L’utilisation du métacodage à barres de l’ADN en biosurveillance

Le métacodage à barres de l’ADN représente-y-il l’avenir du RCBA?

Les progrès du séquençage de l’ADN, tel que le métacodage à barres, permettent de mieux comprendre les milieux aquatiques et d’identifier les macroinvertébrés benthiques. Au Canada, les chercheurs d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) dans les provinces de l’Atlantique et le delta des rivières de la Paix et Athabasca analysent les échantillons de ces organismes par métacodage depuis dix ans (Parks et coll., 2013; Gibson et coll., 2015).

Pour la biosurveillance aquatique, l’identification des macroinvertébrés benthiques par métacodage à barres de l’ADN est une méthode rapide, peu coûteuse et informative (Baird et Hajibabaei, 2012). ECCC, par l’entremise du Réseau canadien de biosurveillance aquatique (RCBA), collabore avec l’Université de Guelph et le Fonds mondial pour la nature Canada pour prélever des échantillons en vrac de ces organismes afin de procéder au métacodage de leur ADN, grâce aux travaux de surveillance communautaire menés partout au pays (voir l’annonce du projet). Dans le cadre du projet de Séquençage des rivières pour la surveillance et l’évaluation environnementale (Sequencing the Rivers for Environmental Assessment and Monitoring [STREAM]) (en anglais seulement), les chercheurs d’ECCC exploreront la possibilité d’établir des analyses et des protocoles normalisés à l’échelle nationale, en utilisant le métacodage à barres de l’ADN comme outil supplémentaire pour évaluer la santé des écosystèmes aquatiques.  

Glossaire:

L’acide désoxyribonucléique (ADN) encode l’information sur la structure, les fonctions et le métabolisme d’un organisme.

Le processus d’identification des paires de base de l’acide nucléique qui forment les brins d’ADN – ou gènes – se nomme le séquençage.

La sous-unité 1 de la cytochrome c oxydase (CO1) est un gène – ou une séquence de codes à barres – qui enchaîne plusieurs centaines de paires de base et que portent tous les invertébrés. Le gène CO1 permet d’identifier ces organismes (Herbert et coll., 2003).

Le métacodage à barres de l’ADN combine l’identification de l’ADN et le séquençage automatisé de plusieurs espèces (Taberlet et coll., 2012a).

Comment prélever des échantillons d’ADN de macroinvertébrés benthiques?

Des échantillons d’ADN de macroinvertébrés benthiques, ou des échantillons de tissus en vrac, peuvent être prélevés en suivant les procédures décrites dans la section « Prélèvement – Échantillons de macroinvertébrés benthiques » du Manuel de terrain des cours d’eau accessibles à gué du RCBA, 2012 et du Protocole du RCBA pour l’échantillonnage des macroinvertébrés dans les milieux humides, moyennant quelques adaptations. L’élément le plus important à prendre en considération est de limiter la contamination de l’ADN entre les échantillons. Les mesures pour éviter cette contamination, comme nettoyer le matériel de prélèvement avec un désinfectant comme l’eau de javel ou l’Eliminase® entre les échantillonnages et porter des gants en nitrile, sont décrites à l’annexe F du  Protocole du RCBA pour l’échantillonnage des macroinvertébrés dans les milieux humides.

Il est important de noter la différence entre un échantillon d’ADN de tissus en vrac et l’ADN environnemental (ADNe). Les échantillons de tissus en vrac sont issus de véritables organismes; dans le cas présent, les invertébrés du site d’échantillonnage sont la source de l’ADN. Pour l’échantillonnage ADNe, on prélève l’ADN dans l’environnement (l’eau ou le sol); l’échantillon ne provient pas directement des organismes, mais des fragments d’ADN provenant du mucus, des fèces ou d’autres cellules (Taberlet et coll., 2012b).

Comment analyser les échantillons d’ADN?

Les échantillons de macroinvertébrés sont envoyés à un laboratoire de génomique spécialisé dans la manipulation d’échantillons de tissus en vrac. Pour préparer l’analyse de l’ADN, l’échantillon est homogénéisé, et une petite partie en est extraite. L’analyse du métacodage à barres de l’ADN cible un ensemble de paires de bases pour un seul gène – ou codes à barres – afin d’identifier le taxon et de réaliser un séquençage plus approfondi. Le processus repose sur un séquençage à haut débit qui traite simultanément plusieurs fragments d’ADN de différents organismes.

Les séquences d’ADN sont ensuite traitées par une série de calculs complexes, ou « travail bioinformatique ». En outre, les séquences sont comparées à des banques de codes à barres d’ADN de référence, accessibles au public, pour identifier les taxons présents. L’identification dépend donc de l’exhaustivité de la banque de codes à barres.

Le processus se nomme « métacodage à barres de l’ADN ».

Quelle est la différence entre les données taxonomiques classiques et celles provenant d’un échantillon d’ADN?

Le RCBA utilise présentement l’identification taxinomique classique, c’est-à-dire que les échantillons d’invertébrés sont triés, puis les taxons sont identifiés par morphologie et comptés à l’aide d’un microscope par un taxinomiste accrédité. L’identification morphologique génère une liste de taxons dans laquelle les macroinvertébrés benthiques sont habituellement identifiés au niveau de la famille, et parfois au niveau du genre ou de l’espèce. Ces résultats, en plus de l’abondance des données, sont fondés sur le sous-échantillonnage de l’échantillon prélevé.

En analysant l’ADN, il est possible d’identifier tous les taxons présents dans un échantillon avec une résolution taxonomique plus élevée, souvent à l’échelle de l’espèce, tout dépendant de l’exhaustivité de la banque d’ADN. L’analyse de l’ADN fournit un ensemble de données qui indiquent la présence ou l’absence des taxons (liste de taxons). À l’heure actuelle, il est impossible d’obtenir une mesure fiable de l’abondance des taxons par séquençage de l’ADN.

Est-ce que le RCBA utilisera l’ADN pour identifier les macroinvertébrés benthiques?

L’utilisation du métacodage à barres de l’ADN pour l’identification des macroinvertébrés benthiques dans le cadre du programme du RCBA est présentement à l’étude. Avant d’adopter cette méthode, nous devons tenir compte de nombreux éléments : la modification du protocole d’échantillonnage, l’assurance de la qualité, l’analyse et l’interprétation des données et l’établissement de procédures de laboratoire normalisées.

Alors que le RCBA collabore avec des chercheurs pour étudier l’utilisation potentielle du métacodage à barres de l’ADN dans l’évaluation de la santé des écosystèmes aquatiques, des échantillons morphologiques comparables seront prélevés et analysés afin de mieux comprendre les différences entre les deux approches et les modifications qui pourraient être nécessaires pour répondre aux besoins du RCBA.

Les groupes communautaires ou les autres organismes qui souhaitent intégrer les données taxonomiques de l’ADN à leur programme de biosurveillance et participer au projet STREAM doivent contacter leur responsable régional du RCBA pour en savoir plus à : EC.CABIN.EC@canada.ca.

Consultez la page Web des nouvelles du RCBA pour vous tenir au courant sur les mises à jour du projet.

Références

Baird, D. J. and Hajibabaei, M. 2012. Biomonitoring 2.0: a new paradigm in ecosystem assessment made possible by next‐generation DNA sequencing. Molecular Ecology 21(8): 2039-2044.

Gibson, J. F., Shokralla, S., Curry, C., Baird, D. J., Monk, W. A., King, I., & Hajibabaei, M. 2015. Large-scale biomonitoring of remote and threatened ecosystems via high-throughput sequencing. PloS One 10: e0138432.

Hebert, P. D. N., Cywinska, A., Ball, S. L., and deWaard, J. R. 2003. Biological Identifications through DNA barcodes. Proceeding sof the Royal Society B 270: 313-321.

Parks D.H., Mankowski T., Zangooei S., Porter M.S., Armanini D.G., Baird D.J., Langille M.G.I., and Beiko R.G. 2013. GenGIS 2: Geospatial analysis of traditional and genetic biodiversity, with new gradient algorithms and an extensible plugin framework. PLoS One 9: e69885.

Taberlet, P., Coissac, E., Ois Pompanon, F., Brochmann, C., and Willerslev, E. 2012a. Towards next-generation biodiversity assessment using DNA metabarcoding. Molecular Ecology 21(8):2045-2050.

Taberlet, P., Coissac, E., Hajibabaei, M., and Rieseberg, L. H. 2012b. Environmental DNA. Molecular Ecology 21(8): 1789-1793.

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