Les caractéristiques des œufs semblent spécifiques à la population de chaque cours d’eau. Par exemple,les œufs pondus dans les bassins à haute énergie physique sont plus gros et plus lourds, ont un rapport surface-volume plus faible et renferment davantage d’acides gras saturés et mono-insaturés que les œufs pondus dans des bassins hydrographiques à plus faible énergie (Bergey et al. 2003).

La survie des larves dépend de variables physiques, telles que la température, la salinité et l’oxygène dissous. À ces exigences s’ajoute celle d’une nourriture suffisamment abondante lors de la résorption de la vésicule vitelline au début de l’alimentation (Cooper et Polgar 1981). Cette période clé a lieu quand la larve a environ huit jours et mesure de 6 à 7 mm. En milieu naturel, le taux de survie des larves qui ont épuisé leurs réserves endogènes dépend directement de l’abondance de zooplancton dans le milieu (Kernehan et al. 1981; Martin et al. 1985). Dans le fleuve Saint-Laurent, la zone de turbidité maximale (ZTM), située entre l’île d’Orléans et l’île aux Coudres, soutient de fortes densités de zooplancton, dont le copépode Eurytemora affinis. La ZTM est connue comme une aire d’alevinage ou d’alimentation, pour l’éperlan arc-en-ciel, l’esturgeon noir et plusieurs autres espèces de poissons, incluant le bar rayé (Sirois et Dodson 2000; Munro et al. 2007; Winkler et al. 2016; Vanalderweireldt 2019). La ZTM procure également des conditions de refuge face aux prédateurs et des conditions osmotiques favorables à la survie des larves de bar rayé (Vanalderweireldt 2019; L’Italien et al. 2020).

Au terme d’une vie larvaire d’environ 35 à 50 jours, les juvéniles mesurent approximativement 20 mm et ont acquis la forme typique du bar rayé (notamment avec écailles et nageoires), qu’ils conserveront jusqu’à l’âge adulte. À partir du stade juvénile, le bar rayé tolère mieux les changements des conditions environnementales, par exemple les changements de température et de salinité. Il peut combler ses besoins alimentaires en se déplaçant dans les milieux estuariens ou côtiers, souvent en bancs d’individus de même taille. La variabilité spatiale des conditions environnementales qui existent à l’intérieur d’un bassin hydrographique peut faire partie des facteurs déterminants de la croissance et de la survie du bar rayé durant sa première année de développement (Greene et al. 2009; COSEPAC 2012; Cook et al. 2010). À partir de juillet, les jeunes bars rayé sont aussi observés en amont (principalement jusqu’à St-Nicolas) et en aval de la ZTM, dans des habitats peut-être moins favorables énergétiquement et où la croissance est moins rapide, mais qui sont susceptibles de donner accès à de nouvelles ressources, tout en diminuant la compétition intraspécifique. Cette capacité adaptative pourrait augmenter le potentiel de survie de la population, quoique la survie à l’hiver d’individus plus petits reste à démontrer (Vanalderweireldt 2019).

Le bar rayé subadulte (1 à 3 ans pour la population de bar rayé du fleuve) et adulte fréquente les habitats côtiers et les milieux estuariens (Bain et Bain 1982). Le subadulte se répartit généralement dans les secteurs oligohalin et mésohalin (salinité entre 2 et 12). Aussi, le subadulte fréquente presque toujours des habitats voisins de la rive (entre 5 et 9,9 m) et se concentre sur les hauts-fonds, au pourtour des îles et des îlots, des récifs et dans les eaux peu profondes. On le trouve notamment dans des herbiers de zostères ou d’espèces similaires. Les habitats préférentiels sont aussi ceux qui concentrent les proies potentielles d’invertébrés (vers polychètes, gammares, mysidacés et crangonidés) et de jeunes stades de poissons (aloses, harengs, éperlans, gaspareaux, épinoches et fondules) (Morissette 2019).

Progressivement, le bar rayé devient piscivore, recherchant principalement les bancs de poissons à rayons mous, en particulier les clupéidés (par exemple, alose savoureuse, gaspareau) (Trent et Hasler 1966; Manooch 1973; Austin 1980; Gardinier et Hoff 1982; Dew 1988). Dans le fleuve Saint-Laurent, les principales proies sont l’éperlan arc-en-ciel et les clupéidés. Pendant l’été, les déplacements du bar rayé semblent surtout associés à ceux de leurs proies. En automne, il gagne des secteurs d’hivernage en eaux douces ou saumâtres, où il peut se soustraire aux basses températures de l’eau de mer. Le confinement des bars rayés dans des sites d’hivernage pourrait accroître les risques de mortalité due à des accidents environnementaux ou à des modifications défavorables de l’habitat. Les bars rayés adultes sont tolérants et peuvent supporter des variations de salinité, de température, de pH ou de turbidité (Talbot 1966; Auld et Schubel 1978; Setzler et al. 1980).

5. Menaces

5.1 Évaluation des menaces

Les principales menaces qui pèsent sur le rétablissement du bar rayé du fleuve Saint-Laurent sont caractérisées dans le tableau 2. Leur description plus précise est donnée à la section 5.2.

Tableau 2. Évaluation des menaces pour la population du fleuve Saint-Laurent. Les critères sont définis à la fin du tableau et caractérisés à l’annexe C.
Catégorie Menace Probabilité d’occurrenceNote de bas de page a Niveau d’incidenceNote de bas de page b Certitude causaleNote de bas de page c Risque de menaceNote de bas de page d
Perte ou dégradation de l’habitat Développement et modifications d’infrastructures Menace connue ou très susceptible de se réaliser Élevé Élevée Élevé
Perte ou dégradation de l’habitat Entretien et développement de la voie maritime du Saint-Laurent Menace connue ou très susceptible de se réaliser Moyen Moyenne Moyen
Perte ou dégradation de l’habitat Entretien des quais, marinas et chenaux d’accès Menace connue ou très susceptible de se réaliser Moyen Élevée Moyen
Perte ou dégradation de l’habitat Modification locale du milieu riverain Menace connue ou très susceptible de se réaliser Faible Élevée Faible
Perte ou dégradation de l’habitat Batillage Menace susceptible de se réaliser Inconnu Très faible Inconnu
Perte ou dégradation de l’habitat Implantation d’obstacles temporaires ou permanents Faible Inconnu Très faible Inconnu
Menaces biologiques Espèces aquatiques envahissantes Menace susceptible de se réaliser Moyen Faible Moyen
Menaces biologiques Maladies et parasites Faible Faible Faible Faible
Utilisation des ressources biologiques Captures accidentelles commerciales Menace connue ou très susceptible de se réaliser Faible Très élevée Faible
Utilisation des ressources biologiques Captures accidentelles sportives Menace connue ou très susceptible de se réaliser Faible Très élevée Faible
Utilisation des ressources biologiques Captures illégales Menace connue ou très susceptible de se réaliser Inconnu Très élevée Inconnu
Pollution Fuites et déversements par le transport d’hydrocarbures Faible Moyen Très élevée Faible
Pollution Fuites et déversements par l’exploration et l’exploitation gazières et pétrolières Faible Moyen Très élevée Faible
Pollution Pollution agricole : charge en nutriments et sédiments Menace connue ou très susceptible de se réaliser Faible Très faible Faible
Pollution Pollution agricole : pesticides Menace connue ou très susceptible de se réaliser Inconnu Très faible Inconnu
Pollution Effluents municipaux, effluents industriels et déversement de polluants par les navires Menace connue ou très susceptible de se réaliser Inconnu Très faible Inconnu

5.2 Description des menaces

Développement et modifications d’infrastructures

Le développement d’infrastructures portuaires et routières (y compris le dragage d’approfondissement et le remblayage/délestage de déblais de dragage) peut avoir d’importants impacts sur les habitats, surtout considérant leur caractère permanent. Par exemple, entre les ponts de Québec et de l’Île d’Orléans, les habitats riverains et aquatiques ont déjà subi des pertes considérables sur plus d’une vingtaine de kilomètres à cause du développement routier et portuaire. Ces infrastructures ont fait disparaître plusieurs centaines d’hectares d’habitat qui étaient utilisés par le bar rayé avant sa disparition (Robitaille et al. 2011; MPO 2011).

Le risque associé au développement des infrastructures peut varier en fonction de leur emplacement et de leur envergure. Les travaux de construction peuvent, ou non, poser des risques variables selon le moment choisi. Ce sont les risques associés aux travaux et aux infrastructures susceptibles de toucher l’habitat essentiel, en particulier lorsque l’habitat essentiel est de dimension restreinte, qui suscitent la plus grande préoccupation. Par exemple, puisque seulement deux zones de fraie semblent soutenir l’ensemble de la population du bar rayé du fleuve (L’Italien et al. 2020), si des habitats aussi importants que ceux-ci sont visés par des projets d’infrastructures, l’impact peut être déterminant. En effet, les conditions d’écoulement, de profondeur, de salinité et de température – qui sont intimement liées à la fraie et à la dispersion des œufs et des larves – pourraient être modifiées par exemple, à la suite de l’érection de murs et murets, de l’empiétement ou du dragage d’approfondissement et d’entretien. Ce type de changements a le potentiel d’affecter plus particulièrement les œufs du bar rayé puisqu’ils nécessitent des conditions hydrodynamiques spécifiques (voir les besoins de l’espèce à la section 4.3).

Considérant le caractère permanent des infrastructures, le risque que génère cette menace est élevé, particulièrement si le développement concerne un habitat essentiel.

Entretien et développement de la voie maritime du Saint-Laurent

Le creusement de la Voie maritime du Saint-Laurent s’est poursuivi jusqu’à la fin du 20e siècle, avec un point culminant en 1959 (Allard 2015). Ce dragage historique d’approfondissement a eu l’avantage d’ouvrir définitivement l’intérieur du continent à la navigation commerciale. Par contre, il a aussi généré des impacts permanents pour le poisson, notamment en créant une barrière physique à la dispersion à cause du courant qui augmente dans le chenal; et indirectement, en menant à la modification des substrats et des habitats, avec entre autres l’érosion et la croissance de plantes submergées hors du chenal (Allard 2015).

Pour le bar rayé, le relargage des sédiments en eaux libres a été très préoccupant puisqu’en combinaison avec d’autres conditions défavorables, il pourrait avoir contribué à la disparition du bar rayé dans les années 1960 (COSEPAC 2012; MPO 2011). En effet, les aires de croissance estivale des bars immatures, situées en périphérie de plusieurs îles du fleuve Saint-Laurent, ont alors été modifiées par le délestage des déblais de dragage (Robitaille 2001). Ce changement a eu pour effet de reléguer les bars rayés de la population historique à quelques endroits limités le long de la rive sud, qui sont vite devenus des secteurs de pêche très fréquentés (Robitaille et Girard 2002).

La situation aujourd’hui est tout autre. Depuis 1999, il est plutôt question de travaux d’entretien annuels, pour maintenir une profondeur sécuritaire dans le chenal de navigation. Les volumes de sédiments visés (autour de 85 000 m3 annuellement) n’ont aucune commune mesure avec ceux des travaux historiques d’approfondissement. Ils restent cependant plus importants que les travaux d’entretien à plus petite échelle aux quais municipaux qui ne représentent généralement que quelques milliers de m3. Aujourd’hui, les travaux d’entretien doivent satisfaire aux exigences en vigueur aux paliers provincial et fédéral, notamment eu égard à la contamination et aux sites de dépôt, ce qui n’était pas le cas historiquement. De surcroît, la connaissance de l’habitat des poissons évolue et peut permettre des avancées concrètes dans la protection des espèces, par exemple, lors du choix des équipements ou du site et du moment de travaux. Notamment, en 2009, le dépôt de sédiments dans un site au large de l’île Madame a été proscrit pour protéger un habitat en aval où se concentrent des juvéniles d’esturgeon noir (Dubé 2013).

Actuellement, le dragage d’entretien de la voie maritime a cours dans le tronçon fluvial et l’estuaire moyen, dans les secteurs de Bécancour, du lac Saint-Pierre (à tous les deux ans) et de la traverse Cap-Santé. Les travaux les plus importants ont lieu dans la Traverse du Nord, entre l’île d’Orléans et la pointe nord de l’île aux Grues, où sont dragués quelque 50 000 m3 par an sur une trentaine de kilomètres et 300 mètres de largeur. Le dépôt des sédiments dragués de la Traverse du Nord se fait aux sites du Banc du Cap Brûlé et de Sault-au-Cochon, situés en aval de l’île au Ruau, dans la ZTM. Il existe huit sites de moindre envergure en amont de Québec où est déposé un moindre volume de sédiments, soit entre 1 000 et 2 300 m3.

De manière générale, les impacts associés aux travaux de dragage d’entretien sont la modification de la qualité de l’eau et de la salinité; la modification du courant et du transport sédimentaire; les changements dans les processus d’érosion et de sédimentation, de même que la destruction ou la modification d’habitats fauniques (MPO 2011, SODES 2000 cité dans Allard 2015) qui peut aussi être associée à une moindre disponibilité des proies (MPO 2011).

Pour le bar rayé, le risque posé par le dragage d’entretien est jugé moyen. L’expertise estime que ce sont les juvéniles et les immatures qui sont les plus susceptibles d’être touchés par les activités de dragage dans la voie maritime (MPO 2011), puisqu’ils sont abondants dans l’estuaire moyen et sont susceptibles de s’alimenter dans la ZTM. Si des travaux de dragage d’approfondissement étaient envisagésNote de bas de page 5 ; les impacts seraient sans doute plus significatifs et éventuellement mener à un plus haut niveau de risque. Néanmoins, selon l’envergure des travaux, une procédure d’évaluation et d’examen des impacts environnementaux serait requise incluant les options de gestion des sédiments.

Entretien des quais, marinas et chenaux d’accès

Les plus faibles volumes de dragage généralement appliqués pour l’entretien des quais, marinas et chenaux de même que les mesures d’atténuation (tel le dépôt terrestre de sédiments contaminés) diminuent le risque associé aux activités de dragage. Toutefois, le risque le plus important de ces travaux d’entretien réside dans leur emplacement. Par exemple, des zones de fraie pourraient être plus affectées étant donné que les conditions d’écoulement, de salinité et de température sont intimement liées à la fraie et à la dispersion des larves. À ce titre, l’entretien est davantage préoccupant au port de Québec et au quai de Montmagny compte tenu de la présence de zones de fraie à proximité.

Le risque associé à cette menace est donc moyen.

Modification locale du milieu riverain

L’assèchement, le remblayage, l’enlèvement de la végétation, l’enrochement et la construction de murets contribuent à dégrader le milieu riverain qui comporte des habitats importants, particulièrement pour les plus jeunes stades comme les juvéniles qui utilisent les herbiers pour s'abriter et s'alimenter.

Les effets cumulatifs de ces activités doivent être pris en compte, mais la préoccupation et le risque liés à cette menace sont faibles à l'échelle de la population. D’ailleurs, une part importante de l‘aire de répartition du bar rayé pour les jeunes stades de vie n’est pas fortement urbanisée.

Batillage

Le batillage est un remous provoqué par le passage des bateaux qui cause la dégradation des berges. Il réduit la qualité et la diversité des habitats en milieu côtier. En effet, contrairement à l’impact des crues printanières (un évènement annuel unique), ce type d’érosion constante (en saison estivale) inhibe l’établissement de la végétation aquatique. Le phénomène est observé de Cornwall à Montmagny, où 15 % des berges sont exposées à l’érosion et où cette érosion est expliquée à 85 % par le batillage (Dauphin 2000). Dans une partie de ce tronçon plus sensible au batillage se trouvent des juvéniles qui s’alimentent dans les habitats riverains, soit au sud de l’île d’Orléans jusqu’à Montmagny.

Le niveau d’incidence et le risque associés à cette menace restent inconnus.

Implantation d’obstacles temporaires ou permanents

Cette menace est représentée par exemple par des barrages, des digues temporaires ou des hydroliennes. Des projets de pont et d’hydrolienne ont été proposés ces dernières années dans l’aire de répartition du bar rayé. Des enjeux quant au lien connectif entre les habitats de reproduction, les aires d’alimentation et les lieux d’hivernage ont été soulevés (Valiquette et al. 2016). Néanmoins, il n’existe pas actuellement de projets de barrages ou d’implantation d’hydroliennes dans les secteurs du fleuve Saint-Laurent où se trouve le bar rayé.

La technologie hydrolienne est relativement récente et continue de se développer. Selon le type d’hydrolienne et le site choisi, certains impacts sont possibles, dont des comportements d’évitement de même que des blessures et mortalités de poissons ou de larves, par exemple à cause des contacts mécaniques avec les turbines et de la cavitationNote de bas de page 6 .

Le niveau d’incidence et le risque associés à cette menace demeurent inconnus.

Espèces aquatiques envahissantes

Pour la première fois en 2016, la carpe de roseau (une carpe asiatique) a été pêchée dans le fleuve Saint-Laurent. L’espèce pourrait éventuellement s’établir dans le tronçon entre Montréal et l’île d’Orléans. Les jeunes stades de carpe qui sont essentiellement planctonivores pourraient entrer en compétition avec les jeunes stades du bar rayé qui le sont aussi. Les carpes adultes qui se nourrissent presque exclusivement de plantes aquatiques pourraient altérer gravement les habitats d’herbier où le bar rayé s’alimente et s’abrite. Les carpes asiatiques sont aussi porteuses de parasites et de maladies, ce qui constitue un risque supplémentaire (MFFP 2016).

Principalement à cause de la menace que représentent les carpes asiatiques, le risque associé à cette menace est jugé moyen. La découverte de la carpe de roseau dans le fleuve Saint-Laurent en 2016 accroît les inquiétudes.

Maladies et parasites

La septicémie hémorragique virale est une maladie infectieuse associée à des mortalités massives de poissons. Elle est présente dans le bassin des Grands Lacs et dans les Maritimes, et a été observée dans la rivière Miramichi chez des bars rayés de la population du sud du golfe du Saint-Laurent (Robitaille et al. 2011). Les bars qui ont été utilisés pour les ensemencements dans le fleuve Saint-Laurent en étaient toutefois exempts. D’autres maladies peuvent avoir des effets sur les populations de bar rayé (Gervasi 2015), mais aucune n’est observée chez le bar rayé de la population du fleuve.

Dans le sud du golfe du Saint-Laurent, le bar rayé est souvent porteur du nématode Philometra sp., mais sans que sa condition semble en être affectée. Dans la rivière Miramichi, 100% de la quarantaine de jeunes d’un an et moins qui ont été examinés en 2011 étaient infectés. La mortalité pourrait être élevée chez de jeunes bars gravement infectés, mais elle est généralement considérée faible lorsqu’ils atteignent 2 ou 3 ans (Measures et al. 2017). La population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent en était probablement porteuse historiquement (Séguin et al. 2007) et des bars de la Miramichi qui ont été ensemencés au fleuve et retrouvés à Rivière-Ouelle en étaient porteurs (Measures et al. 2017).  

Pour le moment, le niveau de préoccupation associé aux maladies et aux parasites est faible.

Captures accidentelles commerciales

Les captures accidentelles de bars rayés se font dans les filets à esturgeon noir (Léon L’Italien, MFFP, comm. pers.) de même que dans les tentures à anguilles en septembre et octobre principalement. Le risque encouru actuellement est jugé faible et moindre qu’à l’époque de la population historique de bar rayé. Les mailles des tentures à anguilles ont été ajustées pour éviter de capturer l’éperlan arc-en-ciel, ce dont profitent aussi les jeunes bars rayés. De plus, un programme de rachat de permis de pêche à l’anguille a été déployé en 2009 et seulement 21 des 190 permis d’origine demeuraient en activité en 2017 (MPO 2017a). Une nouvelle mesure peut contribuer à atténuer davantage les risques en améliorant la survie des poissons remis à l’eau. La mesure consiste à recueillir et conserver les poissons capturés accidentellement dans des bassins à fond plat pendant la marée basse pour leur permettre de s’échapper à marée haute. Les bassins de rétention sont efficaces pour augmenter le taux de survie des bars rayés capturés accidentellement (Guy Verreault, MFFP, comm. pers.). Les captures accidentelles dans les verveux et les filets à alose savoureuse seraient négligeables selon le suivi réalisé auprès des pêcheurs commerciaux (MPO 2010).

Le risque associé à cette menace est jugé faible.

Captures accidentelles sportives

Puisque l’abondance du bar rayé a augmenté de manière significative et que cette espèce a un comportement grégaire, les prises accidentelles sont aujourd’hui plus fréquentes dans le secteur où l’espèce est protégée par une interdiction de pêche au bar rayé. Aussi, cette interdiction est effective sur un territoire plus étendu que lors de la dernière évaluation scientifique de cette menace (MPO 2010). La remise à l’eau est obligatoire dans ce secteur où la pêche au bar rayé est interdite. Une importante campagne de sensibilisation a accompagné cette mesure (MPO 2010). De plus, le gouvernement du Québec a récemment procédé à la fermeture de zones de pêche, dans les cas particuliers où les bars rayés se rassemblaient dans un site de reproduction ou lorsque la concentration des poissons était susceptible d’occasionner d’importantes prises accidentelles. Les risques de pêcher accidentellement des bars rayés de la population du fleuve Saint-Laurent sont faibles en aval de la zone de fermeture de pêche au bar rayé dans le fleuve Saint-Laurent. Les études y ont démontré la prépondérance de bars rayés qui proviennent de la population du sud du golfe du Saint-Laurent (Valiquette et al. 2018).

Bien que les captures accidentelles suscitent une certaine préoccupation, compte tenu des mesures en place, le risque lié à cette menace est jugé faible.

Captures illégales

Même si aucune donnée ne permet de mesurer l’importance réelle et le risque lié aux captures illégales de bars rayés, la menace est présente et elle suscite des préoccupations. Plusieurs facteurs pourraient influencer l’impact et le risque associé à la capture illégale de bars. Parmi ces facteurs, notons l’attrait et l’engouement suscités par la pêche sportive qui porte sur la population de bar rayé du sud du golfe du Saint-Laurent. Le territoire visé par cette pêche a été agrandi à l’été 2018 pour inclure le nord du golfe du Saint-Laurent et une partie de l’estuaire du Saint-Laurent, jusqu’à une ligne reliant Rimouski (à la hauteur de la pointe Santerre) à Forestville (à la hauteur de l’île Patte de lièvre)Note de bas de page 7. À l’ouest de cette ligne, toute pêche au bar rayé est interdite dans le fleuve Saint-Laurent. Également, le comportement grégaire de l’espèce alors que les poissons se concentrent en certains sites fait qu’ils sont vite repérés et amène les gens à croire qu’ils sont très abondants. De plus, puisqu’il est présent en milieu riverain, le bar est facile d’accès, ce qui amplifie le risque. Les médias de masse alimentent aussi la perception selon laquelle l’espèce est abondante ou même nuisible à d’autres espèces pêchées, comme l’omble de fontaine anadrome ou le saumon atlantique.

Aucune information fiable au sujet de cette menace n’est disponible au moment de publier. Le niveau d’incidence et le risque associés demeurent donc inconnus.

Fuites et déversements par le transport d’hydrocarbures

Les déversements accidentels par les navires peuvent survenir à l’occasion d’une collision, d’un échouage, d’un incendie ou d’une explosion. Au Canada, de tels risques sont atténués par un cadre réglementaire strict et par les nombreuses mesures de prévention qui s’appliquent, incluant plusieurs mesures spécifiques au fleuve Saint-Laurent. Notamment, tous les navires d’une certaine envergure qui remontent ou descendent le fleuve Saint-Laurent entre Les Escoumins et Montréal sont assujettis au pilotage obligatoire; tous les grands navires-citernes qui transportent du pétrole de brut doivent avoir une double coque; des programmes de surveillance sont en œuvre (inspection des navires étrangers, surveillance aérienne); la voie maritime est balisée, draguée, déglacée et les niveaux d’eau et conditions de glace sont régulièrement suivis et rendus disponibles. Des améliorations ont été apportées, par exemple en matière d’intervention. Dans ce contexte, le nombre de déversements d’hydrocarbures est en baisse au Canada depuis 40 ans, comme ailleurs dans le monde (Conseil des académies canadiennes 2016; Transport Canada 2020a).Nonobstant ce contexte sécuritaire et les faibles probabilités en termes de fréquence d’accidents importants (WSP Canada Inc. 2014), des préoccupations demeurent au sujet du transport maritime des hydrocarbures. Un déversement dans l’environnement populeux et écosensible du fleuve Saint-Laurent peut avoir des impacts importants (Transport Canada 2020b). Certains autres éléments représentent des facteurs de risque, par exemple, des conditions de navigation difficiles, particulièrement entre la ville de Québec et la sortie de la Traverse du Nord (voie navigable confinée, sujette aux vagues de forte amplitude, à la brume et aux courants parfois puissants et imprévisibles); l’augmentation considérable du transport d’hydrocarbures et d’autres substances telles que le gaz naturel liquéfié (au Canada); localement, le passage annuel de plusieurs pétroliers dans la Traverse du Nord, à destination de la rive sud de Québec (Innovation Maritime 2014), ou l’augmentation du trafic pétrolier depuis Montréal vers l’est depuis l’inversion du pipeline 9B d’Enbridge. Reflétant ces préoccupations à l’égard du transport maritime des hydrocarbures, un rapport indépendant produit pour le compte de Transport Canada (WSP Canada Inc. 2014) soutient que, pour le fleuve Saint-Laurent, les risques environnementaux liés à un déversement d’hydrocarbures peuvent apparaître très élevés. Cependant, le cadre sécuritaire, notamment les double-coques pour les plus gros navires, rend très faible la probabilité d’un déversement de grande taille (WSP Canada Inc. 2014). Le transport d’hydrocarbures par pipelines le long du fleuve Saint-Laurent pourrait aussi devenir préoccupant si des projets venaient à se concrétiser.

En ce qui concerne plus spécifiquement le poisson, l’exposition aux hydrocarbures peut causer des mortalités dans les heures qui suivent un déversement, ou plus tard. L’exposition à de l’eau ou à des sédiments contaminés peut aussi entraîner par exemple des dommages structurels, génétiques et immunitaires (Boudreau et al. 2019) et des effets sublétaux pouvant mener à des probabilités de survie et de reproduction limitées et à une réponse subséquente dans le recrutement de la population (Dupuis et Ucan-Marin 2015). Les habitats riverains, où s’alimentent les juvéniles, sont les plus à risque pour les poissons, puisque ces habitats sont plus confinés et que l’hydrodynamisme y est plus faible. De plus, lorsque des déversements surviennent, la dérive des hydrocarbures vers des milieux côtiers moins salés pourrait les rendre progressivement plus solubles et biodisponibles (Dupuis et Ucan-Marin 2015), quoique leur comportement varie beaucoup selon le type de mélange et la nature des composants (Boudreau et al. 2019). Les premiers stades de vie, surtout les œufs et les larves, sont considérés comme beaucoup plus sensibles que le stade adulte (National Research Council 2005), d’autant plus que les œufs et les larves pélagiques (qui se trouvent dans la colonne d’eau) sont susceptibles de suivre la même trajectoire qu’une nappe de pétrole (Fodrie et Heck 2011). Le confinement des bars rayés dans des sites d’hivernage pourrait accroître les risques de mortalité due à des accidents environnementaux ou à des modifications défavorables de l’habitat.

Étant donné que de nombreuses mesures sont en place pour contrer cette menace et compte tenu de la faible probabilité qu’elle se concrétise, le risque lié à cette menace est jugé faible.

Déversements par l’exploration et l’exploitation gazières et pétrolières

Depuis 1997, le gouvernement du Québec maintient un moratoire permanent sur l’allocation de permis pour des activités d’exploration et d’exploitation pétrolières et gazières dans les eaux du fleuve et de l’estuaire du Saint-Laurent. Conséquemment, cette menace est peu préoccupante tant que ce moratoire est en place.

Pollution agricole

Les mauvaises pratiques agricoles et la surcharge de nutriments favorisent l’érosion et l’écoulement des sédiments, des nutriments et des pesticides vers les cours d’eau. Les impacts les plus importants de ces pratiques sont visibles dans le lac Saint-Pierre, où la qualité de l’eau est altérée par les pesticides (Hudon et Carignan 2008) et où les herbiers reculent au profit d’algues filamenteuses qui prolifèrent, stimulées par les nutriments (de la Chenelière et al. 2014). Cette menace est toutefois moins présente dans le secteur du fleuve Saint-Laurent le plus fréquenté par le bar rayé, c’est-à-dire de Portneuf vers l’aval.

Quant au risque encouru par le bar rayé, il est jugé faible en ce qui concerne la charge en nutriments et en sédiments. Le risque associé aux pesticides  est inconnu, mais il suscite une certaine préoccupation. En effet, le bar rayé adulte est un prédateur de niveau trophique supérieur, donc très vulnérable aux contaminants accumulés dans les sédiments et dans la chaîne alimentaire (COSEPAC 2012).

Effluents industriels et municipaux et déversements de polluants par les navires

L’espèce demeure sensible à la contamination comme mentionné plus haut. Outre ce qui a été exposé plus haut en ce qui concerne les hydrocarbures, il existe ponctuellement des rejets (par exemple, des eaux huileuses) par des navires marchands . Transports Canada a constaté des déversements de polluants pour 1 % des navires surveillés dans les eaux canadiennes de 2013 à 2014; la majorité des volumes déversés était de moins de 10 litres, quelques-uns étaient plus importants (Environnement et Changement climatique Canada 2016). De tels déversements sont aussi rapportés pour le fleuve Saint-Laurent. Ils sont plus susceptibles de se produire à l’intérieur d’un port ou d’une installation de manutention d’hydrocarbures et pendant le chargement et le déchargement des navires (Innovation maritime 2014). Ces déversements et leurs effets cumulatifs pourraient représenter une menace, particulièrement à des endroits plus sensibles, comme en zone littorale où s’alimentent les juvéniles, ou par exemple dans le bassinNote de bas de page 8 de la rivière du Sud ou le secteur portuaire de Québec, où se situent des zones de fraie.

Le risque que constituent les sources locales de contamination que sont les effluents industriels et municipaux n’a pas pu être caractérisé. Dans l’ensemble, le risque associé à cette menace est inconnu. Transport Canada (2020b) rappelle toutefois que même un petit déversement de substances nocives et dangereuses pourrait être néfaste dans une zone écosensible. Les petits déversements sont aussi susceptibles de se produire plus fréquemment que les déversements de grande taille (Innovation Maritime 2014).

6. Objectifs en matière de population et de répartition

Les objectifs en matière de population et de répartition établissent, dans la mesure du possible, le nombre d’individus et leur répartition géographique  nécessaires au rétablissement de l’espèce.

L’évaluation du potentiel de rétablissement réalisée en 2005 (MPO 2006) n’a pas défini de cible de rétablissement quantitative pour la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent. Toutefois, une cible qualitative a été fixée : une population qui se perpétue par elle-même et possédant des zones d’occupation et d’occurrence semblables à celles de la population historique.

Il n’y a pas d’estimation d’abondance pour la population historique de bar rayé du fleuve Saint-Laurent qui puisse servir de point de référence pour la population contemporaine. Les données quantitatives, historiques et récentes, sur l’abondance, la répartition et le cycle biologique sont insuffisantes pour établir des objectifs précis et spécifiques à la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent, et ce, tant pour l’abondance que pour la répartition. Dans ce contexte, l’objectif général du présent document de rétablissement pour le bar rayé de la population du fleuve Saint-Laurent a été défini en s’appuyant sur les critères utilisés par le COSEPACNote de bas de page 9  pour l’évaluation de la situation des espèces. Cet objectif général est le suivant :

D’ici cinq ans, satisfaire aux critères qui permettent à la population de passer du statut actuel d’espèce en voie de disparition selon la LEP, à celui d’espèce préoccupante, scénario qui s’avère possible du point de vue biologique.

En s’appuyant sur les critères du COSEPAC nécessaires pour passer au statut d’espèce préoccupante, les objectifs en matière de population et de répartition pour le bar rayé du fleuve Saint-Laurent sont les suivants :

Objectif en matière de population : une population en croissance de plus de 10 000 individus matures. Les données actuelles confirment l’augmentation de l’abondance et de la répartition. La tendance dans les suivis pour le recrutement indique déjà une augmentation progressive de la population. Il reste à déterminer si la cible de 10 000 individus permettrait à la population de se maintenir à un niveau viable et autosuffisant.

Objectif en matière de répartition : des populations viables avec une aire de répartition en augmentation par rapport à la situation lors de la mise en place des suivisNote de bas de page 10  et qui couvre une aire se rapprochant de l’aire historique (principalement depuis le lac Saint-Pierre jusqu’à Baie-Saint-Paul sur la rive nord, et L’Isle-Verte sur la rive sud) et une zone d’occupation qui comprend des habitats de qualité. Déjà, les données récentes indiquent que l’espèce semble plus largement répartie qu’historiquement. Elles confirment la présence d’au moins une deuxième zone de fraie et des habitats adéquats pour toutes les fonctions du cycle vital. Ces éléments nous permettent de croire que cette population pourrait aujourd’hui être moins vulnérable à certaines menaces.

Les cibles d’abondance et de répartition actuels pourront être réévaluées lorsque les études sur la dynamique de la population et la capacité de support du fleuve Saint-Laurent pour le bar rayé auront été finalisées.

7. Approches et mesures à prendre pour l’atteinte des objectifs

La réussite du rétablissement de l’espèce dépend des mesures prises par diverses juridictions.. Elle nécessite l’engagement et la coopération d’un grand nombre d’intervenants qui prendront part à la mise en œuvre des stratégies et des mesures établies dans ce programme de rétablissement et plan d’action.

7.1 Mesures déjà achevées

Le précédent programme de rétablissement (Robitaille et al. 2011) divisait les efforts de rétablissement en fonction de cinq objectifs de rétablissement : 1) accroître les effectifs de bar rayé, 2) déterminer les habitats utilisés par la population de bar rayé, 3) suivre l’état de la population de bar rayé, 4) suivre certaines composantes de la communauté ichtyologique (proies, prédateurs ou compétiteurs), leur état et leur lien avec le bar rayé et 5) protéger la population de bar rayé et ses habitats les plus importants. Pour atteindre ces objectifs, le précédent programme de rétablissement avait recommandé une série de mesures de rétablissement et établi un calendrier d’études nécessaires pour la désignation de l’habitat essentiel. Le MPO a fait rapport des progrès observés pour la période de 2011 à 2016 relativement à la mise en œuvre de ces mesures de rétablissement et à la réalisation de ces études (MPO 2017b). Les points ci-après résument les progrès observés.

Mesures à prendre pour mettre en œuvre le programme de rétablissement et plan d’action

Le présent programme de rétablissement et plan d’action donne une description des mesures qui fournissent les meilleures chances d’atteindre les objectifs en matière de population et de répartition pour le bar rayé du fleuve Saint-Laurent, notamment, les mesures à prendre pour s’attaquer aux menaces pesant sur l’espèce et suivre son rétablissement. Les mesures proposées visent à orienter non seulement les activités que doit entreprendre Pêches et Océans Canada, mais également celles pour lesquelles d’autres instances, organisations et personnes ont un rôle à jouer. À mesure que de nouveaux renseignements sont obtenus, ces mesures et la priorité de ces mesures peuvent changer. Pêches et Océans Canada encourage fortement la population canadienne à participer à la conservation du bar rayé du fleuve Saint-Laurent en mettant en œuvre les mesures indiquées dans ce programme de rétablissement et plan d’action.

Les tableaux 3 et 4 décrivent les mesures à prendre pour soutenir le rétablissement du bar rayé du fleuve Saint-Laurent. Les mesures préconisées correspondent aux stratégies et approches suivantes :

Stratégie générale 1: inventaires, suivis et ensemencements

Stratégie générale 2: recherche

Stratégie générale 3: gestion et coordination

Stratégie générale 4: intendance et sensibilisation

La mise en œuvre de ces mesures reposera sur une approche collaborative dans laquelle Pêches et Océans Canada est un partenaire dans les efforts de rétablissement et ne peut être seul à mettre les mesures en œuvre. Tous les Canadiens et les canadiennes sont invités à soutenir et à mettre en œuvre ce programme de rétablissement et ce plan d'action. Certaines des mesures proposées représentent des opportunités pour d'autres juridictions, organisations ou individus d’être des leaders pour le rétablissement de l'espèce. Si votre organisation est intéressée à participer à l’une de ces mesures ou à obtenir de l’information sur les sources de financement disponibles pour mener certaines des mesures préconisées, veuillez communiquer avec Pêches et Océans Canada, Division de la Gestion des espèces en péril, Région du Québec (lep-sara-qc@dfo-mpo.gc.ca).

Les mesures incluses dans le présent programme de rétablissement et plan d'action à mettre en œuvre par le MPO dépendront de la disponibilité du financement et des autres ressources nécessaires. Comme l'indiquent les tableaux ci-dessous, les partenariats avec certaines organisations en particulier fourniront l'expertise et la capacité nécessaires à la mise en œuvre de certaines des mesures de rétablissement énumérées. Cependant, les partenaires sont identifiés à titre indicatif et la réalisation des différentes mesures sera soumise aux priorités et aux contraintes budgétaires de chaque organisation ou juridiction qui souhaiterait s’impliquer.

Tableau 3. Mesures collaboratives à prendre par Pêches et Océans Canada et ses partenaires (les caractères gras indiquent les principaux partenaires). La liste des acronymes utilisés apparaît à l’annexe D.
# Mesures de rétablissement Approche (détails à la section 7.2) Priorité Note de bas de page e Menaces ou objectifs visés Partenaires suggérées Échéancier Note de bas de page f
1 Délimiter l’aire de répartition à l’ouest du lac Saint-Pierre et sur la rive nord, à l’est de la rivière Saguenay, jusqu’à Baie-Comeau 1-1 Élevé (à l’ouest), Faible (rive nord) Objectif : Atteindre les objectifs de répartition MFFP
Milieu académique
MPO
Premières Nations (PN)
3 ans
2 Poursuivre le suivi de l’abondance et de l’état de la population, sur la base d’indicateurs et de protocoles standardisés du MFFP, notamment le suivi du recrutement pour estimer l’abondance des jeunes de l’année et le suivi des adultes. 1-1 Élevé Objectif : Atteindre les objectifs d’abondance MFFP
Milieu académique MPO
PN
continu
3 Déterminer des indicateurs d’abondance des adultes et établir les protocoles pour en faire le suivi. 1-1 Élevé Objectif : Atteindre les objectifs d’abondance MFFP
Milieu académique MPO
3 ans
4 Déterminer l’importance relative de la zone de chevauchement des bars rayés de la population du fleuve et de la population du golfe du Saint-Laurent et évaluer la contribution de chacune. 1-1 Élevé Objectif : Atteindre les objectifs de répartition MFFP
Milieu académique MPO
5 ans (3 ans si basé sur la télémétrie)
5 Évaluer la capacité de support du fleuve Saint-Laurent pour les juvéniles de bar rayé et déterminer une cible quantitative pour le rétablissement qui tiendra compte de la dynamique de la population. 1-1 Élevé Objectif : Atteindre les objectifs d’abondance et de répartition MFFP
Milieu académique MPO
PN
5 ans
6 Suivre les agents pathogènes et les parasites et au besoin évaluer la situation des espèces aquatiques envahissantes en lien avec le bar rayé. 1-1 Faible Menace : Espèces aquatiques envahissantes et agents pathogènes MFFP
Milieu académique MPO
PN
continu
7 Suivre l’état des habitats importants, notamment les habitats de reproduction. 1-1 Élevé Objectif : Atteindre les objectifs de répartition MFFP
Milieu académique MPO
PN
5 ans
8 Déterminer les facteurs qui pourraient limiter la croissance chez certains juvéniles de l’année (0+) et les empêcher d’atteindre la taille suffisante pour passer l’hiver (par exemple, fraie différée dans le temps, habitats de croissance de mauvaise qualité, parasite qui limite la croissance). 2-1 Élevé Objectif : Atteindre les objectifs d’abondance et de répartition Milieu académique
MFFP
MPO
3 ans
9 Caractériser la structure particulière de l’assemblage des bars qui fréquentent la rivière Ouelle, documenter la fidélité au site et la raison de l’utilisation du site. 2-2 Moyen Objectif : Atteindre les objectifs d’abondance et de répartition MFFP
Milieu académique
MPO
5 ans
10 Déterminer les contingents chez les adultes et les juvéniles, ainsi que leur importance et leur contribution au rétablissement de la population. 2-2 Faible Objectif : Atteindre les objectifs d’abondance et de répartition MFFP
Milieu académique
MPO
PN
10 ans
11 Procéder à une nouvelle évaluation de l’impact des différentes pêches sur le rétablissement (les pêches autochtone, sportive et commerciale, ainsi que les pêches illégales). 3-1 Élevé Menaces : Captures accidentelles MFFP
MPO
PN
2 ans
12 Avec la collaboration des pêcheurs commerciaux, poursuivre le suivi des captures accidentelles et, par la même occasion, recueillir des données permettant d’évaluer les paramètres démographiques. 3-1 Élevé Menace : Captures accidentelles commerciales MFFP
Pêche commerciale
MPO
continu
13 Avec la collaboration des pêcheurs sportifs, faire le suivi des prises accidentelles et par la même occasion recueillir des données pour orienter les efforts de suivi de la population.. 3-1 Élevé Menace : Captures accidentelles sportives MFFP

Pêcheurs sportifs
PN
MPO

continu
14 Diffuser de l’information pertinente et assurer la surveillance et le suivi sur le terrain par les agents de protection. 3-1 Élevé Menace : Captures illégales MFFP
MPO
continu
15 Incorporer l’information sur les besoins du bar rayé dans l’analyse des projets proposés dans ou à proximité d’un plan d’eau. 3-2 Élevé Menace : Perte ou dégradation de l’habitat Industrie
MFFP
MPO
PN
continu
16 Encourager les pêcheurs sportifs à adopter des comportements qui favorisent la conservation du bar rayé (par exemple, information et sensibilisation à la remise à l’eau). 4-1 Élevé Menace : Captures accidentelles MFFP
MPO
ONG
PN
continu
17 Encourager les pêcheurs commerciaux à mettre en place des mesures qui favorisent la survie des bars lorsqu’ils sont capturés accidentellement dans les engins fixes. 4-1 Élevé Menace : Captures accidentelles MFFP
MPO
ONG
PN
continu
18 Encourager les municipalités, les municipalités régionales de comté (MRC) et autres instances gouvernementales et administratives à s’assurer que les besoins du bar rayé sont inclus dans les pratiques de gestion qui ont des impacts sur les milieux aquatiques et à apporter les correctifs appropriés sur le terrain (par exemple, intégrer les préoccupations aux plans directeurs de l’eau, aux plans d’action et de réhabilitation écologique et aux plans de gestion intégrée régionaux). 4-1 Moyen Menace : Perte ou dégradation de l’habitat MFFP
MELCC
MPO
Milieu agricole Municipalités
ONG
PN
continu
19 Encourager les bonnes pratiques agroenvironnementales et apporter les correctifs appropriés sur le terrain, pour les rivières où il serait pertinent de le faire. 4-1 Faible Menace : Perte ou dégradation de l’habitat MFFP
MELCC
Milieu agricole
MPO
ONG
PN
continu
20 Appuyer, encourager et informer les organisations intéressées par le milieu aquatique et le public en général, de manière à favoriser les mesures visant la protection du bar rayé et de ses habitats. 4-1 Élevé Toutes les menaces MFFP
MPO
ONG
PN
3 ans
21 Développer une campagne pour faire connaître le bar rayé au grand public et montrer l’importance de son rôle de même que la différence entre la population du fleuve Saint-Laurent et celle du sud du golfe du Saint-Laurent (marketing social, image de marque). 4-1 Élevé Toutes les menaces MFFP
MPO
ONG
PN
3 ans
Tableau 4. Mesures qui représentent des occasions de participation pour d’autres instances, organisations et personnes. La liste des acronymes utilisés apparaît à l’annexe D.
# Mesures de rétablissement Approche Priorité Note de bas de page g Menaces ou objectifs visés Instances ou organisations suggérées Échéancier Note de bas de page h
22 Maintenir une expertise sur le bar rayé à la pisciculture de Baldwin-Coaticook afin de permettre un redémarrage rapide de l’élevage à partir d’individus sauvages, si nécessaire. 1-2 Élevé Objectif : Atteindre les objectifs d’abondance MFFP 5 ans
23 Mettre en œuvre, par règlement, des mesures de gestion pour la protection du bar rayé dans les périodes ou des sites critiques (par exemple, fermetures de pêche). 3-1 Élevé Menaces : Captures accidentelles et captures illégales MFFP continu

7.3 Commentaires à l’appui des tableaux 3 et 4 sur la planification et la mise en œuvre du rétablissement

Certaines des mesures des tableaux 3 et 4 sur la planification et la mise en œuvre du rétablissement se justifient de la manière suivante :

En ce qui concerne le suivi et l’état de la population :

En ce qui concerne la recherche :

En ce qui concerne la gestion et la coordination :

En ce qui concerne les mesures d’intendance et de sensibilisation :

8. Habitat essentiel

8.1 Désignation de l’habitat essentiel de l’espèce

8.1.1 Description générale de l’habitat essentiel de l’espèce

Dans la Loi sur les espèces en péril, l’habitat essentiel est défini comme suit : « l’habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce ». [paragraphe 2(1)]

En outre, la LEP définit ainsi l’habitat d’une espèce aquatique : « [...] les frayères, aires d’alevinage, de croissance et d’alimentation et routes migratoires dont sa survie dépend, directement ou indirectement, ou aires où elle s’est déjà trouvée et où il est possible de la réintroduire ». [paragraphe 2(1)]

L’habitat essentiel du bar rayé de la population du fleuve Saint-Laurent, est défini aussi précisément que possible, avec la meilleure information accessible; il fournit les fonctions et les caractéristiques nécessaires pour appuyer les processus du cycle biologique de l’espèce et pour atteindre les objectifs pour la population et la répartition de l’espèce.

Ce programme de rétablissement et plan d’action désigne l’habitat essentiel de la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent comme un assemblage d’emplacements géographiques, situés dans l’estuaire fluvial ou moyen du Saint-Laurent, où le bar rayé accomplit les fonctions essentielles à son cycle de vie (reproduction, croissance, alimentation et hivernage). L’habitat essentiel est décrit en détails comme suit :

Bien que certaines aires de l'habitat essentiel ne soient utilisées par le bar rayé ou ne soient essentielles qu'à certains stades de vie et à certaines périodes de l'année, l’ensemble de l'habitat essentiel désigné doit être protégé tout au long de l'année afin de garantir qu’il puisse remplir ses fonctions essentielles auprès de l'espèce lorsqu'elle en a besoin.

Il n’a pas été déterminé si l’habitat essentiel désigné dans ce programme de rétablissement et plan d’action est suffisant pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition de l’espèce. Le calendrier des études présente les recherches nécessaires pour désigner des aires additionnelles d’habitat essentiel et pour obtenir une information plus détaillée au sujet de l’habitat essentiel désigné afin d’atteindre les objectifs en matière de population et de répartition.

8.1.2 Information et méthodes utilisées pour désigner l’habitat essentiel

L’habitat essentiel pour le bar rayé de la population du fleuve Saint-Laurent a été désigné en se fondant sur la meilleure information accessible. Cette information a été, pour la plupart, générée au cours de projets de recherche identifiés dans le calendrier des études du programme de rétablissement précédent (Robitaille et al. 2011). Les résultats de ces projets ont été publiés dans un document de recherche du Secrétariat canadien de consultation scientifique (Valiquette et al. 2017). Ils ont servi de base à la formulation d’un avis scientifique produit au cours d’un examen par les pairs qui impliquait des experts du rétablissement et des experts scientifiques du MFFP, de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et du MPO, en mars 2016 (MPO 2017a). Des informations additionnelles ont été utilisées pour définir l’habitat essentiel à la reproduction dans le secteur de l’extrémité portuaire à Beauport. Ces informations découlent de l’analyse de données télémétriques récoltées de 2015 à 2018 dans le cadre d’un projet de développement portuaire. Ces données ont été analysées par des experts scientifiques du MFFP et les résultats ont été publiés dans un rapport du Ministère (L’Italien et al. 2020).

Dans l’ensemble, les informations et les projets présentés dans l’avis scientifique du MPO et dans le rapport du MFFP ont permis de déterminer et de caractériser (de manière non exhaustive) les habitats utilisés par le bar rayé aux différentes étapes de son cycle de vie (larves, juvéniles 0+, adultes) et à différents moments de l’année (période de reproduction [mai à juin], période d’eau libre [mai à octobre] et période d’hivernage [novembre à avril]). Cette approche a permis de désigner un habitat essentiel constitué d’un assemblage d’habitats, où le bar rayé accomplit des fonctions essentielles à son cycle de vie (reproduction, croissance, alimentation et hivernage).

Habitat d’alimentation des adultes

L’habitat utilisé pour l’alimentation des adultes a été caractérisé à l’aide d’une étude télémétrique. Entre 2011 et 2015, un réseau de récepteurs a été déployé le long des rives sud et nord du fleuve Saint-Laurent, c’est-à-dire entre Montréal et, respectivement, Sainte-Luce et le fjord du Saguenay (incluant celui-ci). Le réseau de récepteurs était actif pendant la période d’eau libre, entre mai et octobre. Cette période est associée à une température de l’eau supérieure à 10 °C, considérée comme propice à l’alimentation. Le réseau de récepteurs a permis de suivre le déplacement de bars rayés équipés d’émetteurs acoustiques. Les résultats ont montré que les bars se dispersent sur un grand territoire pour s’alimenter et utilisent plus intensivement l’aire définie ici comme habitat essentiel. L’habitat essentiel pour la fonction d’alimentation des adultes a été désigné comme la zone utilisée, entre mai et octobre, par au moins 50 % des individus marqués. Cette approche a permis de définir deux zones d’habitat d’alimentation (figure 3).

Habitat d’hivernage des adultes

Les aires d’hivernage des adultes ont également été caractérisées par télémétrie. Un réseau de récepteurs a été déployé pendant l’hiver, entre novembre 2014 et avril 2015. Cette période est associée à une température de l’eau inférieure à 10 °C, seuil au-dessous duquel le bar cesse de s’alimenter. Contraint par la présence de glace, le réseau hivernal offre une couverture et une résolution spatiales restreintes, comparativement à celles du réseau d’eau libre, avec un nombre limité de récepteurs, déployés dans le fleuve entre Portneuf et Rivière-du-Loup. Néanmoins, le réseau hivernal permet de documenter les secteurs de l’estuaire fluvial et moyen vers lesquels les bars initient un retour depuis les secteurs les plus en aval, dès le mois de septembre (selon l’information du réseau d’eau libre). L’habitat essentiel pour l’hivernage des adultes a été désigné comme les zones où les bars marqués sont les plus concentrés, entre novembre et avril. Cette approche a permis de définir deux zones d’hivernage. Des déplacements ont été observés entre ces secteurs, mais les données ont été considérées comme trop fragmentaires pour statuer sur la présence d’un corridor migratoire au sens d’habitat essentiel. Des données du MFFP et des observations par les pêcheurs sportifs indiquent que le bar rayé hiverne aussi dans un secteur qui englobe le lac Saint-Pierre, son archipel et la rivière Richelieu (MFFP, données non publiées). La localisation et la caractérisation de ces habitats ne sont pas terminées.

Habitats de reproduction

Les mois de mai et juin sont considérés comme la période propice à la reproduction du bar rayé. L’espèce est connue pour utiliser des zones de rassemblement avant la fraie qui, à l’instar des zones de fraie, jouent un rôle essentiel pour la reproduction. Les individus s’y rassemblent pour profiter de conditions environnementales favorables à la maturation des gonades. Les zones de rassemblement avant la fraie ne correspondent pas nécessairement à des zones de fraie, celles-ci pouvant être distantes de plusieurs kilomètres. Les zones de fraie sont caractérisées par des paramètres abiotiques (température, salinité, oxygène, courant) propices à l’incubation des œufs et un hydrodynamisme favorable à leur transport vers des zones d’alevinage.

Trois approches ont été utilisées pour arriver à définir les habitats de reproduction, à savoir la recherche et la caractérisation de rassemblements d’adultes en état de frayer, la recherche d’œufs et de larves, et finalement, la localisation des adultes en période de reproduction.

Pour caractériser les rassemblements d’adultes en état de frayer, 14 sites se trouvant dans des embouchures de rivière ou des secteurs du fleuve ont été échantillonnés entre 2011 et 2015, principalement au filet, pendant un total de 1 389 heures. Les sites investigués ont été choisis parce qu’ils avaient été identifiés comme étant propices à la reproduction du bar rayé en fonction des conditions abiotiques ou parce que des concentrations d’individus matures y avaient été rapportées par les pêcheurs sportifs ou commerciaux au printemps (Valiquette et al. 2017). L’effort d’échantillonnage était variable entre les sites. Deux sites, associés à des concentrations élevées de bars rayés en état de frayer, ont été échantillonnés plus intensivement et de manière récurrente (au moins deux ans), soit l’embouchure de la rivière du Sud à Montmagny (à l’échelle du « bassin ») et le secteur de Beauport dans la ville de Québec (ce qui inclut la baie de Beauport, l’extrémité portuaire et l’embouchure de la rivière Saint-Charles).

En ce qui concerne la recherche de larves et d’œufs, en 2011, un échantillonnage d’ichtyoplancton couplé à des analyses génétiques a révélé la présence d’œufs de bar rayé à l’embouchure de la rivière du Sud à Montmagny (Côté 2012). En 2014, une concentration élevée de larves de bar rayé a été observée pour la première fois sur la rive nord en aval de la ville de Québec, notamment dans le chenal de l’île d’Orléans. Les patrons de circulation impliquent qu’ils proviennent d’un autre site que celui de la rivière du Sud (Vanalderweireldt 2019) et sont cohérents avec l’hypothèse que ces larves proviennent du secteur de Beauport, à Québec (Pascal Sirois, UQAC, comm. pers.). Des œufs et des larves de bar rayé ont été capturés à proximité des deux frayères d’importances sur plusieurs années entre 2011 et 2016. Cette production d’œufs et de larves se traduit par une présence significative de jeunes de l’année en aval des frayères, ce qui a été observé dans plusieurs des travaux menés au fleuve depuis 2011, mais en particulier dans le cadre du suivi de l’abondance des jeunes de l’année démarré en 2013 (L’Italien et al. 2020).

Pour ce qui est de la localisation des adultes en période de reproduction, elle a été établie à partir du réseau fixe de télémétrie d’eau libre, à Beauport et à la rivière du Sud, à partir d’individus adultes équipés d’émetteurs acoustiques, pendant les mois de mai et juin 2015. Pour le secteur de Beauport, des efforts supplémentaires ont été déployés de 2015 à 2018 pour documenter l’utilisation du secteur, à une échelle spatiale plus fine. En effet, de 10 à 25 récepteurs acoustiques additionnels ont été positionnés à la pointe sud-ouest de la baie de Beauport, dans le cadre d’un projet de développement portuaire. Le nombre et la position des récepteurs ont été adaptés d’une année à l’autre afin d’optimiser le suivi. Les données télémétriques récoltées à fine échelle spatiale à Beauport ont été soumises à une analyse par noyau de densité (kernel). Cette analyse modélise les probabilités de trouver un individu dans un espace défini par l’ensemble des localisations. Cette approche a été utilisée pour localiser l’habitat utilisé préférentiellement en période de reproduction, dans le secteur de Beauport (voir L’Italien et al. 2020 pour les détails méthodologiques). 

Sur la base de ces diverses études, l’extrémité portuaire à Beauport (à Québec) et le bassin de la rivière du Sud (à Montmagny) ressortent comme des aires d’importants rassemblements d’adultes pour la reproduction ainsi que des zones de fraie. Dans ces deux secteurs, on observe des rassemblements prédictibles d’individus adultes réunissant toutes les conditions propices à la reproduction (gonades pleines et coulantes, estomac vide, rapport des sexes déséquilibré en faveur des mâles et température de l’eau entre 13 et 18° C). De plus, ces rassemblements sont observés uniquement en mai et juin, aux températures propices à la reproduction, et se situent dans des secteurs où l’hydrodynamisme est favorable à l’exportation des œufs vers des zones d’alevinage observées, principalement, à proximité de ou dans la ZTM. La présence d’œufs et de larves est confirmée dans les deux secteurs. Les résultats télémétriques à fine échelle confirment l’utilisation intensive du secteur de Beauport en période de reproduction.

Il faut mentionner que malgré la présence de concentrations d’adultes matures en mai-juin dans la portion aval de la rivière Ouelle, cette rivière présentait plusieurs caractéristiques atypiques pour un habitat de reproduction (rapport des sexes grandement déséquilibré en faveur des femelles, quasi-absence de mâles en état de frayer, estomac plein et présence sur le site pendant toute la période d’eau libre). Il a été déterminé que les femelles rassemblées dans la rivière Ouelle profiteraient de conditions favorables à la maturation des gonades ( L’Italien et al. 2020). C’est pourquoi le secteur de la rivière Ouelle n’a pas été retenu comme habitat essentiel pour la reproduction. Mentionnons toutefois que ce secteur est inclus dans l’habitat essentiel d’alimentation des adultes qui se déroule principalement de mai à octobre (voir la description plus haut).

À Montmagny, l’ensemble du bassin de la rivière du Sud a été désigné comme habitat essentiel. Cette désignation inclut tous les sites où des bars rayés ont été capturés en période de reproduction. Cette désignation reconnaît l’importance, pour la reproduction, des conditions hydrodynamiques à l’échelle du bassin. À Québec, l’habitat essentiel désigné se trouve près de l’embouchure de la rivière Saint-Charles, à l’extrémité est des installations portuaires à Beauport. Le polygone d’habitat essentiel est défini sur la base des échantillonnages au filet qui avaient permis de définir une portion d’habitat essentiel en rive en 2019 (méthode et habitat présentés dans MPO 2019b), de même que sur la base du centre d’activité du bar rayé, défini par télémétrie, tel qu’illustré à la figure 39 de L’Italien et al. (2020). Le centre d’activité correspond à la zone, à l’intérieur de l’espace défini par l’ensemble des localisations, où la fréquentation du bar rayé est plus intense (selon la modélisation des données télémétriques). La concentration des adultes à cet endroit est considérée représenter l’attrait particulier qu’y revêtent les paramètres de l’habitat pour la reproduction.

Habitat de croissance des larves et des juvéniles de l’année

L’information sur les habitats utilisés par les larves et les juvéniles de la population du fleuve Saint-Laurent est encore fragmentaire, puisque plusieurs études sont encore en cours de réalisation. On a considéré que l’information disponible était suffisante pour désigner un habitat essentiel, mais insuffisante pour le faire séparément pour les larves et les juvéniles. Ainsi, l’habitat essentiel est désigné en considérant toute la période de croissance des larves et des juvéniles, qui se déroule principalement de juin à novembre. La première moitié de la période est considérée comme critique pour la survie et la croissance des larves, qui sont particulièrement sensibles aux variations des conditions abiotiques comme la température, la salinité et la concentration en oxygène, ainsi qu’à la disponibilité des proies. La deuxième moitié de la période est considérée comme particulièrement critique pour la croissance des juvéniles de l’année, qui doivent atteindre une taille minimale de 10 cm à la fin de la saison de croissance pour pouvoir survivre au premier hiver (COSEPAC 2012 et références incluses).

Il a été considéré comme acceptable de désigner un habitat essentiel commun pour les deux stades, puisque l’habitat des larves est inclus dans celui des juvéniles de l’année. En effet, l’information disponible indique que les larves se trouvent principalement dans deux secteurs de la partie amont de la ZTM, plus précisément entre Montmagny et L’Islet-sur-Mer, le long de la rive sud, et en aval de l’île d’Orléans sur la rive nord. Les juvéniles de l’année sont présents en fortes concentrations dans l’ensemble de la ZTM, mais aussi un peu en amont et en aval de cette zone tel que déterminé et revalidé sur la base du suivi annuel du recrutement du MFFP, pour la période de 2013 à2018 (L’Italien et al. 2020, Vanalderweireldt 2019, Valiquette et al. 2017, MPO 2017a, Côté 2012).

L’habitat essentiel a été défini en combinant deux types d’information présentés dans l’avis scientifique, c’est-à-dire les habitats potentiels définis pour les larves et les jeunes de l’année, ainsi que le suivi annuel du recrutement (MPO 2017a). Plus précisément, en se fondant sur les connaissances acquises au sujet des besoins du bar rayé et de son utilisation de l’habitat pendant sa première année de vie, l’avis scientifique (MPO 2017a) a localisé des habitats potentiels; ces habitats correspondent à la zone intertidale et à la zone riveraine d’une profondeur comprise entre 0 et 5 mètres, à l’intérieur d’une vaste zone délimitée géographiquement. L’habitat essentiel a été désigné comme la zone, à l’intérieur de cette zone d’habitats potentiels, où des juvéniles de l’année ont été capturés pendant le suivi du recrutement pour la période de 2013 à 2015 (en excluant les sites géographiques les plus extrêmes en amont et en aval). L’habitat essentiel désigné englobe l’anse Sainte-Anne (La Pocatière); cette zone avait été désignée comme essentielle, pour les juvéniles, entre septembre et octobre, dans le précédent programme de rétablissement (Robitaille et al. 2011). Les connaissances acquises depuis le précédent programme confirment l’importance de l’anse Saint-Anne comme habitat essentiel.

La méthode de désignation a les limites suivantes. Le relevé annuel pour le suivi du recrutement a été élaboré de manière à fournir un indice d’abondance standardisé pour les juvéniles de l’année. Comme le relevé a lieu en septembre, celui-ci ne donne pas forcément une image exhaustive de l’utilisation de l’habitat pour l’ensemble de la saison de croissance (juin-novembre). De plus, le relevé ne permettait pas de définir les caractéristiques précises de l’habitat que recherchent les juvéniles pour assurer leur alimentation et leur croissance, puisque les sites ont été choisis pour assurer une probabilité de capture homogène des individus entre les sites.

8.1.3 Désignation de l’habitat essentiel

Information géographique

Pour le bar rayé, l’habitat essentiel se compose d’un assemblage d’emplacements géographiques où le bar rayé accomplit les fonctions essentielles à son cycle de vie (reproduction, croissance, alimentation et hivernage). Il a été possible de désigner un habitat essentiel pour (i) l’alimentation des adultes (deux secteurs), (ii) l’hivernage des adultes (deux secteurs), (iii) la reproduction (deux secteurs) et (iv) la croissance des larves et des juvéniles (constitué de la zone intertidale d’une profondeur comprise entre 0 et 5 m dans une aire géographique étendue), tel que décrit dans le tableau 6 et illustré sur les figures 3 et 4. Faute d’information disponible, il n’a pas été possible de désigner un habitat essentiel pour les subadultes (individus de 1 à 3 ans).

Pour les habitats d’alimentation et d’hivernage des adultes et pour les habitats de reproduction, les emplacements des fonctions, caractéristiques et paramètres de l’habitat essentiel ont été déterminés à l’aide de la méthode basée sur une parcelle d’habitat essentiel. En revanche, dans le cas des habitats de croissance des larves et des juvéniles de l’année, les emplacements des fonctions, caractéristiques et paramètres de l’habitat essentiel ont été déterminés à l’aide de la méthode basée sur la zone de délimitation. La méthode basée sur une parcelle d’habitat essentiel implique que l’habitat essentiel correspond exactement à la zone comprise dans les limites déterminées et que l’on sait que cette zone fournit les fonctions et les caractéristiques nécessaires à la survie ou au rétablissement de l’espèce, comme le montre le tableau 6. Par contraste, la méthode basée sur la zone de délimitation implique que l’habitat essentiel ne correspond pas à toute la zone comprise dans les limites déterminées, mais plutôt seulement aux zones situées à l’intérieur des limites géographiques déterminées dans lesquelles la caractéristique biophysique décrite et la fonction qu’elle soutient sont présentes, comme le montre le tableau 6.

Cartes. Voir description ci-dessous.
Figure 3. En haut : Carte montrant l’habitat essentiel désigné pour la fonction d’alimentation des adultes (mai-octobre) et pour la fonction d’hivernage des adultes (novembre-avril). En bas : Cartes détaillées illustrant l‘habitat essentiel désigné pour la fonction de reproduction (mai-juin) à l’extrémité portuaire à Beauport, dans la ville de Québec (Zone A) et dans le bassin de la rivière du Sud à Montmagny (Zone B). Les coordonnées géographiques détaillées sont données dans le tableau 5. L’ensemble de l'habitat essentiel désigné doit être protégé tout au long de l'année, afin de garantir qu’il puisse remplir ses fonctions essentielles auprès de l'espèce pendant les périodes (identifiées entre parenthèses) où ces fonctions sont nécessaires.
Description longue

La figure 3 représente l’habitat essentiel désigné du bar rayé du fleuve pour l’alimentation, l’hivernage et la reproduction des adultes. Elle est composée de 3 cartes. La première carte en haut présente l’aire d’alimentation des adultes qui inclut deux secteurs : le premier s’étendant de Québec à Rivière-Ouelle le long de la rive sud du Saint-Laurent et le second s’étendant de Sault-au-Cochon à Cap-aux-Oies le long de la rive nord. La même carte présente aussi l’aire d’hivernage des adultes qui inclut également deux secteurs : le premier est situé entre Québec, Lévis et la pointe ouest de l’Île d’Orléans et le second se retrouve entre l’Île aux Grues et la rive sud. Finalement, sur cette même carte, est également représentée la localisation des deux aires de reproduction : l’une située à l’extrémité portuaire à Beauport, dans la ville de Québec  (la Zone A) et l’autre localisée dans le bassin de la rivière du Sud, à Montmagny (la Zone B). Comme ces deux zones sont de petite taille comparativement aux autres secteurs représentés, elles sont illustrées en détail dans deux cartes distinctes, positionnées en dessous de la première carte. Les coordonnées géographiques détaillées des aires d’habitat essentiel désigné sont données dans le tableau 5. L’aire d’alimentation remplit son rôle essentiel de mai à octobre, l’aire d’hivernage est particulièrement essentielle de novembre à avril et les aires de reproduction jouent un rôle essentiel de mai à juin. Il faut noter le chevauchement géographique des aires désignées comme habitat essentiel. L’ensemble de l'habitat essentiel désigné doit être protégé tout au long de l'année, afin de garantir qu’il puisse remplir ses fonctions essentielles auprès de l'espèce pendant les périodes où ces fonctions sont nécessaires.

Tableau 5. Coordonnées géographiques des points délimitant les habitats essentiels désignés pour l’alimentation des adultes, l’hivernage des adultes et la reproduction, tels qu’illustrés sur la figure 3.
Alimentation des adultes
Point Latitude Longitude
1 46° 49' 19" N 71° 10' 48" O
2 46° 49' 21" N 71° 12' 55" O
3 46° 50' 19" N 71° 11' 41" O
4 46° 51' 03" N 71° 08' 30" O
5 46° 55' 02" N 70° 53' 40" O
6 46° 58' 04" N 70° 47' 03" O
7 47° 01' 54" N 70° 40' 41" O
8 47° 08' 03" N 70° 32' 41" O
9 47° 07' 59" N 70° 30' 00" O
10 47° 09' 55" N 70° 25' 38" O
11 47° 25' 29" N 70° 03' 29" O
12 47° 25' 54" N 70° 01' 07" O
13 47° 25' 52" N 70° 01' 05" O
14 47° 13' 09" N 70° 37' 24" O
15 47° 12' 49" N 70° 36' 26" O
16 47° 15' 01" N 70° 34' 21" O
17 47° 16' 47" N 70° 32' 56" O
18 47° 20' 28" N 70° 30' 29" O
19 47° 23' 25" N 70° 26' 09" O
20 47° 25' 38" N 70° 18' 57" O
21 47° 27' 24" N 70° 15' 38" O
22 47° 28' 41" N 70° 13' 39" O
23 47° 29' 32" N 70° 12' 39" O
24 47° 30' 19" N 70° 12' 07" O
25 47° 30' 32" N 70° 12' 41" O
Hivernage des adultes
Point Latitude Longitude
A 46° 49' 27" N 71° 10' 36" O
B 46° 49' 56" N 71° 11' 36" O
C 46° 51' 38" N 71° 09' 58" O
D 46° 51' 03" N 71° 08' 30" O
E 46° 50' 44" N 71° 08' 06" O
F 46° 49' 58" N 71° 09' 23" O
G 46° 59' 36" N 70° 33' 01" O
H 47° 02' 27" N 70° 34' 25" O
I 47° 09' 55" N 70° 25' 38" O
J 47° 08' 05" N 70° 22' 04" O
Reproduction (secteur de la ville de Québec, zone A)
Point Latitude Longitude
1 46° 50' 13,2" N 71° 11' 34,0" O
2 46° 50' 22,5" N 71° 11' 24,0" O
3 46° 50' 29,0" N 71° 11' 03,4" O
4 46° 50' 28,3" N 71° 11' 00,9" O
5 46° 50' 42,3" N 71° 10' 36,0" O
6 46° 50' 37,6" N 71° 10' 32,0" O
7 46° 50' 25,0" N 71° 10' 50,0" O
8 46° 50' 17,8" N 71° 10' 46,0" O
9 46° 49' 38,6" N 71° 11' 33,0" O
10 46° 49' 49,4" N 71° 11' 49,0" O
Reproduction (secteur de Montmagny, zone B)
Point Latitude Longitude
1 46° 59' 24" N 70° 33' 12" O
2 46° 59' 36" N 70° 33' 01" O
3 46° 59' 13" N 70° 32' 57" O
4 46° 59' 11" N 70° 33' 03" O
Carte. Voir description ci-dessous.
Figure 4. Carte illustrant l’habitat essentiel désigné pour la fonction de croissance des larves et des juvéniles; il correspond aux zones intertidales (en vert) et d’une profondeur à marée basse comprise entre 0 et 5 m (en bleu), à l’intérieur de la zone de délimitation (en rouge). Le zéro de référence est celui des cartes marinesdu Service hydrographique du Canada, défini comme la basse mer inférieure, grande marée. ROM : refuge d’oiseaux migrateurs. L’habitat essentiel désigné doit être protégé tout au long de l'année afin de garantir qu’il puisse remplir ses fonctions essentielles de juin à novembre.
Description longue

La figure 4 est une carte illustrant l’habitat essentiel désigné pour la fonction de croissance des larves et des juvéniles. Cet habitat correspond aux zones intertidales et aux zones d’une profondeur à marée basse comprise entre 0 et 5 m, situées à l’intérieur d’un secteur du fleuve, délimité par un polygone. Les coordonnées géographiques des points délimitant le polygone sont fournies dans un tableau à même la figure. Le secteur du fleuve Saint-Laurent inclus dans la zone délimitée commence, à l’ouest, à la hauteur de la rivière Chaudière; il inclut le secteur de l’île d’Orléans et de l’archipel de l’île aux Grues, puis se prolonge en rive vers l’est, jusqu’à Petite-Rivière-Saint-François sur la rive nord et jusqu’à Rivière-du-Loup, sur la rive sud. Le zéro de référence est celui des cartes marines du Service hydrographique du Canada, défini comme la basse mer inférieure, grande marée. À l’intérieur de l’habitat essentiel désigné, on retrouve cinq refuges d’oiseaux migrateurs localisés sur la rive sud du fleuve (Saint-Vallier, Montmagny, Cap-Saint-Ignace, L’Islet et Trois-Saumons) et la réserve nationale de faune de Cap-Tourmente, située sur la rive nord. L’habitat essentiel désigné doit être protégé tout au long de l'année afin de garantir qu’il puisse remplir ses fonctions essentielles de juin à novembre.

Fonctions, caractéristiques et paramètres biophysiques

Le tableau 6 présente un résumé de la meilleure information disponible sur les fonctions, les caractéristiques et les paramètres associés à chacune des étapes du cycle de vie du bar rayé et à chaque emplacement géographique (voir les références complètes à la section 4.3 « Besoins de l’espèce »). Veuillez prendre note qu’il n’est pas nécessaire que tous les paramètres apparaissant au tableau 6 soient présents pour que la caractéristique soit désignée comme habitat essentiel. Si une caractéristique, telle qu’elle est décrite dans le tableau 6, est présente et capable de soutenir la ou les fonction(s) connexe(s), elle est considérée comme un habitat essentiel pour l’espèce, même si certains de ses paramètres se situent hors des limites indiquées dans le tableau.

Tableau 6. Résumé général des fonctions, caractéristiques et paramètres biophysiques, et emplacement de l'habitat essentiel nécessaire à la survie et au rétablissement de la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent.
Emplacement géographique Stade biologique Fonction Note de bas de page i Caractéristique(s) Note de bas de page j Paramètre(s) Note de bas de page k
Secteur situé sur la rive nord de l’estuaire moyen, à la hauteur de l’île aux Coudres, et
secteur partant de Québec, suivant le chenal des Grands Voiliers au sud de l’île d’Orléans, englobant les alentours de l’Île aux Grues et se terminant un peu en aval de Rivière-Ouelle
(figure 3, carte du haut)
Adultes Alimentation et migration des adultes en lien avec l’alimentation
(mai à octobre)
  • Eaux estuariennes
  • Disponibilité d’une qualité et d’une quantité adéquates de proies
  • Température de l’eau supérieure à 10 °C
Secteur de Québec et secteur au sud de l’île aux Grues
(figure 3, carte du haut)
Adultes Hivernage des adultes
(novembre à avril)
  • Eaux estuariennes
  • Température suffisante pour la survie (≥ - 1,5 °C, selon la littérature)
  • Concentration en oxygène dissous supérieure à 5 mg/L
Secteur à l’extrémité portuaire à Beauport dans la ville de Québec (estuaire fluvial du Saint-Laurent)
(figure 3, zone A)
Adultes et œufs Reproduction
(mai à juin)
  • Zone de confluence à l’embouchure d’une rivière, sous l’influence de la marée
  • Hydrodynamisme : courants complexes
  • Température de l’eau entre 13 et 18 °C; au-delà, les poissons quittent la zone.
  • Courants changeant de direction et de force (de nulles à fortes) selon les marées
  • Zone de cisaillement (entre les courants forts et la zone d’eau plus calme) qui crée un courant giratoire
  • Courant modéré, suffisant pour garder les œufs en suspension
  • Hydrodynamisme suffisant pour assurer l’oxygénation des œufs (concentration seuil en oxygène dissous de 5 mg/L d’après la littérature)
Bassin de la rivière du Sud
(estuaire moyen du Saint-Laurent)
(figure 3, zone B)
Adultes et
œufs
Reproduction
(mai à juin)
  • Embouchure d’une rivière sous l’influence de la marée
  • Bassin composé de chenaux et d’îlots
  • Hydrodynamisme : au pied d’une chute rehaussée d’un seuil bétonné; canal de rejet d’eau d’une centrale hydroélectrique
  • Chenaux d’une profondeur minimum de 1,5 m et d’îlots (exondés à marée basse)
  • Température de l’eau entre 13 et 18 °C pour la fraie; les œufs tolèrent des températures jusqu’à 23 °C.
  • Salinité < 0,2 ‰ à marée basse et de 0,2 à 2,5 ‰ à marée haute (car influence de fortes décharges d’eau douce par la crue printanière de la rivière)
  • Courant modéré, suffisant pour garder les œufs en suspension
  • Hydrodynamisme suffisant pour assurer l’oxygénation des œufs (concentration seuil en oxygène dissous de 5 mg/L d’après la littérature)
Zone riveraine intertidale et d’une profondeur à marée basse comprise entre 0 et 5 mètres incluse à l’intérieur de la zone de délimitation comprise entre Lévis (en amont de l’embouchure de la rivière Chaudière) et, respectivement, Rivière-du-Loup sur la rive sud et Petite-Rivière-Saint-François sur la rive nord; la zone de délimitation inclut les îles et hauts-fonds entre Québec et l’Île aux Grues. (Cette désignation inclut l’anse Saint-Anne, l’habitat essentiel désigné en 2011.)
(figure 4)
Larves et juvéniles de l’année Alevinage (croissance et alimentation)
(juin à novembre)
  • Habitat riverain et de hauts-fonds en zone estuarienne
  • Zone intertidale et d’une profondeur à marée basse comprise entre 0 et 5 m
  • Milieu hétérogène
  • Fort gradient de salinité (préférence des larves pour des salinités inférieures à 0,1 ‰)
  • Zone de front thermique
  • Patron de circulation unique qui contribuerait à l’augmentation de la turbidité locale et à la concentration des proies
  • Disponibilité d’une qualité et d’une quantité adéquates de proies
    • pour les larves : zooplancton-copépodes et cladocères;
    • pour les juvéniles : mysidacés, crevettes de sable, poulamons, éperlans arc-en-ciel, clupéidés
  • Souvent associés à la présence d’herbiers

La fonction d’alimentation des adultes et de migration associée à la quête de nourriture est soutenue, de mai à octobre, par la présence d’eaux estuariennes d’une température supérieure à 10 °C et par une quantité et une qualité adéquates de proies. Selon la littérature, le bar rayé cesse de s’alimenter sous le seuil de température de 10 °C (COSEPAC 2012). Le bar rayé adulte est un prédateur opportuniste de haut niveau trophique; il privilégie le poisson, en particulier l’éperlan arc-en-ciel et les clupéidés (ibid.).

La fonction d’hivernage des adultes est associée à la période de novembre à avril. Elle est soutenue par la présence d’eaux estuariennes, caractérisées par une température et un taux d’oxygène dissous considérés comme nécessaires à la survie. Selon la littérature, les valeurs seuils pour la température et le taux d’oxygène sont, respectivement, -1,5 °C et 5 mg/L (MPO 2014). Les données sur la température recueillies au cours du relevé télémétrique du MFFP indiquent des valeurs minimales oscillant autour de 0 °C pour les deux sites (Eliane Valiquette, MFFP, comm. pers.).

La fonction de reproduction couvre la période de mai à juin et a lieu en eaux douces ou légèrement saumâtres. La fraie se déroule dans une zone qui se situe à l’embouchure de deux rivières, dans la zone de confluence avec le Saint-Laurent et sous l’influence des marées. L’hydrodynamisme est considéré comme une caractéristique clé pour la fonction de reproduction; les courants jouent le double rôle de maintenir les œufs en suspension et d’assurer leur bonne oxygénation (au moins 5 mg/L d’oxygène dissous; MPO 2014, Greene et al. 2009). Les deux zones retenues comme habitat essentiel comportent des conditions particulières d’hydrodynamisme qui ont été associées aux zones de fraie du bar rayé dans la littérature, soit de forts courants et des inversions de courant causés par la topographie du milieu (L’Italien et al. 2020 et références incluses). Les reproducteurs arrivent pour se rassembler et frayer, dès que la température atteint 13 °C; ils quittent le secteur quand la température dépasse 18 °C (MPO 2017a, Valiquette et al. 2017). Selon la littérature, les œufs tolèrent une gamme de température entre 14 °C et 23 °C (Greene et al. 2009).

Les valeurs de salinité mesurées dans le bassin de la rivière du sud à Montmagny varient entre 0,2 ‰ et 2,5 ‰. Dans ce secteur, la forte décharge printanière d’eau douce par la rivière contribue à maintenir une faible salinité dans le bassin, malgré les marées en provenance de l’estuaire moyen du Saint-Laurent. L’hydrodynamisme est influencé par la marée et par la présence du barrage et du canal de rejet de la centrale hydroélectrique. L’hydrodynamisme qui prévaut dans le bassin se traduit par la présence de chenaux et d’îlots (exondés à marée basse), dont la localisation peut légèrement varier selon les années. Les individus utilisent les chenaux pour entrer dans le bassin à marée haute. Peu d’individus sont observés à marée basse, mais les chenaux, d’une profondeur minimum de 1,5 m, offrent les conditions propices pour maintenir les œufs en suspension (Pelletier et al. 2010; MPO 2017a).

Dans le secteur portuaire à Beauport, l’hydrodynamisme est caractérisé par une gyre et une zone de clapotis. Ces caractéristiques sont associées à la présence d’une zone de cisaillement entre, d’une part, les courants présents à la confluence de la rivière Saint-Charles et du Saint-Laurent et, d’autre part, les eaux plus calmes de la baie de Beauport, le tout modulé par la marée.

La fonction de croissance des larves et des juvéniles de l’année est soutenue, de juin à novembre, par la présence d’habitats riverains et de hauts-fonds, en zone intertidale et d’une profondeur comprise entre 0 et 5 m (MPO 2017a, Valiquette et al. 2017). Ces habitats sont situés en eaux estuariennes; ils se trouvent en grande partie dans la zone de confluence des eaux douces et marines de l’estuaire moyen du Saint-Laurent (Gagnon et al. 1993). Cette zone offre un milieu très hétérogène; elle est caractérisée par une forte turbidité et d’importants gradients de salinité et de température, causés par la rencontre entre les eaux douces du fleuve et les eaux salées de l’Atlantique. Il s’agit d’une zone très dynamique, où les effets combinés des courants du fleuve et des marées contribuent à mélanger les masses d’eau et à remettre les sédiments marins et côtiers en suspension. Le mélange des masses d’eau s’accompagne également d’un phénomène de précipitation des nutriments et de la matière organique. Les eaux de cette région sont par conséquent saumâtres et turbides; elles soutiennent une forte productivité planctonique qui est retenue par le patron estuarien de circulation des eaux. Cette situation prévaut également localement, en milieu côtier, avec la contribution additionnelle des affluents aux processus locaux.

Selon North et Houde (2003 et 2006), la répartition des larves correspond de près aux fronts salins des estuaires, lesquels régissent la répartition et l’abondance des proies du bar aux stades précoces de son cycle vital. Cette prédiction semble respectée pour le bar rayé de la population du fleuve Saint-Laurent. En effet, la zone d’alevinage des larves originaires de la zone de fraie de Montmagny correspond à la limite du front salin à 0,1 ‰ (Vanalderweireldt 2019). La présence d’un front salin est également caractéristique de la zone de concentration larvaire située en aval de l’île d’Orléans (Morissette et al. 2016). La répartition des juvéniles est plus étendue que celle des larves; ceux-ci se retrouvent dans différents secteurs de la zone riveraine de l’estuaire du Saint-Laurent (MPO 2017a et références incluses). Cette répartition est cohérente avec le fait que le bar rayé juvénile tolère mieux les variations des conditions abiotiques que la larve et avec le fait que son régime alimentaire est plus diversifié.

Les herbiers constituent un habitat recherché par les juvéniles; ils jouent le double rôle d’abri et de garde-manger (COSEPAC 2012). La zone désignée comme habitat essentiel pour les larves et les juvéniles de l’année est caractérisée par la présence des principaux milieux humides répertoriés pour l’estuaire moyen du Saint-Laurent (Environnement et Changement climatique Canada 2013).

L’habitat essentiel désigné pour les larves et les juvéniles est associé à la disponibilité d’une qualité et d’une quantité adéquates de proies. Environ huit jours après l’éclosion, la larve a épuisé ses réserves vitellines et commence à s’alimenter. La littérature mentionne que le taux de survie des larves dépend directement de l’abondance de zooplancton disponible (Kernehan et al. 1981) et que la condition des larves est corrélée avec la densité de copépodes et de cladocères (Miller 1977; Martin et al. 1985). Ces deux groupes d’espèces dominent la communauté zooplanctonique de cette zone de confluence entre eaux douces et marines (Cusson 2011 et références incluses). Après la métamorphose de la larve en juvénile, l’alimentation du bar rayé se diversifie et intègre des mysidacés, crevettes de sable, poulamons, éperlans arc-en-ciel et clupéidés (Robitaille 2010; COSEPAC 2012).

Les travaux des dernières années ont défini les caractéristiques de l’habitat qui assurent une alimentation et une croissance optimales des larves et juvéniles de bar rayé de la population du Saint-Laurent (Vanalderweireldt 2019). Ils ont mis en lumière l’importance de l’alevinage dans l’estuaire moyen pour le bar rayé.

Les structures artificielles permanentes (par exemple, marinas, quais, pontons) déjà en place dans les zones délimitées sont exclues de l’habitat essentiel, à moins que ces structures ne maintiennent l’habitat essentiel. Il est reconnu que des travaux d’entretien de ces structures peuvent être requis, tout comme leur remplacementNote de bas de page 12.

Résumé de la contribution de l'habitat essentiel à l’atteinte des objectifs en matière de population et de répartition

À l’heure actuelle, il est connu que la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent se reproduit naturellement, que son abondance augmente et que son aire de répartition s’étend, dans certains secteurs, au-delà de l’aire connue de la population historique. En absence d’indicateurs quantitatifs mesurant la taille et la répartition de la population ainsi que la capacité de support du milieu, il est pour l’instant impossible de quantifier la contribution de l’habitat essentiel désigné au rétablissement de l’espèce. Cependant, on considère que cet habitat essentiel devrait contribuer à son rétablissement, puisqu’il inclut les deux zones de fraie reconnues comme significatives pour le renouvellement de la population et un assemblage d’habitats permettant au bar rayé de réaliser son cycle de vie.

Ainsi, l’habitat essentiel désigné correspond à des zones que, d’après la meilleure information disponible,  le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne considère comme nécessaires pour atteindre en partie les objectifs en matière de population et de répartition, requis pour la survie et le rétablissement de l’espèce. Des aires d’habitat essentiel supplémentaires pourront être désignées ultérieurement, dans les mises à jour du présent document.

8.2 Calendrier des études visant à désigner l’habitat essentiel

Des études plus approfondies sont nécessaires pour préciser les limites de l’habitat essentiel actuellement désigné, dans le but : d’élargir les connaissances sur les fonctions, les caractéristiques et les paramètres de l’habitat essentiel actuellement désigné pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition fixés pour l’espèce; de protéger l’habitat essentiel de la destruction; et de désigner des aires additionnelles d’habitat essentiel. Voici un tableau décrivant ces études; bon nombre d’entre elles sont déjà amorcées ou bien avancées. Les activités présentées dans le tableau 7 ne sont pas exhaustives, et l'achèvement de ces études conduira probablement à la découverte de nouvelles lacunes dans les connaissances, qui devront être comblées.

Tableau 7. Calendrier des études visant à désigner / préciser l’habitat essentiel
Description de l’étude Justification Échéancier
Localiser et caractériser d’autres habitats importants en période de reproduction Depuis 2011, le MFFP a réalisé des échantillonnages à l’embouchure de 14 rivières ou secteurs potentiellement capables de soutenir des activités de reproduction du bar rayé. Le bassin de la rivière du Sud (à Montmagny) est confirmé comme une zone de fraie. La présence d’œufs et de larves de bar rayé confirme la présence d’une zone de fraie dans le secteur de Beauport (à Québec) et la télémétrie a permis de le localiser avec précision (L’Italien et al. 2020). Une étude récente (Vanalderweireldt 2019) indique que la distribution des larves de bar rayé concorde fidèlement avec la localisation de ces deux zones de fraie. La rivière Ouelle n’est pas ressortie comme une zone de fraie, mais davantage comme une zone de rassemblement avant la fraie probablement propice à la maturation des gonades.
Considérant que la population de bar est en croissance, il faudrait continuer l’inventaire des aires potentielles de fraie en intégrant les informations les plus à jour quant à l’observation, sur le terrain, de bars rayés en période de reproduction.
2021 à 2023
Caractériser l’hydrodynamisme dans les habitats utilisés intensément en période de reproduction L’hydrodynamisme est reconnu dans la littérature comme une caractéristique clé pour la reproduction du bar rayé.
La zone de fraie de la rivière du Sud à Montmagny montre un hydrodynamisme favorable à la dispersion des œufs et des larves vers des milieux propices à leur survie et leur développement. Une situation similaire existe dans le secteur portuaire de Beauport (à Québec), avec un régime hydrodynamique favorable à l’exportation des larves vers des zones propices situées en aval, dans la ZTM (Vanalderweireldt 2019). Il faudrait documenter l’hydrodynamisme dans les sites potentiels de fraie.
2021 à 2023
Terminer la détermination et la caractérisation des aires d’hivernage En aval, les données de télémétrie du réseau hivernal (une seule année disponible : novembre 2014 à avril 2015) suggèrent que le bar rayé se concentre principalement au sud de l’Île aux Grues et, dans une moindre mesure, dans le secteur de la ville de Québec.
Dans les deux secteurs, la température diminue graduellement durant l’automne, pour se stabiliser autour de 0 °C entre début janvier et fin mars.
Le nombre de bars rayés détectés dans le secteur de Québec demeure stable durant toute la saison hivernale. Cependant, au sud de l’île aux Grues, la quantité de bars détectés diminue significativement, passant de 43 en décembre à 15 en janvier, puis à 6 en mars. La destination des bars qui semblent quitter le secteur est inconnue.
En amont, un nouveau secteur d’hivernage a été localisé. Il englobe le lac Saint-Pierre, son archipel et la rivière Richelieu (données non publiées du MFFP). Les études se poursuivent pour mieux caractériser les aires d’hivernage.
2021 à 2024
Préciser le rôle du chenal des Grands Voiliers pendant la période d’hivernage Sur la base d’études télémétriques, il a été établi que, pendant la période d’octobre à avril, le bar se concentre principalement au sud de l’Île aux Grues et, dans une moindre mesure, dans le secteur de la ville de Québec. Des déplacements d’individus entre ces secteurs ont été observés entre novembre et avril (données limitées à une seule année). Il a été suggéré que le chenal des Grands Voiliers qui relie ces deux secteurs est utilisé comme voie hivernale de déplacement. Il reste à définir si ce chenal correspond à un corridor migratoire essentiel à la fonction d’hivernage. 2021 à 2024
Localiser et caractériser l’habitat des jeunes de l’année pendant leur premier hiver Le relevé standardisé du recrutement de septembre indique que les jeunes de l’année (0+) sont répartis sur une grande aire géographique au début de l’automne. Cet échantillonnage a lieu à une profondeur de 0 à 2 m. L’endroit où se réfugient les juvéniles pendant l’hiver demeure inconnu. En particulier, on ignore si leur répartition se contracte comme celle des adultes. Les données disponibles sur la composition chimique des otolithesaNote de bas de page l de juvéniles (1+) suggèrent qu’une fraction des jeunes de l’année hiverne dans les sections oligohaline et mésohalineNote de bas de page m de l’estuaire du Saint-Laurent. Ces observations sont toutefois de portée limitée, car les faibles taux de croissance hivernale pourraient masquer la signature chimique associée au retour des individus en eau douce.
Un échantillonnage hivernal n’est pas envisageable (avec les moyens actuellement disponibles en raison des dangers liés aux conditions hivernales). L’étude de l’habitat hivernal des jeunes de l’année nécessitera donc l’élaboration de nouvelles approches et méthodologies.
2021 à 2028
Caractériser les paramètres d’habitat importants pour la croissance des jeunes de l’année et, ultimement, déterminer les habitats associés aux meilleurs taux de croissance Le relevé standardisé du recrutement du MFFP montre une bimodalité dans la fréquence des classes de taille des jeunes de l’année capturés en septembre. Il est proposé que cette bimodalité reflète une reproduction différée dans le temps ou des habitats plus ou moins productifs.
Considérant que les jeunes de l’année doivent atteindre une certaine taille pour survivre à leur premier hiver, il est important de déterminer et de caractériser les habitats associés à des taux de croissance favorables. Des travaux sont en cours (UQAC) pour caractériser l’utilisation, par les jeunes de l’année, des habitats en zone riveraine, le long de l’estuaire fluvial et de l’estuaire moyen du fleuve Saint-Laurent, en lien avec la taille qui permet la survie à l’hiver. Il reste à terminer ces travaux.
2021
Déterminer l’importance des herbiers comme habitat pour les juvéniles en période d’alimentation Dans la littérature, les herbiers sont reconnus comme un habitat important, en termes physique et trophique, pour le bar rayé. Par le passé, la perte de ces habitats a été mise en cause dans la disparition du bar. L’importance des herbiers pour le succès du recrutement des juvéniles n’a pas encore été évaluée pour la population actuelle. 2021 à 2023
Localiser et caractériser l’habitat des subadultes Les données disponibles se rapportent principalement aux juvéniles de l’année (relevé standardisé du recrutement du MFFP) et aux adultes (télémétrie, échantillonnage au filet). Pour cette raison, l’habitat des subadultes (1 à 3 ans) est très peu documenté. 2021 à 2028
Caractériser l’utilisation par le bar de la section amont du fleuve Saint-Laurent (entre Montréal et Québec) Pour la population disparue, la section fluviale du Saint-Laurent entre l’amont du lac Saint-Pierre et l’amont de la ville de Québec était une zone importante pour les bars de 3 ans et plus de novembre à juin. Pour la population actuelle, les données de télémétrie indiquent que des bars adultes remontent, en mai, vers la portion fluviale située entre Sorel et Québec; ces individus semblent redescendre vers l’aval en juin.
Aujourd’hui, le bar rayé est bien établi en amont du fleuve, jusqu’à Sorel, incluant la rivière Richelieu et il y a des mentions d’individus près de Montréal. La fonction de cette partie de la répartition et son importance dans la dynamique de la population restent à mieux documenter.
2021 à 2023

8.3 Exemples d’activités susceptibles d’entraîner la destruction de l’habitat essentiel

Les exemples suivants d’activités qui peuvent entraîner la destructionNote de bas de page 13  de l’habitat essentiel (tableau 8) sont fondés sur des activités anthropiques connues susceptibles de se produire dans l’habitat essentiel et autour de ce dernier, et qui entraîneraient la destruction de l’habitat essentiel si aucune mesure d’atténuation n’était prise. La liste des activités n’est ni exhaustive ni exclusive; elle a été dressée en fonction des menaces décrites dans la section 5. Le fait qu’une activité susceptible d’entraîner la destruction de l’habitat essentiel ne figure pas dans le tableau 8 n’empêche en rien le MPO de la régir en vertu de la LEP. De plus, le fait d’inscrire une activité susceptible de détruire l’habitat essentiel ne signifie pas qu’elle sera systématiquement interdite ni qu’elle conduira inévitablement à une destruction de l’habitat essentiel. Chaque activité proposée doit être évaluée au cas par cas, et des mesures d’atténuation propres à chaque site seront appliquées lorsqu’elles sont possibles et éprouvées. Dans tous les cas, lorsqu’ils sont possibles, des seuils et des limites ont été associés aux caractéristiques de l’habitat essentiel afin de mieux orienter la prise de décisions en matière de gestion et de réglementation. Cependant, il arrive dans bien des cas que l’on connaisse mal une espèce et son habitat essentiel, notamment les données relatives aux seuils de tolérance de cette espèce ou de cet habitat aux perturbations causées par l’activité humaine, d’où l’importance de combler cette lacune.

Tableau 8. Exemple d’activités susceptibles d’entraîner la destruction de l’habitat essentiel
Menace Activité Séquence des effets Fonction touchée Caractéristique touchée Paramètre touché
Pollution Rejet d’effluents (eaux usées) des secteurs municipaux, industriels et agricoles Augmentation de la turbidité
Augmentation de la charge en nutriments
Eutrophisation
Augmentation de contaminants
Destruction des herbiers
Mortalité des proies et baisse de la qualité des proies par bioaccumulation dans la chaîne alimentaire
Toutes (survie et fécondité) Embouchure de rivière
Habitat riverain en zone estuarienne
Eaux estuariennes
Disponibilité des proies
Herbiers
Pollution Fuites et déversements accidentels d’hydrocarbures lors des transports par bateau et pipeline Augmentation de contaminants
Destruction des herbiers
Mortalité des proies
Toutes (survie et fécondité) Embouchure de rivière
Habitat riverain en zone estuarienne
Eaux estuariennes
Disponibilité des proies
Herbiers
Perte ou dégradation de l’habitat Dragage Destruction physique de l’habitat
Modification des régimes d’écoulement
Augmentation de la turbidité
Relargage de contaminants
Diminution de la qualité de l’eau
Reproduction
Croissance des larves et juvéniles
Embouchure de rivière et hydrodynamisme (zone de fraie)
Habitat riverain en zone estuarienne
Courants (intensité et patrons de circulation)
Concentration en oxygène
Disponibilité de proies de qualité
Perte ou dégradation de l’habitat Remblayage
Délestage de déblais de dragage
Destruction physique de l’habitat
Modification du substrat
Modification des régimes d’écoulement
Augmentation de la turbidité
Reproduction
Croissance des larves et juvéniles
Embouchure de rivière et hydrodynamisme (zone de fraie)
Habitat riverain en zone estuarienne
Hauts-fonds
Courants (intensité et patrons de circulation)
Concentration en oxygène
Disponibilité de proies de qualité
Perte ou dégradation de l’habitat Construction de barrage ou de digue
Manipulation du niveau d’eau
Modification des régimes d’écoulement
Diminution de l’hydrodynamisme sous le seuil nécessaire pour maintenir les œufs en suspension
Reproduction Embouchure de rivière en aval de barrage et hydrodynamisme (zone de fraie) Courants (intensité et patrons de circulation)
Concentration en oxygène
Perte ou dégradation de l’habitat Aménagement côtier (par exemple, assèchement, empiétement, aboiteau, muret, enrochement) Destruction physique de l’habitat
Modification des régimes d’écoulement
Perte de végétation riveraine et de milieux humides (perte d’abri et de source alimentaire)
Reproduction
Croissance des larves et des juvéniles
Embouchure de rivière et hydrodynamisme (zone de fraie)
Habitat riverain en zone estuarienne
Courants (intensité et patrons de circulation)
Concentration en oxygène
Herbiers
Disponibilité des proies
Perte ou dégradation de l’habitat Aménagement d’infrastruc-tures (par exemple,ports, routes, quais) Destruction physique de l’habitat
Modification des régimes d’écoulement
Perte de végétation riveraine et de milieux humides (perte d’abri et de source alimentaire)
Reproduction
Croissance des larves et des juvéniles
Embouchure de rivière et hydrodynamisme (zone de fraie)
Habitat riverain en zone estuarienne
Courants (intensité et patrons de circulation)
Concentration en oxygène
Herbiers
Disponibilité des proies

8.4 Mesures proposées pour protéger l’habitat essentiel

En vertu de la LEP, la protection de l’habitat essentiel contre la destruction doit être assurée conformément à la loi dans un délai de 180 jours suivant la désignation de cet habitat dans un programme de rétablissement ou un plan d’action. En ce qui concerne l’habitat essentiel pour le bar rayé, on prévoit que cette protection prendra la forme d’un Arrêté visant la protection de l’habitat essentiel en vertu des paragraphes 58(4) et 58(5) de la LEP, qui invoquera l’interdiction, prévue au paragraphe 58(1), de la destruction de l’habitat essentiel désigné.

Pour les zones de l’habitat essentiel situées dans la réserve nationale de faune de Cap-Tourmente et les refuges d’oiseaux migrateurs (Saint-Vallier, Montmagny, Cap-Saint-Ignace, L’Islet et Trois-Saumons) (figure 4), une description de l’habitat essentiel sera publiée dans la Gazette du Canada, conformément au paragraphe 58(2). L’interdiction du paragraphe 58(1) de détruire l’habitat essentiel s’appliquera quatre-vingt-dix jours après la publication dans la Gazette du Canada.

9. Évaluation des répercussions socioéconomiques et des avantages

La Loi sur les espèces en péril exige une évaluation des répercussions socioéconomiques du plan d’actionNote de bas de page 14 inclus dans le présent document. L’évaluation comprend les coûts du plan d’action  et les avantages découlant de sa mise en œuvre [LEP 49(1)e), 2003]. Cette évaluation aborde seulement les répercussions socioéconomiques marginales de la mise en œuvre du présent plan d’action dans une perspective nationale ainsi que les avantages sociaux et environnementaux qui seraient générés si le plan d’action était mis en œuvre dans son intégralité, en reconnaissant que certains aspects de sa mise en œuvre ne relèvent pas tous de la compétence du gouvernement fédéral. L’évaluation n’aborde pas les répercussions cumulatives du rétablissement des espèces en général ni ne tente de réaliser une analyse coûts-avantages. Son objectif est d’informer le public et d’éclairer la prise de décisions relatives à la mise en œuvre du plan d’action par les intervenants.

De plus, la conservation des espèces en péril est un élément important de l’engagement du gouvernement du Canada à conserver la diversité biologique en vertu de la Convention internationale sur la diversité biologique. Le gouvernement du Canada s’est également engagé à protéger et à rétablir les espèces en péril par l’intermédiaire de l’Accord pour la protection des espèces en péril. Une estimation des coûts et des avantages associés au présent plan d’action sont décrits ci-dessous.

La présente évaluation ne porte pas sur les répercussions socio-économiques de la protection de l’habitat essentiel du bar rayé. La décision de recourir à un Arrêté visant la protection de l’ habitat essentiel implique que l’élaboration de l’Arrêté devra suivre un processus réglementaire conforme à la Directive du Cabinet sur la gestion de la réglementation et comprendre une analyse des répercussions potentielles supplémentaires de l’Arrêté. Cette analyse sera incluse dans le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation relatif à l’Arrêté.

Dans un premier temps, cette évaluation identifie les principaux intervenants (section 9.1) qui pourraient être touchés ou impliqués par la mise en œuvre des mesures de rétablissement énoncées aux tableaux 3 et 4 du présent document. La section 9.2 examine si la réalisation de ces mesures pourrait comporter des coûts supplémentaires pour les intervenants. Ensuite, la section 9.3 aborde les avantages de la mise en œuvre du plan d’action. Finalement, la section 9.4 évalue les effets distributifs de la mise en œuvre des mesures de rétablissement du bar rayé du fleuve Saint-Laurent.

9.1 Profil des intervenants

Les mesures de rétablissement pour le bar rayé contenues dans les tableaux 3 et 4 sont regroupées selon quatre stratégies : 1) les inventaires et suivis et les ensemencements; 2) la recherche; 3) la gestion et la coordination; et 4) l’intendance et la sensibilisation. Les types d’intervenants qui prendraient part à la réalisation du plan d’action sont également identifiés dans ces mêmes tableaux.

Mesures d’inventaires, de suivis et d’ensemencements

Les principaux partenaires du MPO pour la mise en œuvre des mesures d’inventaires, de suivis et d’ensemencements seraient le gouvernement du Québec (MFFP), le milieu universitaire (Université du Québec à Chicoutimi [UQAC]) et les Premières Nations.

Mesures de recherche

La recherche impliquerait la collaboration du milieu universitaire (UQAC) et des gouvernements fédéral et provincial ainsi que les Premières Nations.

Mesures de gestion et coordination

Les mesures de gestion et de coordination seraient assurées par les gouvernements fédéral et provincial en collaboration avec l’industrie de la pêche commerciale (par exemple, les pêcheurs d’anguille). Les pêcheurs sportifs et commerciaux pourraient être appelés à contribuer à travers le réseau de suivi des prises accidentelles dans la pêche sportive et dans la pêche commerciale (mesure 12 du Tableau 3). Les Premières Nations et les municipalités pourraient aussi participer, à certains niveaux, à la gestion de l’habitat.

Mesures d’intendance et de sensibilisation

Les activités d’intendance et de sensibilisation seraient réalisées en partie par des organisations non gouvernementales avec la collaboration des gouvernements fédéral et provincial. Les Premières Nations, le milieu de la pêche sportive et commerciale, les municipalités et le milieu agricole pourraient aussi s’impliquer.

9.2 Répercussions socioéconomiques de la mise en œuvre du plan d’action

Les coûts des mesures sont évalués plus bas en termes qualitatifs. Plusieurs des actions énoncées dans ce plan sont des initiatives en cours au sein du gouvernement fédéral et par ses partenaires qui se poursuivraient même en l’absence du plan d’action. Bien que ces mesures puissent toucher certains des intervenants identifiés ci-dessus, leur réalisation n’entraînerait pas systématiquement des coûts socioéconomiques supplémentaires pour ces intervenants, ou encore les mesures pourraient être financées, au moins en partie, par des programmes existants du gouvernement fédéral.

De plus, la gestion de la pêche et de l’habitat du poisson se fait déjà en vertu de la Loi sur les pêches. Le plan d’action n’implique pas de contraintes ou de coûts supplémentaires par rapport aux exigences des autres outils législatifs existants.  

Mesures d’inventaires, de suivi et d’ensemencements

La moitié des mesures de rétablissement définies dans le plan d’action du bar rayé sont des mesures d’inventaires, de suivis et d’ensemencements. Les activités d’inventaire et de suivi constituent aussi la poursuite d’initiatives déjà entreprises par le MPO et ses partenaires. Quant aux activités d’ensemencement, elles font suite à des projets déjà en cours au MFFP. Certaines mesures dépassent le cadre du rétablissement du bar rayé et concernent l’acquisition de connaissances sur l’espèce. Il est donc réaliste de penser qu’un bon nombre des activités d’inventaire et de suivi figurant dans les tableaux 3 et 4 seraient réalisées par le MPO et ses partenaires, même en l’absence de plan d’action.

Les mesures d’inventaire et de suivi, dont le MPO devrait être responsable, seraient financées à même les programmes de financement annuels existants  et n’entraîneraient pas de coûts supplémentaires. Quant aux autres mesures qui seraient entreprises par le gouvernement provincial, le milieu universitaire ou encore les partenaires autochtones, elles pourraient aussi être financées en partie par des programmes existants du gouvernement fédéral.

Il est donc estimé que la réalisation des mesures d’inventaires, de suivis et d’ensemencements n’engendrerait pas de coûts supplémentaires pour les intervenants concernés.

Mesures de recherche

Le plan d’action énonce trois mesures de recherche visant à acquérir de meilleures connaissances sur le bar rayé et qui pourraient dépasser le cadre du rétablissement de l’espèce. Il est réaliste de penser que les activités de recherche figurant dans les tableaux 3 et 4 seraient réalisées par le MPO et ses partenaires, même en l’absence de plan d’action, et donc n’engendreraient pas de coûts supplémentaires.

Mesures de gestion et coordination

Six mesures de gestion et de coordination qui sont définies dans le plan d’action du bar rayé concerneraient le MPO, le MFFP ou l’industrie. La gestion et la coordination qui relèveraient de Pêches et Océans Canada seraient financées à même les programmes réguliers et donc n’engendreraient pas de coûts supplémentaires. Les mesures concernant le gouvernement provincial, l’industrie et les pêcheurs récréatifs et commerciaux pourraient être financées en partie par des programmes existants du gouvernement fédéral.

Mesures d’intendance et de sensibilisation

Pour la plupart, les activités de sensibilisation et d’intendance énoncées dans le plan d’action du bar rayé sont déjà en cours et visent principalement à informer les utilisateurs du fleuve Saint-Laurent et le public en général (par exemple, pêcheurs sportifs, pêcheurs commerciaux, Premières Nations, résidents riverains, municipalités) de l’importance de la protection du bar rayé pour son rétablissement. Pour certains intervenants qui choisiraient de prendre part au rétablissement du bar rayé, des coûts supplémentaires pourraient accompagner la mise en œuvre de ces mesures. Toutefois celles-ci pourraient être financées au moins en partie par des programmes existants du gouvernement fédéral. Des mesures pourraient aussi générer des coûts supplémentaires pour le gouvernement fédéral. Elles pourraient aussi être financées dans certains cas par des programmes existants du gouvernement fédéral.

9.3 Avantages de la mise en œuvre du plan d’action

La mise en œuvre des mesures énoncées dans le plan d’action contribuera de manière positive à l’atteinte de l’objectif à long terme de rétablissement du bar rayé du fleuve Saint-Laurent de manière à rencontrer les critères qui permettraient à la population de passer de son statut actuel, en voie de disparition selon la LEP, à celui de préoccupant.

Les avantages découlant du rétablissement du bar rayé du fleuve Saint-Laurent sont difficilement quantifiables. La protection et le rétablissement des espèces en péril peuvent entraîner des avantages et des répercussions. La Loi sur les espèces en péril reconnaît « que les espèces sauvages, sous toutes leurs formes, ont leur valeur intrinsèque et sont appréciées des Canadiens pour des raisons esthétiques, culturelles, spirituelles, récréatives, éducatives, historiques, économiques, médicales, écologiques et scientifiques » (LEP 2003). Les écosystèmes sains et autosuffisants, avec leurs composantes variées, dont les espèces en péril, apportent une contribution positive aux moyens de subsistance et à la qualité de vie de l’ensemble de la population canadienne. Un examen de la littérature confirme que la population canadienne tient à la préservation et à la conservation des espèces en soi. En outre, plus une action contribue au rétablissement d’une espèce, plus le public accorde une valeur élevée à de telles actions (Loomis et White, 1996; MPO, 2008).

La population québécoise accorde une très grande importance à la pêche sportive. Notamment, la présence du bar rayé de la population du sud du golfe du Saint-Laurent, dans le nord du golfe et dans l’estuaire maritime, fait l’objet d’une activité récréotouristique qui attire un nombre important de pêcheurs sportifs, en complément à l’offre de pêche au saumon atlantique. Une enquête sur la pêche sportive au bar rayé en Gaspésie effectuée en 2015 a permis d'évaluer que dès la deuxième année d'existence de cette nouvelle pêcherie, plus de 7 300 jours de pêche ont été consacrés au bar rayé, ce qui représente des retombées économiques d'au moins 1 million de dollars. Si le rétablissement de la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent permet le retour d'une pêche sportive dans le fleuve et l'estuaire du Saint-Laurent, on estime que certaines régions pourraient bénéficier de retombées socioéconomiques appréciables.

9.4 Effets distributifs

Un grand nombre de parties concernées participeront à la mise en œuvre des actions formulées dans ce plan et engageront des coûts qui varieront en fonction de leur implicationNote de bas de page 15. Considérant que la majorité des mesures énoncées au plan d’action sont reliées au programme de rétablissement du bar rayé du fleuve Saint-Laurent existant et constituent la continuation d’activités déjà en cours, les coûts supplémentaires pour le MPO et ses partenaires devraient être faibles.

Par ailleurs, les avantages de la mise en œuvre du plan d’action pour le bar rayé seraient répartis sur l’ensemble de la population canadienne étant donné la valeur économique que cette dernière attribue au rétablissement du bar rayé et à la protection de son habitat.

10. Mesure des progrès

Un rapport sur la mise en œuvre du programme de rétablissement et plan d’action (en vertu de l’article 46 et 55 de la LEP) sera produit par l’évaluation des progrès réalisés relativement à la mise en œuvre des grandes stratégies et des mesures proposées à la section 7.2 (tableaux 3 et 4).

Un rapport sur les répercussions écologiques et socioéconomiques du plan d'action (en vertu de l'article 55 de la LEP) sera produit par l'évaluation des résultats du suivi du rétablissement de l'espèce et de sa viabilité à long terme et par l'évaluation de la mise en œuvre du plan d'action.

11. Activités autorisées par le programme de rétablissement

La LEP stipule ce qui suit : « Les paragraphes 32(1) et (2), l’article 33 et les paragraphes 36(1), 58(1), 60(1) et 61(1) ne s’appliquent pas à une personne qui s’engage dans une activité autorisée par un programme de rétablissement, un plan d’action ou un plan de gestion et qui est également autorisée, en vertu d’une loi du Parlement (y compris en vertu des articles 53, 59 ou 71), à s’engager dans une telle activité.  » [paragr. 83(4)]

Les activités plus bas sont autorisées par le présent programme de rétablissement comme décrit dans la sous-section ci-dessous:

11.1 Activités de pêche

Bien que la pêche du bar rayé ne soit pas permise dans le fleuve Saint-Laurent, en amont d’une ligne reliant Forestville (île Patte de lièvre) à Rimouski (pointe à Santerre), des individus sont capturés accidentellement lors de certaines activités de pêches autochtones, sportives et commerciales. La remise à l’eau de ces poissons est cependant obligatoire selon le Règlement de pêche du Québec (1990), DORS/90-214, pris en vertu de la Loi sur les pêches, L.R.C., 1985, ch. F-14.

En 2010, un avis scientifique du MPO a évalué l’impact des captures accidentelles de bar rayé par les pêches sportives et commerciales sur la survie et le rétablissement de la population. En dépit des lacunes dans les connaissances sur la biologie de cette population et sa vulnérabilité à la capture accidentelle, l’avis scientifique a conclu que les activités de pêche en eau douce et en milieu marin, telles qu’elles sont pratiquées, étaient peu susceptibles d’avoir, dans l’ensemble, un effet sur la survie et le rétablissement de la population de bar rayé (MPO 2010). Cinq recommandations ont été formulées dans cet avis afin d’atténuer l’impact des pêches, sur le taux de mortalité du bar rayé et d’assurer un suivi de cette population :

  1. Mettre en œuvre des mesures d’atténuation (c.-à-d. la remise à l’eau obligatoire) pour réduire l’impact possible des pêches commerciales et sportives sur la population de bar rayé.
  2. Prendre des mesures pour que les captures accidentelles de bars rayés soient déclarées. 
  3. Favoriser les activités de sensibilisation auprès des pêcheurs.
  4. Maintenir un réseau de suivi basé en partie sur les prises accidentelles de bars rayés par les pêcheurs commerciaux et permettant la récolte de spécimens.
  5. Réévaluer l’impact des captures accidentelles dans un délai maximal de cinq ans, ou avant, en cas de modifications qui toucheraient la vulnérabilité du bar rayé aux captures accidentelles par les pêches sportives et commerciales.

L’équipe de rétablissement considère que l’avis est toujours pertinent et que ses conclusions demeurent valides. Toutefois, l’impact des captures accidentelles de bar rayé par les pêches sportives et commerciales sur la survie et le rétablissement de la population doit être réévalué.

En vertu du paragraphe 83(4) de la LEP, le présent programme de rétablissement autorise les pêcheurs à capturer accidentellement des bars rayés de la population du fleuve Saint-Laurent, sous réserve des conditions suivantes :

De plus, un réseau de suivi a été mis en place dans le but de documenter l’établissement des bars rayés, d’évaluer les paramètres de la population, de localiser leurs déplacements et de vérifier la présence de reproduction naturelle. Les pêcheurs commerciaux qui y participent doivent avoir un permis à des fins scientifiques, éducatives ou de gestion de la faune (permis SEG) du MFFP afin de conserver les bars rayés capturés accidentellement pour les remettre aux biologistes du MFFP responsables de l’espèce.

En vertu du paragraphe 83(4) de la LEP, le présent programme de rétablissement autorise les pêcheurs qui exercent des activités de pêche commerciale ainsi que des activités de pêche à des fins scientifiques, éducatives ou de gestion de la faune, à conserver des bars rayés sous réserve des conditions suivantes :

Pour les activités qui ne sont pas mentionnées ci-dessus et qui sont susceptibles d’interagir avec la population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent d’une manière non conforme à la LEP, les personnes sont invitées à communiquer avec Pêches et Océans Canada, à l’adresse suivante : http://www.dfo-mpo.gc.ca/species-especes/sara-lep/permits-permis/index-fra.html.

Références

Annexe A : effets sur l’environnement et les autres espèces(EES)

Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, les documents de planification du rétablissement en vertu de la Loi sur les espèces en péril  intègrent des considérations en matière d’évaluation environnementale dans l’ensemble du document. Ce type d’évaluation vise à intégrer des considérations environnementales dans l’élaboration de politiques publiques, de plans et de propositions de programme pour appuyer une prise de décision éclairée en matière d’environnement et évaluer si les résultats d’un document de planification du rétablissement peuvent avoir des répercussions sur certains éléments de l’environnement ou sur l’atteinte des objectifs et des cibles de la Stratégie fédérale de développement durable.

La planification du rétablissement vise à favoriser les espèces en péril et la biodiversité en général. Il est cependant reconnu que des programmes peuvent, par inadvertance, produire des effets environnementaux qui dépassent les avantages prévus. Le processus de planification fondé sur des lignes directrices nationales tient compte directement de tous les effets environnementaux, en s’attachant particulièrement aux impacts possibles sur les espèces ou les habitats non ciblés. Les résultats de l’évaluation environnementale stratégique sont directement intégrés au programme de rétablissement et plan d'action lui-même, mais sont également résumés ci-après dans le présent énoncé.

L’ÉES a permis de conclure que le programme de rétablissement et plan d’action favorisera clairement l’environnement en encourageant le rétablissement du bar rayé de la population du fleuve Saint-Laurent et n’entraînera pas d’effets négatifs significatifs. De plus, la réintroduction et le rétablissement du bar rayé dans le fleuve Saint-Laurent contribuent à la restauration de la biodiversité de cet écosystème. La possibilité que le rétablissement du bar rayé produise par inadvertance des effets négatifs sur d’autres espèces, notamment sur des espèces proies ou compétitrices, a été évaluée par une analyse de risques (Robitaille 2000) préalable à la réintroduction. L’analyse conclut que le bar rayé ne devrait pas réduire de façon marquée l’abondance des espèces dont il se nourrirait. Bien que des préoccupations existent, des études préliminaires spécifiques sur le régime alimentaire menées par le Ministère de la Faune des Forêts et des Parc du Québec et Pêches et Océans Canada démontrent le comportement opportuniste du bar rayé dans son alimentation et n’indiquent pas d’impact significatif sur les espèces proies (Michel Legault, comm. pers.). Cependant, il est attendu qu’il se produira une réallocation des ressources trophiques entre ce poisson et les autres prédateurs.

Annexe B : registre des initiatives de collaboration et de consultation

Les programmes de rétablissement et les plans d’action doivent être préparés en collaboration avec d’autres instances, organisations, parties ou personnes touchées, comme il est décrit dans les articles 39 et 48 de la Loi sur les espèces en péril. Pêches et Océans Canada a utilisé un processus de concertation pour solliciter la participation à l’élaboration du programme de rétablissement et plan d’action. Le Ministère a fait appel à une équipe de rétablissement où siègent des experts des gouvernements provincial et fédéral et du milieu académique, de même que des représentants de Premières Nations, d’organisations non gouvernementales et de pêcheurs sportifs et commerciaux. Les personnes qui suivent ont collaboré à la production du programme de rétablissement et plan d’action à titre de membres de l’Équipe de rétablissement pour le bar rayé du fleuve Saint-Laurent.

Membre de l’équipe de rétablissement Organisme d’appartenance
Marthe Bérubé MPO, Division de la gestion des espèces en péril
Myriam Bourgeois MPO, Division de la gestion des espèces en péril
Bernard Leblanc MPO, Direction de la conservation et de la protection
Alexandra Valentin MPO, Division de la gestion des espèces en péril
Jean-Louis Provencher Agence Parcs Canada, Direction de la conservation des ressources naturelles
Martin Arvisais MFFP, Direction de la gestion de la faune de la Capitale-Nationale-Chaudière-Appalaches
Geneviève Brosseau MFFP, Direction de la protection de la faune de la Côte-Nord
Valérie Bujold MFFP, Direction de la gestion de la faune de la Gaspésie
Marc-Antoine Couillard MFFP, Direction de l’expertise sur la faune aquatique
Karine Gagnon MFFP, Direction de la gestion de la faune du Saguenay
Catherine Gaudreau MFFP, Direction de l’expertise sur la faune aquatique
Valérie Harvey MFFP, Direction de la gestion de la faune de la Capitale-Nationale-Chaudière-Appalaches
Dominique Lapointe MFFP, Direction de l’expertise sur la faune aquatique
Michel Legault MFFP, Direction de l’expertise sur la faune aquatique
Léon L’Italien MFFP, Direction de la gestion de la faune de la Capitale-Nationale-Chaudière-Appalaches
Geneviève Ouellet-Cauchon MFFP, Direction de l’expertise sur la faune aquatique
Julien Mainguy MFFP, Direction de l’expertise sur la faune aquatique
Simona Motnikar MFFP, Direction de la gestion de la faune de la Capitale-Nationale-Chaudière-Appalaches
Anne-Marie Pelletier MFFP, Direction de la gestion de la faune du Bas-Saint-Laurent
Frédéric Sheehy MFFP, Direction de la protection de la faune du Saguenay-Lac-Saint-Jean
Éliane Valiquette MFFP, Direction de l’expertise sur la faune aquatique
Guy Verreault MFFP, Direction de la gestion de la faune du Bas-Saint-Laurent
Amélie D’Astous Bureau du Nionwentsïo des Hurons-Wendat
Marc-André Savard Bureau du Nionwentsïo des Hurons-Wendat
Hugo Mailhot Couture Grand Conseil de la Nation Waban-Aki
Pascal Sirois Université du Québec à Chicoutimi
Michel Baril Fédération québécoise des Chasseurs et Pêcheurs
Guillaume Bourget Regroupement des organismes de bassins versants du Québec
Bruno Ouellet Pêcheries Ouellet
Jean-Éric Turcotte Stratégies Saint-Laurent

L’ébauche du programme de rétablissement et plan d’action a été soumis pour consultation au gouvernement du Québec et aux Premières Nations concernées. La participation du public, d’organisations autochtones et d’intervenants a été sollicitée par l'intermédiaire de sa publication dans le Registre public des espèces en péril pendant une période de commentaires publics de 60 jours. Les commentaires reçus ont été pris en compte dans la production du document final.

Annexe C : Catégories d’évaluation des menaces

Probabilité d’occurrence Définition
Menace connue ou menace très susceptible de se concrétiser Cette menace a été observée dans 91 % à 100 % des cas.
Probable La probabilité que cette menace se réalise va de 51 % à 90 %.
Peu probable La probabilité que cette menace se réalise va de 11 % à 50 %.
Très peu probable La probabilité que cette menace se réalise va de 1 % à 10 % ou moins.
Inconnue Il n’y a pas de données ni de connaissances préalables sur la manifestation de cette menace maintenant ou dans l’avenir.
Niveau d’incidence Définition
Extrême Déclin important de la population (de 71 à 100 %) et possibilité de disparition.
Élevé Perte de population importante (de 31 % à 70 %) ou
menace compromettant la survie ou le rétablissement de la population.
Moyen Perte modérée de population (de 11 % à 30 %) ou
menace susceptible de compromettre la survie ou le rétablissement de la population.
Faible Peu de changements dans la population (de 1 % à 10 %) ou
menace peu susceptible de compromettre la survie ou le rétablissement de la population.
Inconnue Aucune connaissance, documentation ou donnée antérieure pour orienter l’évaluation de la gravité de la menace sur la population.
Certitude causale Définition
Très élevée Des preuves irréfutables indiquent que la menace va se produire et que l’ampleur des effets sur la population peut être quantifiée.
Élevé Des preuves concluantes établissent un lien de cause à effet entre la menace et le déclin de la population ou le danger pour sa survie ou le rétablissement.
Moyen Des preuves établissent un lien de cause à effet entre la menace et le déclin de la population ou le danger pour sa survie ou son rétablissement.
Faible Il y a des preuves limitées soutenant un lien théorique entre la menace et le déclin de la population ou le danger pour sa survie ou son rétablissement.
Très faible Il y a un lien plausible non prouvé indiquant que la menace entraîne un déclin de la population ou met en danger sa survie ou son rétablissement.

Annexe D : acronymes

Acronyme Description
COSEPAC Comité sur la situation des espèces en péril au Canada
FédéCP  Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs
LEP Loi sur les espèces en péril
MELCC Ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec
MFFP Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec
MPO Pêches et Océans Canada
MRC Municipalités régionales de comté
MTQ Ministère des Transports du Québec
ONG Organisation non gouvernementale
PN  Premières Nations
ROM Refuge d’oiseaux migrateurs
SCCS Secrétariat canadien de consultation scientifique
UQAC Université du Québec à Chicoutimi
ZTM Zone de turbidité maximum

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