Pleins feux sur la science : S’émerveiller et cultiver sa curiosité, la clé du succès en science
Profil d’Ana María González Prieto
S’émerveiller et cultiver sa curiosité, la clé du succès en science
Ana Gonzalez se souvient du jour où une question lui est venue à l'esprit à propos de la migration des oiseaux. Ana a grandi en Colombie et a fait une partie de ses études universitaires dans ce pays où vivent plus de 1 950 espèces d’oiseaux, soit approximativement 20 p. 100 de la biodiversité aviaire dans le monde. Ironiquement, ce n’est qu’à la fin de son baccalauréat que la scientifique a fait sa première journée d’ornithologie. Après avoir observé plus de 90 espèces d’oiseaux en une matinée, rien n’était plus clair pour Ana : elle allait étudier le comportement de ces animaux fascinants.
Son premier sujet de recherche a été la distribution altitudinale dans la cordillère des Andes. « À cette époque, je n’étais pas intéressée par la migration des oiseaux puisqu’en Colombie, tu vis au cœur d’un amalgame d’oiseaux à temps plein. C’est en me rendant à San Andrés à l’automne, où j’ai vu des centaines d’oiseaux atterrir sur l’île, épuisés et amaigris, que j’ai été éveillée aux aspects de la migration. Je me suis alors demandé : d’où viennent ces oiseaux? » raconte l’écologiste. Cette question a habité Ana jusqu'à son arrivée au Canada, alors que maintenant, elle se demande : où vont ces oiseaux?
Les défis d’étudier des oiseaux migrateurs
Ana installe un émetteur radio sur une Grive de Swainson capturée en Colombie.
Ana étudie surtout les petits oiseaux chanteurs, des sujets d’étude qui représentent un défi pour les suivis de longues distances. « Les émetteurs satellites sont trop lourds pour nos oiseaux. Nous devons utiliser des technologies moins précises que celles utilisées sur les grandes espèces d’oiseaux. C’est limitant, mais ça nous pousse à trouver des solutions de rechange » explique Ana.
Un autre enjeu demeure les différences dans les contextes sociaux économiques des communautés établies le long des parcours migratoires des oiseaux. Selon Ana : « Nous oublions parfois que les oiseaux partagent leurs habitats hivernaux avec des communautés vulnérables. En Amérique latine, une partie de la population peine à subvenir à ses besoins de base, en plus de devoir conjuguer avec les enjeux environnementaux de notre époque. Certains agriculteurs n’ont qu’un petit bout de terre. Bien que la préservation des habitats dans les aires d’hivernage des oiseaux soit une priorité en conservation, nous ne pouvons ignorer que ces gens doivent assurer leur subsistance ».
Et si notre café était plus fort qu’on le pense?
Une tour du réseau du système de surveillance faunique Motus, qui capte les mouvements des oiseaux, installée au sommet d'une montagne surplombant une plantation de café ombragée en Colombie.
La perte d’habitat dans les aires d’hivernage des oiseaux chanteurs est une menace pour bon nombre de populations d’oiseaux. Pendant ses études postdoctorales, Ana a voulu en savoir plus sur les plantations de café ombragées. Ces plantations se distinguent des plantations dites « plein soleil » ou « conventionnelles » puisqu’elles renferment une riche diversité de flore et de faune, capturent plus de carbone et permettent aux agriculteurs de mieux s'adapter aux changements climatiques. En évaluant la qualité de ces écosystèmes pour les migrateurs en les comparant aux écosystèmes forestiers, Ana a conclu que bien que les taux de survie des oiseaux migrateurs soient similaires dans chaque habitat, la densité d’oiseaux est supérieure en milieu forestier. Ana précise ce qui suit : « les plantations de café ombragées représentent un habitat de qualité pour nos oiseaux, mais nos constats indiquent aussi que la préservation des forêts tropicales est essentielle pour le maintien d’une grande biodiversité ».
Et comment encourager le maintien et le développement de plantations de café cultivé à l’ombre? « Choisissez un café certifié Café ami des oiseaux, en ligne ou à des points de vente, même si l’accès à ce type de café est parfois difficile. Pour l’instant, les comptoirs de café ou les supermarchés ne l’offrent que très rarement, car peu de gens connaissent l’impact environnemental de notre tasse de café quotidienne. C’est un choix individuel, mais en demandant ce café certifié à la personne responsable des achats à votre bureau, ou à votre épicerie de quartier, le Café ami des oiseaux grimpera en popularité, une avenue gagnante pour les cultivateurs, pour la biodiversité et pour l’environnement » explique Ana.
« Ne cessez jamais de vous émerveiller devant la nature »
La collaboration est essentielle dans le travail d’Ana.
Détenant maintenant un poste permanent à Environnement et Changement Climatique Canada au sein de l’équipe des aires protégées basée en Colombie-Britannique, Ana continue d’être portée par les enjeux touchant la biodiversité. Les contacts avec les organisations internationales, les représentants gouvernementaux, les communautés autochtones et la population locale figurent parmi les aspects clés de son quotidien. « On ne fait pas avancer la science et la conservation en travaillant de façon isolée. On s’aperçoit vite, en étudiant les oiseaux migrateurs, que tout est interconnecté » affirme Ana.
En buvant son café matinal, Ana prend le temps de reconnaître l’importance de transformer chaque moment simple en un moment significatif. « Nous avons le pouvoir de rendre ces instants merveilleux, si nous prenons le temps d’apprécier ce qui nous entoure. C’est fascinant de penser que le café que je déguste arrive tout droit des montagnes d’Amérique du Sud, et que les oiseaux que je regarde se nourrir à ma mangeoire iront séjourner à cet endroit, cet hiver! C’est la beauté même, et il ne faut jamais cesser de s’émerveiller de la nature » conclut Ana, avant de retourner à ses nombreuses investigations scientifiques.
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